COUR D'APPEL DE COLMAR
Chambre 6 (Etrangers)
N° RG 23/02283 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IC6S
N° de minute : 177/2023
ORDONNANCE
Nous, Catherine DAYRE, Conseillère à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Laura BONEF, greffière ;
Dans l'affaire concernant :
M. X se disant [G] [F]
né le 10 Mars 2004 à [Localité 3] (ALGERIE)
de nationalité algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;
VU l'arrêté pris le 10 octobre 2022 par LE PREFET DE LA MOSELLE faisant obligation à M. X se disant [G] [F] de quitter le territoire français ;
VU la décision de placement en rétention administrative prise le 17 mai 2023 par LE PREFET DE LA MOSELLE à l'encontre de M. X se disant [G] [F], notifiée à l'intéressé le même jour à 10h18 ;
Vu l'ordonnance rendue le 19 mai 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Metz prolongeant la rétention administrative de M. X se disant [G] [F] pour une durée de vingt-huit jours à compter du 19 mai 2023, décision confirmée par le premier président de la cour d'appel de Metz le 21 mai 2023 ;
VU la requête de M. LE PREFET DE LA MOSELLE datée du 15 juin 2023, reçue et enregistrée le même jour à 14h24 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de trente jours de M. X se disant [G] [F] ;
VU l'ordonnance rendue le 16 Juin 2023 à 09h55 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarant la requête de M. LE PREFET DE LA MOSELLE recevable et la procédure régulière, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. X se disant [G] [F] au centre de rétention de Geispolsheim, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de trente jours à compter du 16 juin 2023 ;
VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. X se disant [G] [F] par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 19 Juin 2023 à 09h09 ;
VU les avis d'audience délivrés le 19 juin 2023 à l'intéressé, à Maître Raphaël REINS, avocat de permanence, à Madame [R] [D], interprète en langue arabe assermenté, à M. LE PREFET DE LA MOSELLE et à M. Le Procureur Général ;
Le représentant de M. LE PREFET DE LA MOSELLE, intimé, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique du 19 juin 2023, n'a pas comparu, mais a fait parvenir des conclusions en date du 19 juin 2023, qui ont été communiquées au conseil de la personne retenue.
Il n'a pas été possible d'établir la connexion avec le centre de rétention administrative. De ce fait, M. X se disant [G] [F] a accepté d'être représenté à l'audience par son conseil, Maître REINS, et s'est entretenu avec celui-ci et l'interprète par téléphone.
A l'issue de cet entretien, la conseillère a été entendu en son rapport, Maître REINS en ses observations et la SELARL [V] en ses conclusions.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le juge des libertés et de la détention de Strasbourg, par ordonnance du 16 juin 2023, dont appel, a ordonné une deuxième prolongation de la rétention administrative de Monsieur X se disant [G] [F].
Pour ordonner la prolongation de la rétention, le premier juge a énoncé que l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résultait de la dissimulation, par la personne retenue, de son identité, situation qui a imposé de nombreuses recherches et démarches et qu'il n'apparaissait pas, à ce stade, qu'il n'existerait pas de perspectives d'éloignement raisonnables d'ici la fin de la période maximale de rétention.
A l'appui de son appel, Monsieur X se disant [G] [F], qui sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté, a rappelé que le juge devait vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et du laissez-passer consulaire.
Il a également invoqué le défaut de motivation de l'ordonnance déférée, soulignant qu' il ne ressort pas de la motivation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qu'il a procédé à l'examen office de tout moyen susceptible d'emporter la mainlevée de la rétention dans le cadre de la procédure aux fins de prolongation de la rétention; qu'en effet, il n'est notamment fait aucune mention des diligences faites par l'administration au cours de sa première période de rétention administrative.
Il a rappelé que Conseil constitutionnel a reconnu que l'exigence de motivation des jugements à la valeur d'un principe fondamental (Cons. Const. 3 novembre 1977, n°77-101) et que la Cour européenne des Droits de l'Homme a déjà eu l'occasion d'estimer que dans le respect de l'article 6 de la CESDH, les garanties implicites de l'article 6§1 comprennent l'obligation de motiver les décisions de justice.
A l'audience, M. X se disant [G] [F] n'a pas comparu en raison de problèmes techniques et a accepté d'être représenté par son avocat.
Son conseil, a repris les moyens développés dans la déclaration d'appel.
Sur l'irrecevabilité de l'appel, soulevée d'office par le magistrat, le conseil de Monsieur X se disant [G] [F] a soutenu que les moyens soulevés pouvaient entraîner une infirmation de l'ordonnance.
La préfet de la Moselle, non comparante, a sollicité la confirmation de l'ordonnance déférée.
Il a rappelé que par décision n°15-28795 du 13 juillet 2016, la Cour de cassation a pu constater que la présentation des parties est facultative et que le préfet peut utilement faire valoir son argumentation par un jeu d'écritures.
Il a fait valoir que les nouveaux moyens ne peuvent être soulevés que dans le délai d'appel et que les exceptions de procédure ne sont recevables qu'en tant qu'elles ont été soulevées in limine litis devant le premier juge.
Sur l'irrégularité, tirée de l'incompétence du signataire de la requête et de la demande en laissez-passer consulaire , il a indiqué que ce moyen n'a pas été soulevé devant le premier juge; qu'en application des articles 74 et 117 du Code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, aucune exception de nullité de fond (pouvoir du signataire) ne peut être soulevée après toute défense au fond ou fin de non-recevoir; que le moyen est donc irrecevable en appel ; qu'au surplus la délégation de signature était produite et permettait d'établir que le signataire avait compétence pour saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la rétention; que la question de l'empêchement du Préfet et des personnes placées sous son autorité était inopérante ; que la signature du délégataire emporte preuve d'indisponibilité des signataires de premier rang; qu'une demande de laissez-passer consulaire n'est pas un acte administratif soumis au contrôle juridictionnel et qu'aucun texte n'exige que l'agent qui formule la demande ait délégation de signature pour le faire.
S'agissant du second moyen d'appel, le préfet a fait valoir que l'article 6 de la CESDH ne peut être invoqué par la partie adverse dans un contentieux relatif à la conduite d'une rétention lequel ne se rattache ni à des « droits et obligations de caractère civil » ni à une « accusation en matière pénale' ; qu'au surplus le moyen manque de motivation en fait, dès lors que le juge des libertés et de la détention a bien expliqué les motifs de sa décision; que l'intéressé ne justifie d'aucun élément qui aurait changé le sens de la décision du juge des libertés et de la détention.
Sur quoi
L'appel de Monsieur X se disant [G] [F], à l'encontre de l'ordonnance rendue le 16 juin 2023 à 9h55 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, interjeté le 19 juin 2023 à 9h09, a été formé dans le délai prévu a l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, régulièrement prorogé en application de l'article 642 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article R743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile 'à peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée'.
L'exigence de motivation signifie que l'appelant doit exposer dans sa déclaration d'appel, les moyens de fait ou de droit, susceptibles d'entraîner la réformation de la décision déférée.
Toutefois, le moyen, qui se limiterait à demander au juge de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation ou de la demande de laissez-passer consulaire , ne saurait être considéré comme recevable, dès lors qu'il n'expose pas, en quoi, dans le dossier soumis à la cour, les auteurs des requêtes ou laissez-passer consulaire susvisés ne seraient pas compétents, ce qui entraînerait l'irrégularité des actes concernés, une simple demande de vérification ne pouvant constituer, à elle seule, un moyen d'appel, en ce qu'elle ne constitue pas une argumentation; que cette demande ne constitue pas une motivation d'appel au sens de l'article précité, à défaut pour l'appelant de caractériser par les éléments de l'espèce dûment circonstanciés, l'irrégularité alléguée.
S'agissant du défaut de motivation reproché au premier juge, il est exact que l'exigence de motivation d'une décision de justice est un principe fondamental, qui s'applique à tout juge, y compris le juge des libertés et de la détention, nonobstant le fait que l'article 6 de la CESDH ne soit pas applicable en matière de rétention administrative.
En revanche, il y a lieu de rappeler, comme l'a déjà fait la cour à plusieurs reprises, que la sanction encourue en cas de défaut de motivation du jugement est la nullité de la décision qui a été prononcée et non son infirmation, comme le sollicite Monsieur X se disant [G] [F].
Il se déduit du caractère inopérant du moyen et donc de son irrecevabilité que l'appel est, en lui même irrecevable.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARONS l'appel de Monsieur X se disant [G] [F] non recevable.
Prononcé à [Localité 1], en audience publique, le 19 Juin 2023 à 15h20, en présence de
- Maître Raphaël REINS, conseil de M. X se disant [G] [F]
- de l'interprète, lequel a traduit la présente décision à l'intéressé lors de son prononcé.
Le greffier, Le président,
reçu notification et copie de la présente,
le 19 Juin 2023 à 15h20
l'avocat de l'intéressé
Maître Raphaël REINS
Comparant
l'intéressé
M. X se disant [G] [F]
né le 10 Mars 2004 à [Localité 3] (ALGERIE)
Non comparant
l'interprète
Madame [R] [D]
Comparante
l'avocat de la préfecture
SELARL [V]
Non comparant
EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,
- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,
- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,
- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,
- ledit pourvoi n'est pas suspensif.
La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :
- au CRA de [Localité 2] pour notification à M. X se disant [G] [F]
- à Maître Raphaël REINS
- à M. LE PREFET DE LA MOSELLE
- à la SELARL [V] AVOCATS
- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.
Le Greffier
M. X se disant [G] [F] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance
le À heures
Signature de l'intéressé