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23/05/2023 | FRANCE | N°21/04867

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 5 a, 23 mai 2023, 21/04867


Chambre 5 A



N° RG 21/04867



N° Portalis DBVW-V-B7F-HW3W









MINUTE N°





































































Copie exécutoire à



- Me Marion BORGHI

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY





Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 23 Mai 2023





Décision déférée à la Cour : 02 Juin 2021 par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE MULHOUSE



APPELANT :



Monsieur [T] [C]

né le 03 Octobre 1954 à [Localité 5] (SUISSE)

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représenté par Me Marion BORGHI, avocat à ...

Chambre 5 A

N° RG 21/04867

N° Portalis DBVW-V-B7F-HW3W

MINUTE N°

Copie exécutoire à

- Me Marion BORGHI

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CINQUIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 23 Mai 2023

Décision déférée à la Cour : 02 Juin 2021 par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [T] [C]

né le 03 Octobre 1954 à [Localité 5] (SUISSE)

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Marion BORGHI, avocat à la cour,

INTIMÉE :

Madame [Y] [L] [P] divorcée [C]

née le 19 Décembre 1947 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Mars 2023, en Chambre du Conseil, devant la Cour composée de :

Mme LEHN, Président de chambre

Mme ARNOUX, Conseiller

Mme KERIHUEL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme MASSON,

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Dominique LEHN, président et Mme Linda MASSON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [Y] [P] et M. [T] [C] se sont mariés le 19 juin 1987 devant l'officier de l'état-civil de la commune de [Adresse 4] ayant fait précéder leur union d'un contrat de mariage reçu le 25 mai 1987 par Me [F], notaire à [Adresse 4] portant adoption du régime de la séparation de biens.

De cette union est issu un enfant, [W] [C], né le 29 mars 1988.

A la suite de la requête en divorce déposée par Mme [Y] [P], le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Mulhouse, par ordonnance de non-conciliation contradictoire du 13 juin 2002, a, notamment, décidé au titre des mesures provisoires de :

- attribuer la jouissance du domicile conjugal à M. [T] [C] ;

- condamner M. [T] [C] à verser à Mme [Y] [P] une pension alimentaire au titre du devoir de secours de 1 300 euros par mois, avec indexation ;

- condamner M. [T] [C] à verser à Mme [Y] [P] une provision ad litem de 1 525 euros en 10 mensualités.

Par jugement du 11 avril 2006, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Mulhouse a prononcé le divorce des parties.

Par arrêt du 8 février 2009, la cour d'appel de Colmar a infirmé le jugement, a prononcé le divorce des parties et notamment condamné M. [T] [C] à verser à Mme [Y] [P] une prestation compensatoire de 130 000 euros.

Le divorce a été retranscrit sur l'acte de mariage des époux le 10 juin 2009.

Par ordonnance du 23 février 2010, le tribunal d'instance de Mulhouse a ordonné l'ouverture de la procédure de partage judiciaire de la communauté de biens ayant existé entre les époux divorcés M. [T] [C] et Mme [Y] [P] et renvoyé les parties devant Me [R] et Me [O], notaires à Huningue et [M], désignés en qualité de notaires commis au partage.

Me [R] et Me [O] ont dressé un procès-verbal de difficultés le 27 mai 2010 et renvoyé la difficulté devant le tribunal.

Par acte introductif d'instance déposé le 21 mars 2018, Mme [Y] [P] a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux.

Dans ses conclusions, Mme [Y] [P] demande de :

avant dire droit,

- enjoindre M. [T] [C] de produire les décomptes bancaires conjoints du couple et les décomptes bancaires des comptes à son propre nom pour les années 1999, 2000, 2001 et 2002 ;

sur le fond,

- procéder au partage judiciaire des immeubles appartenant à l'indivision existant entre M. [T] [C] et elle-même ;

- dire et juger que M. [T] [C] devra lui verser la part indivise lui revenant ainsi qu'une indemnité d'occupation ;

- lui réserver la possibilité de chiffrer ses demandes au titre de l'indemnité d'occupation, en fonction de la valeur locative de la maison à déterminer ;

- dire et juger qu'elle devra récupérer l'intégralité des sommes provenant de l'héritage de ses parents, qui ont été versées sur les comptes joints du couple, ou sur les comptes ouverts au nom de M. [T] [C] ;

- condamner M. [T] [C] à lui rembourser ces sommes d'un montant de 221 044,82 euros ;

- procéder au partage des comptes bancaires et des biens meubles ;

- lui réserver la possibilité de présenter d'autres demandes, en cours de procédure, au titre du partage judiciaire ;

- condamner M. [T] [C] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [T] [C] aux entiers frais et dépens de la procédure ;

- ordonner l'exécution provisoire.

En défense, M. [T] [C] a demandé de :

- déclarer irrecevable et mal fondé l'ensemble des demandes de Mme [Y] [P] ;

- constater que l'ouverture de la procédure de partage judiciaire a été ordonnée par le tribunal d'instance de Mulhouse le 23 février 2010 ;

- constater que le notaire a convoqué les parties par courrier du 14 avril 2010 en les avertissant qu'en cas de non-comparution au jour fixé pour les débats, ils sont présumés consentir au partage qui deviendra obligatoire pour eux malgré leur non-comparution ;

- constater que Mme [Y] [P] n'était pas présente à la réunion de partage du 27 mai 2010 ;

- constater que Mme [Y] [P] s'est faite représenter par Mme [X] [H] en vertu d'un pouvoir sous seing privé qui n'a pas été valablement déposé au rang des minutes ;

- constater que le défaut de comparution de Mme [Y] [P] ne constitue pas une difficulté ;

- constater que Mme [Y] [P] est présumée avoir consenti au partage d'après sa proposition en raison de son défaut de comparution à la réunion du 27 mai 2010 ;

- débouter Mme [Y] [P] de l'intégralité de ses fins et prétentions ;

- renvoyer le dossier entre les mains du notaire afin qu'il établisse l'acte de partage sur la base de sa proposition formulée dans le procès-verbal du 27 mai 2018 aux termes de laquelle « il souhaite se voir attribuer la pleine propriété de l'immeuble sis à [Adresse 4] » ;

- condamner Mme [Y] [P] à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers frais et dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire.

Par jugement du 2 juin 2021, la juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- constaté que Mme [Y] [P] justifie avoir été empêchée de comparaître sans sa faute à la réunion en vue des opérations de partage du 27 mai 2010 ;

- dit n'y avoir lieu à procéder en l'état au partage de l'indivision selon la proposition de M. [T] [C], ni à faire droit aux demandes de Mme [Y] [P] et les a déboutés de leurs demandes ;

- renvoyé les parties devant Me [R] et Me [O], respectivement notaires à [Adresse 4] et [M] aux fins de partage judiciaire de l'indivision existant entre M. [T] [C] et Mme [Y] [P] ;

- dit n'y avoir lieu à allouer une somme quelconque au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a engagés.

Par déclaration au greffe par voie électronique du 26 novembre 2021, M. [T] [C] a interjeté appel afin d'obtenir l'annulation, l'infirmation ou à tout le moins la réformation du jugement en toutes ses dispositions.

La clôture de la procédure a été prononcée le 27 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 27 mars 2023.

L'affaire a été mise en délibéré au 23 mai 2023 .

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 février 2023, M. [T] [C] demande à la cour d'appel de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel ;

y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris ;

statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable et mal fondé l'ensemble des demandes formulées par Mme [Y] [P] ;

- constater que la procédure de partage judiciaire a été ordonnée par le tribunal d'instance de Mulhouse par ordonnance du 23 février 2010 ;

- constater que le notaire a convoqué les parties par courrier du 14 avril 2010 en les avertissant qu'en cas de non-comparution au jour fixé par les débats, « ils sont présumés consentir au partage qui deviendra obligatoire pour eux malgré leur non-comparution » ;

- constater qu'aucune autre obligation n'est mise à la charge du notaire par le code de procédure civile local ;

- constater que Mme [Y] [P] n'était pas présente à la réunion de partage du 27 mai 2010 ;

- constater que Mme [Y] [P] s'est faite représenter par Mme [X] [H], en vertu d'un pouvoir sous seing privé qui n'a pas été valablement déposé au rang des minutes ;

- constater que le défaut de comparution de Mme [Y] [P] ne constitue pas une difficulté ou un empêchement de comparaître sans faute ;

- constater que la convocation du notaire comporte ses propositions de partage ;

- constater que Mme [Y] [P] est présumée consentir au partage d'après sa proposition en raison de son défaut de comparution à la réunion du 27 mai 2010 et de la non-validité de sa procuration ;

- constater et juger que les créances alléguées par Mme [Y] [P] au titre des « créances entre époux » sont prescrites, prescription quinquennale ;

- débouter Mme [Y] [P] de l'intégralité de ses fins et prétentions ;

- renvoyer le dossier entre les mains du notaire pour qu'il établisse l'acte de partage sur la base de la proposition formulée par lui dans le procès-verbal du 27 mai 2010 et contenue dans la convocation du notaire : « il souhaite se voir attribuer la pleine propriété de l'immeuble sis à [Adresse 4]. » ;

- condamner Mme [Y] [P] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers frais et dépens ;

- la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

M. [T] [C] soutient que le juge aux affaires familiales a, à tort, considéré que Mme [Y] [P] avait justifié d'un empêchement à comparaître à la réunion du 27 mai 2010 et que ses intérêts avaient été lésés. Il relève que l'intéressée ne rapporte pas la preuve d'un empêchement lié à son état de santé ou sa situation financière. Il souligne qu'elle était âgée de 63 ans au jour de la convocation et que l'âge n'excuse pas la commission d'une erreur de procédure. Il ajoute qu'elle n'a prévenu ni le notaire et lui-même de l'existence d'un empêchement.

Il avance que le notaire n'a pas manqué à son devoir d'information dans la mesure où il n'a pas à indiquer les modalités à remplir en cas de mandat et qu'il ne s'agit donc pas pour Mme [Y] [P] d'un empêchement à comparaître sans faute. Il estime que la juge aux affaires familiales a mis à la charge du notaire une obligation ne figurant pas au code de procédure locale.

Il conteste le fait que le juge aux affaires familiales, tout en rappelant que le dépôt au rang des minutes du notaire de la procuration est une condition indispensable à sa validité en application des dispositions de l'article 22 de l'annexe du code de procédure civile, n'ait pas tiré les conséquences de ses constatations quant à l'absence de respect de cette formalité par Mme [Y] [P].

Au visa des dispositions de l'article 225 de la loi du 1er juin 1924 et de l'arrêt de la cour de cassation du 16 novembre 2017, il indique qu'en cas de non-comparution de l'une des parties à la réunion de partage, celui-ci est rendu obligatoire. Il estime que le notaire n'avait pas à dresser procès-verbal de difficultés mais se devait d'acter la proposition de partage qu'il lui avait été transmise et qui était reproduite dans la convocation du 14 avril 2010, dans la mesure où Mme [Y] [P] ne s'était pas faite valablement représenter ce qui équivalait à un défaut de comparution et qu'il n'était pas en présence d'une difficulté de fond à soumettre au juge.

Il considère que Mme [Y] [P] a une voie de recours contre l'acte de partage ainsi établi, celui-ci devant être soumis à l'homologation du juge ce qui lui ouvre droit à se pourvoir en cassation. Il conteste ainsi l'argumentation de l'intimée fondée sur les dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.

A titre subsidiaire, il soutient que les demandes de Mme [Y] [P] sont prescrites, celles-ci devant être qualifiées de créance entre époux et étant soumises au délai de prescription de cinq ans. Il estime qu'il ne présente pas ainsi une nouvelle prétention au sens de l'article 565 du code de procédure civile. Il rappelle que les parties étant divorcées en 2009, Mme [Y] [P] se devait de présenter ses demandes au titre des créances entre époux avant 2014, ce qu'elle n'a pas fait.

Il ajoute que la cour d'appel est bien compétente pour trancher cette difficulté et non le conseiller de la mise en état, le litige étant antérieur au décret du 11 décembre 2019 et que le procès-verbal de difficultés ne limite pas l'étendue du litige.

Sur le fond, il avance que si le bien situé à [Localité 3] a été acquis en indivision pour moitié, il l'a seul financé, Mme [Y] [P] ne travaillant pas et que celle-ci a fait le choix de faire transiter les fonds issus de l'héritage de ses parents sur les comptes joints des époux qu'elle gérait au même titre que lui et qu'elle les a ensuite récupérés.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 février 2023, Mme [Y] [P] demande à la cour d'appel de :

sur l'appel principal formé par M. [T] [C],

- déclarer l'appel principal formé par M. [T] [C] irrecevable et mal fondé ;

- déclarer irrecevables les demandes de M. [T] [C] tendant à la constatation que les créances alléguées par elle seraient prescrites, conformément aux dispositions des articles 564 et 789-6 du code de procédure civile et l'article 2241 du code civil ;

- débouter M. [T] [C] de l'intégralité de ses fins demandes et prétentions ;

- confirmer le jugement entrepris prononcé par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 2 juin 2021, en ce qu'il a constaté qu'elle justifie avoir été empêchée de comparaître sans sa faute à la réunion en vue des opérations de partage du 27 mai 2010, a dit n'y avoir lieu à procéder en l'état au partage de l'indivision selon la proposition de M. [T] [C], ni à faire droit à ses demandes et les a déboutés de leurs demandes, a renvoyé les parties devant Me [R] et Me [O], respectivement notaires à Huningue et [M] aux fins de partage judiciaire de l'indivision existant entre M. [T] [C] et elle-même ;

y ajoutant,

- renvoyer le dossier entre les mains des notaires, Me [R] et Me [O], respectivement notaires à [Adresse 4] et [M], afin que ces derniers convoquent les parties à une nouvelle réunion de partage et de lui permettre d'être présente, en personne ou valablement représentée et de formuler ses demandes dans le partage de la communauté ;

- renvoyer le dossier entre les mains des notaires, Me [R] et Me [O], respectivement notaires à [Adresse 4] et [M], aux fins de partage judiciaire de l'indivision existant entre M. [T] [C] et elle-même, sur la base des demandes présentées par elle à savoir :

enjoindre à M. [T] [C] de produire les décomptes bancaires des comptes joints du couple et les décomptes bancaires des comptes ouverts à son nom pour les années 1999, 2000, 2001, 2002, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

procéder au partage judiciaire des immeubles appartenant en indivision à M. [T] [C] et à elle-même ;

procéder à l'évaluation des immeubles appartenant en indivision à M. [T] [C] et à elle-même ;

dire et juger que M. [T] [C] devra lui verser la part indivise lui revenant, s'il souhaite conserver l'immeuble, ainsi qu'une indemnité d'occupation ;

lui réserver la possibilité de chiffrer ses demandes au titre de l'indemnité d'occupation, en fonction de la valeur locative de la maison à déterminer ;

dire et juger qu'elle devra récupérer l'intégralité des sommes provenant de l'héritage de ses parents, qui ont été versées sur les comptes joints du couple, ou sur les comptes ouverts au nom de M. [T] [C], au titre de son héritage ;

condamner M. [T] [C] à lui rembourser ces sommes, soit un montant de 221 044,82 euros, cette somme devant être majorée des intérêts au taux légal ;

dire et juger qu'il convient de procéder au partage des comptes bancaires ;

dire et juger qu'il convient de procéder au partage des biens meubles ;

lui réserver la possibilité de présenter d'autres demandes, en cours de procédure, au titre du partage judiciaire ;

- condamner M. [T] [C] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [T] [C] aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Mme [Y] [P] s'approprie la motivation de la juge aux affaires familiales qui a retenu qu'elle avait été empêchée de comparaître sans faute et a renvoyé les parties devant les notaires aux fins de partage.

Au visa des dispositions de l'article 815 du code civil, elle soutient que si M. [T] [C] veut se faire attribuer la pleine propriété du bien indivis, il devra lui payer la juste valeur de sa part indivise et qu'il devra également lui restituer les fonds qu'elle a hérités de ses parents qu'il s'est accaparés.

Elle explique avoir donné procuration à son amie Mme [H] dans la mesure où elle vit depuis de nombreuses années à [Localité 7], qu'elle est âgée de 75 ans, qu'elle est tombée gravement malade, qu'elle ne dispose que de ressources réduites ce qui a rendu le déplacement très compliqué. Elle précise avoir informé l'étude notariale qu'elle n'était pas en mesure de se déplacer et donnait mandat à son amie sans jamais avoir été informée des formes et conditions que devait respecter la procuration.

Au visa de l'article 234 de la loi du 1er juin 1924, elle expose n'avoir pu comparaître et que ses droits sont lésés, M. [T] [C] sollicitant l'attribution à son profit du bien sans lui reverser sa part ni évoquer le partage des comptes bancaires, le sort des fonds qu'elle a hérités et l'indemnité d'occupation dont il est redevable. Elle ajoute que la proposition de partage établie par M. [T] [C] n'a pas été portée à sa connaissance ni avant ni dans la convocation. Elle précise qu'elle n'était pas informée de la possibilité de solliciter un renvoi ni des conséquences d'une non-comparution ni des conditions que devaient respecter la procuration, soulignant que l'appelant ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la communication de telles informations ni du respect des dispositions de l'article 225 de la loi du 1er juin 1924.

Elle considère que le fait de consentir au principe du partage ne signifie pas consentir à la proposition de partage faite par une partie. Elle relève que la jurisprudence citée par l'appelant ne correspond pas au cas d'espèce dans la mesure où il n'y a eu qu'une réunion de partage et que le notaire n'a pas établi d'acte de partage, aucun acte ne pouvant dès lors être homologué.

Elle estime que le notaire en dressant procès-verbal de difficulté et le juge ont statué en droit mais ont également tenu compte de l'équité. Elle précise qu'il existait bien une difficulté de fond dans la mesure où la proposition de M. [T] [C] bafouait ses droits.

Elle soutient qu'elle peut présenter devant la juridiction des demandes non présentées devant le notaire et qu'en cas contraire, elle serait privée de recours et du droit au respect du contradictoire en violation des dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.

Elle relève que M. [T] [C] a soulevé le moyen tiré de la prescription pour la première fois en appel dans ses conclusions du 28 juillet 2022, que cette nouvelle prétention est irrecevable en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile et que selon les dispositions de l'article 789-6 du même code, la cour d'appel n'est pas compétente pour statuer sur cette question. Elle ajoute que l'action en partage est imprescriptible, que le procès-verbal de difficulté interrompt le délai de prescription de l'article 2244 du code civil et que cette prescription a été interrompue par la procédure de partage introduite par M. [T] [C].

Elle conteste le fait que l'appelant aurait financé seul le bien immobilier et souligne qu'il n'en rapporte pas la preuve.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIVATION

La cour d'appel rappelle, à titre liminaire qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » et de « rappels » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

1. Sur les opérations de partage :

L'article 232 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle dispose que s'il s'élève des difficultés pendant les opérations devant le notaire et si elles n'ont pas reçu de solution, le notaire dresse procès-verbal sur les contestations et renvoie les parties à se pourvoir par voie d'assignation.

En l'espèce, contrairement à ce que soutient M. [T] [C], le notaire n'a pas dressé procès-verbal de difficultés en raison de l'absence de Mme [Y] [P] aux débats fixés au 27 mai 2010 mais en raison de la contestation par lui-même de la validité du pouvoir de représentation donné par celle-ci à Mme [X] [H].

L'article 224 alinéa 1 de la même loi dispose que le notaire invite le demandeur à fournir toutes justifications utiles concernant l'objet de la demande et à faire des propositions précises sur le mode et les bases du partage qu'il provoque.

L'article 225 de la même loi énonce que le notaire convoque toutes les parties intéressées à un jour fixé pour les débats en leur laissant un délai d'au moins deux semaines ou, dans le cas où des parties intéressées sont à convoquer en dehors des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans un délai d'au moins un mois pour la comparution ; il leur communique par écrit les propositions du demandeur en les avertissant qu'au cas de non-comparution les absents sont présumés consentir à ce que l'on procède au partage et que le partage sera obligatoire pour eux malgré leur non-comparution.

Au jour fixé pour les débats, ou dans le délai de deux semaines après ce terme, chaque partie peut demander la remise des débats ou la fixation d'un nouveau terme.

L'article 238, alinéa 2, est applicable.

Il est dressé procès-verbal des débats qui ont lieu au terme fixé.

Aux termes de l'article 22 de l'annexe du code de procédure civile, le mandataire justifie de son mandat par une procuration déposée au rang des minutes du notaire. A la demande de l'un des intéressés ou du notaire, la procuration doit être authentiquement légalisée.

Ces dernièes dispositions ont pour but d'établir la preuve de l'existence et de l'étendue du pouvoir donné.

En l'espèce, Mme [Y] [P] a donné pouvoir à Mme [X] [H] pour la représenter aux opérations de partage par acte sous seing privé du 10 mai 2010.

Dans un courrier du 7 janvier 2019 adressé à Me [A] [S], conseil de M. [T] [C], Me [J] [R], notaire, écrit que le pouvoir donné par Mme [Y] [P] à Mme [X] [H] a effectivement été annexé au procès-verbal de difficulté qu'il a dressé le 27 mai 2010 sous le RN° 8.031 dans le cadre de la procédure de partage judiciaire [C]/[P] mais n'a nullement fait l'objet d'un acte de dépôt au rang de ses minutes, cette formalité n'ayant pas été requise.

Cependant, il n'est pas contesté que le pouvoir donné par Mme [Y] [P] à Mme [X] [H] a été annexé au procès-verbal de difficulté établi par Me [R] le 27 mai 2017, lequel a été enregistré à ses minutes sous le RN° 8.031/AW.

Par cette annexion, la procuration donnée par Mme [Y] [P] a été déposée au rang des minutes du notaire, l'article 22 de l'annexe du code de procédure civile n'exigeant pas que ce dépôt se fasse par acte séparé de l'acte pour lequel elle a été établie.

Si un tel dépôt distinct était exigé, Me [R] aurait failli à son obligation de conseil à l'égard de Mme [Y] [P] en ne l'informant pas de la nécessité d'un dépôt distinct.

L'existence et l'étendue du pouvoir donné par Mme [Y] [P] à Mme [X] [H] étaient donc bien déterminées et la preuve en était faite par l'annexion au procès-verbal de difficulté.

Aucun débat entre les parties n'ayant eu lieu quant aux modalités du partage de leur indivision, Me [R] ayant établi le procès-verbal de difficulté avant toute discussion entre les parties, celles-ci seront renvoyées devant les notaires commis au partage afin de débuter les opérations de partage au cours desquelles elles présenteront leurs observations.

En conséquence, le jugement de la juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Mulhouse sera confirmé en toutes dispositions sauf en ce qu'elle a constaté que Mme [Y] [P] justifie avoir été empêchée de comparaître sans faute à la réunion en vue des opérations de partage du 27 mai 2010.

Mme [Y] [P] sera déboutée de sa demande tendant à ce que la cour précise les demandes qu'elle entend formuler devant les notaires commis au partage, les parties ayant toute liberté de présenter les demandes qu'elles souhaitent devant lesdits notaires, sans que celles-ci ne soient précisées par la cour d'appel.

2. Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel et le jugement sera confirmé en qu'il a dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

L'équité, l'issue du litige et la nature familiale de celui-ci commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel,

Dans les limites de l'appel principal de M. [T] [C],

Confirme le jugement de la juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Mulhouse du 2 juin 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a constaté que Mme [Y] [P] justifie avoir été empêchée de comparaître sans sa faute à la réunion en vue des opérations de partage du 27 mai 2010 ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [Y] [P] de sa demande de renvoyer le dossier entre les mains des notaires, Me [R] et Me [O], respectivement notaires à [Adresse 4] et [M], aux fins de partage judiciaire de l'indivision existant entre M. [T] [C] et elle-même, sur la base des demandes présentées par elle à savoir :

enjoindre à M. [T] [C] de produire les décomptes bancaires des comptes joints du couple et les décomptes bancaires des comptes ouverts à son nom pour les années 1999, 2000, 2001, 2002, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

procéder au partage judiciaire des immeubles appartenant en indivision à M. [T] [C] et à elle-même ;

procéder à l'évaluation des immeubles appartenant en indivision à M. [T] [C] et à elle-même ;

dire et juger que M. [T] [C] devra lui verser la part indivise lui revenant, s'il souhaite conserver l'immeuble, ainsi qu'une indemnité d'occupation ;

lui réserver la possibilité de chiffrer ses demandes au titre de l'indemnité d'occupation, en fonction de la valeur locative de la maison à déterminer ;

dire et juger qu'elle devra récupérer l'intégralité des sommes provenant de l'héritage de ses parents, qui ont été versées sur les comptes joints du couple, ou sur les comptes ouverts au nom de M. [T] [C], au titre de son héritage ;

condamner M. [T] [C] à lui rembourser ces sommes, soit un montant de 221 044,82 euros, cette somme devant être majorée des intérêts au taux légal ;

dire et juger qu'il convient de procéder au partage des comptes bancaires ;

dire et juger qu'il convient de procéder au partage des biens meubles ;

lui réserver la possibilité de présenter d'autres demandes, en cours de procédure, au titre du partage judiciaire ;

Condamne chaque partie au paiement des dépens qu'elle a engagés en appel ;

Déboute Mme [Y] [P] et M. [T] [C] de leur demande respective au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 5 a
Numéro d'arrêt : 21/04867
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;21.04867 ?
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