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08/06/2023 | FRANCE | N°20/02236

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 sb, 08 juin 2023, 20/02236


MINUTE N° 23/452



















NOTIFICATION :







Copie aux parties







Clause exécutoire aux :



- avocats

- parties non représentées









Le









Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB



ARRET DU 08 Juin 2023





Numéro d'inscription au réperto

ire général : 4 SB N° RG 20/02236 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HL5B



Décision déférée à la Cour : 10 Juin 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHIN

Service contentieux

[Adresse 1]

[Localité 2]



Comparante en v...

MINUTE N° 23/452

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 08 Juin 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 20/02236 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HL5B

Décision déférée à la Cour : 10 Juin 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHIN

Service contentieux

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparante en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE :

S.A.S. [5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean SCHACHERER, avocat au barreau de STRASBOURG, substitué par Me BURNER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme HERBO, Président de chambre, et Mme GREWEY, Conseiller, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme HERBO, Président de chambre

Mme GREWEY, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

- 2 -

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme HERBO, Président de chambre,

- signé par Mme HERBO, Président de chambre,  et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE

Le 23 mai 2017, M. [Z] [P], salarié de la SAS [5], entreprise spécialisée dans la fabrication de préparations pharmaceutiques, embauché en qualité d'agent de fabrication affecté à la cryo-décongélation à compter du 23 juin 2014, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical initial daté du 16 mai 2017 faisant état d'une « tendinopathie chronique du supra-épineux droit non rompue et non calcifiante sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ».

Le 10 octobre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin a informé l'employeur de la prise en charge de la pathologie déclarée par M. [P] au titre du tableau 57A des maladies professionnelles.

Le 6 décembre 2017, la SAS [5] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM du Bas-Rhin d'un recours en contestation de l'opposabilité de cette décision.

Par requête du 9 mars 2018, la SAS [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin d'un recours à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission.

Par jugement du 10 juin 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg, devenu compétent pour connaître du litige, statuant à juge unique et selon la procédure écrite sans audience, a :

déclaré irrecevable la demande de la SAS [5] tendant à l'annulation de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du 16 mai 2017 de M. [P],

déclaré la décision de la CPAM du Bas-Rhin du 10 octobre 2017 de prendre en charge la maladie « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite » de M. [P] du 16 mai 2017 au titre du risque professionnel inopposable à la SAS [5],

- 3 -

condamné la CPAM du Bas-Rhin à verser à la SAS [5] la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toute demande plus ample ou contraire,

condamné la CPAM du Bas-Rhin aux dépens.

La CPAM du Bas-Rhin a interjeté appel du jugement par courrier du 3 août 2020.

Par ordonnance du 8 juillet 2022, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie collégiale du 13 avril 2023.

L'affaire a été mise en délibéré au 8 juin 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions réceptionnées au greffe de la cour le 10 décembre 2020 visant les écritures à la date du 2 décembre 2020, reprises oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin demande à la cour de :

- réformer, infirmer ou annuler le jugement entrepris ;

- lui décerner acte de ce qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur ;

- dire et juger que la condition liée à l'exposition aux travaux prévus au tableau 57A des maladies professionnelles est remplie ;

- rejeter la demande d'inopposabilité formulée par la société [5] ;

- déclarer la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du 16 mai 2017 (épaule droite) de M. [P] opposable à la société [5] ;

- condamner la société [5] au paiement d'un montant de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [5] aux frais et dépens.

La caisse primaire d'assurance maladie fait grief au jugement entrepris d'avoir déclaré inopposable à la SAS [5] sa décision de prise en charge de la maladie « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite » de M. [P] du 16 mai 2017 au motif qu'elle n'apportait pas la preuve que la condition tenant à la liste limitative des travaux du tableau n° 57 A des maladies professionnelles était remplie.

Elle rappelle que le dossier n'avait pu être plaidé en première instance compte tenu de la crise sanitaire et que le premier juge avait estimé qu'il existait une discordance entre les questionnaires. Elle précise que l'employeur avait uniquement transmis son questionnaire au pôle social et que la caisse n'en avait pas eu connaissance initialement.

- 4 -

Elle soutient pour l'essentiel que lesdits questionnaires complétés par l'assuré et l'employeur dans le cadre de l'instruction du dossier permettaient pleinement de prouver que M. [P] [Z] était exposé au risque, l'employeur y rappelant lui-même qu'à raison de deux heures par jour, le salarié effectuait des « mouvements de tiroirs ».

Elle considère en conséquence que l'activité du salarié, qui consiste à manipuler des poches de sang et à ouvrir et fermer des centrifugeuses, correspond à des tâches avec des mouvements en abduction forcée avec un angle supérieur à 60°.

La caisse allègue également que le caractère habituel des travaux n'implique pas que les mouvements constituent une part prépondérante de l'activité du salarié.

Elle indique, en outre, que son médecin-conseil ayant émis un avis favorable pour la prise en charge de la pathologie déclarée au titre du risque professionnel, cet avis s'imposait à elle.

Considérant que toutes les conditions de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale étaient remplies, la caisse estime qu'elle n'avait pas l'obligation de saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Par conclusions réceptionnées au greffe de la cour le 29 septembre 2021, reprises oralement à l'audience, la SAS [5] demande à la cour de :

- déclarer l'appel de la CPAM irrecevable et mal fondé ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la décision de la CPAM du Bas-Rhin du 10 octobre 2017 de prendre en charge la maladie (tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite) de M. [P] du 16 mai 2017 au titre du risque professionnel inopposable à la SAS [5] ; a condamné la CPAM du Bas-Rhin à verser à la société [5] la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; a condamné la CPAM aux dépens ;

- dire et juger que des irrégularités affectent la procédure d'instruction du dossier par la CPAM ;

- dire et juger que le principe du contradictoire n'a pas été respecté par la CPAM ;

- dire et juger que la CPAM n'a pas respecté son obligation d'information ;

- dire et juger que les conditions de reconnaissance de la maladie déclarée par M. [P] au titre de la législation professionnelle ne sont pas remplies ;

- dire et juger inopposable la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident survenu le 16 mai 2017 à M. [P] ;

- 5 -

- condamner la CPAM à verser à la société 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la CPAM aux frais et dépens.

La société intimée conclut à la confirmation du jugement ayant déclaré la décision de la caisse de prendre en charge la maladie professionnelle déclarée par M. [P] le 23 mai 2017 inopposable à son égard.

Elle fait valoir en premier lieu que la CPAM n'a pas respecté la procédure contradictoire applicable à l'instruction de ce dossier.

La SAS [5] soutient en deuxième lieu que le poste d'agent de fabrication cryo-décongélation occupé par M. [P] n'implique pas de travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé, en sorte que l'ensemble des conditions de reconnaissance de la maladie déclarée ne sont manifestement pas remplies.

Elle ajoute qu'en l'absence de présomption d'origine professionnelle de la pathologie déclarée par son salarié, la CPAM aurait dû saisir le CRRMP afin que celui-ci procède à une enquête et établisse le lien de causalité entre la maladie et l'activité professionnelle du salarié.

Elle allègue en dernier lieu que les activités professionnelles antérieures du salarié l'ont exposé au risque concerné.

Il est, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits moyens et prétentions des parties, renvoyé aux conclusions ci-dessus visées.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel :

Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.

Sur les demandes au fond 

A titre liminaire, la cour constate que la SAS [5] ne sollicite plus l'annulation de la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle déclarée par M. [P], celle-ci concentrant l'essentiel de ses moyens au soutien de sa demande de confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré inopposable à son égard la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par son salarié.

- 6 -

Sur le respect du principe du contradictoire dans le cadre de l'instruction menée par la caisse :

En application de l'article R.441-11, II, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 applicable au litige, la victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

Aux termes de l'article R.441-11, III, du même code, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie, avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.

L'article R.441-14 du code de la sécurité sociale dispose, dans sa version en vigueur antérieure au décret n° 2019-356 du 23 avril 2019, que lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R.441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R.441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R.441-13.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

Le médecin traitant est informé de cette décision.

En l'espèce, la SAS [5] reproche à la caisse de ne lui avoir transmis aucune information, ni porté à sa connaissance les éléments du dossier lui faisant grief.

- 7 -

L'intimée considère que le non-respect de la procédure par la caisse a eu pour incidence qu'elle n'a pas été en mesure d'apporter des observations au dossier dans le cadre de la procédure d'instruction de la caisse.

La cour rappelle cependant que la caisse n'est pas tenue d'envoyer à l'employeur les pièces constitutives du dossier avant de prendre sa décision, la simple invitation de l'employeur à venir consulter le dossier dans le délai réglementaire étant suffisante pour satisfaire à l'obligation d'information de la caisse.

Il ressort des éléments versés aux débats que par courrier du 20 septembre 2017, réceptionné le 25 septembre 2017, la SAS [5] a été informée de la clôture de l'instruction ainsi que de la possibilité de consulter le dossier avant le 10 octobre 2017, date à laquelle interviendrait sa décision.

La décision de la caisse étant intervenue le 10 octobre 2017, l'employeur a bénéficié d'au moins dix jours francs avant que la décision ne soit prise, en sorte que le premier juge a exactement considéré qu'aucune inopposabilité de la décision de prise en charge ne saurait être retenue sur le fondement d'une violation du principe du contradictoire.

Sur la réunion des conditions du tableau n° 57A des maladies professionnelles :

Selon l'article L.461-1, deuxième alinéa, du code de la sécurité sociale, dans sa version résultant de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Le tableau n° 57 A des maladies professionnelles relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail indique comme liste limitative des travaux susceptibles de provoquer une « tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM » des « Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé », précisant que les mouvements en abduction correspondent aux mouvements entraînant un décollement des bras par rapport au corps.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

- 8 -

Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui s'impose à elle.

En cas de contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge d'une maladie professionnelle, il incombe à la caisse de prouver que les conditions de prise en charge de la maladie sont réunies telles qu'elles sont fixées par le tableau concerné.

Au présent cas, il n'est pas débattu que les conditions relatives à la désignation de la maladie du tableau n° 57 A des maladies professionnelles et au délai de prise en charge associé sont réunies.

Par ailleurs, il est constant que le poste d'agent de fabrication cryo-décongélation occupé par M. [P] au sein de la SAS [5] consiste à transporter, au moyen d'un chariot de 130 à 150 kg, des caisses pleines de bouteilles et de poches de plasma, puis à transférer et découper plusieurs centaines de bouteilles et de poches de plasma représentant une moyenne journalière de 2.200 kg, pendant deux à trois jours par semaine, à pousser des bacs de plasma de plusieurs dizaines de kilogrammes, à manipuler une centrifugeuse, et à démonter puis nettoyer des équipements de découpe et de centrifugation ainsi que les espaces de travail.

La CPAM du Bas-Rhin fait grief au jugement attaqué d'avoir déclaré la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [P] du 16 mai 2017 inopposable à la SAS [5] au motif qu'il ne peut se déduire du seul questionnaire du salarié que la condition relative à la liste des travaux du tableau des maladies professionnelles est remplie.

L'appelante se prévaut effectivement du questionnaire complété par M. [P], duquel il résulte que le salarié sollicitait ses épaules lorsqu'il poussait des bacs et chariots pleins, lors de la découpe des poches et bouteilles de plasma, lors du moulage de la pâte congelée, à l'occasion de l'ouverture et de la fermeture de la centrifugeuse ainsi qu'au moment du nettoyage des locaux qui s'effectuait notamment au moyen d'un nettoyeur haute pression.

L'assuré a complété le questionnaire en indiquant que la durée cumulée journalière d'activité de mobilisation des épaules au-delà de 60° est supérieure à 3h30 et que la durée cumulée journalière d'activité des bras au niveau des épaules représente moins d'une heure.

Par ailleurs, il ressort du même questionnaire adressé par la caisse, mais complété cette fois par la SAS [5] en date du 21 septembre 2017 et non communiqué initialement à l'organisme mais uniquement au premier juge, que le poste de travail de M. [P] comporte les tâches de découpe et de transfert et nettoyage indiquées par le salarié, que le poste occupé par l'assuré se déroule essentiellement en position debout, qu'il est bien situé à environ un mètre de hauteur, que le salarié manipule les poches et bouteilles de plasma durant 6 à 7 heures par jour, qu'il effectue des gestes d'antépulsion avec un angle supérieur à 60°, qu'il effectue le mouvement répété de l'épaule dit « du tiroir » jusqu'à deux heures consécutives par jour, qu'il lève les bras au niveau des épaules plus d'une heure par jour et qu'il sollicite l'épaule par rotation de manière occasionnelle.

- 9 -

Partant, quand bien même le rapport circonstancié du poste de travail renseigné par l'employeur n'aurait été réceptionné pour la première fois par la caisse qu'en cours d'instance et que celui-ci indique que le poste de travail de M. [P] n'implique pas de mouvements d'abduction forcée avec un angle supérieur ou égal à 60°, il ressort suffisamment des questionnaires complétés par l'employeur et le salarié que ce dernier a été amené à effectuer des mouvements dits du «tiroir» jusqu'à deux heures par journée de travail sur le poste occupé entre 6 et 7 heures par jour, indépendamment des autres tâches qui lui étaient confiées, notamment le déplacement des poches de plasma par chariot et la manipulation de la centrifugeuse qui ont occupé le salarié au moins 30 minutes par jour.

Au vu de ces éléments, la cour relève que la caisse a exactement considéré, suivant l'avis favorable de son médecin-conseil quant à la reconnaissance de la pathologie de M. [P] dans le cadre d'un tableau de maladie professionnelle, que les travaux effectués par celui-ci dans le cadre de son activité professionnelle comportent des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé.

La preuve est donc apportée par la caisse de la condition relative à la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la pathologie développée par M. [P] exigée au tableau n° 57 A des maladies professionnelles.

Il en résulte que la décision de prise en charge de la caisse est justifiée en application de la présomption d'origine professionnelle dont bénéficie la pathologie déclarée par M. [P], sans qu'il n'ait été nécessaire pour l'organisme de saisir, préalablement à sa décision, un CRRMP.

Par ailleurs, l'employeur échoue à démontrer que le travail de M. [P] n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie.

Par conséquent, le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la caisse et réformé conformément à la présente décision.

Sur les frais de procès :

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la SAS [5], partie perdante, sera condamnée aux frais et dépens des procédures de première instance et d'appel, le jugement étant réformé sur ce point.

L'équité n'impose pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une des parties.

- 10 -

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME en ses dispositions soumises à la cour, le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg du 10 juin 2020 uniquement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la SAS [5] tendant à l'annulation de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du 16 mai 2017 de M. [P] ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau dans la limite des chefs de jugement infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin de prise en charge de la maladie professionnelle du 16 mai 2017 au titre de l'épaule droite de M. [Z] [P] opposable à la SAS [5] ;

DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS [5] aux frais et dépens des procédures de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 sb
Numéro d'arrêt : 20/02236
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;20.02236 ?
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