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20/06/2023 | FRANCE | N°21/04435

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 5 b, 20 juin 2023, 21/04435


Chambre 5 B



N° RG 21/04435



N° Portalis DBVW-V-B7F-HWEP









MINUTE N°





































































Copie exécutoire à



- Me Claus WIESEL

- Me Sophie BEN AISSA-ELCHINGER





Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

A

U NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 20 Juin 2023





Décision déférée à la Cour : 26 Août 2021 par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE STRASBOURG



APPELANTE :



Madame [C] [B]

née le 17 Janvier 1956 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Claus WIESEL, avocat à la cour...

Chambre 5 B

N° RG 21/04435

N° Portalis DBVW-V-B7F-HWEP

MINUTE N°

Copie exécutoire à

- Me Claus WIESEL

- Me Sophie BEN AISSA-ELCHINGER

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 20 Juin 2023

Décision déférée à la Cour : 26 Août 2021 par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE STRASBOURG

APPELANTE :

Madame [C] [B]

née le 17 Janvier 1956 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Claus WIESEL, avocat à la cour,

INTIMÉ et APPELANT INCIDENT :

Monsieur [V] [L] [X]

né le 21 Août 1956 à [Localité 12] (NORVEGE)

de nationalité norvégienne

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Sophie BEN AISSA-ELCHINGER, avocat à la cour,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2023, en Chambre du Conseil, devant la Cour composée de :

Mme HERBO, Président de chambre

Mme ARNOUX, Conseiller

Mme GREWEY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme FLEURET, Greffier

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Karine HERBO, président et Mme Lorine FLEURET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET PROCÉDURE

Mme [C] [B] et M. [V] [L] [X] se sont mariés le 30 décembre 1981 devant l'officier de l'état-civil de la commune de [Localité 11] (Danemark) sans avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage.

De cette union est issue une enfant [W] [X], née le 19 novembre 1989.

Par acte authentique en date du 30 octobre 1990, Mme [C] [B] et M. [V] [X] ont acquis un bien immobilier situé lieudit [Localité 10] (devenu [Adresse 2]) à [Localité 8] pour le prix de 400 000 francs financés au moyen d'un emprunt de 300 000 francs souscrit auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Alsace, remboursable en 180 mensualités et de deniers personnels pour la somme de 100 000 francs, les 39 000 francs de frais étant également réglés au moyen de deniers personnels.

Par jugement en date du 20 mars 2006, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Strasbourg a prononcé la séparation de corps des époux et a notamment :

- constaté que les parties ont été autorisées à résider séparément le 26 avril 2002 ;

- débouté Mme [C] [B] de sa demande de pension alimentaire en exécution du devoir de secours.

A la suite de la requête en divorce déposée par M. [V] [X], le juge aux affaires familiales, par ordonnance de non-conciliation contradictoire en date du 14 octobre 2008, a, notamment, décidé au titre des mesures provisoires de :

- attribuer la jouissance à Mme [C] [B] du bien indivis situé [Adresse 2] à [Localité 8] ;

- autoriser Mme [C] [B] à prélever chaque mois la somme de 550 euros sur les loyers perçus au titre de la location consentie sur l'immeuble indivis situé à [Adresse 2] et à affecter cette somme à ses besoins personnels, sans créance au profit de M. [V] [X], en exécution du devoir de secours entre époux ;

- condamner M. [V] [X] à verser à Mme [C] [B] une pension alimentaire de 75 euros par mois en exécution du devoir de secours ;

Par ordonnance du 26 avril 2010, le juge de la mise en état a :

- fixé à 380 euros l'obligation au titre du devoir de secours due par M. [V] [X] à Mme [C] [B] ;

- autorisé Mme [C] [B] à prélever chaque mois un montant de 500 euros sur les loyers perçus au titre du bail consenti sur l'immeuble de [Adresse 2] et dit que ces prélèvements s'imputeront à hauteur de 250 euros sur l'obligation de M. [V] [X] à l'égard de Mme [C] [B] au titre du devoir de secours ;

- dit que M. [V] [X] s'acquittera du surplus de son obligation par le paiement d'une pension alimentaire d'un montant mensuel de 130 euros à Mme [C] [B] ;

Par jugement en date du 13 décembre 2010, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Strasbourg a prononcé le divorce des époux et a, notamment :

- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux ;

- fixé les effets du divorce entre les époux à la date de l'acte introductif d'instance ou de l'assignation ayant donné lieu au jugement du 20 mars 2006 ;

- condamné M. [V] [X] à verser à Mme [C] [B] une prestation compensatoire de 50 000 euros ;

- condamné M. [V] [X] à verser à Mme [C] [B] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par arrêt en date du 8 octobre 2012, signifié le 25 janvier 2013, la Cour d'appel de Colmar a :

- infirmé le jugement sur le montant de la prestation compensatoire au profit de Mme [C] [B] ;

- condamné M. [V] [X] à payer à Mme [C] [B] un capital de 70 000 euros à titre de prestation compensatoire ;

- confirmé le jugement pour le surplus.

Par ordonnance en date du 10 février 2017, le tribunal d'instance de Strasbourg a ordonné l'ouverture de la procédure de partage judiciaire de la communauté de biens existant entre les époux divorcés M. [V] [X] et Mme [C] [B] et renvoyé les parties devant Maître [G], notaire à la résidence de [Localité 9], désigné en qualité de notaire commis au partage.

Maître [G] a dressé un procès-verbal de difficultés le 19 mars 2018. Il a renvoyé les parties à se pourvoir devant le juge.

Par assignation délivrée le 27 février 2019, M. [V] [X] a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux.

Par ordonnance du 22 octobre 2019, le tribunal de grande instance s'est déclaré incompétent au profit du juge aux affaires familiales.

Par jugement du 26 août 2021, le juge aux affaires familiales a statué comme suit :

- déclaré les juridictions françaises compétentes pour connaître de la liquidation du régime matrimonial des époux ;

- déclaré la loi norvégienne applicable à la liquidation du régime matrimonial des époux pour la période antérieure à la date des effets de la séparation de corps ;

- déclaré la loi française applicable au régime matrimonial des époux postérieurement à la date des effets de la séparation de corps ;

- fixé la date des effets de la séparation de corps entre les époux à la date du 28 janvier 2002 ;

- fixé la date des effets du divorce entre les époux à la date du 6 décembre 2004 ;

- dit que le bien appartenant à Mme [C] [B] et M. [V] [X] en indivision situé [Adresse 2] à [Localité 8] doit être évalué à la date la plus proche du partage ;

- débouté Mme [C] [B] de sa demande de condamnation de M. [V] [X] à lui verser la somme de 46 856 euros à titre d'indemnité pour la mise en location du bien indivis ;

- dit que Mme [C] [B] détient une créance sur l'indivision relative au bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 8] de 3388,31euros (trois mille trois cent quatre-vingt-huit euros et trente et un centimes) au titre des travaux de conservation du bien ;

- dit que Mme [C] [B] détient une créance sur l'indivision de 4 250 euros (quatre mille deux cent cinquante euros) au titre du remboursement de l'emprunt souscrit pour l'acquisition du bien indivis pour la période du 2 mai 2005 au 2 janvier 2006 ;

- enjoint à Mme [C] [B] de produire à M. [V] [X] et à Maître [G], l'ensemble des comptes de la gestion du bien immobilier indivis pour la période du 28 janvier 2002 au jour du partage ;

- débouté Mme [C] [B] et M. [V] [X] de leur demande respective de se voir attribuer préférentiellement le bien situé [Adresse 2] à [Localité 8] dans le cadre des opérations de partage de leur indivision ;

- débouté Mme [C] [B] de sa demande de dommages et intérêts ;

- débouté M. [V] [X] de sa demande de condamnation de Mme [C] [B] à lui verser la somme de 720 euros au titre des frais de partage ;

- renvoyé les parties devant Maître [G], notaire à [Localité 9] pour finalisation des opérations de partage ;

- condamné chaque partie à payer la moitié des dépens ;

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration électronique en date du 18 octobre 2021, Mme [C] [B] a interjeté appel du jugement précité, l'appel tendant à l'infirmation du jugement en tant qu'il n'a pas donné suite à ses demandes après avoir écarté l'application de la loi norvégienne.

Par ordonnance du 8 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a fixé l'audience de plaidoirie au 10 janvier 2023 à laquelle les parties ont sollicité un renvoi.

Par acte du 22 mars 2023, le conseil de M. [X] a déposé son mandat, son nouveau conseil n'ayant pas reconclu de M. [X],

L'affaire a été refixée à l'audience du 16 mai 2023.

L'affaire a été mise en délibéré au 20 juin 2023.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions notifiées électroniquement le 27 avril 2023, Mme [B] demande à la cour d'appel de :

- la déclarer bien-fondée en son appel,

Y faisant droit :

- réformer le jugement entrepris dans la limite ci-après,

Et statuant à nouveau :

- déclarer la loi norvégienne applicable à la liquidation du régime matrimonial sans distinction des effets antérieurs et postérieurs à la date de la séparation de corps ;

- constater que la valeur du bien immobilier correspond au montant du prix de vente de l'immeuble ;

- dire qu'en application du droit norvégien elle est en droit de revendiquer 84,5 % du prix de vente de l'immeuble ;

En tout état de cause :

- inviter les parties à retourner auprès du notaire chargé du partage afin que ce dernier poursuive les opérations de partage en tenant compte du droit applicable de ses droits résultant de la gestion du bien depuis 2022 et plus ;

Subsidiairement, en évaluant son droit à récompense issu également de la gestion du bien et de l'accroissement de la valeur de celui-ci issu de cette gestion 

En conséquence :

- dire qu'elle détient une créance sur l'indivision relative au bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 8] de 118.300 euros ;

- lui attribuer préférentiellement le bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 8] dans le cadre des opérations de partage de l'indivision entre les parties ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

- lui attribuer une récompense à hauteur de 118 300 euros,

- enjoindre au notaire chargé du partage de tenir compte de l'ensemble des frais exposés par

par ses soins depuis 2004 pour la conservation de l'immeuble ;

- condamner M. [V] [X] en tous les frais et dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de son appel, Mme [B] fait valoir que le notaire chargé du partage a dressé un procès verbal de difficulté et que les parties ont été contraintes de saisir le juge compte tenu de qu'il restait deux questions à trancher, à savoir celui du droit applicable, français ou norvégien et celui de l'estimation du bien immobilier à partager.

Elle estime que le premier juge est allé bien au-delà de sa saisine dans la mesure où il lui appartenait simplement de répondre aux trois questions posées par la notaire chargé du partage et de renvoyer les parties auprès de ce dernier pour qu'il puisse mener à terme les différentes opérations.

Elle fait surtout valoir que c'est bien le droit norvégien qui doit trouver son application alors que les parties ne contestent pas que la situation doit être examinée à la date du 28 janvier 2002. Ensuite, elle indique qu'il convient de déterminer à la date à laquelle il convient de se placer pour l'estimation du bien à partager. A ce titre, elle précise que des avancées ont vu le jour puisque la vente de la maison est en cours de réalisation de sorte que son estimation ne pose plus de difficulté et qu'elle rendra également inutile toute discussion relative à l'attribution préférentielle du bien. Cependant, elle indique avoir formulé une demande à ce titre dans ses écritures au cas où la vente projetée ne pourrait se réaliser.

Elle rappelle que la valeur actuelle du bien résulte de son investissement personnel et également financier et qu'elle a eu a c'ur de préserver le bien, sa parfaite conservation ayant ainsi permis d'accroître sa valeur. Elle indique verser aux débats l'ensemble de la situation comptable de sa gestion pour les années comprises entre 2002 et 2022 afin de permettre au notaire d'effectuer le partage si par impossible la loi norvégienne ne devait pas être retenue mais le droit français appliqué. Elle rappelle que la loi norvégienne lui permet de percevoir 85 % du prix de vente de l'immeuble.

Au titre de la loi applicable, elle estime que le distinguo effectué par le premier juge s'agissant de la période antérieure à la date des effets de la séparation de corps et la loi française applicable à ce même régime matrimonial postérieurement à la date des effets de la séparation de corps n'a pas lieu d'être. Elle indique que la loi norvégienne est seule applicable au regard des instruments européens, soit le reglement UE n°1259/2010 du Conseil de l'Europe du 20 décembre 2010 et du règlement UE n°2016/1103 dudit Conseil du 24 juin 2016, le premier mettant en 'uvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps et le second, une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matières de régimes matrimoniaux.

Elle affirme que le premier juge a lui-même constaté un accord procédural des parties pour opter pour le droit norvégien ce qui aurait du le conduire à déclarer la loi norvégienne applicable sans faire de distinction entre la période antérieure à la séparation de corps et celle postérieure à cette séparation. Elle s'étonne que dans ses dernières écritures, M. [X] conteste désormais cet accord procédural. Elle verse aux débats un certificat de coutume particulièrement précis et complet accompagné de la jurisprudence sur laquelle s'est appuyée son auteur.

Elle fait donc valoir que la loi norvégienne doit être appliquée au litige. Elle précise qu'en principe celle-ci prévoit un partage par moitié mais qu'en l'espèce, elle entre dans le cas de figure des exceptions dans la mesure où elle a remboursé seule la somme de 26057 euros et que sa part est donc de 5871 euros plus 26057 euros soit au total 31928 euros représentant ainsi pour elle 84,5 % et pour son époux 15,5 %, ces calculs étant confirmés par le certificat de coutume.

Elle précise que la dernière évaluation de la maison est fixée à environ 155 000 euros mais qu'il convient de retenir un budget de travaux pour glissement de terrain de 15 000 euros.

Elle rappelle en effet que selon les règles applicables en droit norvégien, le conjoint qui a seul remis un bien lourdement dégradé en l'état et en a ainsi permis sa location, a droit à une compensation pour lesdits travaux d'amélioration.

Enfin, si par extraordinaire la loi française devait être retenue, elle démontre qu'elle détient une créance de 118300 euros sur l'indivision qu'elle est en droit de revendiquer dans le cadre du partage.

Aux termes de ses conclusions en date du 18 mars 2022 notifiées via le RPVA, M. [X] sollicite de la cour de :

avant dire droit :

- constater que Maître [G] a établi un procès-verbal de difficultés dans les opérations de partage existant entre lui-même et Mme [B] ;

-enjoindre à Mme [B] de produire les décomptes complets de gestion du bien immobilier commun, détaillant les loyers perçus et les charges y afférant ;

En conséquence, sur l'appel principal :

- débouter Mme [B] de l'intégralité de ses demandes ;

Sur l'appel incident :

- infirmer partiellement le jugement du Tribunal judiciaire de Strasbourg du 26/08/2021, et

- lui attribuer le bien immeuble situé dans la commune de [Localité 8] dans le Calvados exclusivement en qualité de propriétaire ;

- condamner Mme [C] [B] aux frais des opérations de partage, soit en lui remboursant la somme de 720 € qu'il a acquitté auprès de Maître [Z] [G] au titre de l'opération de partage diligentée,

- condamner Mme [B] à un montant de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [B] aux entiers frais et dépens des deux instances.

Il indique faire sien le raisonnement du premier juge et rappelle que la séparation de corps entraîne séparation de biens, ce que ne connaît pas la loi norvégienne. Il précise que l'analyse opérée par Mme [B] quant à l'application de la loi norvégienne n'est aucunement partagée de sorte qu'elle ne peut soutenir qu'il existait un accord procédural sur la loi applicable en première instance. Il sollicite en conséquence que le jugement querellé soit confirmé quant à la loi applicable.

Il rappelle que Mme [B] a jouit seule du bien immobilier en litige à compter du 28 janvier 2002 et qu'elle l'avait loué à un particulier pendant plusieurs années, percevant là aussi seule les loyers, soit 790 euros par mois ce qui équivaut à 50560 euros sur la totalité des années, qui devaient lui revenir pour moitié. Il estime nécessaire qu'elle produise avant dire droit un décompte exact de sa gestion du bien indivis pendant toute la période. En tout cas, il fait valoir que la part de son ex épouse sur le patrimoine commun devra donc être amputé du montant des créances qui lui sont dues au titre des loyers qu'elle a encaissés seule et des échéances de crédits qu'il a pris en charge entre 1993 et 2001. Il rappelle que la maison se situe sur un site exceptionnel, près d'une chapelle classée et à seulement 10 km de [Localité 7], rappelant également que les maisons voisines se vendent actuellement à 250 000 euros.

Il relève enfin que si Mme [B] a géré ce bien pendant 18 années, elle ne justifie aucunement de son investissement et des importantes dégradations dont elle fait état.

MOTIVATION

La cour d'appel rappelle, à titre liminaire qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » et de « rappels » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

Elle rappelle également les dispositions de l'alinéa 3 de l'article 954 du code de procédure civile qui énonce que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Sur les demandes avant dire droit formulées par M. [X] :

M. [X] sollicite que la cour constate que Me [G] a établi un procès-verbal de difficultés dans les opérations de partage existant entre lui-même et Mme [B] et d'enjoindre cette dernière a produire les décomptes complets de gestion du bien immobilier commun détaillant les loyers perçus et les charges y afférents.

La première demande visant à « constater » ne constitue pas une prétention saisissant la cour et il est par ailleurs relevé, que l'existence d'un procès-verbal de difficultés n'est aucunement discuté.

Concernant les décomptes complets de gestion, il y a lieu de rappeler que le premier juge a déjà enjoint Mme [B] de les produire au notaire et à l'intimé, rappelant qu'il résulte de l'ordonnance de non-conciliation du 14 octobre 2008 que si la jouissance du bien indivis a été attribuée à Madame [C] [B], il lui était également fait obligation de communiquer deux fois par an à Monsieur [V] [X] les comptes gestions et pièces justificatives de sa gestion du bien.

Par ailleurs, il y a lieu de relever que l'appel de Mme [B] ne porte que sur « l'infirmation du jugement en tant qu'il n'a pas donné suite aux demandes de Mme [B] après avoir écarté l'application du droit norvégien » de sorte que cette disposition se devra d'être spontanément exécutée, et qu'en tout état de cause, a été ordonnée dans le dispositif du jugement entrepris, confirmé de ce chef.

Sur la dimension internationale du litige :

Mme [C] [B] est de nationalité française et M. [V] [X] de nationalité norvégienne, le mariage a été célébré au Danemark, à [Localité 11], et les parties ont vécu pendant le mariage en Norvège et en France, ce qui rend nécessaire de déterminer la compétence internationale des juridictions françaises ainsi que la loi applicable au divorce.

Sur la compétence internationale :

A défaut de convention internationale, la compétence territoriale est définie par les dispositions du droit français rapportées à l'international. Le régime matrimonial applicable aux époux est successivement les régimes norvégien et français comme mentionné ci-dessous.

L'article 15 du code civil énonce qu'un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger.

Il résulte des pièces versées aux débats que Mme [C] [B] est de nationalité française. La compétence française des juridictions n'est pas discutée à hauteur de cour et il est acquis que M. [V] [X] pouvait valablement attraire la défenderesse devant la juridiction française pour voir réaliser les opérations de liquidation et partage de leur régime matrimonial, même nées à l'étranger.

Sur la détermination de loi applicable :

Les époux s'étant mariés avant le 1er septembre 1992, aucune convention internationale n'est applicable à leur régime matrimonial, il convient donc d'appliquer le principe de l'autonomie de la volonté que les époux aient ou non conclu un contrat de mariage.

La loi applicable au régime matrimonial des époux est présumée être celle de la fixation de leur premier domicile conjugal, sauf si le centre véritable de leurs intérêts pécuniaires ne concorde pas à celui-ci du premier domicile.

En l'espèce, le premier domicile commun des époux a été fixé en Norvège et il résulte des déclarations des parties qu'elles ne se sont installées en France qu'en 1986.

A hauteur de cour, M. [X] réfute s'être entendu avec Mme [B] sur l'application de la loi norvégienne et précise qu'il n'a jamais partagé l'analyse de celle-ci.

Mme [B] soutient quant à elle que la loi norvégienne est applicable au régime matrimonial des époux.

L'incidence du régime matrimonial retenu a bien entendu des conséquences financières, qui ne sont pas identiques selon l'application de la loi norvégienne, qui serait plus favorable à Mme [B], que l'application de la loi française.

Compte tenu de ce que les époux se sont mariés avant le 1er septembre 1992 et qu'aucune convention internationale n'est applicable à leur régime, il convient d'appliquer le principe de l'autonomie de la volonté des époux. Il est constant que leur premier domicile conjugal a été fixé en Norvège et que les époux n'ont pas conclu de contrat de mariage. Il ne fait donc aucun doute qu'il convient de faire application de la loi norvégienne au régime matrimonial des époux mais uniquement jusqu'à la date des effets de leur séparation de corps, qui a été prononcée le 20 mars 2006.

Il sera rappelé que les parties ont volontairement saisi les juridictions françaises de leur demande en séparation de corps, la lecture de la décision en ce sens montre qu'aucune d'entre elle n'avait remis en cause cette compétence. Il en découle que les parties se sont naturellement soumises à la loi française dans le cadre de leur procédure.

En outre, l'article 302 du code civil, dans sa version applicable au 20 mars 2006, énonce que la séparation de corps entraîne toujours séparation de biens. Il en résulte qu'à compter de la date des effets de la séparation de corps entre les époux, le régime de la séparation de biens de droit français leur est applicable.

Il n'est donc pas possible comme le sollicite Mme [B] de déclarer la loi norvégienne applicable à la liquidation du régime matrimonial sans distinction des effets antérieurs et postérieurs à la date de la séparation de corps. Par ailleurs, la lecture des documents et de l'analyse de la situation qu'elle a confiée à un conseil norvégien, (qui a bien indiqué ne pas avoir évalué la question du droit applicable mais partir du principe que le droit norvégien est applicable dans cette affaire) est inopérante en l'espèce.

C'est donc par une parfaite analyse que le premier juge a dit que la loi norvégienne était applicable à la liquidation du régime matrimonial des époux pour la période antérieure à la date des effets de la séparation de corps et que la loi française était applicable au régime matrimonial des époux postérieurement à la date des effets de la séparation de corps qui a été fixée au 28 janvier 2002.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef et partant les demandes connexes formulées par Mme [B] en application de la loi norvégienne seront rejetées.

Sur les demandes relatives à la liquidation du régime matrimonial

Sur les créances et récompenses revendiquées par Mme [B] sur l'indivision au titre des travaux et du remboursement d'emprunt :

L'article 815-13 du code civil dispose que lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute.

Le remboursement après la date de dissolution de la communauté d'un emprunt contracté pendant le mariage pour l'acquisition d'un bien commun constitue « une mesure nécessaire à la conservation de l'immeuble », de telle sorte que l'époux, qui assume personnellement la charge du remboursement des arrérages de cet emprunt pour le compte de l'indivision post-communautaire, est créancier à l'égard de cette dernière.

L'application de la loi norvégienne ayant été écartée par la cour comme développé supra, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Mme [B] visant à dire qu'elle détiendrait une créance sur l'indivision relative au bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 8] d'un montant de 118 300 euros.

Par ailleurs, la cour observe que Mme [B] ne produit aucun élément supplémentaire à ceux déposés en première instance et qu'elle échoue toujours à hauteur d'appel à démontrer avoir effectué de plus amples dépenses de conservation du bien immobilier ou qu'elle s'en était acquittée, outre celles retenues en première instance.

De même, les listings qu'elle produit pour justifier du remboursement de l'emprunt et ce malgré une tentative de recoupement de la cour entre les différents documents et extraits de compte de La Poste et du Crédit agricole n'ont pas permis de démontrer d'autres versements que ceux déjà justifiés et pris en compte en première instance pour la période du 2 mai 2005 au 2 janvier 2006, soit la somme de 4250 euros.

De ce qui précède, et en l'absence d'élément nouveau, la décision querellée sera intégralement confirmée quant aux créances de Mme [B] sur l'indivision et elle sera déboutée de sa demande visant à lui attribuer une récompense à hauteur de 118300 euros l'application de la loi norvégienne ayant été écartée.

Il n'y a pas plus lieu d'enjoindre le notaire chargé du partage de tenir compte de l'ensemble des frais exposés par Mme [B] depuis 2004 pour la conversation de l'immeuble, ceux-ci seront naturellement pris en compte uniquement à hauteur des montants justifiés par ses soins.

Sur l'attribution préférentielle du bien situé à [Localité 8] :

Compte tenu de l'analyse ci-dessus opérée en application de la loi française, le bien immobilier litigieux est à ce jour soumis au régime de l'indivision de droit français.

L'article 1476 du code civil énonce que le partage de la communauté, pour tout ce qui concerne ses formes, le maintien de l'indivision et l'attribution préférentielle, la licitation des biens, les effets du partage, la garantie et les soultes, est soumis à toutes les règles qui sont établies au titre « Des successions » pour les partages entre cohéritiers.

Toutefois, pour les communautés dissoutes par divorce, séparation de corps ou séparation de biens, l'attribution préférentielle n'est jamais de droit, et il peut toujours être décidé que la totalité de la soulte éventuellement due sera payable comptant.

L'article 831-2 du code civil énonce que le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut également demander l'attribution préférentielle :

1° De la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation, s'il y avait sa résidence à l'époque du décès, et du mobilier le garnissant, ainsi que du véhicule du défunt dès lors que ce véhicule lui est nécessaire pour les besoins de la vie courante ;

2° De la propriété ou du droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l'exercice de sa profession et des objets mobiliers nécessaires à l'exercice de sa profession ;

3° De l'ensemble des éléments mobiliers nécessaires à l'exploitation d'un bien rural cultivé par le défunt à titre de fermier ou de métayer lorsque le bail continue au profit du demandeur ou lorsqu'un nouveau bail est consenti à ce dernier.

Les biens indivis pouvant donner lieu à attribution préférentielle sont limitativement énumérés par la loi.

Il résultait des pièces versées aux débats en première instance qu'aucune des parties n'occupait le bien indivis à titre d'habitation, ni n'y exerçait une activité professionnelle. Tel est toujours le cas. Cependant, les parties indiquent que le bien serait en cours de vente et chacune sollicite une nouvelle fois l'attribution dudit bien.

Or, la simple circonstance que le bien serait désormais en vente ne permet pas de déroger aux articles susvisés.

En conséquence, il ne peut être fait droit à leur demande et la décision entreprise sera également confirmée de ce chef.

Sur les demandes formulées au titre frais de partage et l'invitation à retourner auprès du notaire commis :

En application des dispositions de l'article 240 de la loi du 1er juin 1924 les frais de procédure devant le tribunal saisi du partage, ainsi que les opérations devant le notaire et les frais nécessaires pour mettre les intéressés en possession de leurs lots respectifs sont à la charge de la masse.

En conséquence, il convient de débouter M. [V] [X] de sa demande de condamnation de Mme [B] à lui verser la somme de 720 euros au titre des frais de partage, les frais devant être mis à charge définitive de la masse à partager et seront donc pris en compte dans l'acte de partage. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Enfin, les parties sont invitées à prendre attache avec le notaire commis aux fins de finaliser leurs opérations de partage.

Sur les frais du procès :

Chaque partie conservera la charge de ses dépens engagés à hauteur de cour.

L'équité, l'issue du litige et la nature familiale de celui-ci commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel,

Statuant dans les limites de l'appel principal de Mme [B] et de l'appel incident de M. [X]

DÉBOUTE Mme [B] de l'ensemble de ses demandes principales et subséquentes tendant à l'application à la liquidation du régime matrimonial de loi norvégienne ;

CONFIRME en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement prononcé le 26 août 2021 par le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Strasbourg ;

Y ajoutant

CONDAMNE chaque partie à supporter les dépens qu'elle aura engagés en appel ;

REJETTE les demandes indemnités formulées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 5 b
Numéro d'arrêt : 21/04435
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;21.04435 ?
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