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24/04/2024 | FRANCE | N°22/03529

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 24 avril 2024, 22/03529


MINUTE N° 219/24





























Copie exécutoire à



- Me Christine LAISSUE -STRAVOPODIS



- Me Laurence FRICK





Le 24.04.2024



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 24 Avril 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/03529 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5

PS



Décision déférée à la Cour : 18 Août 2022 par le Tribunal judiciaire de COLMAR - Service civil



APPELANTS - INTIMES INCIDEMMENT :



Madame [S] [L] épouse [M]

[Adresse 2]

[Localité 6]



Monsieur [F] [M]

[Adresse 4]

[Localité 7]



Représent...

MINUTE N° 219/24

Copie exécutoire à

- Me Christine LAISSUE -STRAVOPODIS

- Me Laurence FRICK

Le 24.04.2024

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 24 Avril 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/03529 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5PS

Décision déférée à la Cour : 18 Août 2022 par le Tribunal judiciaire de COLMAR - Service civil

APPELANTS - INTIMES INCIDEMMENT :

Madame [S] [L] épouse [M]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Monsieur [F] [M]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentés par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat à la Cour

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me SIMOENS, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2024, en audience publique, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience, devant la Cour composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La Sarl U.N CONSTRUCTIONS a ouvert un compte courant professionnel n° 21527401 dans les livres de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI selon convention du 21 mars 2017, sans autorisation de découvert. Monsieur [F] [M] et son épouse [S] née [L] se sont portés cautions solidaires des engagements pris par la société U.N CONSTRUCTIONS à durée indéterminée à hauteur de 24.000 €, chacun selon actes du 19 avril 2017.

Ils se sont également portés chacun caution solidaire des engagements contractés par la Sarl U.N CONSTRUCTIONS, à l'égard de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI, pour un montant complémentaire de 36.000 € selon acte du 6 mars 2018.

Le 29 octobre 2019, Monsieur [F] [M] a cédé l'intégralité de ses actions de la SARL U.N CONSTRUCTIONS à Monsieur [Z] [P]. Une modification des statuts s'en est suivie, avec modification du siège social, la SARL quittant le [Adresse 5] à[Localité 7]) pour le [Adresse 1] à [Localité 8].

Le 9 décembre 2019, la SARL était mise en demeure par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI à son siège d'[Localité 8], en raison d'un solde du compte courant débiteur excédant le découvert autorisé évalué à 60 371,20 euros.

Un courrier recommandé identique était transmis aux cautions, Monsieur [M] et Madame [L].

Le 17 février 2020, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI a remis en demeure la SARL U.N CONSTRUCTIONS de régler le découvert du compte se montant à 104 763,98 euros. Le compte était par la suite clôturé.

Aucun règlement n'étant intervenu, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI a assigné, le 2 mars 2020, les cautions Monsieur [M] et Madame [L] devant le tribunal judiciaire de Colmar, pour leur réclamer le règlement du solde débiteur du compte de la société U.N CONSTRUCTIONS de 104 763,98 euros.

Bien que régulièrement assignés, Monsieur [F] [M] et son épouse [S] née [L] ne constituaient pas avocat.

La juridiction rendait un premier jugement avant dire-droit le 8 janvier 2021, réputé contradictoire, ordonnant la révocation de l'ordonnance de clôture du 7 juillet 2020 et enjoignant la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI à produire divers documents (justification du compte-courant, double du contrat conclu autorisant le découvert, informations annuelles des cautions).

Par un second jugement avant dire-droit du 21 septembre 2021, le tribunal judiciaire ordonnait une nouvelle fois la révocation de l'ordonnance de clôture du 9 avril 2021, enjoignant cette fois-ci à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI de faire signifier ses dernières conclusions du 8 avril 2021 à Monsieur [F] [M] et à son épouse [S] née [L], ainsi qu'à leur communiquer ses pièces numérotées 43 à 69.

C'est le 18 août 2022 que le Tribunal Judiciaire de COLMAR a rendu finalement son jugement au fond, condamnant solidairement Monsieur [M] et Madame [M] née [L], outre aux dépens, à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI les sommes de :

- 53 822,05 € avec les intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2021, le tout dans la limite de 60.000 €,

- 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans son jugement, le Tribunal a estimé que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI justifiait du bien fondé de ses demandes, en rappelant qu'en application des dispositions de l'article 2288 du Code Civil, celui qui se rend caution d'une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire cette obligation si le débiteur n'y satisfait pas.

Monsieur [F] [M] et son épouse Madame [S] [M] née [L] ont interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 19 septembre 2022.

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI s'est constituée intimée le 30 décembre 2022.

Dans leurs dernières conclusions du 13 février 2024, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, Monsieur [F] [M] et Madame [S] [M] née [L] demandent à la cour de :

Sur l'appel principal

A TITRE PRINCIPAL

RECEVOIR l'appel,

INFIRMER le jugement entrepris et statuant à nouveau,

CONSTATER le soutien abusif de la CCM Bartholdi dans le découvert du compte courant de son débiteur ;

CONSTATER le non-respect du devoir de mise en garde par la CCM Bartholdi à l'égard de Monsieur [M] et Madame [L] ;

CONSTATER que l'inaction de la CCM Bartholdi à l'égard de la société U.N CONSTRUCTION a fait perdre à Monsieur [M] et Madame [L] le droit de recouvrir leur créance ;

En conséquence

PRONONCER la décharge de Monsieur [M] et Madame [L] de leur obligation de paiement envers la CCM Bartholdi ;

DEBOUTER la CCM de l'ensemble de ses demandes ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

CONSTATER que Monsieur [M] et Madame [L] ont payé une partie de la caution ;

CONSTATER que Monsieur [M] et Madame [L] demeurent tenus d'un montant de 9 058,57 euros en raison de leurs engagements de caution ;

Sur l'appel incident

REJETER l'appel ;

DEBOUTER l'intimée de l'intégralité de ses prétentions, fins et moyens ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

DEBOUTER la CCM Bartholdi de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions à l'égard de Monsieur [M] et Madame [L] ;

CONDAMNER la CCM Bartholdi à payer à Monsieur [M] et à Madame [L] une somme de 2.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la CCM Bartholdi aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières écritures du 29 février 2024, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI demande à la cour de :

Sur l'appel principal :

REJETER l'appel

DEBOUTER les appelants de l'intégralité de leurs prétentions, fins et moyens.

CONFIRMER le jugement dans la limite de l'appel incident

Sur l'appel incident

DECLARER l'appel incident recevable

DECLARER l'appel incident bien fondé

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les époux [M] à payer à la CCM BARTHOLDI la somme de 53.822,05 € avec intérêts, 'le tout dans la limite de 60.000 €'.

Et statuant à nouveau :

CONDAMNER Monsieur [F] [M] à payer à la CCM BARTHOLDI solidairement avec Madame [S] [L] épouse [M] la somme de 26.911.03 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2021, dans la limite de 60.000 €

CONDAMNER Madame [S] [L] épouse [M] à payer à la CCM BARTHOLDI solidairement avec Monsieur [F] [M] la somme de 26.911.03 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2021 dans la limite de 60.000 €

A titre subsidiairement, CONDAMNER solidairement Monsieur [F] [M] et Madame [S] [L] épouse [M] à payer à la CCM BARTHOLDI la somme de 53.822,05 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2021, dans la limite de 60.000 € pour chacun des époux.

En tout état de cause :

CONDAMNER in solidum Monsieur [F] [M] et Madame [S] [L] épouse [M] à payer à la CCM BARTHOLDI la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

CONDAMNER in solidum Monsieur [F] [M] et Madame [S] [L] épouse [M] entiers frais et dépens des procédures d'appel et de première instance.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée le 06 mars 2024 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 11 mars 2024.

MOTIFS :

1) Sur le soutien abusif reproché à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI par Monsieur [F] [M] et son épouse [S] [M] née [L] :

Les appelants estiment que la banque serait responsable envers eux en tant que cautions, lui reprochant d'avoir accordé de manière inconsidérée son crédit au débiteur - ici la société U.N CONSTRUCTIONS - et d'avoir ainsi aggravé son insolvabilité en prolongeant artificiellement la vie de l'entreprise.

Les appelants soutiennent que le créancier avait connaissance que la situation du débiteur était irrémédiablement compromise, ou que son projet financier n'était pas viable, et que le découvert autorisé étant de 50.000 € jusqu'au 31 mai 2019, la banque aurait laissé fautivement la dette s'accroître jusqu'à la somme de 104 763,98 €.

Pour retenir l'existence d'un soutien abusif de la part de la banque, il convient de vérifier si, à la date où elle a accordé les crédits à la société U.N CONSTRUCTIONS - en l'espèce en lui octroyant un découvert - elle savait ou aurait dû savoir que la situation de celle-ci était irrémédiablement compromise.

Il convient de rappeler en premier lieu, le contexte particulier du dossier résultant du fait que le 29 octobre 2019, d'une part Monsieur [F] [M], propriétaire de 49 parts de la société U.N CONSTRUCTIONS, les a toutes cédées à Monsieur [Z] [P] selon (Cf. annexe n° 33 de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI), perdant de ce fait sa qualité d'associé, et d'autre part aux termes d'un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 29 octobre 2019, Monsieur [P], dorénavant détenteur de l'intégralité du capital social de la société U.N CONSTRUCTIONS, en a pris la gérance et a décidé le transfert du siège social du [Adresse 4] à [Localité 7] au [Adresse 1] à [Localité 8].

Il n'est nullement démontré par les appelants, qu'ils ont porté à la connaissance de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI la survenue de la modification du capital social de la société U.N CONSTRUCTIONS, de la sortie du capital social de Monsieur [M], ou même du transfert du siège social, de sorte qu'ils ne sauraient reprocher utilement à la banque de ne pas avoir 'surveillé' l'évolution de la situation économique de la société U.N CONSTRUCTIONS.

Deuxièmement, il ressort des pièces produites par la banque, qu'au moment où les appelants se sont engagés en qualité de cautions, la première fois en 2017 puis en 2018, la société ne présentait pas de difficulté financière.

En effet, en avril 2017, le compte courant 21527401 de la société U.N CONSTRUCTIONS était en position créditrice (Cf. son annexe n° 48d). Durant les années 2018 et 2019, le solde débiteur était toujours peu ou prou dans la limite du découvert autorisé de 50 000 €.

Les difficultés sont survenues sur la fin de l'année 2019, et notamment suite à un incident lié à l'encaissement d'un chèque revenu impayé d'un montant de 42 530,10 euros (Cf. Annexe n° 48b) en décembre 2019, soit après la cession.

Il s'en déduit alors :

- d'une part que la situation de la société U.N CONSTRUCTIONS n'était nullement compromise au moment où les cautions s'engageaient,

- d'autre part, que les difficultés sont apparues au moment et postérieurement à la cession des parts par Monsieur [M], à la fin de l'année 2019 et au début de l'année 2020, notamment suite à l'encaissement à deux reprises par la société U.N CONSTRUCTIONS d'un même chèque de 42 530,10 euros et ne sont aucunement liées à un quelconque soutien de la banque.

Enfin en troisième lieu, la cour note que les difficultés financières de la société découlent également d'un usage douteux de ses fonds au profit des époux [M], qui se sont bien gardés durant les années 2017 à 2019, d'informer la banque de la gestion particulière des fonds de la société U.N CONSTRUCTIONS.

En effet, l'étude des extraits bancaires démontre que des sommes étaient ponctionnées régulièrement sur ses comptes au profit des SCI familiales NS et NF, dont sont titulaires les appelants, soit directement à leur profit (annexe 48 a et suivantes).

L'analyse des comptes de ladite société précise que :

- la SCI NS a bénéficié, entre le 12 janvier 2018 et le 16 octobre 2019, de 7 virements pour un montant total de 33 190,77 euros de la part de U.N CONSTRUCTIONS (soit 10 000 € le 12 janvier 2018,10 000 € le 19 janvier 2018, 2 100 € le 22 août 2018, 2 800 € le 20 décembre 2018 ; 5 200 € le 12 juillet 2019 ; 2 160 € le 2 août 2019 et 1 030,77 € le 16 octobre 2019, soit moins de deux semaines avant la cession des parts),

- la SCI NF a bénéficié, entre le 6 février 2018 et le 16 octobre 2019, de virements d'un montant cumulé de 49 358,40 euros (20 000 € le 6 février 2018 ; 10 000 € le 11 avril 2018 ; 600 € le 19 juin 2018 ; 1 500 € le 9 juillet 2018 ; 1 500 € le 22 août 2018 ; 1 500 € le 25 octobre 2018 ; 2 500 € le 15 novembre 2018 ; 1 700 € le 16 janvier 2019 ; 1 700 € le 12 mars 2019 ; 1 500 € le 10 mai 2009 ; 2 000 € le 10 juillet 2019 ; 1 605 € le 2 août 2019 ; 555 € le 13 septembre 2019 ; 1 698,40 € le 16 octobre 2019, moins de deux semaines avant la cession des parts),

- les époux [M] ont également profité, à titre personnel, de virements à hauteur de 28 100 € entre le 6 février 2018 et le 13 septembre 2019.

Dans ces conditions, il est vain de reprocher un quelconque comportement abusif à la banque.

Les moyens soutenus par Monsieur [F] [M] et son épouse [S] [M] née [L], sur le fondement d'un soutien abusif, ne peuvent qu'être écartés.

2) Sur le manquement de la banque à son obligation de conseil ou à son devoir de mise en garde :

La cour rappelle que la banque, dispensatrice de crédit, n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client pour apprécier l'opportunité des opérations auxquelles il procède. Elle n'est pas tenue, en cette seule qualité, à une obligation de conseil envers l'emprunteur, sauf si elle en a pris l'engagement, ce qui vaut également pour la caution.

Lorsqu'elle fournit un conseil, elle est tenue de délivrer un conseil adapté à la situation personnelle de son client dont elle a connaissance.

En l'espèce, comme déjà indiqué précédemment, Monsieur [F] [M] ne prétend pas - et ne justifie pas - avoir tenu informée la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI de ce qu'il avait cédé en octobre 2019, toutes ses parts sociales détenues dans la société U.N CONSTRUCTIONS à une personne tierce, ni même que la société avait immédiatement déménagé son siège social dans la région parisienne.

On ne saurait alors reprocher à la banque d'avoir omis d'apporter son conseil, à une caution d'une société venant de céder l'intégralité de ses parts sociales.

Concernant le devoir de mise en garde, la banque n'en est pas tenue à l'égard d'une caution non avertie, lorsqu'au jour de son engagement, celui-ci est adapté aux capacités financières de la caution et qu'il n'existe pas de risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

Au cas d'espèce, les cautions, peu important par ailleurs leur caractère averti ou non, avaient indiqué dans leur fiche de patrimoine datée et signée le 22 juin 2017, disposer de biens immobiliers conséquents dont la valeur était estimée à 570 000 €, êtres propriétaires d'une camionnette et d'un camion valorisé à 91 000 € et disposer de fonds sur les comptes bancaires, dont ils ne précisaient pas les montants. Ils avaient précisé bénéficier de revenus annuels de 32 0000 euros et faire face à des remboursements mensuels de 700 €, pour le remboursement de la maison et d'un loyer de 430 € pour un 'dépôt'.

Aussi, ils ne démontrent nullement l'existence d'une inadaptation de leur engagement de caution à leurs capacités financières, au jour de leur souscription (en ce que les engagements de deux fois 60 000 euros ne représentent que 20 % de leur capital immobilier), ni le risque d'endettement résultant d'une inadaptation du concours aux capacités financières de la débitrice principale.

Par conséquent, il ne peut y avoir de défaut de devoir de mise en garde.

3) Sur la perte du bénéfice de la subrogation :

L'article 2314 du Code civil prévoit que 'la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution'.

La mise en oeuvre du bénéfice de subrogation suppose qu'un droit préférentiel, qui existait à la date de l'engagement de la caution, ait été ultérieurement perdu par le créancier.

Par 'droit préférentiel', il convient d'entendre les droits qui confèrent au créancier un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance, comme le sont une clause de réserve de propriété, une action résolutoire, un droit de rétention conférant à son titulaire le droit de refuser la restitution d'une chose.

Les dispositions de cet article n'englobent pas le droit de gage général ; ainsi la jurisprudence estime que ne pouvait bénéficier de l'article évoqué plus haut, la caution qui reproche uniquement au créancier sa négligence à s'intéresser au sort des biens du débiteur principal.

En l'espèce, les appelants se contentent de reprocher à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI de ne pas avoir agi contre la société débitrice ayant bénéficié du crédit, la société U.N. CONSTRUCTIONS, sans indiquer quel 'droit préférentiel' aurait été perdu. Par ailleurs il ne ressort nullement des pièces du dossier, que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI aurait été titulaire d'un droit préférentiel à l'encontre de cette société, qu'elle aurait perdu au détriment des cautions.

Il est aussi reproché à la banque par les appelants de ne pas avoir agi contre la société U.N CONSTRUCTIONS, qui aurait fait l'objet d'une radiation du RCS le 29 décembre 2021. Ce moyen ne saurait prospérer, un créancier pouvant toujours agir, à son choix, soit contre le débiteur principal, soit contre ses cautions.

Par conséquent, il y a lieu de rejeter le moyen soutenu par les appelants, qui tendait à obtenir la décharge de leur obligation de paiement.

4) Sur la demande de l'intimée :

Il est constant à la lecture des actes d'engagement, que chacune des cautions s'est engagée individuellement à hauteur de 60 000 € (soit 24 000 + 36 000 €).

Le solde débiteur du compte de la société U.N CONSTRUCTIONS était bien de l'ordre de 104 763,98 € le 10 février 2020, un paiement étant intervenu de la part des époux [M] à hauteur de 50 941.93 €, suite à la vente de leur maison.

Le solde débiteur résiduel s'élève alors à 53 822,05 euros, somme retenue à juste titre par le premier juge dans sa condamnation.

Le premier juge a prononcé une condamnation solidaire des deux époux, en limitant la possibilité d'agir de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI à la somme de 60.000 € pour les deux cautions.

Or, cette limitation ignorait l'ampleur exacte de l'engagement de chacune des cautions de 60 000 euros, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer la décision sur ce point et de dire que les époux [M] seront redevables, solidairement envers la banque, de la somme de 53 822,05 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2021, dans la limite de 60 000 € pour chacun des époux.

5) Sur les demandes accessoires :

L'issue du litige commande la confirmation de la première décision, quant aux condamnations prononcées au titre des dépens et frais irrépétibles.

Succombant, Monsieur [F] [M] et son épouse [S] [M] née [L] seront condamnés, in solidum, aux dépens de la procédure d'appel et à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les demandes présentées au titre des dépens et frais irrépétibles par Monsieur [F] [M] et Madame [S] [M] née [L] seront rejetées.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

REJETTE la demande de Monsieur [F] [M] et de Madame [S] [M] née [L], tendant à voir constater un soutien abusif de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI de la société U.N CONSTRUCTIONS,

REJETTE la demande de Monsieur [F] [M] et de Madame [S] [M] née [L] tendant à voir constater un non-respect du devoir de mise en garde par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI à leur égard,

REJETTE la demande de Monsieur [F] [M] et de Madame [S] [M] née [L] tendant à voir constater que l'inaction de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI à l'égard de la société U.N CONSTRUCTION leur a fait perdre des droits,

REJETTE la demande de Monsieur [F] [M] et de Madame [S] [M] née [L] tendant à voir prononcer leur décharge de leur obligation de paiement envers la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Colmar le 18 août 2022, sauf en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur [F] [M] et Madame [S] [M] née [L] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI la somme de 53 822,05 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2021, le tout dans la limite de 60 000 €,

L'INFIRME de ce seul chef,

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE solidairement Monsieur [F] [M] et Madame [S] [M] née [L] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI, la somme de 53 822,05 euros (cinquante-trois mille huit cent vingt-deux euros et cinq centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2021, dans la limite de 60 000 € (soixante mille euros) pour chacune des deux cautions,

Et y ajoutant,

CONDAMNE in solidum Monsieur [F] [M] et Madame [S] [M] née [L] aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE in solidum Monsieur [F] [M] et Madame [S] [M] née [L] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL BARTHOLDI la somme de 3 000 € (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Monsieur [F] [M] et Madame [S] [M] née [L] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE : LE PRÉSIDENT :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 22/03529
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;22.03529 ?
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