COUR D'APPEL DE COLMAR
Chambre 6 (Etrangers)
N° RG 24/01493 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IJA3
N° de minute : 161/2024
ORDONNANCE
Nous, Edgard PALLIERES, Conseiller à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assisté de Marine HOUEDE BELLON, greffier ;
Dans l'affaire concernant :
M. [B] [P]
né le 13 Février 1999 à [Localité 1] (ALGERIE) ([Localité 1])
de nationalité algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;
VU l'arrêté pris le 13 février 2024 par LA PREFETE DU BAS-RHIN faisant obligation à M. [B] [P] de quitter le territoire français ;
VU la décision de placement en rétention administrative prise le 13 février 2024 par LA PREFETE DU BAS-RHIN à l'encontre de M. [B] [P], notifiée à l'intéressé le même jour à ;
Vu l'ordonnance rendue le 16 février 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Metz prolongeant la rétention administrative de M. [B] [P] pour une durée de 28 jours à compter du 15 février 2024 ;
Vu l'ordonnance rendue le 14 mars 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg prolongeant la rétention administrative de M. [B] [P] pour une durée de 30 jours à compter du 15 mars 2024, décision confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 15 mars 2024 ;
Vu l'ordonnance rendue le 15 avril 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg prolongeant la rétention administrative de M. [B] [P] pour une durée de 15 jours à compter du 13 avril 2024, décision confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 15 mars 2024 ;
VU la requête de LA PREFETE DU BAS-RHIN datée du 28 avril 2024, reçue et enregistrée le même jour à 13h11 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 15 jours de M. [B] [P] ;
VU l'ordonnance rendue le 29 Avril 2024 à 10h00 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarant la requête de LA PREFETE DU BAS-RHIN recevable et la procédure régulière, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [B] [P] au centre de rétention de Geispolsheim, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 15 jours à compter du 28 avril 2024 ;
VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. [B] [P] par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 30 Avril 2024 à 17h44 ;
VU les avis d'audience délivrés le 30 avril 2024 à l'intéressé, à Maître Charline LHOTE, avocat de permanence, à [N] [R], interprète en langue arabe assermenté, à LA PREFETE DU BAS-RHIN et à M. Le Procureur Général ;
Le représentant de M. LA PREFETE DU BAS-RHIN, intimé, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique du 30 avril 2024, n'a pas comparu, mais a fait parvenir des conclusions en date du 30 avril 2024, qui ont été communiquées au conseil de la personne retenue.
Après avoir entendu M. [B] [P] en ses déclarations par visioconférence et par l'intermédiaire de [N] [R], interprète en langue arabe assermenté, Maître Charline LHOTE, avocat au barreau de COLMAR, commis(e) d'office, en ses observations pour le retenu, et à nouveau l'appelant qui a eu la parole en dernier.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
X se disant Monsieur [B] [P] a été placé en rétention, le 13 février 2024, en exécution d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris le 26 mai 2023.
L'Administration a saisi les autorités algériennes et tunisiennes d'une demande de reconnaissance.
Le 16 février 2024, le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Metz (ci après sous le vocable Jld) a ordonné la première prolongation de la rétention.
Le 14 mars 2024, le Jld au tribunal judiciaire de Strasbourg a ordonné la 2ème prolongation de la rétention.
Le 15 avril 2024, le Jld au tribunal de Strasbourg a ordonné la 3ème prolongation de la rétention.
Par ordonnance du 29 avril 2024, le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Strasbourg a déclaré la requête de Madame le préfet du Bas-Rhin recevable et la procédure régulière et ordonné une quatrième prolongation de la rétention de l'intéressé, pour une durée maximale de 15 jours supplémentaires à compter du 28 avril 2024 au motif que Monsieur [P] est une menace pour l'ordre public.
Par appel du même jour, X se disant Monsieur [B] [P] sollicite l'infirmation de l'ordonnance et sa remise en liberté aux motifs suivants :
- il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête mais également qu'il est effectivement fait mention des empêchements éventuels des délégataires de signature.
Son conseil ajoute, à l'audience, qu'il n'est pas justifié que Mme [S], signataire de la requête, bénéficiait d'une délégation de pouvoir.
- l'administration ne démontre pas que le caractère d'urgence absolue ou de la menace à l'ordre public serait survenu au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée au premier alinéa au titre de l'article L 742-5 pour justifier d'une seconde prolongation exceptionnelle,
- l'administration n'établit pas que ses documents de voyage seront délivrés à bref délai, alors que le dernier courriel de relance est ancien et à destination des autorités tunisiennes dans la mesure où les autorités algériennes n'ont pas répondu.
Sur le signataire de la requête en prolongation
Madame le préfet du Bas Rhin soutient que ce motif est une exception de procédure soulevée, pour la première fois, à hauteur d'appel, de telle sorte qu'il serait irrecevable, et subsidiairement, qu'elle justifie de la délégation de pouvoir de la signataire de la requête.
Ce moyen nouveau est recevable, dès lors qu'il constitue un motif d'irrecevabilité de la requête, soit une fin de non recevoir prévue par l'article 122 du code de procédure civile, et non une exception de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile.
Selon l'article R 743-2 du Ceseda, à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L 744-2.
Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.
La requête, aux fins de prolongation de la mesure de rétention, a été signée par Madame [S] [O]
Il appartient à l'Administration de justifier des délégations de signature et, dès lors, du pouvoir du signataire de la requête aux fins de prolongation de la mesure de rétention.
Or, si dans ses écritures, Madame le préfet du Bas-Rhin fait valoir que Madame [S] dispose d'une délégation de signature, et vise la page 5 de son arrêté du 8 mars 2024, portant délégation de signature à Monsieur [M] [F] et, sous l'autorité de ce dernier, notamment, à d'autres fonctionnaires, il y a lieu de constater que :
le document produit ne comporte pas de page 5,
la page 4 de l'arrêté fait apparaître comme bénéficiant d'une délégation de pouvoir aux fins de signature des requêtes en cause, uniquement, Mesdames [I], [E], et [Y].
Dès lors, il n'est pas justifié que Madame [S] avait pouvoir pour signer la requête aux fins de quatrième prolongation de rétention administrative, de telle sorte que la requête en cause est irrecevable.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise, et, statuant à nouveau, de déclarer irrecevable la requête de Madame le préfet du Bas-Rhin.
Cette irrecevabilité entraîne nécessairement la remise en liberté de X se disant Monsieur [B] [P], dès lors que la prolongation de la rétention est arrivée à expiration le 28 avril 2024.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
INFIRMONS, en toutes ses dispositions, l'ordonnance du 29 avril 2024 du juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Strasbourg ;
Statuant à nouveau,
DECLARONS irrecevable la requête aux fins de prolongation de rétention administrative, de X se disant Monsieur [B] [P], datée du 28 avril 2024 ;
DISONS avoir informé M. [B] [P] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant.
Prononcé à Colmar, en audience publique, le 30 Avril 2024 à 15h58, en présence de
- l'intéressé par visio-conférence.
Le greffier, Le président,
reçu notification et copie de la présente,
le 30 Avril 2024 à 15h58
l'avocat de l'intéressé
Maître Charline LHOTE
absente au délibéré
l'intéressé
M. [B] [P]
en visio conférence
l'interprète
absente au délibéré
l'avocat de la préfecture
non comparante
EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,
- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,
- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,
- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,
- ledit pourvoi n'est pas suspensif.
La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :
- au CRA de [Localité 2] pour notification à M. [B] [P]
- à Maître Charline LHOTE
- à M. LA PREFETE DU BAS-RHIN
- à la SELARL CENTAURE AVOCATS
- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.
Le Greffier
M. [B] [P] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance
le À heures
Signature de l'intéressé