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20/06/2023 | FRANCE | N°22/02114

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 5 a, 20 juin 2023, 22/02114


Chambre 5 A



N° RG 22/02114



N° Portalis DBVW-V-B7G-H3DV







MINUTE N°







































































Copie exécutoire à



- Me Valérie SPIESER

- Me Julie HOHMATTER





Copie au



- Ministère Public

E05-2022/00968

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Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 20 Juin 2023



Décision déférée à la Cour : 19 Avril 2021 par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE STRASBOURG



APPELANTS :



Monsieur [N] [H]

né le 19 Juillet 1970 à [Localité 11] C/O [8]

[Adresse 6]

[Localité 4]



Aide juridictionn...

Chambre 5 A

N° RG 22/02114

N° Portalis DBVW-V-B7G-H3DV

MINUTE N°

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER

- Me Julie HOHMATTER

Copie au

- Ministère Public

E05-2022/00968

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 20 Juin 2023

Décision déférée à la Cour : 19 Avril 2021 par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE STRASBOURG

APPELANTS :

Monsieur [N] [H]

né le 19 Juillet 1970 à [Localité 11] C/O [8]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002154 du 28/06/2022

Représenté par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour,

Madame [E] [V] épouse [H]

née le 01 Mars 1974 à [Localité 11] C/O [8]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002155 du 28/06/2022

Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour,

INTIMEE et APPELANTE INCIDENTE :

Association THEMIS, prise en la personne de son représentant légal,

Administrateur ad'hoc de l'enfant [T] [L] né le 26/01/2014 à [Localité 4].

[Adresse 2]

[Localité 4]

Aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002226 du 28/06/2022

Représentés par Me Julie HOHMATTER, avocat à la cour,

INTIMÉ :

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE COLMAR représentant le Procureur de la République de Strasbourg

[Adresse 7]

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représenté par M. Jean-Luc JAEG, Avocat Général qui a fait connaître son avis,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en Chambre du Conseil, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme LEHN, Président de chambre, et Mme ARNOUX, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme LEHN, Président de chambre

Mme ARNOUX, Conseiller

Mme GREWEY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme MASSON,

ARRET AVANT DIRE DROIT,

- Contradictoire,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Dominique LEHN, président et Mme Linda MASSON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

[T] [L] est né le 26 janvier 2014. Sa filiation maternelle est établie à l'égard de Mme [S] [B] par mention de l'identité de la mère sur l'acte de naissance. Sa filiation paternelle est établie à l'égard de M. [F] [L] par reconnaissance établie le 29 janvier 2014.

Mme [E] [H] et M. [N] [H] ont saisi le tribunal judiciaire de Strasbourg afin d'ordonner une expertise génétique de comparaison entre [T] [L] et chacun d'eux, dire que l'enfant déclaré sous le nom de [L] est leur fils, dire qu'il portera le patronyme de [H] et ordonner la rectification de l'acte de naissance.

Par jugement en date du 19 avril 2021, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- déclaré la loi française applicable à la recherche de paternité et de maternité,

- déclaré irrecevable l'action de Mme [E] [H] en recherche de maternité,

- déclaré irrecevable l'action de M. [N] [H] en recherche de paternité,

- condamné Mme [E] [H] et M. [N] [H] aux entiers dépens.

Mme [E] [V] épouse [H] et M. [N] [H] ont interjeté appel le 25 mai 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 15 mai 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 août 2022, les appelants demande à la cour de :

- les déclarer recevables et fondés en leur appel,

- déclarer les intervenants volontaires recevables et fondé en leur intervention volontaire,

y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- ordonner avant dire droit une expertise et missionner tel expert qu'il plaira à la cour avec mission de :

- procéder aux diligences et prélèvements nécessaires en vue d'identifier l'empreinte génétique de l'enfant [T], de Monsieur [N] [H] et de Madame [E] [V] épouse [H],

- recueillir, à cet effet, préalablement leur consentement aux diligences et prélèvements nécessaires en vue d'identifier leurs empreintes génétiques,

- procéder à la comparaison de l'empreinte génétique de l'enfant [T] avec celle de Monsieur [N] [H] et de Madame [E] [V] épouse [H],

- dire si l'enfant [T] est le fils de Monsieur [F] [L] et de Madame [S] [B] épouse [L],

- dire si l'enfant [T] est le fils de Monsieur [N] [H] et de Madame [E] [V] épouse [H],

- déclarer la demande des concluants visant à contester la reconnaissance de maternité de Madame [S] [B] épouse [L] et de Monsieur [F] [L] recevable et fondée,

- dire que Madame [S] [B] épouse [L] et de Monsieur [F] [L] ne sont pas les parents de [T],

Puis,

- déclarer la demande des concluants recevable et fondée visant à l'établissement de la filiation de l'enfant [T] à l'égard de Monsieur [N] [H] et de Madame [E] [V] épouse [H],

- dire et juger que [T] est l'enfant de Monsieur [N] [H] et de Madame [E] [V] épouse [H] et portera le patronyme [H],

- ordonner les mesures de publicités légales et ordonner la rectification des mentions contenues par l'acte de naissance n°000635/2014 conservé en la mairie de [Localité 4],

- Statuer ce que de droit quant aux frais.

Il est exposé que l'enfant a été déclaré sous le patronyme [T] [L] de [F] [L] et de [S] [B]. Finalement, les époux [H] ont rétabli la vérité s'agissant de leur véritable identité auprès de la Préfecture du Bas-Rhin et souhaitent procéder à la rectification de l'acte de naissance de [T]. Estimant qu'il ne s'agissait pas d'une erreur au sens de l'article 99 du code civil, ils ont saisi le Tribunal Judiciaire d'une demande tendant avant dire droit à l'instauration d'une mesure d'expertise et au fond,de voir dire et juger que [T] est leur enfant et doit porter le nom patronymique [H].

L'association Themis a été désignée en qualité d'administrateur ad'hoc de l'enfant [T]. Elle a conclu devant le premier juge à l'instauration d'une mesure d'expertise au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant d'avoir un acte d'état civil conforme à sa situation biologique.

Mme [S] [B] épouse [L] et M. [F] [L] n'ont pas d'existence juridique et n'existent pas. En conséquence, il ne peut leur être opposé l'existence d'une filiation légalement établie alors que [T] est l'enfant biologique des époux [H]. Il ne peut dès lors être opposé à leur demande de mettre en conformité le nom patronymique de [T], qui correspond à l'état civil réel de ses parents biologiques par le biais de l'établissement d'une filiation à l'égard de ses parents biologiques sous leur vrai nom.

Il est exposé qu'il résulte des écritures déposées en première instance que la présente procédure avait pour objet la contestation de la filiation de l'enfant telle qu'indiquée par son acte de naissance, tant en ce qui concerne sa mère que son père et l'établissement de la filiation à l'égard de Monsieur [N] [H] et Madame [E] [V] épouse [H].

La demande, dont était saisi le juge aux affaires familiales visait au regard des faits d'espèce à l'établissement de la filiation de [T] [L] à l'égard des parties, impliquait nécessairement la contestation de la filiation précédemment établie dont le caractère légal est contesté.

Selon les appelants, la contestation de la filiation précédemment établie était virtuellement comprise dans la demande d'établissement de la filiation à leur égard, de sorte que c'est à tort que cette demande a été déclarée irrecevable.

La mesure d'expertise génétique est de droit. Elle ne peut être refusée sous prétexte de l'irrecevabilité de la demande et ce en application de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

Ils se verraient dans l'impossibilité de rétablir la vérité biologique et de mettre en conformité l'état civil de leur fils, ce qui serait contraire à l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, sachant que la jurisprudence rendue sous l'empire de ce texte ne peut être leur appliquée dès lors qu'elle concerne toutes les procédures avec une filiation établie à l'égard de personnes qui juridiquement et légalement existent.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 07 novembre 2022, l'association Themis en qualité d'administrateur de [T] [L] demande à la cour de :

- déclarer l'appel principal formé par Madame [E] [V] et Monsieur [N] [H] bien fondé,

- recevoir l'appel incident formé par l'association Themis, en qualité d'administrateur ad'hoc de l'enfant [T] [L] et le déclarer bien fondé,

- infirmer le jugement entrepris,

Y faisant droit,

- ordonner une expertise génétique pour déterminer si les demandeurs sont les parents biologiques de l'enfant [T] [L],

- réserver à l'association Themis le droit de conclure plus amplement suite au résultat de ladite expertise génétique.

- statuer ce que de droit quant aux frais et dépens de la présente procédure.

Il est exposé que Mme [E] [H] et M. [N] [H] sont de nationalité arménienne. Ils ont été contraints de fuir leur pays d'origine pour échapper aux persécutions qu'ils y subissaient. Ils sont arrivés en France le 3 juillet 2012 avec leurs deux enfants [D], née le 28 octobre 1994, et [P], né le 24 juillet 1997.

De peur d'être retrouvés par des agents de la République d'Arménie, ils ont déposé une demande d'asile sous une fausse identité à savoir Madame [S] [B] épouse [L] et Monsieur [F] [L]. Le 26 janvier 2014, l'enfant [T] est né à [Localité 4]. II a été déclaré sous le patronyme de [L].

A ce jour, ils ont déclaré leur véritable identité auprès de la Préfecture du Bas-Rhin. Ainsi, ils souhaitent procéder à la rectification de l'acte de naissance de [T], afin qu'il porte le même nom de famille qu'eux, à savoir [H].

Pour déclarer la demande irrecevable, le premier juge a considéré qu'avant d'établir leur filiation à l'égard de [T] [L], Madame [E] [V] et Monsieur [N] [H] doivent en premier lieu contester la maternité de Mme [S] [B] et la paternité de M. [F] [L].

Il a relevé également que Mme [S] [B] et M. [F] [L] n'ont pas été attraits à la procédure.

L'enfant [T] est âgé de 8 ans et demi. A ce jour, il ne porte pas le même nom de famille que ses parents.

La réalisation d'une mesure d'expertise génétique permettrait de façon définitive :

- de contester la maternité de Madame [S] [B] et la paternité de M. [F] [L], puisqu'en réalité ces derniers n'ont pas d'existence juridique.

- d'établir la filiation de [T] [L], Mme [E] [V] et M. [N] [H] envers leurs fils [T] afin que l'enfant [T] puisse porter son véritable nom de famille,

Le 10 novembre 2022, M. le Procureur Général a requis la confirmation du jugement, l'article 320 du code civil disposant que tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait.

MOTIVATION

L'article 320 du code civil dispose que tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation.

Pour déclarer irrecevable l'action en recherche de maternité et de paternité des appelants, il est relevé dans la décision contestée que la filiation de l'enfant est établie à l'égard de [S] [B] et [F] [L], que les simples déclarations afférentes à des identités imaginaires ne peuvent remettre en cause la filiation, qu'ils doivent d'abord contester la maternité et la paternité de [S] [B] et de [F] [L] et les attraire à la cause.

A hauteur d'appel, Mme [E] [V] épouse [H] et M. [N] [H] alias Madame [S] [B] épouse [L] et Monsieur [F] [L] intervenants volontaires se prévalent de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et l'association Themis se réfère aux dispositions de l'article 3.1 de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant du 20 novembre 1989 à savoir : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ».

La Cour Européenne des Droits de l'Homme a à plusieurs fois rappelé la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant et considère que «pour trancher une action tendant à faire établir la paternité, les tribunaux doivent tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant ».

Il ressort des éléments du dossier et notamment de l'acte de naissance que [T] [L] est né le 26 janvier 2014 de [F] [L] né à [Localité 10] (Union des républiques socialistes soviétiques) le 20 décembre 1963 et de [S] [B] née à [Localité 12] (Union des républiques socialistes soviétiques) le 20 novembre 1975.

Soutenant avoir fait usage d'identités imaginaires, les parents produisent des passeports au nom de [N] [H] né le 19 juillet 1970 (Republic of Armenia) et [E] [V] née le 1er mars 1974 (Republic of Armenia), ainsi que leurs actes de naissance, acte de mariage, demandes d'asile sous les identités de [F] [L] et [S] [B] épouse [L].

La cour relève qu'il n'est pas contesté par Mme [E] [V] et M. [N] [H] que leurs déclarations mensongères afférentes à leur identité ont eu une incidence quant à la filiation de leur enfant [T] et que par suite il leur est impossible de démontrer l'existence de personnes ayant une identité fictive et imaginaire.

Il ne peut dès lors être intentée une action en contestation de paternité et maternité à l'encontre de personnes dont l'existence n'est pas établie, ce qui les a conduit à saisir le tribunal aux fins d'ordonner une expertise ne pouvant solliciter une requête en rectification d'acte de naissance sur le fondement des dispositions de l'article 99 du code civil.

Pour autant seul l'intérêt supérieur de l'enfant prévaut. En l'espèce l'intérêt de l'enfant réside dans la réalité de ses origines et le droit de disposer d'une filiation complète maternelle et paternelle. Par conséquent, il est de l'intérêt de l'enfant de disposer d'une filiation conforme au lien identitaire et social qui est le sien et il y a lieu d'ordonner avant dire droit une expertise génétique, qui est de droit sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder.

Dans l'attente, les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu l'intervention volontaire de Mme [E] [V] épouse [H] et M. [N] [H] alias Madame [S] [B] épouse [L] et Monsieur [F] [L],

Avant dire droit :

Ordonne une expertise génétique et commet pour y procéder :

L'IGNA

[Adresse 1]

[Localité 3]

avec la mission de :

- procéder aux diligences et prélèvements nécessaires en vue d'identifier l'empreinte génétique de l'enfant [T] né le 26 janvier 2014 de M. [N] [H] et de Mme [E] [V] épouse [H],

- recueillir à ce effet préalablement leur consentement aux diligences et prélèvements, nécessaire en vue d'identifier leurs empreintes génétiques,

- procéder à la comparaison de l'empreinte génétique de [T] avec celles de Mme [E] [V] et M. [N] [H],

- dire si l'enfant [T] est le fils de Mme [E] [V] et M. [N] [H]

- dire si l'enfant [T] est le fils de Madame [S] [B] épouse [L] et Monsieur [F] [L],

- dit que le rapport devra être déposé au greffe de la cour d'appel de Colmar dans le délai de trois mois à compter de l'acceptation de sa mission par l'expert,

- rappelle que l'expertise se déroulera dans le respect des règles prescrites par les articles 263 et suivants de code de procédure civile et sous le contrôle du juge aux affaires familiales ;

Dispense de consignation ces derniers bénéficiant de l'aide juridictionnelle et laisse l'avance à la charge du Trésor Public,

Renvoie l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du 23 novembre 2023,

Réserve tous droits et moyens des parties,

Réserve les frais et dépens,

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 5 a
Numéro d'arrêt : 22/02114
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;22.02114 ?
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