COUR D'APPEL DE COLMAR
Chambre 6 (Etrangers)
N° RG 24/01327 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IIYW
N° de minute : 129/2024
ORDONNANCE
Nous, Catherine DAYRE, Conseiller à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assisté de Laura BONEF, greffier ;
Dans l'affaire concernant :
M. [C] [I]
né le 10 Mars 1993 à [Localité 2] (SOMALIE)
de nationalité somalienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]
VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;
VU l'arrêté pris le 15 mars 2023 par M. LE PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS faisant obligation à M. [C] [I] de quitter le territoire français ;
VU la décision de placement en rétention administrative prise le 05 avril 2024 par Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN à l'encontre de M. [C] [I], notifiée à l'intéressé le même jour à 18h50 ;
VU la requête de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN datée du 07 avril 2024, reçue et enregistrée le même jour à 13h06 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours de M. [C] [I] ;
VU l'ordonnance rendue le 09 Avril 2024 à 10h05 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarant la requête de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN recevable et la procédure régulière, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [C] [I] au centre de rétention de Geispolsheim, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 28 jours à compter du 07 avril 2024 ;
VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. [C] [I] par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 09 Avril 2024 à 18h21 ;
VU la proposition de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN par voie électronique reçue le 09 avril 2024 afin que l'audience se tienne par visioconférence,
VU les avis d'audience délivrés le 10 avril 2024 à l'intéressé, à Maître Vincent MERRIEN, avocat de permanence, à Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN et à M. Le Procureur Général ;
Le représentant de Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN, intimé, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique du 10 avril 2024, n'a pas comparu, mais a fait parvenir des conclusions en date du 10 avril 2024, qui ont été communiquées au conseil de la personne retenue.
Après avoir entendu M. [C] [I] en ses déclarations par visioconférence, Maître Vincent MERRIEN, avocat au barreau de COLMAR, commis d'office, en ses observations pour le retenu, et à nouveau l'appelant qui a eu la parole en dernier.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le juge des libertés et de la détention de Strasbourg, par ordonnance du 9 avril 2024, dont appel, a ordonné, à la requête du préfet du Bas Rhin la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [C] [I].
Pour statuer ainsi, le juge des libertés et de la détention a observé que l'éloignement n'avait pu être mis en oeuvre dans les 48 heures et qu'aucune critique n'était formulée à l'encontre des diligences de l'administration; que par ailleurs l'intéressé ne remplissait pas les conditions d'une assignation à résidence.
A l'appui de son appel, visant à l'infirmation de l'ordonnance et à sa remise en liberté, Monsieur [C] [I], faisant valoir que les nouveaux moyens soulevés étaient recevables en application des articles 563 et 564 du code de procédure civile, a soulevé l'irrégularité de la requête en prolongation de sa rétention administrative, rappelant que le juge doit vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation mais également qu'il est effectivement fait mention des éventuels empêchements des délégataires de signature.
Il a également soutenu que l'administration n'avait pas exécuté les diligences requises en ce que, si elle avait sollicité un routing, elle ne démontrait pas avoir saisi les autorités somaliennes en vue de la délivrance d'un laissez-passer consulaire .
A l'audience, Monsieur [C] [I] assisté de son conseil a indiqué qu'il venait du Danemark quand il a été arrêté à KEHL. Il a précisé en avoir 'marre' de rentrer et sortir de prison.
Son conseil a repris oralement les moyens développés dans la déclaration d'appel, insistant notamment sur le défaut de diligence de l'administration.
Le préfet du Bas Rhin, représenté, a conclu, à la confirmation de l'ordonnance déférée.
Il a rappelé que par décision n°15-28795 du 13 juillet 2016, la Cour de cassation a pu constater que la présentation des parties est facultative et que le préfet peut utilement faire valoir son argumentation par un jeu d'écritures.
Il a fait valoir que les nouveaux moyens ne peuvent être soulevés que dans le délai d'appel et que les exceptions de procédure ne sont recevables qu'en tant qu'elles ont été soulevées in limine litis devant le premier juge.
Sur l'irrégularité, tirée de l'incompétence du signataire de la requête, il a indiqué que ce moyen n'a pas été soulevé devant le premier juge; qu'en application des articles 74 et 117 du Code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, aucune exception de nullité de fond (pouvoir du signataire) ne peut être soulevée après toute défense au fond ou fin de non-recevoir; que le moyen est donc irrecevable en appel ; qu'au surplus la délégation de signature était produite et permettait d'établir que le signataire avait compétence pour saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la rétention; que la question de l'empêchement du Préfet et des personnes placées sous son autorité était inopérante ; que la signature du délégataire emporte preuve d'indisponibilité des signataires de premier rang.
Il a, par ailleurs soutenu que les démarches utiles avaient été effectuées pour l'obtention d'un laissez-passer consulaire; que l'Administration est dans l'attente légitime d'un retour des autorités étrangères et de la fixation d'une date de vol pour éloigner celui-ci vers le pays de destination fixé par l'Administration sous le contrôle du juge administratif.
Sur quoi
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel de Monsieur [C] [I], à l'encontre de l'ordonnance rendue le 9 avril 2024 à 10h05 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, interjeté le 10 avril 2024 à 18h21, est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu a l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la régularité de la requête en prolongation de la rétention administrative
Aux termes de l' article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice et, en vertu de l'article 118 du même code, elle peut être proposée en tout état de cause, y compris à hauteur d'appel.
En application de l'article R743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge a l'obligation de vérifier la compétence du signataire de la requête.
En l'espèce, il ressort de l'arrêté préfectoral portant délégation produit par l'intimé, que le signataire de la requête en prolongation de la rétention administrative est expressément délégué à l'effet de présenter les requêtes en prolongation de rétention administrative.
La preuve, par le préfet, de l'indisponibilité des signataires de premier rang n'est pas exigée par le texte et la signature du délégataire emporte preuve de leur empêchement.
Il s'ensuit que l'irrégularité soulevée n'est pas fondée.
Sur le bien fondé de la prolongation
Aux termes de l'article L742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, pour une durée de vingt-huit jours par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative.
Le texte n'impose aucune condition à cette prolongation, si ce n'est que, conformément à l'article L. 741-3 du code susvisé, l'administration effectue toutes les diligences nécessaires à l'éloignement de l'intéressé, en temps utile, la rétention administrative de l'étranger devant être limitée au temps strictement nécessaire à l'organisation de son départ.
En l'espèce, il apparaît que les diligences nécessaires ont été exécutées en temps utile puisque'il ressort des pièces produites à hauteur d'appel que la demande de laissez-passer consulaire a été adressée au consul de Somalie le 8 avril 2024 et que l'administration a également sollicité un routing à destination de la Somalie.
Il n'apparaît donc pas que Monsieur [C] [I] soit retenu pour une durée excessive, la prolongation de la rétention administrative ayant pour objet de le maintenir à disposition pour s'assurer de sa personne, le temps strictement nécessaire à l'organisation de son éloignement.
C'est donc à bon droit, que le premier juge a prolongé sa rétention administrative et l'ordonnance déférée sera par conséquent confirmée .
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARONS l'appel de M. [C] [I] recevable en la forme ;
au fond, le REJETONS ;
CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg le 09 Avril 2024 ;
RAPPELONS à l'intéressé les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention :
- il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin,
- il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ;
DISONS avoir informé M. [C] [I] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant.
Prononcé à Colmar, en audience publique, le 10 Avril 2024 à heure prononcé présente décision, en présence de
- l'intéressé par visio-conférence
- Maître Vincent MERRIEN, conseil de M. [C] [I].
Le greffier, Le président,
reçu notification et copie de la présente,
le 10 Avril 2024 à 15h06
l'avocat de l'intéressé
Maître Vincent MERRIEN
Comparant
l'intéressé
M. [C] [I]
né le 10 Mars 1993 à [Localité 2]
Comparant par visioconférence
l'interprète
-/-
l'avocat de la préfecture
SELARL CENTAURE AVOCATS
Non comparante
EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,
- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,
- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,
- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,
- ledit pourvoi n'est pas suspensif.
La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :
- au CRA de [Localité 1] pour notification à M. [C] [I]
- à Maître [P] [N]
- à Mme LA PREFETE DU BAS-RHIN
- à la SELARL CENTAURE AVOCATS
- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.
Le Greffier
M. [C] [I] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance
le À heures
Signature de l'intéressé