La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2024 | FRANCE | N°23/04026

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 5 b, 12 mars 2024, 23/04026


Chambre 5 B



N° RG 23/04026 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IFZ4









MINUTE N°































































Copie exécutoire à



- Me Julie HOHMATTER

- Me Nadine HEICHELBECH





Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



CO

UR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 12 Mars 2024





Décision déférée à la Cour : 19 Septembre 2023 par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE MULHOUSE





APPELANTE :



Madame [F] [P]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par Me Julie HOHMATTER, avocat à la cour,...

Chambre 5 B

N° RG 23/04026 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IFZ4

MINUTE N°

Copie exécutoire à

- Me Julie HOHMATTER

- Me Nadine HEICHELBECH

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 12 Mars 2024

Décision déférée à la Cour : 19 Septembre 2023 par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE MULHOUSE

APPELANTE :

Madame [F] [P]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Julie HOHMATTER, avocat à la cour,

INTIMÉ - APPEL INCIDENT

Monsieur [W] [Z]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 6]

de nationalité italienne

Lindenhofstrasse 35

BASEL (SUISSE)

Représenté par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Janvier 2024, en Chambre du Conseil, devant la Cour composée de :

Mme HERBO, Président de chambre

Mme ARNOUX, Conseiller

Mme GREWEY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WOLFF,

Assistée de Nadège STUDER, greffier stagiaire

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Karine HERBO, président et Mme Lucille WOLFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [F] [P] et M. [W] [Z] se sont mariés le [Date naissance 3] 1991 devant l'officier de l'état-civil de la commune de [Localité 6] sans avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage.

Les parties ont établi leur premier domicile conjugal en Suisse de sorte qu'elles sont soumises au régime légal suisse de la participation aux acquêts.

Par jugement du 14 avril 2016, le juge aux affaires familiales de Mulhouse a prononcé le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal.

Par arrêt du 7 novembre 2017, la cour d'appel de céans a':

- infirmé partiellement le jugement entrepris sur le montant de la prestation compensatoire,

- condamné M. [Z] à verser à Mme [P] un capital de 200'000 euros à titre de prestation compensatoire dont il devra s'acquitter en un seul versement,

- confirmé le jugement entrepris pour le surplus,

- condamné chaque partie à supporter ses dépens.

Par ordonnance du tribunal d'instance de Mulhouse du 15 octobre 2018, un partage judiciaire de la communauté de biens des ex-époux a été ordonné, et Me [I] a été désigné. Le notaire a dressé un procès-verbal de difficultés le 7 octobre 2021.

M. [Z] a saisi la 2ème chambre civile du tribunal judiciaire de Mulhouse selon acte introductif d'instance du 21 avril 2022 tendant à voir :

- déclarer qu'il dispose d'une créance sur l'indivision ayant existé entre lui-même et Mme [P] d'un montant de 65'045 euros (55'271 euros + 9 774 euros),

- déclarer qu'il dispose d'une créance à l'égard de Mme [P] d'un montant de 45'523,50 euros (41'225 euros + 4'298,50 euros),

- renvoyer les parties devant Me [I], Notaire, pour la poursuite des opérations de partage,

- condamner Mme [P] à lui verser la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [P] aux frais et dépens.

Par conclusions sur incident du 18 octobre 2022, Mme [P] a soulevé l'irrecevabilité des demandes de M. [Z].

Par ordonnance du 19 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse a':

- déclaré la demande de Mme [P] recevable,

- déclaré les demandes formées par M. [Z] à l'encontre de Mme [P] au titre des créances entre époux irrecevables du fait de la prescription,

- rejeté la demande de Mme [P] tendant à voir déclarer irrecevables les demandes formées par M. [Z] concernant les autres créances,

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de la procédure au fond,

- réservé les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe par voie électronique du 8 novembre 2023, Mme [P] a interjeté appel afin d'obtenir l'annulation, l'infirmation voire la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à déclarer irrecevables les demandes formées par M. [Z] concernant les autres créances.

Par ordonnance du 30 novembre 2023, l'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 30 janvier 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions en date du 29 janvier 2024 notifiées par voie électronique, Mme [P] demande à la cour d'infirmer partiellement la décision entreprise et, statuant à nouveau, de :

- déclarer les demandes formées par M. [Z] au titre des créances qu'il prétend détenir contre l'indivision ayant existé entre eux, désignées « autres créances » dans l'ordonnance du 19 septembre 2023, irrecevables,

- confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état de la 2ème chambre civile du tribunal judiciaire de Mulhouse le 19 septembre 2023 pour le surplus,

- condamner l'intimé, outre aux entiers frais et dépens, à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappeler le caractère exécutoire de la décision à intervenir.

Au soutien de ses prétentions, Mme [P] fait valoir que la dissolution du mariage est intervenue le 15 novembre 2016 ; que cette date constitue le point de départ du délai de prescription prévu à l'article 1578 alinéa 4 du code civil et que M. [Z] aurait alors dû agir en paiement des créances qu'il prétend détenir avant le 15 novembre 2019. Elle ajoute que la requête en ouverture de partage judiciaire formée par M. [Z] en date du 30 juillet 2018 n'a pas pu avoir pour effet d'interrompre le délai de prescription de l'action en paiement des créances qu'il prétend détenir envers l'indivision et elle, puisqu'il est de jurisprudence constante, y compris en droit local, qu'une assignation en liquidation et partage d'une indivision n'interrompt la prescription des créances invoquées par un indivisaire qu'à condition qu'elle contienne une réclamation à ce titre et qu'en l'occurrence, M. [Z] s'est contenté de solliciter l'ouverture d'une procédure de partage judiciaire sans former aucune réclamation quant aux créances dont il se prévaut.

Elle explique que l'ordonnance d'ouverture de partage judiciaire du 15 octobre 2018 ne peut davantage avoir d'effet interruptif de prescription puisque c'est une décision gracieuse, rendue sans débats préalables et qui se contente d'ordonner l'ouverture de la procédure de partage judiciaire sollicitée. Elle ajoute que la prescription devait être interrompue avant le 15 novembre 2019, de sorte que le procès-verbal établi par le notaire le 7 octobre 2021 était postérieur à l'expiration du délai de prescription. Elle fait valoir que le notaire n'est pas une juridiction et n'a pas compétence pour trancher les contestations émises par les parties, que le contentieux ne se noue qu'à compter du jour où le notaire dresse un procès-verbal de difficultés, de sorte que la prescription ne peut être interrompue antérieurement et que par conséquent la proposition de partage adressée par M. [Z] au notaire le 6 juin 2019 ne peut être assimilée à une demande en justice et ne constitue pas une cause d'interruption de la prescription. Elle rappelle par ailleurs que, même si son avocat s'est vu adresser une copie du courrier que M. [Z] a envoyé au notaire, un simple courrier entre avocats ne constitue pas une signification et ne dispose d'aucun effet interruptif de prescription.

Elle considère que la différenciation entre le sort des créances revendiquées par M. [Z] à l'égard de Mme [P] et celles revendiquées à l'encontre de l'indivision ne se justifie pas puisqu'elles sont soumises au même délai de prescription de 3 ans et qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu dans le délai de trois ans à compter du 15 novembre 2016.

Aux termes de ses conclusions en date du 29 janvier 2024 notifiées par voie électronique, M. [Z], formant appel incident, sollicite de la cour de :

- débouter Mme [P] de ses prétentions émises dans le cadre son appel principal,

Sur appel incident,

- infirmer l'ordonnance du 19 septembre 2023 rendue par le juge de la mise en état de la 2ème chambre civile du tribunal judiciaire de Mulhouse, en ce qu'elle a déclaré irrecevables ses demandes formées à l'encontre de Mme [P] au titre des créances entre époux, du fait de la prescription,

Et, statuant à nouveau,

- débouter Mme [P] de ses prétentions,

- déclarer recevables toutes ses prétentions,

A titre subsidiaire,

- confirmer l'ordonnance du 19 septembre 2023,

En tout état de cause,

- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens d'appel.

M. [Z] réplique qu'il résulte de l'article 1578 du code civil que la demande tendant à la liquidation du régime matrimonial de la participation aux acquêts, suit les règles applicables en matière de partage judiciaire des successions et communautés ; qu'il a expressément sollicité le partage de l'indivision ayant existé entre les parties par sa requête en partage du 30 juillet 2018 et que l'ordonnance ouvrant le partage judiciaire est intervenue le 15 octobre 2018, soit dans le délai de 3 ans suivant la dissolution du régime matrimonial, de sorte que la prescription a été valablement interrompue par cette requête ou par l'ordonnance ouvrant le partage.

Il relève qu'il ne pouvait pas saisir le juge du fond avant l'établissement du procès-verbal de difficultés qui date du 7 octobre 2021 ; qu'il forme des prétentions au titre des créances qu'il détient sur l'indivision et des prétentions au titre des créances qu'il détient sur Mme [P] et que ces prétentions participent toutes à la liquidation du régime matrimonial, de sorte qu'elles suivent les règles applicables en matière de partage judiciaire. Il ajoute que le droit local prévoit que le requérant est tenu de faire connaître ses prétentions dans le cadre de la procédure de partage judiciaire, soit dans sa requête en partage judiciaire, soit dans les propositions de partage adressées au notaire, ce qu'il a fait le 6 juin 2019 dans son courrier adressé au notaire, ainsi qu'au conseil de Mme [P], soit avant le 15 novembre 2019.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIVATION

En application de l'article 1578 du code civil, à la dissolution du régime matrimonial, si les parties ne s'accordent pas pour procéder à la liquidation par convention, l'une d'elles peut demander au tribunal qu'il y soit procédé en justice.

Sont applicables à cette demande, en tant que de raison, les règles prescrites pour arriver au partage judiciaire des successions et communautés.

Les parties sont tenues de se communiquer réciproquement, et de communiquer aux experts désignés par le juge, tous renseignements et documents utiles à la liquidation.

L'action en liquidation se prescrit par trois ans à compter de la dissolution du régime matrimonial. Les actions ouvertes contre les tiers en vertu de l'article 1341-2 se prescrivent par deux ans à compter de la clôture de la liquidation.

L'action en paiement des créances entre époux, dont le règlement participe de la liquidation du régime matrimonial de participation aux acquêts, est soumise au même délai de prescription de l'article 1578, alinéa 3, du code civil que l'action en liquidation.

Le règlement de ces créances étant rattaché à la liquidation du régime, il doit être demandé dans un délai de trois ans à compter de la dissolution de l'union, soit à la date à laquelle le divorce est entré en force de chose jugée.

En l'espèce, il n'est pas discuté que le divorce des parties est entré en force de chose jugée le 15 septembre 2016, date des conclusions de l'intimé devant la cour de céans, les parties ayant limité leur appel aux conséquences du divorce et non au principe même de celui-ci.

Dès lors, M. [Z] devait agir en paiement des créances qu'il prétend détenir avant le 15 novembre 2019.

Pour faire obstacle à la prescription triennale, M. [Z] souligne qu'il a sollicité le partage de l'indivision ayant existé entre les parties par sa requête en partage du 30 juillet 2018 et que l'ordonnance ouvrant le partage judiciaire est intervenue le 15 octobre 2018.

Cependant, une assignation en liquidation et partage d'une indivision n'interrompt la prescription des créances invoquées par un indivisaire qu'à condition qu'elle contienne une réclamation à ce titre. De même, le dépôt de la requête en partage judiciaire de droit local n'interrompt pas le délai de prescription si elle ne contient aucune réclamation au titre des créances dont se prévaut l'un des ex-époux.

Or, M. [Z] ne conteste pas avoir uniquement sollicité l'ouverture d'une procédure de partage judiciaire dans sa requête du 30 juillet 2018. Cette requête ne contenait aucune réclamation quant aux créances qu'il invoque désormais, précisant uniquement que les parties étaient propriétaire d'un bien immobilier vendu en juin 2013 dont le solde du prix de vente, soit 34 789 euros, se trouvait bloqué chez le notaire.

En conséquence, la requête déposée par M. [Z] le 30 juillet 2018 n'a pas interrompu la prescription.

L'ordonnance de partage judiciaire, décision gracieuse, tend uniquement à ordonner l'ouverture de la procédure de partage sollicitée par M. [Z] et n'est pas plus interruptive de prescription.

En revanche, le procès-verbal de difficultés, établi par le notaire et faisant état de la créance de participation d'un époux, est interruptif de prescription.

Néanmoins, le procès-verbal de difficultés établi par le notaire est en date du 7 octobre 2021 et la prescription était en conséquence acquise à cette date.

M. [Z] fait enfin valoir que le droit local prévoit que le requérant est tenu de faire connaître ses prétentions dans le cadre de la procédure de partage judiciaire, soit dans sa requête en partage judiciaire, soit dans les propositions de partage adressées au notaire, ce qu'il a fait le 6 juin 2019 dans son courrier adressé au notaire, ainsi qu'au conseil de Mme [P].

Pour autant, ce courrier ne peut être considéré comme ayant interrompu la prescription puisque ne figurant pas dans les causes d'interruption de la prescription limitativement énumérés par les articles 2240 à 2246 du code civil, étant souligné que ce document n'a pas été signifié à Mme [P].

En conséquence, l'ordonnance doit être confirmée en ce qu'elle a dit la créance de M. [Z] envers Mme [P] prescrite.

M. [Z] invoque également être titulaire de créances envers l'indivision au titre du remboursement par ses soins des échéances du prêt immobilier entre le 1er mai 2011 et le 31 mai 2013 pour 55 271 euros et au titre de travaux de remise en état de l'ancien domicile conjugal qu'il indique avoir financé à hauteur de 9 774 euros.

Le premier juge a considéré que ces demandes n'étaient pas prescrites.

Cependant, ainsi qu'il l'a déjà été souligné, la requête de M. [Z] en ouverture de la procédure de partage judiciaire ne contenait aucune réclamation de ces chefs, la seule mention d'un solde de prix de vente bloqué chez le notaire étant insuffisante. Aucun effet interruptif de prescription ne peut être attaché à cet acte.

Aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu jusqu'au procès-verbal de difficultés du notaire, les demandes de M. [Z] sont prescrites et l'ordonnance doit donc être infirmée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel principal de Mme [P] et de l'appel incident de M. [Z],

Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la demande de Mme [P] tendant à déclarer irrecevables les demandes formées par M. [Z] s'agissant des créances contre l'indivision,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Dit les demandes de M. [Z] à l'encontre de l'indivision irrecevables du fait de la presciption,

Confirme l'ordonnance pour le surplus,

Condamne M. [Z] aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 5 b
Numéro d'arrêt : 23/04026
Date de la décision : 12/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-12;23.04026 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award