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20/06/2023 | FRANCE | N°22/00024

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 5 a, 20 juin 2023, 22/00024


Chambre 5 A



N° RG 22/00024



N° Portalis DBVW-V-B7G-HXRH









MINUTE N°





































































Copie exécutoire à



- Me Anne CROVISIER

- Me Joseph WETZEL





Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PE

UPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 20 Juin 2023





Décision déférée à la Cour : 01 Décembre 2021 par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE MULHOUSE



APPELANT :



Monsieur [M] [Y]

né le 10 Septembre 1966 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour,



I...

Chambre 5 A

N° RG 22/00024

N° Portalis DBVW-V-B7G-HXRH

MINUTE N°

Copie exécutoire à

- Me Anne CROVISIER

- Me Joseph WETZEL

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 20 Juin 2023

Décision déférée à la Cour : 01 Décembre 2021 par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [M] [Y]

né le 10 Septembre 1966 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour,

INTIMÉE :

Madame [W] [H]

née le 02 Avril 1970 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Joseph WETZEL, avocat à la cour,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en Chambre du Conseil, devant la Cour composée de :

Mme LEHN, Président de chambre

Mme ARNOUX, Conseiller

Mme KERIHUEL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme MASSON,

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Dominique LEHN, président et Mme Linda MASSON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [W] [H] et M. [M] [Y] ont vécu en concubinage d'avril 1999 à juillet 2018.

De cette union, est issue une enfant [E] [Y].

Par acte authentique de donation-partage du 18 novembre 1997, établi par Me [J], notaire à [Localité 7], Mme [W] [H] a reçu la pleine propriété plusieurs immeubles situés [Adresse 3], à savoir un terrain, une maison d'habitation et des bâtiments accessoires à usage de remise pour une valeur de 160 000 francs, à charge pour elle de verser à son frère une soulte de 80 000 francs.

Par acte introductif d'instance signifié le 23 janvier 2020, M. [M] [Y] a saisi la première chambre civile du tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de condamnation de Mme [W] [H] à lui verser des fonds au titre des travaux effectués dans l'immeuble et la plus-value apportée par les travaux.

Par ordonnance du 8 avril 2021, la première chambre civile du tribunal judiciaire de Mulhouse s'est dessaisie au profit du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Mulhouse.

Dans ses dernières conclusions déposées le 19 juillet 2021, M. [M] [Y] a demandé de :

- déclarer sa demande recevable et bien fondée ;

- constater l'existence d'un enrichissement injustifié ;

- condamner Mme [W] [H] à lui payer :

la somme de 88 695,76 euros au titre des sommes et travaux payés par lui pour la maison appartenant à cette dernière ;

la somme de 20 000 euros au titre de la plus-value générée par ces travaux ;

- dire que ces montants porteront intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement à intervenir ;

subsidiairement,

- désigner un expert afin d'évaluer la maison au moment de l'entrée des parties dans les lieux, ainsi qu'à ce jour, de chiffrer les travaux réalisés et de déterminer la plus-value en résultant ;

- condamner de Mme [W] [H] à mettre le compte sur lequel sont prélevés les mensualités du prêt souscrit à hauteur de 20 000 euros, exclusivement à son nom, ou d'en ouvrir un, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

- condamner Mme [W] [H] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, assortis d'intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement à intervenir ;

- débouter la défenderesse de l'ensemble de ses fins et conclusions ;

- condamner la défenderesse aux entiers frais et dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Dans ses dernières conclusions déposées le 6 août 2021, Mme [W] [H] a demandé de :

- la déclarer recevable pour l'ensemble de ses fins, moyens et prétentions ;

à titre principal,

- déclarer irrecevable la demande formée par M. [M] [Y] ;

subsidiairement,

- débouter M. [M] [Y] de l'intégralité de ses prétentions ;

en tout état de cause,

- condamner M. [M] [Y] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [M] [Y] aux frais et dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par jugement du 1er décembre 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- déclaré l'action formée par M. [M] [Y] au titre de l'enrichissement injustifié recevable ;

- constaté que les sommes engagées par M. [M] [Y] au titre des travaux réalisés sur l'immeuble de Mme [W] [H] relevaient de sa participation normale aux charges de la vie commune ;

- rejeté en conséquence la demande formée par M. [M] [Y] à l'encontre de Mme [W] [H] au titre de l'enrichissement injustifié ;

- dit que la demande subsidiaire tendant à ce que soit ordonnée une évaluation de l'immeuble de Mme [W] [H] est par conséquent sans objet ;

- dit que la demande relative à la clôture du compte joint est sans objet ;

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [M] [Y] aux dépens.

Par déclaration au greffe par voie électronique du 28 décembre 2021, M. [M] [Y] a interjeté appel afin d'obtenir l'annulation, l'infirmation voire la réformation du jugement en toutes ses dispositions.

La clôture de la procédure a été prononcée le 23 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 5 mai 2023.

L'affaire a été mise en délibéré au 20 juin 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2022, M. [M] [Y] demande à la cour d'appel de :

- le déclarer recevable en son appel ;

- l'y dire bien-fondé ;

- infirmer le jugement entrepris en tant qu'il a constaté que les sommes engagées par lui au titre des travaux réalisés sur l'immeuble de Mme [W] [H] relevaient de sa participation normale aux charges de la vie commune et a, en conséquence, rejeté la demande formée par lui à l'encontre de Mme [W] [H] au titre de l'enrichissement injustifié ;

statuant à nouveau,

- condamner Mme [W] [H] à lui payer :

la somme de 88 695,76 euros au titre des sommes et travaux payés par lui pour la maison appartenant à Mme [W] [H] ;

la somme de 20 000 euros au titre de la plus-value générée par ces travaux ;

- dire que ces montants porteront intérêt au taux légal à compter l'arrêt à intervenir ;

en tant que de besoin,

- désigner tel homme de l'art qu'il plaira à la cour afin d'évaluer l'immeuble dans l'état dans lequel il se trouvait au moment de l'entrée des parties dans les lieux ainsi que à ce jour, de chiffrer les travaux réalisés et de déterminer la plus-value en résultant ;

en tout état de cause,

- condamner Mme [W] [H] aux entiers frais et dépens ainsi qu'à une somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [M] [Y] expose que les deux concubins ont entièrement rénové l'immeuble reçu par Mme [W] [H] à titre de donation-partage, à neuf, lui-même ayant très largement contribué à cette rénovation, payant des entreprises et souscrivant des prêts avec sa concubine pour la réalisation des travaux.

Il indique qu'à la séparation du couple en juillet 2018, les parties étaient d'accord pour qu'il soit indemnisé de ses investissements tant financier que personnel dans la réalisation des travaux, mais que Mme [W] [H] a refusé, par l'intermédiaire de son conseil de verser la moindre somme alors même qu'elle savait qu'il avait versé mensuellement pendant la vie commune des montants sur leur compte joint au titre de sa participation aux charges de la vie courante dont son hébergement.

Au visa des articles 1303 à 1303-3 du code civil, il reprend la motivation du juge aux affaires familiales pour considérer que sa demande est recevable dans la mesure où il ne dispose d'aucune autre action que celle fondée sur l'enrichissement injustifié.

Il conteste la motivation du jugement en ce que le juge aux affaires familiales a limité ses dépenses à la somme de 29 449,11 euros, a, sans distinction, comparé des valeurs en francs de l'année 2000 à des revenus en euros de l'année 2017 et n'a pas tenu compte de l'ampleur de son investissement tant financier que personnel qui excédait largement les charges de la vie commune.

Il soutient que la jurisprudence met en exergue l'ampleur des travaux et l'importance de la plus-value apportée par lesdits travaux pour déduire qu'ils excèdent la nécessaire participation aux charges de la vie commune et ne peuvent être considérés comme une contrepartie de l'amélioration du cadre de vie et de l'hébergement gratuit dont le concubin a bénéficié pendant la période de concubinage.

Il avance qu'il n'était nullement logé à titre gratuit dans la mesure où il versait sur un compte joint des montants mensuels constituant une participation importante aux dépenses du couple, exclusif de la prise en compte des dépenses importantes pour l'immeuble lesquelles ont incontestablement générées une plus-value au seul bénéfice de l'intimée.

Il expose qu'il était co-emprunteur avec Mme [W] [H] d'un prêt immobilier de 53 000 euros et d'un prêt personnel de 20 000 euros, souscrits respectivement en 2014 et 2016. Il précise qu'il a, de plus, réglé des entreprises de travaux au moyen de fonds propres pour un total de plus de 175 000 francs, a versé la somme de 10 000 francs à Mme [W] [H], ce qui est supérieur à la valeur de l'immeuble au jour de la donation-partage. Il estime ainsi avoir financé sur ses fonds personnels une grande partie de la rénovation de l'immeuble outre les travaux réalisés personnellement par lui. En prenant en compte l'indice de la construction entre les années 2000 et 2021, il considère avoir assumé des dépenses représentant un montant de 50 000 euros outre le remboursement des emprunts pour 55 000 euros, mais limite sa demande au nominal.

En tenant compte d'une valeur actuelle du bien de 250 000 euros, il fait valoir une indemnisation au titre de la plus-value au titre de sa participation aux travaux de 20 000 euros.

Il soutient l'existence d'un enrichissement sans cause directement en lien avec son appauvrissement, justifiant le bien-fondé de son action.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 juin 2022, Mme [W] [H] demande à la cour d'appel de :

- déclarer M. [M] [Y] irrecevable et mal fondé en son appel ;

- confirmer le jugement du 1er décembre 2021 en tant qu'il a constaté que les sommes engagées par M. [M] [Y] au titre des travaux réalisés sur son immeuble à elle relevaient de sa participation normale aux charges de la vie commune et a, en conséquence, rejeté la demande formée par M. [M] [Y] à son encontre au titre de l'enrichissement injustifié ;

en tout état de cause,

- condamner M. [M] [Y] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [M] [Y] aux entiers frais et dépens.

Au visa des articles 1303-01 et 1303-2 du code civil, Mme [W] [H] soutient que doivent être démontrés un enrichissement, un appauvrissement et ce sans justification, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il existe une compensation pouvant résulter, dans une situation de concubinage, d'un hébergement à titre gratuit, d'une intention libérale ou d'un intérêt personnel à vivre dans un logement rénové.

Rappelant le caractère subsidiaire de l'action, elle avance que celle-ci est irrecevable en ce qu'elle ressemble plus à un partage de communauté ayant existé entre concubin.

Elle souligne que M. [M] [Y] ne produit aucune évaluation du bien immobilier ce qui ne permet pas de retenir la plus-value de 20 000 euros dont il se prévaut.

Elle précise que la somme de 100 499,85 francs n'a pas été virée sur ses comptes bancaires personnels ou sur le compte joint en mars 2000 comme l'affirme l'appelant.

Elle conteste que le fait que M. [M] [Y] lui versait une somme mensuelle au titre de son hébergement avançant qu'il était au contraire hébergé à titre gratuit. Elle reconnaît que le compte joint, sur lesquels M. [M] [Y] versait mensuellement des fonds, était utilisé jusqu'en 2004 au financement des travaux de la maison mais explique qu'elle assumait par ailleurs la quasi-totalité des charges courantes de la famille. Elle précise qu'ensuite le compte joint a servi à régler les dépenses de la vie courante. Elle ajoute qu'elle réglait également de nombreuses dépenses communes depuis son compte personnel et que certains mois ses virements sur le compte jointé étaient bien supérieurs à ceux de l'appelant.

Elle considère que le financement par M. [M] [Y] de certains travaux comme sa qualité de co-emprunteur du prêt immobilier, au regard de 18 années de vie commune, correspond ni plus ni moins à une contribution normale aux charges normales de la vie courante et qu'il y avait un indéniable intérêt personnel.

Elle reconnaît que M. [M] [Y] a réglé les sommes de 15 321,10 euros, 8 459,85 euros et 3 290,16 euros au titre des travaux en acquittant les factures et qu'il a participé au règlement du prêt à la consommation de 2 378 euros, pour un total de 29 449,11 euros comme retenu par le juge aux affaires familiales.

Elle conteste le virement de 10 000 francs en octobre 1999, comme la facture de 4 365 euros et reprend la motivation du juge qui a constaté que s'agissant du remboursement de l'emprunt immobilier elle effectuait des virements mensuels supérieurs à ceux de M. [M] [Y].

Outre le fait que les sommes assumées par M. [M] [Y] au titre des travaux représentent une moyenne mensuelle de 136 euros par mois, elle rappelle qu'il ne lui versait aucun loyer.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIVATION

L'article 954 du code de procédure civile énonce que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, si Mme [W] [H] évoque l'irrecevabilité de la demande de M. [M] [Y] dans sa motivation, elle ne reprend pas cette demande dans son dispositif. De même, si elle demande dans son dispositif que soit déclaré irrecevable l'appel de M. [M] [Y], elle n'évoque pas de moyen d'irrecevabilité de l'appel dans ses motifs.

La cour d'appel n'examinera donc aucune de ces questions.

1. Sur l'enrichissement injustifié :

L'article 515-8 du code civil dispose que le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple.

Aucun disposition légale ne règle la liquidation des intérêts patrimoniaux des concubins. Cette liquidation relève donc du droit commun des obligations.

Il n'est pas contesté que le bien situé [Adresse 2], ayant constitué le domicile de la famille, est un bien appartenant en propre à Mme [W] [H].

L'article 1303 du code civil énonce qu'en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.

L'article 1303-1 du même code dispose que l'enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni de l'accomplissement d'une obligation par l'appauvri ni de son intention libérale et l'article 1303-2 qu'il n'y a pas lieu à indemnisation si l'appauvrissement procède d'un acte accompli par l'appauvri en vue d'un profit personnel.

L'article 1303-4 du même code énonce que l'appauvrissement constaté au jour de la dépense, et l'enrichissement tel qu'il subsiste au jour de la demande, sont évalués au jour du jugement. En cas de mauvaise foi de l'enrichi, l'indemnité due est égale à la plus forte de ces deux valeurs.

Il revient au concubin qui invoque les dispositions des articles 1303 et suivants du code civil de rapporter la preuve de son appauvrissement, celle de l'enrichissement de l'autre concubin et démontrer une corrélation entre l'appauvrissement et l'enrichissement et le fait que celle-ci soit sans fondement ni justification.

1.1 Sur la prise en charge des factures de travaux :

En l'espèce, M. [M] [Y] produit le récépissé d'un virement externe libellé « ETS PFLIEGER SARL PFLIEFGER » du 1er mars 2000 de 100 499,85 francs débité d'un compte ouvert à son nom, au profit d'un compte n° 10278 03100 00025559645 78 au libellé « ACOMPTE ET FACT 295 [H] [W] ». Ce compte ne correspond ni au compte courant de Mme [W] [H] ni au compte joint ouvert par les concubins en avril 1999 sur lequel ils ont perçu les sommes versées par la banque au titre d'un prêt et sur lequel ils effectuaient des virements intitulés « CPTE CONSTRUCTION ».

Il produit également un relevé de son compte courant mentionnant le 2 septembre 2000 un débit de 55 493 francs sous l'intitulé « FACT EBENISTERIE MD » et le 9 octobre 2001 un débit de 3 290,16 euros sous l'intitulé « VIREMENT EXTERNE ETS PFLIEGER JL ».

Si M. [M] [Y] ne produit aucune facture afférente à ces paiements permettant de les rattacher à des travaux effectués dans le bien appartenant en propre à Mme [W] [H], il sera constaté que dans ses conclusions celle-ci reconnaît que la somme de 29 449,11 euros retenue par le premier juge a bien été dépensée par M. [M] [Y] pour des travaux réalisés dans sa maison.

La facture de fib GENSBITTEL de 4 365 euros a été acquittée au moyen de deux chèques, un premier acompte de 1 300 euros réglé au moyen d'un chèque tiré sur le compte joint des parties le 3 novembre 2017 et le solde de 3 065 euros au moyen d'un chèque tiré sur le compte joint des parties le 2 février 2018. M. [M] [Y] n'a donc pas réglé seul ces factures.

M. [M] [Y] justifie avoir effectué un virement de 10 000 francs à Mme [W] [H] le 29 octobre 1999. Sur le compte de celle-ci, au 19 octobre 1999, correspondant au débit d'un chèque de 38 180 francs, est noté « cuisine ». Le même jour est crédité la somme de 31 000 francs en provenance du livret bleu de Mme [W] [H]. La concomitance entre le paiement par chèque des travaux de la cuisine et le virement par M. [M] [Y] d'une somme correspondant au solde de cette facture, permet de considérer que ce règlement correspond à des travaux effectués dans le bien.

En conséquence, il y a lieu de retenir que M. [M] [Y] a assumé la somme totale de 28 595,60 euros au titre du paiement des factures pour la réalisation de travaux dans le bien de Mme [W] [H]. Celle-ci n'a donc pas eu à engager ces dépenses elle-même.

M. [M] [Y] rapporte donc la preuve de son appauvrissement et de l'enrichissement corrélatif de Mme [W] [H] relativement au paiement de travaux.

1.2 Sur le remboursement des emprunts :

Le 27 avril 1999, Mme [W] [H] et M. [M] [Y] ont souscrit un prêt immobilier en qualité de co-emprunteurs solidaires et indivis, d'un montant de 700 000 francs, remboursables par mensualités de 5 444,82 francs jusqu'en avril 2014, aux fins de financer des travaux d'agrandissement d'une résidence principale située [Adresse 2]. Le prêt a été débloqué pour 217 080 francs le 19 mai 1999, pour deux fois la somme de 180 900 francs les 3 et 5 août 1999, pour 50 000 francs le 23 octobre 1999, pour 65 359 francs le 7 janvier 2000 et pour 4 400 francs le 6 mai 2000. Il a été soldé en mai 2014.

Il résulte des relevés du compte courant joint des concubins que les mensualités ont été réglées par les parties chacune pour moitié.

Sur le compte joint ouvert en mai 1999 et clôturé en septembre 2019, M. [M] [Y] a versé un total de 152 900,66 euros et Mme [W] [H] un total de 153 819,49 euros, étant précisé que certains relevés mensuels sont manquants et que certains versements provenant du compte courant « Familia », d'un crédit PLAN et d'un CAT n'ont pu être imputés à aucune des parties faute d'élément produit par elles.

Ce compte courant joint a servi essentiellement aux parties à rembourser l'emprunt immobilier souscrit en avril 1999 et un prêt personnel de 20 000 euros souscrit en juin 2016 par M. [M] [Y] et Mme [W] [H] en qualité de co-emprunteurs solidaires et débloqué en juin 2017. Après la séparation du couple, Mme [W] [H] a procédé seule au remboursement du solde de l'emprunt.

Le compte courant joint a également, servi à M. [M] [Y] à rembourser l'intégralité d'un emprunt de 6 000 euros souscrit en mai 2004, dont l'objet n'est précisé par aucune des parties. A compter de septembre 2000, les factures d'électricité étaient prélevées sur ce compte, puis à compter d'octobre 2007 celles d'internet et à compter de mars 2005, les parties ont tiré de nombreux chèques sur ce compte dont les montants permettent de considérer qu'il s'agit de dépenses de la vie courante. Elles ont également réglé les impôts à partir de ce compte et perçu pendant un temps les allocations familiales versées par la caisse d'allocations familiales. Le compte a également servi au paiement de la facture d'installation d'un garde-corps.

Par ailleurs, chacun des concubins a assumé depuis son compte courant personnel les dépenses d'alimentation et de transport du couple. Mme [W] [H] a également abondé le compte de l'enfant commun et lui a versé une somme mensuelle de 500 euros les dernières années du concubinage. Au cours de celui-ci, M. [M] [Y] a versé (outre la somme de 10 000 francs mentionnée ci-dessus) un total de 2 230 euros sur le compte de sa compagne.

Il en résulte que M. [M] [Y] a remboursé la moitié du prêt immobilier souscrit pour financer des travaux dans le bien appartenant à Mme [W] [H] ainsi qu'une partie du prêt personnel de 20 000 euros dont les parties conviennent qu'il a également servi à financer des travaux. Le surplus des versements de M. [M] [Y] sur le compte joint ont servi au paiement des dépenses communes.

Ainsi contrairement à ce qu'il affirme M. [M] [Y] n'a pas versé, en sus du remboursement de l'emprunt, des fonds à Mme [W] [H] relativement à l'occupation du bien.

Mme [W] [H] a bénéficié du paiement de la moitié des échéances mensuelles des prêts souscrits pour l'amélioration de son bien.

M. [M] [Y] rapporte donc la preuve de son appauvrissement et de l'enrichissement corrélatif de Mme [W] [H] relativement au remboursement des emprunts.

1.3 Sur la justification de la dépense :

M. [M] [Y] a financé des travaux dans le bien de Mme [W] [H] pour un total de 28 595,60 euros en presque 20 ans de vie commune et assumé le remboursement de l'emprunt immobilier pendant 15 ans par mensualités de 457,35 euros et le prêt personnel pendant un peu plus d'un an.

Les dépenses engagées par M. [M] [Y] au titre du financement des travaux et du remboursement de l'emprunt ont servi à rénover un immeuble qui a constitué le domicile familial des concubins et de leur fille commune.

L'appelant avait donc un intérêt à la dépense qui a permis d'améliorer son cadre de vie et il a également bénéficié à titre gratuit d'un logement pendant près de 20 ans.

Le remboursement mensuel de l'emprunt de 457,35 euros par mois, puis le versement d'une somme mensuelle de 500 euros augmentée ensuite de 170 euros après la souscription du crédit de 20 000 euros n'excèdent pas la nécessaire participation de M. [M] [Y] aux charges de la vie commune.

L'appelant ne démontre donc pas que l'enrichissement de son ex-concubine corrélatif à son propre appauvrissement est injustifié.

L'appauvrissement de M. [M] [Y] étant justifié, il n'y a pas lieu d'évaluer la plus-value que les travaux financés par les concubins ont pu générer.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée par M. [M] [Y] à l'encontre de Mme [W] [H] au titre de l'enrichissement injustifié et a dit que la demande subsidiaire tendant à ce que soit ordonnée une évaluation de l'immeuble de Mme [W] [H] est par conséquent sans objet.

2. Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Chaque partie conservera la charge de ses dépens.

L'équité, l'issue du litige et la nature familiale de celui-ci commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel,

Dans les limites de l'appel principal de M. [M] [Y],

Confirme le jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Mulhouse du 1er décembre 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne chaque partie au paiement des dépens qu'elle a engagés en appel ;

Déboute Mme [W] [H] et M. [M] [Y] de leur demande respective au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 5 a
Numéro d'arrêt : 22/00024
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;22.00024 ?
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