La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2023 | FRANCE | N°22/00851

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 5 a, 13 juin 2023, 22/00851


Chambre 5 A



N° RG 22/00851



N° Portalis DBVW-V-B7G-HY6U







MINUTE N°





































































Copie exécutoire à



- Me Valérie SPIESER

- Me Dominique HARNIST

- Me Pégah HOSSEINI SARADJEH



Copie au

- Ministère Public

E05-202

2/00805



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 13 Juin 2023





Décision déférée à la Cour : 28 Janvier 2022 par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE COLMAR



APPELANTS :



Madame [E] [K] [J] [N]

née le 19 Novembre 1987 à [Localité 5]

de nationalité fran...

Chambre 5 A

N° RG 22/00851

N° Portalis DBVW-V-B7G-HY6U

MINUTE N°

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER

- Me Dominique HARNIST

- Me Pégah HOSSEINI SARADJEH

Copie au

- Ministère Public

E05-2022/00805

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 13 Juin 2023

Décision déférée à la Cour : 28 Janvier 2022 par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE COLMAR

APPELANTS :

Madame [E] [K] [J] [N]

née le 19 Novembre 1987 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Monsieur [X] [A] [V]

né le 24 Mars 1974 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentés par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour,

INTIMÉS :

Monsieur [H] [U] [Z]

né le 13 Août 1984 à [Localité 3]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Dominique HARNIST, avocat à la cour,

Association THEMIS , ès qualité d'administrateur ad hoc du mineur [R] [N] [Z] né le 02 juillet 2016 à [Localité 3].

[Adresse 2]

[Localité 5]

Aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000963 du 05/04/2022

Représentée par Me Pégah HOSSEINI SARADJEH, avocat à la cour,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Mai 2023, en Chambre du Conseil, devant la Cour composée de :

Mme LEHN, Président de chambre,

Mme ARNOUX, Conseiller,

Mme KERIHUEL, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme MASSON,

MINISTÈRE PUBLIC auquel le dossier a été communiqué

Jean-Luc JAEG, Avocat Général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Dominique LEHN, président et Mme Linda MASSON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

L'enfant [R] [N] est né le 2 juillet 2016 à [Localité 3], des relations entre Mme [E] [N], et M. [H] [Z] qui l'a reconnu, le 13 juillet 2016.

Suivant déclaration conjointe de changement de nom faite le même jour devant l'officier d'état civil d'[Localité 6], l'enfant a pris le nom de [N] [Z].

Selon acte d'huissier délivré le 17 mars 2020, M. [V] et Mme [N] ont fait assigner M. [Z] et l'enfant [R] [N] [Z] devant le tribunal judiciaire de Colmar.

Par ordonnance en date du 4 mars 2020, le juge des tutelles des mineurs a désigné l'association Thémis en qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant [R].

Par jugement en date du 5 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Colmar a :

- déclaré recevable l'action en contestation de paternité formée par M. [V] et Mme [N],

- ordonné une mesure d'expertise génétique comparative portant sur les personnes de M. [Z], de M. [V] et de l'enfant [R], renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 14 décembre 2020.

Le rapport d'expertise déposé le 26 juillet 2021 a établi que M. [Z] n'est pas le père biologique de [R] et que la paternité de M. [V] à l'égard de l'enfant est extrêmement vraisemblable.

Par jugement en date du 28 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Colmar a :

- dit que M. [Z] n'est pas le père de l'enfant [R], annulé en conséquence, la reconnaissance de paternité effectuée le 13 juillet 2016 en mairie d'[Localité 6] et la déclaration conjointe de changement de nom du même jour,

- dit que M. [V], est le père de l'enfant [R], et que l'enfant s'appellera dorénavant [V], ordonné la mention de la présente décision en marge de l'acte de naissance de l'enfant, et, le cas échéant, sur les acte annulés,

- donné acte à Mme [N] et M. [V] de la mise en 'uvre d'un suivi psychologique à l'égard de [R],

- accordé à M. [Z] à l'égard de l'enfant un droit de visite et d'hébergement s'exerçant, sauf meilleur accord, comme suit : jusqu'au 7 juillet 2022 : en période scolaire et pendant les petites vacances scolaires du vendredi des semaines paires à 18h au vendredi des semaines impaires à 18h, à partir du 7 juillet 2022 : en période scolaire et pendant les petites vacances scolaires les fins de semaine paire du vendredi 18h au dimanche 18h, et pendant les congés d'été la première quinzaine d'août les années paires, la deuxième quinzaine de juillet les années impaires,

-condamné in solidum M. [V] et Mme [N] à payer à l'enfant [R] une somme d'un euro symbolique à titre de dommages et intérêts,

- condamné in solidum M [V] et Mme [N] à payer à M. [Z] une somme de 25 000 euros, à titre de dommages et intérêts, ordonné l'exécution provisoire des dispositions relatives aux modalités de rencontre entre M. [Z] et [R], condamné in solidum M. [V] et Mme [N] à payer à M. [Z] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- condamné in solidum M. [V] et Mme [N] aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise génétique.

Par déclaration en date du 28 février 2022, Mme [N] et M. [V] ont interjeté appel du jugement en ce qu'il a accordé à M. [Z] à l'égard de l'enfant [R] un droit de visite et d'hébergement condamné in solidum M. [V] et Mme [N] à payer à M. [Z] une somme 25 000 euros à titre de dommages et intérêts, ordonné l'exécution provisoire des dispositions relatives aux modalités de rencontre entre M. [Z] et [R], condamné in solidum M. [V] et Mme [N] à payer à M. [Z] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 CPC, aux dépens en ce compris les frais de l'expertise génétique.

Le Ministère Public a, le 15 septembre 2022, requis la confirmation du jugement du tribunal judiciaire de Colmar en date du 28 janvier 2022.

Par leurs dernières conclusions en date du 17 octobre 2022, Mme [N] et M. [V] demandent à la cour de :

Déclarer les concluants recevables et fondés en leur appel,

Infirmer le jugement entreprise en tant qu'il a accordé à M. [Z] à l'égard de l'enfant [R] un droit de visite et d'hébergement s'exerçant sauf meilleur accord, comme suit : jusqu'au 7 juillet 2022 : en période scolaire et pendant les petites vacances scolaires du vendredi des semaines paires à 18h00 au vendredi des semaines impaires à 18h00 , à partir du 7 juillet 2022 : en période scolaire et pendant les petites vacances scolaires les fins de semaine paire du vendredi 18h00 au dimanche 18h00, pendant les congés d'été, la première quinzaine d'août les années paires, la deuxième quinzaine de juillet les années impaires, dit que les congés scolaires débutent à la sortie de l'école et s'achèvent la veille de la reprise des cours, condamné in solidum M. [V] et Mme [N] à payer à M. [Z] une somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts, ordonné l'exécution provisoire des dispositions relatives aux modalités de rencontre entre M. [Z] et [R], condamné in solidum M. [V] et Mme [N] à payer à M. [Z] une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, condamné in solidum M. [V] et Mme [N] aux dépens en ce compris les frais de l'expertise génétique,

Sur les mesures financières, débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts,

Subsidiairement, réduire très sensiblement le montant accordé,

Sur la demande additionnelle, le débouter de sa demande additionnelle et plus généralement de l'ensemble de ses fins, moyens et conclusions,

Sur le droit de visite et d'hébergement supprimer les droits de visite et d'hébergement de M. [Z],

Dire que cette suppression est justifiée depuis la dénonciation des faits par [R],

Débouter M. [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Dire que les frais répétibles et irrépétibles resteront à la charge de chacune des parties y compris les frais d'expertise qui seront partagés par moitié,

M. [V] et Mme [N] indiquent avoir entretenu une liaison alors que Mme [N] vivait avec M. [Z] depuis l'année 2005, que de cette liaison est né l'enfant [R] le 2 juillet 2016, qui a été reconnu par sa mère à la naissance et par M. [Z] le 13 juillet 2016, ce dernier sachant qu'il n'était pas le père biologique de [R].

Lors de la séparation des parties en 2018, M. [Z] voyait l'enfant une fin de semaine sur deux et la moitié des vacances, puis Mme [N] a accepté une résidence en alternance.

[R], malgré son jeune âge était informé de ce que M. [V] était son vrai père, néanmoins, continuait à voir M. [Z].

Ils indiquent qu'un élément nouveau est intervenu justifiant la cessation de toute relation entre M. [Z] et [R], que le comportement étrange les a amenés à consulter une psychologue Mme [P] qui s'est entretenue seule avec [R] le 1er juin 2022, a évoqué des actes d'attouchements commis par M. [Z], puis le 8 août 2022 l'enfant a confirmé des faits de viols.

Ils ont déposé plainte à l'encontre de M. [Z], plainte toujours en cours.

Ils indiquent que depuis la dénonciation, l'enfant n'a plus de contact avec M. [Z] qui a lui même indiqué par courrier officiel qu'il cessait tout droit de visite et d'hébergement, et que [R] ne souhaite plus de contact evec M. [Z].

Ils observent avoir agir dans l'intérêt de l'enfant qu'il convenait de protéger et que la demande de dommages et intérêts de M. [Z] est indécente.

Ils estiment que la poursuite de droits de visite et d'hébergement les week-ends et sans limitation de durée n'est pas de l'intérêt de l'enfant qui sait que M. [Z] n'est pas son père, et qui identifie parfaitement M. [V] comme étant son père, qu'elle est de nature à entretenir une confusion dans l'esprit de [R], que les faits dénoncés par l'enfant justifient la supression de tout contact.

S'agissant des dommages et intérêts, les appelants affirment que M. [Z] savait qu'il n'était pas le père biologique de l'enfant, qu'il a reconnu l'enfant du fait de la situation de couple dans laquelle il se trouvait avec Mme [N], qu'il s'est comporté comme le père lorsqu'il vivait à son domicile, en connaissance de cause de la réalité biologique.

Ils précisent que s'il est vrai qu'à une reprise M. [V], M. [B], M. [Z] et M. [D] sont allés en Allemagne, cela s'est déroulé bien avant la naissance de [R], ajoutent que M. [V] a appelé M. [Z] en septembre 2019 pour lui expliquer de manière claire qu'il était le père de [R].

Ils soutiennent que les dommages et intérêts alloués à M. [Z] sont injustifiés, ce dernier ayant reconnu l'enfant en connaissance de cause de ce qu'il n'en était pas le père biologique, et en tous les cas devront être considérablements réduits.

Ils relèvent enfin l'attitude véhémente de M. [Z] qui, sans sommation, a fait saisir les comptes de M. [V] et Mme [N] un vendredi soir, alors que ceux-ci avaient la garde de la fille handicapée de M. [V] à leur domicile.

Par ses dernières conclusions en date du 28 juillet 2022, M. [Z] demande à la cour de :

Déclarer l'appel de Mme [N] et M. [V] mal fondé, les en débouter, ainsi que de l'intégralité de leurs fins moyens et conclusions,

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Sur demande additionnelle,

Condamner in solidum M. [V] et Mme [N] au paiement à M. [Z] d'un montant de 15 000€ au titre de la réparation du préjudice subi, du fait du non respect de la décision de première instance, montant assorti des intérêts légaux à compter de la signification de la décision à intervenir,

Condamner in solidum M. [V] et Mme [N] aux entiers frais et dépens de l'instance ainsi qu'au paiement de 3 000€ par application de l'article 700 du CPC.

M. [Z] fait valoir que de par le passé, il s'est comporté comme le seul père de [R], non seulement durant le temps ou celui-ci résidait au domicile familial, mais également en exerçant un droit de visite usuel puis une garde alternée, à l'égard de celui qu'il considérait et qui se considérait comme son fils. Il précise que depuis le dépôt du rapport d'expertise, ni lui ni sa compagne ne parlent à [R] comme s'il était son papa.

Il rappelle que le premier juge et l'association Themis insistent sur la nécessité, dans l'intérêt de l'enfant, d'une modification progressive des modalités de rencontre entre lui et [R], ce que les parents de l'enfant n'entendent pas, qu' ils ont à compter de mai 2022, mis totalement fin à toute rencontre entre lui et [R].

M. [Z] soutient que les appelants ont commis une faute, en le maintenant durant des années dans la légitime croyance qu'il était le père de [R]. Il souligne que Mme [N] avait pris le soin d'entourer l'annonce de sa grossesse de tout un scénario plein d'amour et de délicatesse, que M. [Z] a été intimement lié à cette grossesse, a assisté à l'accouchement, que quelques jours après la naissance de l'enfant, M. [V] est venu le chercher pour fêter sa paternité en Allemagne.
Il souligne que dans le cadre de la réglementation judiciaire des modalités d'exercice de l'autorité parentale sur [R] dont Mme [N] a saisi le juge aux affaires familiales près de 4 mois avant l'introduction de la procédure de contestation de paternité, elle a sollicité l'exercice conjoint de l'autorité parentale sur [R], et l'attribution à celui-ci d'un droit de visite et d'hébergement à l'amiable en fonction de ses disponibilités, et que dès la troisième semaine de septembre 2019, il a réorganisé sa vie professionnelle de manière à pouvoir prendre en charge [R] une semaine sur deux, Mme [N] étant d'accord pour une résidence alternée de [R], situation de fait ayant cours jusqu'au 3 décembre 2021.

Il ajoute que M. [V] lui a téléphoné en octobre 2019 pour lui expliquer qu'il n'était pas le père de [R], ce que Mme [N] a confirmé un mois plus tard, qu'il n'a pu se résoudre à croire cette nouvelle jusqu'à l'annonce des résultats de l'expertise biologique. Il précise que le silence a été gardé sur la vérité biologique des liens entre M. [Z] et [R] pour préserver les intérêts financiers de M. [V] et Mme [N], étant précisé que M. [V] avait pour projet de monter une société, ce pourquoi il avait un intérêt à garder de bonnes relations avec lui dans la mesure où il est le beau-frère du plus gros client de M. [V].

Il souligne que son préjudice d'affection tant direct que par ricochet est incommensurable, notamment par le fait qu'il est témoin du désarroi évident dans lequel est désormais plongé [R], qu'il est inadmissible de tenter de faire croire qu'il aurait, en toute connaissance de cause, continué à se battre durant plusieurs années pour avoir le droit de garder à mi-temps l'enfant de l'amant de Mme [N], ou encore qu'il aurait reconnu [R] «sans en informer» cette dernière, alors qu'ont été signé en mairie en même temps, la reconnaissance et le changement de nom, ce second acte avec la signature de la mère. Il ajoute que l'effet dévastateur qu'a provoqué la remise en cause subite de sa paternité est justifié par les suivis médicaux et psychologiques qu'il a entamé depuis avril 2019, et se poursuivent à ce jour.

Il conclut que le comportement récent des appelants qui les a conduit à interrompre tout contact entre [R] et M. [Z], en ce qu'il constitue un arrachement aussi violent qu'insupportable à titre personnel et par ricochet, justifie la mise en compte d'un préjudice complémentaire à hauteur de 15 000 euros.

Par ses dernières conclusions en date du 5 août 2022, [R], représenté par l'association Thémis, demande à la cour de :

Déclarer l'appel mal fondé,

Sur les droits de visite de M. [Z], réserver les droits de l'association Thémis, en qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant [R], de conclure sur ce point à l'issue de l'enquête pénale qui est en cours,

Sur les demandes de dommages et intérêts,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum M. [V] et Mme [N] à payer à l'enfant [R] une somme d'un euro symbolique à titre de dommages et intérêts,

Donner acte à l'association Thémis qu'elle n'entend pas prendre position sur la demande de dommages et intérêts formulées par M. [Z] et qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour,

Statuer ce que de droit sur les frais et dépens.

L'association Thémis énonce que le débat concernant le maintien de la résidence alternée au profit de M. [Z] est devenu sans objet puisque le jugement de première instance prévoit qu'à compter du 7 juillet 2022, ce dernier bénéficie d'un droit de visite et d'hébergement et non plus d'une résidence alternée.

Elle fait valoir que si l'enfant paraît identifier la famille où figure sa mère et son père biologique comme étant la cellule familiale principale, et qu'il semble avoir au moins en partie compris les enjeux de la présente procédure et les questionnements quant à la paternité des deux hommes qui partagent sa vie, il continue à identifier M. [Z] comme une figure paternelle, qu'il est de l'intérêt de l'enfant de ne pas accomplir de modification brutale afin de ne pas perturber le petit garçon davantage, et qu'un suivi psychologique est opportun au vu du mal être grandissant qu'exprimait l'enfant face à la situation familiale lors de ses entretiens avec l'association.

L'association Thémis indique que suite à une plainte déposée par Mme [N] et M. [V] à l'encontre de M. [Z] pour atteinte sexuelle à l'égard de [R], elle a pu constater que la position de [R] à l'égard de M. [Z] a évolué, qu'il ne souhaite plus le voir, et sollicite la possibilité de conclure et de prendre position à l'issue de l'enquête pénale.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts, l'association Thémis souligne qu'il ressort des pièces que Mme [N] savait pertinemment que M. [Z] n'était pas le père biologique de son fils, que le comportement des parents biologiques est donc fautif, en ce qu'ils ont laissé se construire une identité de l'enfant sur une filiation qu'ils savaient être dès l'origine erronée.

Par écrits déposés le 2 septembre 2022, le Ministère Public a requis la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Motifs

Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 janvier 2023 et les conclusions respectives des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de leurs moyens.

Sur les droits de visite et d'hébergement de M. [Z]

Les premiers juges ont tiré les conséquences de l'expertise génétique établissant que le père biologique de [R] était M. [X] [V], annulé la reconnaissance de paternité effectuée le 13 juillet 2016 par M. [Z], dit que M. [V], est le père de l'enfant [R], et que l'enfant s'appellera dorénavant [V].

Ils ont considéré de façon pertinente qu'en application de l'article 337 du code civil, il était de l'intérêt de l'enfant de maintenir des liens avec celui qui l'élevait, au regard du lien très fort existant entre M. [Z] et [R], mis en évidence lors des entretiens menés par l'association Thémis, qu'il convenait de ne pas modifier le rythme de l'enfant vivant en alternance auprès de sa mère et de M. [Z] de manière brutale, et dit qu'à compter de la fin de l'année scolaire, M. [Z] bénéficiera d'un droit de visite et d'hébergement une fin de semaine sur deux en période scolaire et pendant les petites vacances scolaires et 15 jours durant les vacances d'été à partir du 7 juillet 2022.

Force est de constater que les appelants ont déposé plainte le 8 juin 2022 pour viol par personne ayant autorité sur la victime à l'encontre de M. [Z], et mis un terme aux droits de visite et d'hébergement de ce dernier.

Compte tenu de cette procédure pénale toujours en cours, et du refus manifesté par l'enfant auprès son administrateur ad hoc de voir M. [Z], la décision ne peut être qu'infirmée et les droits de visite et d'hébergement de M. [Z] suspendus jusqu'à l'issue de la procédure pénale.

Sur les dommages et intérêts

M. [V] et Mme [N] soutiennent que la demande de dommages et intérêts n'est pas justifiée dès lors que M. [Z] a reconnu [R] alors qu'il savait qu'il n'en était pas le père, ce que conteste fermement ce dernier.

Les premiers juges ont considéré qu'il était avéré que M. [V] et Mme [N] savaient, avant même la naissance, que [R] était le fils biologique de M. [V], et ne démontraient pas que M. [Z] ait été informé de la situation, et ait reconnu [R] en sachant n'être pas son père biologique.

Les seuls éléments produits par les appelants sont deux attestations émanant de Mme [I] [W], amie de Mme [N] et de Mme [L] [N], sa mère, qui relatent que [E] [N] leur avait annoncé dès sa grossesse, que le père de l'enfant était M. [X] [V], qu'il n'est ni indiqué, ni même suggéré que M. [Z] en avait été informé.

Il est établi par les nombreuses photographies et attestations produites que M. [Z] s'est comporté dès avant la naissance comme le père de [R], a assisté à sa naissance, l'a fêtée quelques jours plus tard en compagnie de M. [B], un certain [G] et M. [V].

Si M. [V] conteste l'attestation de M. [B] en affirmant que cette sortie était antérieure à la naissance de l'enfant, il doit être constaté qu'il indique avoir expliqué à M. [Z] qu'il était le père de [R] par un appel téléphonique en septembre 2019, soit après la dissolution du Pacs entre Mme [N] et M. [Z] intervenue le 17 juin 2019, ce qui conforte les affirmations de M. [Z].

Il apparaît également que Mme [N] a sollicité par requête du 23 septembre 2019 l'exercice conjoint de l'autorité parentale, des droits de visite et d'hébergement pour M. [Z] sans remettre en cause la paternité de ce dernier, l'action en contestation de paternité n'ayant été introduite qu'en mars 2020, alors que M. [Z] s'était organisé pour accueillir l'enfant dans le cadre d'une résidence alternée.

Il ressort de ces éléments que c'est de façon pertinente que les premiers juges ont considéré que M. [Z] a été sciemment trompé par Mme [N] et M. [V] sur la réalité de sa paternité.

Le comportement et les mensonges de Mme [N] et M. [V], dont il n'est pas exclu comme le souligne l'intimé qu'ils avaient un intérêt, sinon financier du moins commercial d'entretenir de bonnes relations avec M. [Z], ont causé à ce dernier un préjudice moral indéniable d'autant plus conséquent qu'ils ont perduré pendant une période totale de 5 années, permettant la création d'un lien affectif père/fils très fort comme le relèvent les différentes attestations produites.

Le préjudice moral de M. [Z], aggravé par la détresse de [R] qu'il a pu mesurer, a été justement évalué à 25 000€, dès lors la décision sera confirmée sur ce point.

Sur le préjudice complémentaire

M. [Z] soutient que les appelants ont mis fin de façon brutale à ses droits de visite et d'hébergement à l'égard de [R] au mépris de l'intérêt de l'enfant, et ce faisant aggravé son préjudice affectif, ce qui justifie leur condamnation à un montant de 15 000€.

M. [V] et Mme [N] concluent au rejet de cette demande, justifié par la préservation de l'enfant au regard de la plainte déposée.

Il est établi par la production du récépissé de déclaration du 8 juin 2022 qu'une plainte pour viol incestueux par personne ayant autorité sur la victime, a été déposée par Mme [N] à l'encontre de M. [Z].

Compte tenu de la procédure pénale toujours en cours, il ne peut être considéré en l'état que M. [V] et Mme [N] ont commis une faute justifiant la demande de dommages et intérêts, en conséquence M. [Z] sera débouté de sa demande.

Les appelants seront tenus aux entiers dépens d'appel et à verser à M. [Z] un montant de 3 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Colmar en date du 28 janvier 2022 en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qui concerne les droits de visite et d'hébergement accordés à M. [H] [Z],

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Suspend les droits de visite et d'hébergement accordés à M. [H] [Z] à l'égard de l'enfant [R] [N] [V], jusqu'à l'issue de la procédure pénale,

Déboute M. [H] [Z] de sa demande de dommages et intérêts complémentaires,

Condamne in solidum M. [X] [V] et Mme [E] [N] aux dépens et à verser à M. [H] [Z] une somme de 3 000€ (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 5 a
Numéro d'arrêt : 22/00851
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;22.00851 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award