La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/2024 | FRANCE | N°23/02212

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 06 mars 2024, 23/02212


MINUTE N° 115/24

























Copie exécutoire à



- Me Nadine HEICHELBECH



- Me Guillaume HARTER





Le 06.03.2024



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 06 Mars 2024



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 23/02212 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IC2X



Décisio

n déférée à la Cour : 19 Mai 2023 par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de STRASBOURG - Greffe du contentieux commercial



APPELANTE :



S.A.S. PREISO

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]



Représentée par Me Na...

MINUTE N° 115/24

Copie exécutoire à

- Me Nadine HEICHELBECH

- Me Guillaume HARTER

Le 06.03.2024

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 06 Mars 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 23/02212 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IC2X

Décision déférée à la Cour : 19 Mai 2023 par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de STRASBOURG - Greffe du contentieux commercial

APPELANTE :

S.A.S. PREISO

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

Représentée par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me LACROIX, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES :

S.A. CA DEDALUS HEALTHCARE FRANCE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

S.A.R.L. NKKD

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

Représentées par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

S.E.L.A.R.L. MJ AIR, prise en la personne de Me [K] [M], mandataire ad'hoc de la SAS JGN DISTRIBUTION

[Adresse 1]

non représentée, assignée par le commissaire de justice à domicile le 15.09.2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme RHODE, Conseillère, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- rendu par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société NETIKA a conçu et développé des applications informatiques destinées à l'usage des laboratoires d'analyses médicales et en général des structures à vocation médicale.

'

Le 7 novembre 2007, la société NETIKA a conclu un contrat d'agent commercial avec la société NETIKA DISTRIBUTION pour la commercialisation de ses logiciels.

'

Le 1er décembre 2008, la société NETIKA DISTRIBUTION a conclu avec la société PREISO un contrat de prestations de formation informatique et de partenariat.

'

La société NETIKA a rompu le contrat d'agent commercial conclu avec la société NETIKA DISTRIBUTION qui a informé la société PREISO, par courriel du 15 novembre 2012, de la suspension provisoire et à titre conservatoire de ses activités.

'

Par courrier du 26 novembre 2012, la société NETIKA DISTRIBUTION a informé la société PREISO qu'elle prenait acte de la rupture immédiate, aux torts exclusifs de cette dernière, du contrat qui les liait depuis le 1er décembre 2008.

'

En janvier 2013, la société NETIKA DISTRIBUTION a changé de dénomination sociale pour devenir la société JGN DISTRIBUTION.

'

La société JGN DISTRIBUTION a assigné la société NETIKA devant le juge des référés, par acte d'huissier du 23 janvier 2013, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 1'565'560 € à titre de provision. Par ordonnance du 26 mars 2013, le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg a condamné la société NETIKA à payer à la société JGN DISTRIBUTION la somme de 307'487 € par provision sur leur compte définitif.

'

Le 24 janvier 2013, la société PREISO a obtenu du président du tribunal de commerce de Castres une ordonnance portant injonction de payer diverses sommes au titre de factures impayées à l'encontre de la société JGN DISTRIBUTION, qui a formé opposition à son encontre le 14 février 2013.

'

Le 7 avril 2014, le tribunal de commerce de Castres s'est déclaré incompétent au profit de celui de Bordeaux

'

Par jugement du 24 avril 2015, le tribunal de commerce de Bordeaux a condamné la société JGN DISTRIBUTION à payer à la société PREISO la somme de 181'411,37 € et a condamné la société PREISO à payer à la société JGN DISTRIBUTION la somme de 63'047,14 €.

'

La société PREISO a interjeté appel de ce jugement et par arrêt du 28 septembre 2017, la cour d'appel de Paris a condamné la société JGN DISTRIBUTION à payer à la société PREISO les sommes de 185'808,27 € au titre des factures restant impayées et 505'369,80 € au titre de la clause pénale. La cour a par ailleurs condamné la société PREISO à payer à la société JGN DISTRIBUTION la somme de 42'254,68 € au titre d'une facture.

'

Par jugement du 22 janvier 2018, le tribunal judiciaire de Strasbourg a prononcé la liquidation judiciaire de la société JGN DISTRIBUTION et a désigné Me [M] en qualité de liquidateur judiciaire.

'

La société PREISO a déclaré une créance à hauteur de 577'813,54 € entre les mains du liquidateur.'

Par assignation délivrée le 5 octobre 2020, la SAS PREISO a fait citer les sociétés DEDALUS BIOLOGIE, venant aux droits de la société NETIKA et NKKD, en sa qualité de représentant légal de la société JGN DISTRIBUTION, aux côtés de Me [M] es qualités de liquidateur de la société JGN DISTRIBUTION devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins de voir':

- DIRE ET JUGER que l'accord transactionnel du 31 décembre 2014 entre les sociétés JGN DISTRIBUTION et NETIKA a été conclu en fraude des droits de la société PREISO,

- DIRE ET JUGER que l'abandon par la société JGN DISTRIBUTION de créances sur la société NETIKA pour un montant de 1.036.848,66 € a été consenti en fraude des droits de la société PREISO,

En conséquence,

- DECLARER inopposables à la société PREISO tant l'accord transactionnel du 31 décembre 2014 entre les sociétés JGN DISTRIBUTION et NETIKA que l'abandon par la société JGN DISTRIBUTION de créances sur la société NETIKA pour un montant de 1.036.848,66 €,

- DIRE ET JUGER qu'en application de l'article 1341-1 du Code civil, et pour le cas où Maître [M], es qualité de liquidateur de la société JGN DISTRIBUTION, ne le ferait pas, la société PREISO est bien fondée à reprendre, pour le compte de cette dernière, l'action judiciaire qu'elle avait engagée à l'encontre de la société NETIKA et à recouvrer les créances de la société JGN DISTRIBUTION sur la société NETIKA,

- CONDAMNER les sociétés DEDALUS BIOLOGIE et NKKD à payer à la société PREISO la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente procédure.

'

Par ordonnance rendue le 19 mai 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg a':

- Déclaré la société PREISO irrecevable en ses demandes,

- Condamné la société PREISO à payer aux sociétés DEDALUS BIOLOGIE ET NKKD la somme de 2'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société PREISO aux dépens.

'

La SAS PREISO a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 6 juin 2023.

'

La SA DEDALUS BIOLOGIE et la SARL NKKD se sont constituées intimées le 26 juillet 2023.

'

Dans ses dernières conclusions en date du 6 novembre 2023, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SAS PREISO demande à la cour de':

REFORMER l'ordonnance dont appel, en ce qu'elle a déclaré la société PREISO irrecevable en ses demandes, et en ce qu'elle a condamné la société PREISO à payer à la société DEDALUS BIOLOGIE et à la société NKKD la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

JUGER recevable l'action engagée en son nom personnelle par la société PREISO,

CONDAMNER solidairement les sociétés DEDALUS HEALTHCARE FRANCE et NKKD à payer à la société PREISO la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens qui pourront être recouvrés par Maître Nadine HEICHELBECH, Avocat au Barreau de Colmar

DEBOUTER les sociétés DEDALUS HEALTHCARE FRANCE et NKKD de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de la société PREISO.

'

Dans leurs dernières écritures datées du 23 novembre 2023, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SASU DEDALUS BIOLOGIE et la SARL NKKD demandent à la cour de':

Prononcer la caducité de l'appel en application de l'article 905-1 du CPC.

Subsidiairement, confirmer purement et simplement l'ordonnance déférée et déclarer irrecevable la société PREISO en son action par application de l'article L621-9 du Code de commerce ;'

Encore plus subsidiairement, déclarer prescrite la société PREISO en son action par application de l'article 2224 du Code civil ;'

A titre infiniment subsidiaire, débouter la société PREISO de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Condamner la société PREISO à payer aux sociétés DEDALUS BIOLOGIE et NKKD la somme chacune de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive';

Condamner la société PREISO à payer aux sociétés DEDALUS BIOLOGIE et NKKD la somme chacune de 10.000 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC ;

La condamner aux entiers dépens.

'

Par acte de commissaire de justice du 15 septembre 2023, la SAS PREISO a fait signifier à Me [M] es qualités de liquidateur de la SAS JGN DISTRIBUTION la déclaration d'appel du 6 juin 2023, le récapitulatif de la déclaration d'appel du 15 juin 2023, l'avis de la déclaration d'appel du 15 juin 2023, l'avis de fixation à bref délai du 13 septembre 2023, l'ordonnance du 13 septembre 2023 fixant l'affaire à l'audience de plaidoirie du 20 décembre 2023, l'avis de convocation aux avocats et les conclusions d'appel du 6 septembre 2023.

'

Par acte de commissaire de justice du 15 novembre 2023, la SAS PREISO a fait signifier à la SELARL MJ AIR prise en la personne de Me [M] en qualité de mandataire ad hoc de la société JGN DISTRIBUTION SAS la déclaration d'appel du 6 juin 2023, le récapitulatif de la déclaration d'appel du 15 juin 2023, l'avis de la déclaration d'appel du 15 juin 2023, l'avis de fixation à bref délai du 13 septembre 2023, l'ordonnance du 13 septembre 2023 fixant l'affaire à l'audience de plaidoirie du 20 décembre 2023, l'avis de convocation aux avocats et les conclusions d'appel du 6 novembre 2023.

'

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

'

L'affaire a été évoquée à l'audience de plaidoirie du 20 décembre 2023.

'

Par note en délibéré du 4 janvier 2024, la société CA DEDALUS HEALTHCARE FRANCE indique qu'elle est issue de la fusion de trois sociétés dont DEDALUS BIOLOGIE.

'

Par note adressée le 12 janvier 2024, la cour a demandé aux parties de formuler, au moyen d'une note en délibéré leurs observations sur l'irrecevabilité':

- de la demande de caducité de la déclaration d'appel, cette compétence appartenant, aux termes de l'article 905-2 du code de procédure civile, au président de la chambre saisie';

'

- de la demande tendant à 'dire et juger qu'en application de l'article 1341-1 du Code civil, et pour le cas où Maître [M], es qualité de liquidateur de la société JGN DISTRIBUTION, ne le ferait pas, la société PREISO est bien fondée à reprendre, pour le compte de cette dernière, l'action judiciaire qu'elle avait engagée à l'encontre de la société NETIKA et à recouvrer les créances de la société JGN DISTRIBUTION sur la société NETIKA', cette demande constituant une action déclaratoire ayant pour finalité' une simple consultation des juges avant d'introduire l'action litigieuse'; or, le contrôle judiciaire doit s'exercer a posteriori et un plaideur ne peut pas se garantir à l'avance par une décision de justice de la régularité d'un acte';

'

- de la demande tendant au rejet des prétentions de la société PREISO, cette demande concernant le fond du litige et ne relevant pas du pouvoir du juge de la mise en état au vu de la liste limitative de ses attributions prévues par le code de procédure civile,

'

- de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive au regard de l'absence de pouvoir du juge de la mise en état de statuer sur une telle demande au vu de la liste limitative de ses attributions prévues par le code de procédure civile.

'

Vu la note en délibéré de la SA CA DEDALUS HEALTHCARE France et de la SARL NKKD datée du 7 février 2024,

'

Vu la note en délibéré de la SAS PREISO datée du 12 février 2024.

'

'

MOTIFS :

Sur la caducité de la déclaration d'appel :

'

L'article 905-1 du code de procédure civile dispose que lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.

'

Il résulte de l'article 905-2 du code de procédure civile que, dans la procédure à bref délai, la compétence pour constater la caducité de la déclaration d'appel revient au président de la chambre saisie et non à la cour.

'

En conséquence, la demande de caducité de la déclaration d'appel présentée par les sociétés CA DEDALUS HEALTHCARE France et NKKD est irrecevable.'

'

Sur la recevabilité des demandes de la SAS PREISO :

L'article 789 6° du code de procédure civile dispose que, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance, à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

L'article 122 du code de procédure civile dispose que, constitue une fin de non-recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

'

Aux termes de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Il résulte de l'article 125 du code de procédure civile, que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours. Le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.

'

En l'espèce, la SAS PREISO a demandé au tribunal d'une part de déclarer inopposables à la société PREISO tant l'accord transactionnel du 31 décembre 2014 entre les sociétés JGN DISTRIBUTION et NETIKA, que l'abandon par la société JGN DISTRIBUTION de créances sur la société NETIKA pour un montant de 1.036.848,66 € et d'autre part de dire et juger qu'en application de l'article 1341-1 du Code civil, et pour le cas où Maître [M], es qualité de liquidateur de la société JGN DISTRIBUTION, ne le ferait pas, la société PREISO est bien fondée à reprendre, pour le compte de cette dernière, l'action judiciaire qu'elle avait engagée à l'encontre de la société NETIKA et à recouvrer les créances de la société JGN DISTRIBUTION sur la société NETIKA.'

'

- Sur l'action paulienne :

'

L'article 1341-2 du code civil dispose que le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d'établir, s'il s'agit d'un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude.

'

Le droit exclusif que l'article 46 de la loi du 25 janvier 1985 confère au représentant des créanciers pour agir au nom et dans l'intérêt de ceux-ci ne fait pas obstacle à ce qu'un créancier exerce l'action de l'article 1341-2 du Code civil contre tous les actes faits en fraude de ses droits par le débiteur (C. cass com., 8 octobre 1996, n°93-14.068).

'

L'action paulienne n'étant pas concernée par la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif n'interdit pas au créancier d'intenter une telle action (Cass. Com., 2 novembre 2005, n°04-16.232).

'

En conséquence et en l'espèce, l'action paulienne introduite par la SAS PREISO est recevable et l'ordonnance déférée sera infirmée sur ce point.'

'

- Sur la demande tendant à être autorisée à exercer une action oblique :

'

L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l'espèce, la demande de la société PREISO tendant à 'dire et juger qu'en application de l'article 1341-1 du Code civil, et pour le cas où Maître [M], es qualité de liquidateur de la société JGN DISTRIBUTION, ne le ferait pas, la société PREISO est bien fondée à reprendre, pour le compte de cette dernière, l'action judiciaire qu'elle avait engagée à l'encontre de la société NETIKA et à recouvrer les créances de la société JGN DISTRIBUTION sur la société NETIKA', constitue une action déclaratoire et a pour finalité de demander une simple consultation aux juges avant d'engager l'action litigieuse.

'

Or, le contrôle judiciaire doit s'exercer a posteriori et un plaideur ne peut pas se garantir à l'avance par une décision de justice de la régularité d'un acte.

'

En conséquence, la demande présentée par la société PREISO est irrecevable.'

'

- Sur la prescription de l'action paulienne :

'

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu, ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

'

En l'espèce, lors de la publication des comptes de l'exercice 2014 de la société NETIKA, la société PREISO a pu prendre connaissance des éléments suivants':

'

'Faits caractéristiques':

L'annexe légale fait apparaître, en page 21, des produits et charges exceptionnels qui découlent du point suivant.

Par accord transactionnel obtenu et signé à la fin de l'année 2014, l'entité Netika a mis fin au litige commercial qui l'opposait à son ancien agent commercial. Pour rappel des faits, un contrat d'agent commercial, signé en 2007 avec cet agent, a été dénoncé en novembre 2012, ayant pour effet l'arrêt immédiat de toute collaboration et mouvement d'affaires. En juillet de l'année 2023, l'ancien agent commercial a assigné l'entité en justice au TGI de Strasbourg.

L'accord signé à la fin de l'exercice 2014 a donné lieu à une remise des dettes commerciales envers cette société pour un montant d'environ 911 k€, montant comptabilisé en produits exceptionnels.

A contrario, il a été enregistré en charges exceptionnelles 562 k€ au titre de l'annulation d'une créance enregistrée au 31 décembre 2021 en avoirs à recevoir. Enfin, les indemnités transactionnelles prévues dans l'accord ont été saisies en charges exceptionnelles'.

'

Toutefois, c'est à raison que la société PREISO expose que la seule lecture des comptes ne lui permettait pas d'exercer l'action paulienne, sans connaître le contenu de l'accord transactionnel évoqué.

Elle produit un extrait d'un document, qu'elle dit avoir réceptionné en mars 2019, dans le cadre de sa mission de contrôleur duquel il résulte':

'

- 'La société JGN DISTRIBUTION s'est déclarée disposée à envisager un accord transactionnel ('). Après de nombreuses discussions entre leurs conseils réciproques, les parties se sont rapprochées. C'est dans ce contexte (') que les parties se sont rapprochées et sont convenues ce qui suit'';

- 'A titre transactionnel et définitif, les parties conviennent de mettre fin à tout litige les opposant au titre des événements ci-avant rappelés'';

-''Article 1 - Litige commercial entre les sociétés JGN DISTRIBUTION et NETIKA': la société JGN DISTRIBUTION et la société NETIKA acceptent de mettre fin au litige commercial les opposants, moyennant le versement par la société NETIKA à la société JGN DISTRIBUTION, de la somme globale et forfaitaire de 110 000 € HT (cent dix mille euros hors taxes), soit 132 000,00 € TTC (centre trente-deux mille euros toutes taxes comprises) pour solde de tout compte, au titre des factures énumérées en Annexe II du présent protocole'';

- Les sociétés régulariseront 'des conclusions de désistement d'instance et d'action devant la chambre commerciale du TGI de Strasbourg dans un délai de huit jours à compter de la signature des présentes'';

- 'Article 2 - Rachat par la société NKKD de la société JGN': La société NKKD ayant manifesté son intérêt pour la reprise de l'activité de distribution et de formation de NETIKA, accepte de se porter acquéreur de façon ferme et définitive de l'ensemble des titres de la société JGN DISTRIBUTION dont sont propriétaires à 100 % Messieurs [C] [S], [L] [Z] et [E] [P] et la société HOLDING GJ, lesquels acceptent irrévocablement de les céder le tout selon les principales et modalités suivantes, conformément à l'acte de cession figurant en Annexe II du présent protocole'.

'

Dès lors, c'est avec une particulière mauvaise foi que les sociétés CA DEDALUS HEALTHCARE France et NKKD soutiennent aujourd'hui, en contradiction des pièces produites, qu'aucun accord transactionnel n'a jamais été conclu.

'

La cour relève en sus que la société PREISO ne dispose pas du document litigieux en son intégralité.

'

Dès lors, l'action paulienne engagée par la société PREISO n'est pas prescrite et sera déclarée recevable.'

'

Sur la demande de rejet des prétentions de la société PREISO':

'

Dans leurs conclusions d'appel, les sociétés CA DEDALUS HEALTHCARE France et NKKD consacrent de longs développements au rejet des prétentions de la SAS PREISO (pages 9 à 13) et demandent à la cour de débouter la société PREISO de ses prétentions.

'

Or, cette demande concerne le fond du litige et ne relève pas du pouvoir du juge de la mise en état, tel que prévu par l'article 789 du code de procédure civile. Elle est en conséquence irrecevable.

''

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive':

'

Dans leurs conclusions d'appel, les sociétés CA DEDALUS HEALTHCARE France et NKKD demande à la cour de condamner la société PREISO à leur payer la somme de 20'000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive.

'

Or, cette demande concerne le fond du litige et ne relève pas du pouvoir du juge de la mise en état, tel que prévu par l'article 789 du code de procédure civile. Elle est en conséquence irrecevable.'

'

Sur les demandes accessoires :

'

Eu égard à l'issue du litige, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge des sociétés CA DEDALUS HEALTHCARE France et NKKD, qui seront en outre condamnées in solidum à verser à la société PREISO la somme de 5'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'ordonnance déférée étant infirmée en ce sens.

'

Les sociétés CA DEDALUS HEALTHCARE France et NKKD seront déboutées de leurs prétentions au titre des dépens et frais irrépétibles.

'

'

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

'

INFIRME l'ordonnance rendue le 19 mai 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg,

'

Statuant à nouveau':

'

DECLARE irrecevable la demande de caducité de la déclaration d'appel présentée par les sociétés CA DEDALUS HEALTHCARE France et NKKD,

'

DECLARE la société PREISO recevable en son action paulienne,

'

DECLARE irrecevable la demande de la société PREISO tendant à 'dire et juger qu'en application de l'article 1341-1 du Code civil, et pour le cas où Maître [M], es qualité de liquidateur de la société JGN DISTRIBUTION, ne le ferait pas, la société PREISO est bien fondée à reprendre, pour le compte de cette dernière, l'action judiciaire qu'elle avait engagée à l'encontre de la société NETIKA et à recouvrer les créances de la société JGN DISTRIBUTION sur la société NETIKA',

'

DECLARE irrecevable la demande des sociétés CA DEDALUS HEALTHCARE France et NKKD tendant au rejet des prétentions de la société PREISO,

'

DECLARE irrecevable la demande des sociétés CA DEDALUS HEALTHCARE France et NKKD tendant à la condamnation de la société PREISO de dommages et intérêts pour procédure abusive,

'

CONDAMNE in solidum les sociétés CA DEDALUS HEALTHCARE France et NKKD aux dépens des procédures de première instance et d'appel,

'

CONDAMNE in solidum les sociétés CA DEDALUS HEALTHCARE France et NKKD à payer à la société PREISO la somme de 5'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les sociétés CA DEDALUS HEALTHCARE France et NKKD de leurs prétentions au titre des dépens et frais irrépétibles,

'

RENVOIE l'affaire au juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg.

'

LA GREFFIÈRE : LE PRÉSIDENT :

'


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 23/02212
Date de la décision : 06/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-06;23.02212 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award