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20/03/2024 | FRANCE | N°22/01307

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 20 mars 2024, 22/01307


MINUTE N° 152/24

























Copie exécutoire à



- Me Noémie BRUNNER



- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA





Le 20.03.2024



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 20 Mars 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/01307 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZXY


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APPELANTS :



Monsieur [L] [O]

[Adresse 4]



S.C.I. DES POTERIES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 6...

MINUTE N° 152/24

Copie exécutoire à

- Me Noémie BRUNNER

- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA

Le 20.03.2024

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 20 Mars 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/01307 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZXY

Décision déférée à la Cour : 10 Février 2022 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 1ère chambre civile

APPELANTS :

Monsieur [L] [O]

[Adresse 4]

S.C.I. DES POTERIES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentés par Me Noémie BRUNNER, avocat à la Cour

INTIME :

Monsieur [R] [F]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme RHODE, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. ROUBLOT, Conseiller faisant fonction de Président

Mme DAYRE, Conseillère

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Philippe ROUBLOT, conseiller faisant fonction de président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [L] [O] et M. [R] [F] sont associés chacun à hauteur de 50 % dans la SCI DES POTERIES et sont tous deux cogérants de ladite SCI.

La SCI DES POTERIES a contracté un prêt immobilier auprès du CIC d'un montant de 327 500 €, en vue du financement de l'acquisition d'un bien immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 7].

Par contrat du 3 septembre 2014, la SCI DES POTERIES a donné à bail ledit local à la SARL BOULANGERIE MME ET M. [U], qui y exploite un fonds de commerce de boulangerie sous le nom commercial FOURNIL DES POTERIES.

La locataire a accusé des retards de paiement des loyers et charges, ce qui a conduit la SCI DES POTERIES à lui délivrer, le 5 septembre 2016, un commandement de payer visant la clause résolutoire.

Si la SARL BOULANGERIE MME ET M. [U] a réglé ces premiers impayés, elle a rapidement accusé de nouveaux retards de paiement et a été placée en redressement judiciaire. Le plan de redressement établi par l'administrateur judiciaire a retenu, au titre des créances non contestées, un arriéré locatif de 107 643 €.

M. [O] a, par acte du 4 avril 2017, fait attraire son associé M. [F] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg, afin d'obtenir la révocation de ce dernier de ses fonctions de gérant.

Par ordonnance du 6 juin 2017, le juge des référés a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, considérant que M. [O] ne démontrait pas que la mésentente entre associés paralysait le fonctionnement de la société, qu'il ne justifiait pas d'une situation d'urgence au sens de l'article 808 du code de procédure civile et qu'il n'établissait pas la réalité d'un dommage imminent, qui ne serait imputable qu'aux seuls agissements de M. [F].

Par assignation du 28 juillet 2017, M. [O] a fait citer, en son nom et au nom de la SCI DES POTERIES, M. [F] devant le tribunal de grande instance, devenu le tribunal judiciaire, de Strasbourg aux fins de révocation judiciaire de ses fonctions de cogérant sur le fondement de l'article 1851 alinéa 2 du code civil.

Par jugement rendu le 10 février 2022, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

DECLARE la SCI DES POTERIES irrecevable en sa demande tendant à la révocation de monsieur [R] [F] de ses fonctions de gérant

DECLARE [L] [O] recevable en sa demande tendant à la révocation de monsieur [R] [F] de ses fonctions de gérant

DEBOUTE monsieur [L] [O] de sa demande en révocation judiciaire des fonctions de gérant de monsieur [R] [F]

DEBOUTE monsieur [L] [O] de toutes ses autres demandes en indemnisation au titre des préjudices subis présentées à titre personnel ou pour le compte de la SCI DES POTERIES dont il est gérant

CONDAMNE monsieur [R] [F] à verser à titre de dépôt la somme de 47.125 € sur un compte de dépôt ouvert au nom de Monsieur [L] [O] et ce en application de 1'acte d'engagement en date du 29 octobre 2014 et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir

DIT ET JUGE que la durée de l'astreinte sera limitée à six mois

DIT que cette somme sera conservée sur le compte bancaire ouvert par Monsieur [L] [O], jusqu'à remboursement intégral du prêt consenti par la Banque CIC Est à la SCI DES POTERIES et mainlevée du cautionnement consenti par Monsieur [L] [O] et Monsieur [R] [F], déduction faite des sommes restant dues à cette même banque au titre de ce même contrat de prêt

CONDAMNE monsieur [L] [O] à communiquer à Monsieur [R] [F] 1'intégralité des documents sollicités :

- Etat des procédures engagées du 01.01.2015 au 25.01.2021 impliquant la SCI DES POTERIES.

- Etat des voies d'exécution intentées par la SCI DES POTERIES l'encontre de la société Boulangerie Monsieur et Madame [U]

- Etat des frais facturés et/ou payés à la SCI DES POTERIES et par la SCI DES POTERIES au titre des procédures et voies d'exécution susvisées.

- Situation bancaire de la SCI DES POTERIES au 31.12.2020.

- Copie de la lettre de mission de la société ECOCE au titre du rapport d'audit facturé par le cabinet ECOCE à la SCI DES POTERIES.

- Information sur la signature du protocole d'accord avec le CIC concernant l'apurement du prêt immobilier et le cas échéant, production d'une copie du protocole.

DEBOUTE M. [R] [F] de toutes ses autres demandes

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE M. [L] [O] à payer la moitié des dépens

CONDAMNE M. [R] [F] à payer la moitié des dépens

RAPPELE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit en application de l'article 514 du Code de procédure civile.

M. [L] [O] et la SCI DES POTERIES ont interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 29 mars 2022.

M. [R] [F] s'est constitué intimé le 24 mai 2022.

Dans leurs dernières écritures déposées le 11 octobre 2023, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, M. [L] [O] et la SCI DES POTERIES demandent à la cour de :

DECLARER l'appel interjeté par Monsieur [L] [O] et la SCI DES POTERIES recevable et bien fondé,

INFIRMER le jugement RG 17/03752 prononcé le 10 février 2022 par le Tribunal judiciaire de Strasbourg, en ce qu'il a :

- déclaré la SCI DES POTERIES irrecevable en sa demande tendant à la révocation de Monsieur [R] [F] de ses fonctions de gérant,

- débouté Monsieur [L] [O] de sa demande de révocation judiciaire des fonctions de gérant de Monsieur [R] [F],

- débouté Monsieur [L] [O] de toutes ses autres demandes en indemnisation au titre des préjudices subis présentées à titre personnel ou pour le compte de la SCI DES POTERIES dont il est gérant,

- condamné Monsieur [L] [O] à communiquer à Monsieur [R] [F] l'intégralité des documents sollicités, à savoir l'état des procédures engagées du 1er janvier 2015 au 25 janvier 2021 impliquant la SCI DES POTERIES, l'état des voies d'exécution intentées par la SCI et/ou payés à la SCI DES POTERIES et par la SCI DES POTERIES au titre des procédures et voie d'exécution susvisées, la situation bancaire de la SCI DES POTERIES au 31 décembre 2020, copie de la lettre de mission de la société ECOCE au titre du rapport d'audit facturé par le cabinet ECOCE à la SCI DES POTERIES, l'information sur la signature du protocole d'accord avec le CIC concernant l'apurement du prêt immobilier et le cas échéant, production d'une copie du protocole,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [L] [O] à payer la moitié des dépens,

Et statuant à nouveau dans cette limite,

DECLARER les demandes de Monsieur [L] [O] et de la SCI DES POTERIES recevables et bien fondées,

DECLARER les demandes, moyens et conclusions de Monsieur [R] [F] mal fondés et

L'EN DEBOUTER,

En conséquence,

ORDONNER la révocation de Monsieur [R] [F] de sa fonction de co-gérant de la SCI DES POTERIES,

DIRE que Monsieur [L] [O] sera désormais seul gérant de la SCI DES POTERIES,

CONDAMNER Monsieur [R] [F] à payer à la SCI DES POTERIES la somme de 21.774,35€, tous préjudices confondus,

CONDAMNER Monsieur [R] [F] à payer à Monsieur [L] [O] une somme de 20.115,97 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel ;

CONDAMNER Monsieur [R] [F] à payer à Monsieur [L] [O] une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

CONDAMNER Monsieur [R] [F] à payer à Monsieur [L] [O] une somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC au titre de la procédure de 1ère instance,

CONDAMNER Monsieur [R] [F] aux entiers dépens de 1ère instance,

CONFIRMER le jugement entrepris pour le surplus,

CONDAMNER Monsieur [R] [F] à payer à Monsieur [L] [O] une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC au titre de la procédure d'appel,

CONDAMNER Monsieur [R] [F] aux entiers dépens d'appel.

Dans ses dernières conclusions datées du 10 novembre 2023, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, M. [R] [F] demande à la cour de :

DECLARER M. [L] [O] et la SCI DES POTERIES irrecevables, en tout cas mal fondés en leur appel,

En conséquence,

CONFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de Strasbourg en date du 22 février 2022 déboutant Monsieur [L] [O] et la SCI DES POTERIES de leurs demandes comme étant mal fondées et irrecevables et enjoignant à Monsieur [L] [O] la production des pièces sollicitées.

DEBOUTER Monsieur [L] [O] et la SCI DES POTERIES de toutes leurs demandes.

CONDAMNER Monsieur [L] [O] à payer à Monsieur [R] [F] une somme de 5.000,00 euros à titre de dommages intérêts

CONDAMNER Monsieur [L] [O] aux dépens des deux instances ainsi qu'à payer à Monsieur [R] [F] une somme de 5.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée le 15 novembre 2023 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 17 janvier 2024.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'appel interjeté par M. [L] [O] et la SCI DES POTERIES :

M. [R] [F] demande à la cour de déclarer l'appel de M. [L] [O] et de la SCI DES POTERIES irrecevable.

Toutefois, il ne présente aucun moyen au soutien de sa demande.

En conséquence, l'appel interjeté par M. [L] [O] et la SCI DES POTERIES sera déclaré recevable.

Sur le périmètre de l'appel :

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile, que lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement (Cass. Civ. 2, 17 septembre 2020, n°18-23.626).

En l'espèce, par jugement rendu le 10 février 2022, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

CONDAMNE monsieur [R] [F] à verser à titre de dépôt la somme de 47.125 € sur un compte de dépôt ouvert au nom de Monsieur [L] [O] et ce en application de 1'acte d'engagement en date du 29 octobre 2014 et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

DIT ET JUGE que la durée de l'astreinte sera limitée à six mois ;

DIT que cette somme sera conservée sur le compte bancaire ouvert par Monsieur [L] [O], jusqu'à remboursement intégral du prêt consenti par la Banque CIC Est à la SCI DES POTERIES et mainlevée du cautionnement consenti par Monsieur [L] [O] et Monsieur [R] [F], déduction faite des sommes restant dues à cette même banque au titre de ce même contrat de prêt.

Ces chefs de condamnation ne sont pas critiqués par M. [L] [O], ou par la SCI DES POTERIES, dans le cadre de leur appel.

Dans le corps de ses conclusions, M. [F] critique ces chefs de condamnation. Toutefois, il ne sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'annulation, ni l'infirmation du jugement déféré de sorte que la cour ne peut que confirmer ladite décision.

Sur les demandes de révocation judiciaire et de dommages et intérêts présentées par M. [L] [O] ainsi que sur la demande de production des pièces :

- Sur la recevabilité de la demande :

L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Aux termes de l'article 1851 alinéa 2 du code civil, le gérant est également révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.

En l'espèce, la SCI DES POTERIES est régulièrement représentée par son gérant dans le cadre de la présente procédure.

Toutefois, ainsi que l'a rappelé le premier juge, seul un associé peut agir en révocation du gérant, de sorte que la SCI DES POTERIES sera déclarée irrecevable en cette prétention.

- Sur le fond :

Aux termes de l'article 1851 du code civil, le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé (...). Si le gérant révoqué est un associé, il peut, à moins qu'il n'en soit autrement convenu dans les statuts, ou que les autres associés ne décident la dissolution anticipée de la société, se retirer de celle-ci dans les conditions prévues à l'article 1869 (2ème alinéa).

La cause légitime de révocation englobe les fautes, empêchements non fautifs et autres attitudes, ou circonstances non conformes à l'intérêt social.

La divergence de vue entre les différents organes de gestion, traduisant une mésentente, peut constituer un motif légitime, si la mésentente est de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société.

En l'espèce, M. [L] [O] reproche à l'intimé les manquements suivants :

- M. [F] ne participe pas aux assemblées générales ;

- M. [F] a autorisé leur locataire à se libérer des loyers en fin de mois et non plus en début de mois ; il leur a accordé des délais de paiement ; il incite le locataire à ne pas payer ses loyers et charges ; il s'est opposé à toute procédure judiciaire à l'encontre de la boulangerie [U] ;

- M. [F] a établi un faux en antidatant l'avenant, modifiant la date d'exigibilité des échéances de loyer conclu avec le locataire et ce afin de permettre à la boulangerie [U] de démontrer, dans le cadre de la procédure judiciaire en cours, qu'elle était à jour dans le paiement des loyers et d'obtenir l'annulation des saisies conservatoires, outre une condamnation de la SCI DES POTERIES pour procédure abusive ;

- Soit M. [F] a établi de fausses attestations pour favoriser la Boulangerie [U] au détriment de la SCI DES POTERIES, soit il a détourné des sommes importantes (loyers et provisions sur charges d'octobre à décembre 2017, solde de la taxe foncière 2020) ;

- M. [F] a remis en cause la déclaration de créance de la SCI DES POTERIES, dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre de la boulangerie [U] ;

- M. [F] s'est opposé à la désignation de la SCI DES POTERIES en qualité de contrôleur ;

- M. [F] a tenté de détourner des biens de la société au profit d'un tiers ; il fait supporter ses dépenses personnelles par la SCI ;

- M. [F] s'est opposé à ce que le cabinet ECOCE établisse les comptes annuels pour l'exercice clos au 31 décembre 2022 et a nommé un second expert-comptable, pour établir les comptes annuels de la SCI DES POTERIES pour 2023.

M. [L] [O] considère que 'M. [F] est à l'origine de tous les problèmes que rencontrent actuellement la SCI DES POTERIES et [lui-même] avec les locataires', soit la dénonciation par la banque du prêt contracté par la SCI DES POTERIES, sa sollicitation en qualité de caution, la procédure de vente forcée immobilière, l'assignation de la SCI pour non-paiement des charges de copropriété et la mainlevée par le JEX des saisies conservatoires.

Toutefois, c'est à raison que le premier juge a retenu, par des motifs que la cour approuve, d'une part qu'aucune faute de gestion n'était imputable à M. [R] [F], d'autre part, que la mésentente certaine entre les gérants ne paralysait pas le fonctionnement de la société, de sorte que M. [O] ne rapportait pas la preuve d'un motif légitime de révocation.

En effet, concernant la tenue d'assemblée générale, l'article 24 des statuts de la société permet au gérant, y compris en l'espèce à M. [O], de convoquer des assemblées générales.

Concernant le litige locatif qui a cristallisé les tensions entre les deux gérants, la cour relève que :

- il ne peut être reproché à M. [F] d'avoir tenté de trouver un accord amiable avec le locataire, quant au paiement des loyers en retard, le fait d'autoriser les paiements à terme échu, ou d'envisager un échelonnement des dettes, n'étant pas de nature à aggraver les impayés, mais constituant un mode de règlement amiable du litige permettant d'éviter le recours, parfois coûteux, à une procédure judiciaire. A ce titre, la cour relève que la SCI DES POTERIES a elle-même bénéficié, du fait de l'intervention de M. [O], d'un accord amiable avec la banque qui avait engagé une procédure d'exécution forcée immobilière ;

- il n'est pas démontré que M. [F] se soit opposé à toute procédure judiciaire à l'encontre du locataire ; il ne s'est opposé à une telle procédure que dans le cadre de l'accord amiable qu'il avait conclu avec ce dernier, sous réserve nécessairement du respect de cet accord. La cour relève par ailleurs que M. [O] a introduit plusieurs procédures judiciaires à l'encontre de la boulangerie [U], sans que M. [F] n'y fasse obstacle ;

- M. [O] ne démontre pas que M. [F] ait fabriqué un faux en antidatant l'avenant conclu avec le locataire, il se contente de faire part de ses soupçons ; toutefois, la charge de la preuve de la faute du cogérant lui incombe ;

- M. [O] ne démontre pas plus que M. [F] ait détourné une partie de l'argent des loyers ; en effet, lors de l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la boulangerie [U], la créance déclarée au titre des impayés par M. [O] correspondait à la créance de loyers reconnue par le locataire ; en outre, M. [F] produit les justificatifs de dépôt des chèques remis par le locataire et il n'est pas démontré que d'autres chèques auraient été remis par ce dernier entre les mains du gérant ;

- M. [O] indique, de façon mensongère, que les saisies conservatoires ont été annulées du fait de M. [F], alors qu'il résulte de la décision du juge de l'exécution de Strasbourg rendu le 8 février 2019, que les saisies conservatoires des 30 septembre 2016 et 5 septembre 2017 étaient caduques de plein droit car M. [O], en sa qualité de gérant de la SCI DES POTERIES, n'avait pas introduit dans le délai légal une procédure pour obtenir un titre exécutoire, la décision du premier juge sur ce point ayant été confirmée par la cour d'appel de Colmar dans son arrêt du 11 janvier 2021 ;

- M. [F] n'a pas fait obstacle à la déclaration de créances réalisée par l'appelant au nom de la SCI DES POTERIES. Par ailleurs, s'il est établi par jugement rendu le 23 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Strasbourg, que M. [F] n'était pas en accord avec M. [O] sur le montant de la créance de la SCI DES POTERIES, la cour relève que M. [O] avait déclaré une créance d'un montant total de 391 728,59 €, alors que le plan de redressement établi par l'administrateur judiciaire retient au titre des montants non contestés, un arriéré locatif de 107 643 € ;

- Le jugement rendu le 23 octobre 2020 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg démontre que si la SCI DES POTERIES n'a pas été désignée en qualité de contrôleur, dans le cadre de la procédure collective de la boulangerie [U], c'est en raison du litige opposant M. [O] à la boulangerie [U] à travers deux personnes morales, ; de son désaccord avec M. [F], quant à la créance déclarée pour près de 400 000 € ; du fait qu'il ait incité l'administrateur à agir, le cas échéant, en extension de la procédure à la société AUX DELICES DE SAFAA, le juge retenant qu'il 'est animé d'une vindicte procédurière qui excède l'intérêt social de la SCI DES POTERIES et de la société ECOCE et répond à des motivations personnelles'. La cour relève qu'à aucun moment le juge ne fait état, dans les motifs de la décision, de l'opposition de M. [F] à cette désignation.

Concernant les comptes annuels, la cour relève que si M. [F] a souhaité que la comptabilité de la SCI DES POTERIES soit confiée à un autre cabinet d'expertise comptable, ce qui paraît légitime compte tenu du conflit entre les gérants d'une part et de lien entre M. [O] et le cabinet ECOCE d'autre part, les comptes annuels de l'exercice clos le 31 décembre 2022 ont été établis et les déclarations de TVA ont été réalisées (pièce n°46 de l'intimé).

Enfin, concernant l'accusation de détournement de biens, M. [F] expose avoir voulu prélever, sans succès, une somme de 15 000 € au titre de son compte courant d'associé et ce alors même que, précédemment, M. [O], pour ce même motif, avait procédé au retrait de son compte courant d'associé dans la SCI de 40 000 €. Ainsi, dans son courrier du 8 décembre 2016, M. [O] annonce à M. [F] 'je vous informe que j'ai procédé au retrait de mon compte courant dans la SCI pour 40 000 €'. Dans ses conclusions, M. [O] expose qu''un compte courant, sauf convention de blocage (inexistante en l'espèce) est remboursable à tout moment', qu'il était 'dans son droit le plus

strict de retirer son compte courant' et qu''étant co-gérant de la société et donc investi des pouvoirs les plus étendus, il n'avait pas à demander l'autorisation au co-gérant, sauf à ce que ce dernier ait usé de son droit d'opposition préalable par application de l'article 1848 alinéa 1 du code civil, ce qui n'a évidemment pas été le cas.' Son argument sera également retenu pour M. [F].

Ainsi, aucune faute de gestion constituant un motif légitime de révocation ne peut être imputée à M. [F].

Certes, la mésentente entre les gérants rend la gestion de la SCI complexe. Toutefois, chaque gérant a la possibilité de convoquer des assemblées générales, M. [O] a pu introduire toutes les procédures judiciaires qu'il estimait nécessaires à préserver les intérêts de la SCI, les créances de la SCI ont été déclarées au passif de la boulangerie [U], les comptes ont été établis, M. [O], ès qualités, a conclu une transaction avec son créancier.

Enfin, il ne peut être sérieusement soutenu que M. [F] est à l'origine de tous les problèmes de la SCI DES POTERIES. Ainsi que ce dernier le relève, les difficultés rencontrées par la SCI sont en lien avec les difficultés économiques rencontrées par la boulangerie [U].

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande de révocation de M. [F] et en ce qu'il a débouté M. [O] et la SCI DES POTERIES de leurs demandes de dommages et intérêts, en l'absence de faute de l'intimé, ainsi que de lien de causalité avec le préjudice subi tant par la SCI DES POTERIES que par M. [O].

M. [F] n'étant pas révoqué, le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a condamné M. [O] à remettre des documents relatifs à la vie de la société à M. [F].

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [R] [F] :

M. [F] sollicite la condamnation de M. [O] à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts. Il explique que l'attitude procédurière de M. [O] lui a causé un préjudice moral. Il ajoute qu'il est tenu à l'écart de la vie sociale de la SCI DES POTERIES.

A cet égard, la cour retient que M. [F] a été contraint de solliciter la condamnation de M. [O], à la production de plusieurs pièces concernant la vie sociale de la SCI afin d'en prendre connaissance ; que M. [O], ainsi que la cour l'a relevé ci-dessus, n'hésite pas à travestir les faits au soutien de ses affirmations et qu'il est démontré par l'intimé qu'il est tenu à l'écart de la gestion de la SCI DES POTERIES.

En effet, dans son courrier du 8 décembre 2016, M. [O] a annoncé à M. [F] qu'il avait procédé au retrait de son compte courant dans la SCI pour 40 000 €. M. [O] a ensuite changé d'avis, considérant que cette somme devait encore être incluse dans la trésorerie de la société, mais décidant de la placer sur un compte ouvert à son seul nom et donc inaccessible à son cogérant. Puis, il a décidé de procéder de la même manière pour toute la trésorerie de la société, qui est placée sur ce compte ouvert à son seul nom, M. [O] décidant de procéder à des virements sur le compte de la SCI en cas de besoin. Ainsi, il soustrait l'ensemble de la trésorerie de la SCI à M. [F], cogérant, et ce depuis plusieurs années. S'il argue d'une convention conclue le 27 décembre 2018, soit plus de deux ans après le retrait litigieux, entre '[L] [O] cogérant de la SCI DES POTERIES' et '[L] [O], associé de la SCI DES POTERIES', aux termes de laquelle il s'engage à rembourser les comptes courants, lorsque notamment M. [F] aura démissionné de ses fonctions et qu'il évoque désormais 'un séquestre', la cour relève que cette convention ne concerne que la somme de 40 000 €, alors que désormais toute la trésorerie de la SCI est placée sur le compte litigieux, qu'elle n'est pas opposable aux créanciers de M. [O], de sorte que la SCI DES POTERIES n'a en réalité aucune garantie de récupérer sa trésorerie et, qu'en toute hypothèse, aucune décision judiciaire n'autorisait M. [O] à retirer du compte de la SCI, l'ensemble de la trésorerie de la société pour la soustraire à son cogérant.

La faute grave de M. [O] a causé un préjudice moral à M. [F], qui sera justement évalué à la somme de 5 000 €.

Dès lors, M. [O] sera condamné à payer à M. [F] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires :

Succombant, M. [L] [O] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, la décision déférée étant infirmée de ce chef.

Il sera en outre condamné à payer à M. [R] [F] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la décision déférée étant infirmée de ce chef, et débouté de ses demandes au titre des dépens et frais irrépétibles.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

DECLARE M. [L] [O] et la SCI DES POTERIES recevables en leur appel,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 10 février 2022, sauf en ce qu'il a :

- DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNE M. [L] [O] à payer la moitié des dépens,

- CONDAMNE M. [R] [F] à payer la moitié des dépens,

L'INFIRME de ces chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE M. [L] [O] à payer à M. [R] [F] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNE M. [L] [O] aux dépens des procédures de première instance et d'appel,

CONDAMNE M. [L] [O] à payer à M. [R] [F] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE M. [L] [O] de ses prétentions au titre des dépens et frais irrépétibles.

LA GREFFIÈRE : LE CONSEILLER :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 22/01307
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;22.01307 ?
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