MINUTE N° 233/23
Copie exécutoire à
- Me Valérie SPIESER
- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA
Le 17.05.2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 17 Mai 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02324 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HSQD
Décision déférée à la Cour : 08 Mars 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 1ère chambre civile
APPELANTS - INTIMES INCIDEMMENT :
Monsieur [B] [P]
[Adresse 2]
Madame [E] [K] épouse [P]
[Adresse 2]
Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour
INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :
S.A. CREDIT FONCIER ET COMMUNAL D'ALSACE ET DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
Représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'assignation délivrée le 15 avril 2019, par laquelle M. [B] [P] et Mme [E] [K], son épouse, ci-après également dénommés 'les époux [P]' ou 'les consorts [P]', ont fait citer la SA Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine (CFCAL), ci-après également dénommée 'la banque', devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d'application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Strasbourg,
Vu le jugement rendu le 8 mars 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg a :
- déclaré irrecevable la demande principale en déchéance des intérêts conventionnels de 1'offre de prêt du 13 mars 2007 comme étant prescrite,
- déclaré irrecevable la demande principale en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels contenue dans l'avenant du 25 juillet 2016,
- déclaré recevable en la forme la demande subsidiaire en déchéance des intérêts conventionnels de l'avenant du 25 juillet 2016 pour dépassement du taux de l'usure,
- au fond, débouté les époux [P] de leur demande subsidiaire pour dépassement du taux de l'usure,
- débouté les époux [P] de leur demande de remboursement de la somme de 4 478,83 euros,
- condamné in solidum les époux [P] aux entiers frais et dépens, ainsi qu'à verser à la banque une indemnité de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu la déclaration d'appel formée par M. [B] [P] et Mme [E] [K], épouse [P], contre ce jugement, et déposée le 29 avril 2021,
Vu la constitution d'intimée de la SA Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine en date du 15 juin 2021,
Vu les dernières conclusions en date du 14 janvier 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [B] [P] et Mme [E] [K], épouse [P] demandent à la cour de :
'' Déclarer Monsieur et Madame [P] recevables et bien fondés en leur appel ;
' Y faisant droit ;
' Infirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Strasbourg en date du 8/03/2021, portant le numéro RG 19/02522 en tant qu'il a :
- DECLARÉ irrecevable la demande principale en déchéance des intérêts conventionnels de l'offre de prêt du 13 mars 2007 comme étant prescrite ;
- DECLARÉ IRRECEVABLE la demande principale en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels contenue dans l'avenant du 25 juillet 2016 ;
- Au fond, DEBOUTÉ Monsieur et Madame [P] de leur demande subsidiaire pour dépassement du taux de l'usure ;
- DEBOUTÉ Monsieur et Madame [P] de leur demande de remboursement de la somme de quatre mille quatre cent soixante-dix-huit euros et quatre-vingt-trois centimes (4.478, 83 €)
- CONDAMNÉ in solidum Monsieur et Madame [P] aux entiers frais et dépens
- CONDAMNÉ in solidum Monsieur et Madame [P] à payer à la SA CRÉDIT FONCIER D'ALSACE ET DE LORRAINE (CFCAL) une indemnité de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Et en tous les autres chefs du jugement qui en dépendent.
STATUANT A NOUVEAU
' Recevoir Monsieur et Mme [P] en leurs prétentions ;
' PRONONCER la déchéance de l'émetteur de l'offre émise le 13 mars 2007 de son droit aux intérêts contractuels ;
' Prononcer l'annulation des dispositions ayant mis à la charge de l'emprunteur un intérêt contractuel contenu dans l'offre-avenant de crédit du 25 juillet 2016 ;
' PRONONCER subsidiairement la déchéance des intérêts de ce contrat de crédit depuis l'émission de l'avenant ;
' Ordonner en conséquence la substitution du taux de l'intérêt légal au taux contractuel, en fonction des variations que la loi fait subir à ce taux ;
' Condamner la S.A CREDIT FONCIER ET COMMUNAL D'ALSACE ET DE LORRAINE BANQUE à restituer les sommes qu'elle aurait reçue excédant ce taux.
' Condamner le CREDIT FONCIER ET COMMUNAL D'ALSACE ET DE LORRAINE BANQUE à payer la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles visés aux dispositions de l'article 700 du CPC ;
SUR L'APPEL INCIDENT
DECLARER le CFCAL BANQUE mal fondé en son appel incident
LE REJETER
DEBOUTER le CFCAL BANQUE de l'intégralité de ses fins et conclusions
Condamner le CREDIT FONCIER ET COMMUNAL D'ALSACE ET DE LORRAINE BANQUE aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Valérie SPIESER, avec recouvrement direct sur son affirmation de droit'
et ce, en invoquant, notamment :
- la déchéance des intérêts conventionnels de l'offre primitive de regroupement de crédits, en l'absence de mention de taux de période, de durée de période, de TEG ou de TAEG, outre que l'application à la première tranche des dispositions applicables aux crédits immobiliers ne serait pas justifiée en l'absence de financement immobilier, de sorte que le crédit correspondant serait affecté, et qu'un reliquat de financement ne serait pas expliqué au regard de la différence entre le montant du prêt et les montants refinancés, l'existence d'une troisième tranche n'ayant ainsi été découverte que lors du décompte de remboursement adressé au notaire en août 2017, conduisant les concluants à s'interroger sur la comptabilité du crédit et des paiements tenus par la banque,
- l'absence de prescription, en conséquence, de leurs demandes, de même que de celles dérivant de l'avenant du 25 juillet 2016 que le premier juge a considéré recevables, le fait générateur de la demande se situant à la date de l'avenant lui-même combiné avec la publication au Journal Officiel des taux de l'usure pour cette période,
- à titre additionnel, l'annulation de l'offre avenant en date du 25 juillet 2016, qui n'énoncerait aucune durée ni taux de période, sans énoncer de TAEG alors que l'offre n'aurait aucune finalité immobilière, questions sur lesquelles le premier juge n'aurait pas statué,
- à titre subsidiaire, le dépassement du taux de l'usure dans cet avenant, en recalculant les TAEG exacts.
Vu les dernières conclusions en date du 15 octobre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SA Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine demande à la cour de :
Sur l'appel principal,
DECLARER Monsieur et Madame [P] irrecevables en tout cas mal fondés en leur appel.
En conséquence,
Le REJETER,
DEBOUTER Monsieur et Madame [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
Sur l'appel incident,
RECEVOIR le CFCAL BANQUE en son appel incident, l'y DIRE bien fondé,
En conséquence :
REFORMER le jugement rendu le 8 mars 2021 par le Tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a :
DECLARE recevable en la forme la demande subsidiaire en déchéance des intérêts conventionnels de l'avenant du 25 juillet 2016 pour dépassement du taux de l'usure.
STATUANT a nouveau :
DECLARER irrecevable la demande subsidiaire en déchéance des intérêts conventionnels
de l'avenant du 25 juillet 2016 pour dépassement du taux de l'usure.
CONFIRMER le jugement entrepris pour le surplus,
En tous cas,
DEBOUTER Monsieur et Madame [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER in solidum Monsieur et Madame [P] à payer au CFCAL BANQUE la somme de 3.500,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure pour la procédure d'appel.
Les CONDAMNER in solidum aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel'
et ce, en invoquant, notamment :
- la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts, intentée plus de cinq ans à compter de la date de la convention, soit de l'offre de prêt ou subsidiairement de sa conclusion, laquelle convention présentait toutes les indications relatives aux taux litigieux, et a été réitérée en la forme authentique, les emprunteurs pouvant bénéficier des conseils d'un notaire,
- l'impossibilité de prononcer la nullité des stipulations d'intérêt comme sanction des manquements aux dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation, et à titre subsidiaire, la prescription de l'action en nullité à ce titre, dont le délai courrait également à compter de la date de l'offre, et subsidiairement de la conclusion de la convention,
- sur appel incident, la prescription de l'action en déchéance pour dépassement du taux de l'usure, en l'absence de nouveau délai de prescription courant à compter de l'avenant de juillet 2016, dont il ne résulterait aucune novation du contrat,
- subsidiairement, sur le fond, la parfaite justification du montant du prêt, à l'exclusion de tout reliquat de financement constituant une 'tranche innommée', le solde subsistant après l'addition des montants mentionnés dans l'objet du prêt ayant été remis aux clients après déduction des frais, dont les frais de notaire,
- le bien-fondé de la 'troisième tranche' résultant de la mise en place de l'avenant du 23 février 2012 réaménagant le prêt, et correspondant au solde des intérêts et accessoires existant à cette date, ce dont les emprunteurs auraient été clairement informés à ce moment, comme relevé par le premier juge,
- l'absence de dépassement de l'usure dans le cadre de l'avenant du 25 juillet 2016, et subsidiairement, la modulation de la sanction encourue en fonction du préjudice, en l'espèce inexistant, des emprunteurs.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 février 2022,
Vu les débats à l'audience du 10 octobre 2022,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la demande en déchéance du droit aux intérêts au titre de l'offre initiale :
Aux termes de l'article L. 110-4 I du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
En l'état du droit antérieur était applicable, par application des dispositions du même texte, un délai de prescription de dix ans.
Et l'article 26 II de la loi précitée énonce que les dispositions réduisant la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de son entrée en vigueur, intervenue le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
L'action en déchéance du droit aux intérêts pour non-conformité de l'offre préalable, régie par les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, est soumise au régime de prescription issu des dispositions précitées, dont l'application, de principe, n'est, au demeurant, pas discutée par les parties.
En l'espèce, les époux [P] ont, selon offre en date du 13 mars 2007, réitérée par acte authentique du 12 avril 2007, souscrit auprès du CFCAL un contrat de prêt d'un montant total de 90 000 euros, remboursable en deux tranches révisables sur la base de l'EURIBOR 3 mois, dont la valeur était de 3,86 % au 1er mars 2007, la première tranche, d'un montant de 54 600 euros, étant remboursable, sur la base du taux de la première période supposé constant à hauteur de 5,60 %, en 300 mensualités de 338,56 euros chacune, payables le 15 de chaque mois à compter du 15 mai 2007, le TEA, intégrant, sur la même base de taux, les intérêts, la rémunération du mandataire, les frais de dossier de la banque et de gestion de l'assurance-incendie étant de 5,84 %, le TEA de période de 0,49 % et le taux d'usure de 6,12 %, tandis que la seconde tranche, d'un montant de 35 400 euros, au taux nominal, également sur la base du taux de la première période supposé constant, de 6,65 %, en 300 mensualités de 242,35 euros chacune, payables le 15 de chaque mois à compter du 15 mai 2007, le TEA étant de 8,07 %, le TEA de période de 0,67 %, et le taux d'usure de 8,44 %.
Ce prêt avait pour objet la consolidation de plusieurs engagements précédents, à savoir :
- un prêt CIL, à hauteur de 3 015 euros 'env.'
- deux prêts CIF à hauteur de 17 614 et 14 105 euros env.,
- un prêt CILCOB pour 4 468 euros env.,
- trois prêts PROCILIA de 3 860 euros, 3 450 euros et 6 160 euros env.,
- une dette fiscale de 1 211,71 euros env.
Il visait également à procurer aux emprunteurs une trésorerie destinée à financer l'achat d'un véhicule automobile, pour 29 000 euros, à régler la commission d'un correspondant foncier, pour 3 750 euros, ainsi qu'à régler des frais d'acte notarié et d'inscription hypothécaire évalués à 2 000 euros, sous réserve de vérification par le notaire des emprunteurs, le solde du prêt étant destinée à couvrir les autres frais liés au dossier et le reliquat éventuel à remettre aux emprunteurs.
L'offre précisait encore que la tranche de 35 400 euros n'était pas soumise aux articles L. 312-1 à L. 312-36 du code de la consommation, le TEA de cette tranche étant calculé selon la méthode par équivalence, tandis que la tranche de 54 600 euros était soumise aux dispositions susmentionnées, le TEA de cette tranche étant calculé selon la méthode proportionnelle.
Les demandeurs et appelants sollicitent la déchéance du prêteur à son droit aux intérêts, à titre principal s'agissant de l'offre de prêt du 13 mars 2007, à défaut de mention du taux de période, de la durée de période, du TEG ou encore du TAEG, ce qu'ils exposent n'avoir découvert qu'à l'occasion de la conversion du prêt à taux fixe par avenant du 25 juillet 2016, ajoutant que la tranche de 54 600 euros serait indûment soumise aux dispositions régissant le crédit immobilier, alors qu'elle relèverait d'un crédit affecté, et évoquant un reliquat de financement, non expliqué au regard de la différence entre le montant du prêt et celui des crédits refinancés, expliquant l'existence d'une tranche innommée, non visée par la stipulation conventionnelle des intérêts, dont ils auraient découvert l'existence lors de la transmission au notaire, le 7 août 2017, du décompte de remboursement.
En réponse, la banque soutient que le délai d'action réservé à l'emprunteur pour agir en matière de TEG erroné serait de 5 ans à compter de la date de la convention, au regard des mentions relatives aux taux figurant dans l'acte de prêt, ainsi que des conseils dont les époux [P] auraient pu bénéficier de la part du notaire s'agissant d'un acte authentique, tout en réfutant, au fond, l'existence d'un reliquat de financement, ainsi que d'une troisième tranche correspondant à un réaménagement du prêt en 2012 à hauteur du solde des intérêts et accessoires existant à cette date.
Sur ce, la cour rappelle que si le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG, lorsque la simple lecture de l'offre de prêt permet à l'emprunteur de déceler son irrégularité, le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts se situe au jour de l'acceptation de l'offre, sans report possible tiré de la révélation postérieure d'autres irrégularités (voir, notamment, 1ère Civ., 16 avril 2015, pourvoi n° 14-17.738, inédit ; 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.350, publié au Bulletin).
Or, en l'espèce, c'est à bon droit que le premier juge, par des motifs pertinents qu'il y a lieu d'adopter, a retenu que les époux [P] étaient à même de constater, voire déceler par eux-mêmes les griefs qu'ils invoquent à l'appui de leur action, étant, encore, ajouté que l'existence d'un différentiel entre le montant des opérations financées ou refinancées et le montant du prêt est précisément expliqué, dans les termes qui viennent d'être rappelés, dans le contrat de prêt, outre encore que l'existence d'un 'reliquat de financement' d'un montant de 5 845,12 euros n'est pas en lien avec ce différentiel résultant de l'offre initiale, mais résulte d'un réaménagement du prêt en février 2012, soit, d'ailleurs, plus de cinq ans avant l'introduction de l'instance, et prévoyant le règlement du solde des intérêts et accessoires pour ce montant au taux de 0,00 %, de sorte que le décompte en date du 7 août 2017, invoqué par les époux [P] n'apparaît révélateur d'aucune irrégularité susceptible de fonder leur action.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré prescrite et partant, irrecevable, l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels de l'offre de prêt du 13 mars 2007.
Sur la demande d'annulation des dispositions ayant mis à la charge de l'emprunteur un intérêt contractuel contenu dans l'offre-avenant de crédit du 25 juillet 2016 :
L'avenant litigieux stipule, à compter du 20 août 2016, concernant la tranche d'un montant de 35 400 euros, dont le solde en capital était de 26 215,52 euros, un remboursement en 180 mensualités de 241,53 euros chacune, au taux de 7,40 %, fixé pour la durée restante, et au TAEG de 5,40 %, calculé à terme échu selon la méthode par équivalence, hors assurance facultative, et s'agissant de la tranche d'un montant de 54 600 euros, dont le solde en capital était de 46 438,10 euros, un remboursement en 180 mensualités de 401,95 euros chacune, au taux de 6,40 %, fixé pour la durée restante, et au TAEG de 6,40 %, calculé à terme échu selon la méthode proportionnelle, hors assurance facultative.
Les appelants, qui soutiennent que le premier juge se serait abstenu de statuer sur ces points, font reproche à l'offre-avenant, s'agissant de la tranche d'un montant de 54 600 euros, de ne mentionner aucune durée de période ni aucun taux de période, et de ne pas énoncer de TAEG alors que l'offre n'aurait aucune finalité immobilière, et s'agissant de la tranche de 35 400 euros, d'avoir notifié aux emprunteurs un TAEG de 5,40 %, alors que le taux nominal, devenu fixe, est de 7,40 %, de sorte qu'à tout le moins, le TAEG à indiquer 'aurait été de (1+0,61666) 12-1 = 7,6561 %'.
Pour sa part, le CFCAL, qui entend rappeler que cet avenant, conclu à la suite d'une demande de baisse de taux des époux [P], n'a été en vigueur que durant un mois, soutient que les époux [P] étaient, en tout état de cause, irrecevables à agir en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels.
La cour observe que, dès lors, que sont en cause des irrégularités susceptibles d'affecter le TEG de l'avenant en cause, c'est encore à bon droit que le premier juge, par des motifs pertinents qu'il y a lieu d'adopter, a retenu qu'en vertu des dispositions spéciales d'ordre public du code de la consommation, les époux [P] pouvaient seulement solliciter la déchéance de la banque dans son droit de percevoir les intérêts, si bien qu'ils étaient irrecevables en leur demande de nullité de la stipulation d'intérêts contractuels, cette irrecevabilité expliquant, par définition, qu'il n'y ait lieu à examiner le fond des griefs soulevés par les demandeurs, désormais appelants.
Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point.
Sur la demande subsidiaire aux fins de déchéance pour dépassement du taux de l'usure :
L'article L. 313-3, alinéa 1er, du code de la consommation, dans sa version applicable à la cause, dispose que 'constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des opérations de même nature comportant des risques analogues, telles que définies par l'autorité administrative après avis du Comité consultatif du secteur financier. Les catégories d'opérations pour les prêts aux particuliers n'entrant pas dans le champ d'application des articles L. 312-1 à L. 312-3 sont définies à raison du montant des prêts.'
Si la banque entend, sur appel incident, contester la recevabilité de la demande formée à ce titre par les appelants, au motif de sa prescription, dès lors qu'en l'absence de novation du contrat, aucun nouveau délai de prescription ne pourrait commencer à courir, la cour relève, à l'instar du premier juge, que s'agissant d'un avenant accepté le 11 août 2016, soit moins de cinq ans avant l'introduction de l'instance, la prescription de l'action n'est pas encourue, alors même que les époux [P] ne pouvaient, antérieurement à l'acceptation de l'avenant, connaître les faits susceptibles de fonder leur action. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il déclare la demande des époux [P] à ce titre, recevable.
Sur le fond, les appelants affirment que le TAEG exact, et non le TAEG stipulé, excéderait le niveau de l'usure, ce que réfute le CFCAL, qui reproche aux époux [P] de ne pas étayer leurs prétentions à ce titre.
Sur ce, la cour observe que les époux [P] font valoir que :
- concernant la tranche de 35 400 euros, le TAEG serait obtenu en actualisant le taux mensuel par le nombre de versements attendus de l'emprunteur sur une année, pour en déduire que le TAEG à indiquer aurait donc été de (1+0,61666) 12-1= 7,6561 %
- concernant le passage d'un TEG en TAEG s'obtient en actualisant le taux de période, qui en l'espèce est de (il n'y a ni frais ni assurance), pour faire simple, 6,40 / 12 = 0,61666667. Soit un TAEG égal à (1+0,61666) 12-1 = 6,59111 %.
Or, ce faisant, les appelants ne justifient pas davantage qu'ils n'expliquent, en l'absence, de surcroît, de frais et d'assurance, comme ils l'affirment, à tout le moins s'agissant de la seconde tranche, ce qui apparaît également valable s'agissant de la première, en l'absence de toute précision à cet égard dans l'avenant, qui précise que le calcul se fait hors assurance facultative, comme, du reste, dans les explications des parties, en quoi leur calcul répondrait aux prévisions du code de la consommation.
En outre, et au demeurant, s'agissant de la tranche de 54 600 euros, comme l'a justement fait observer le premier juge, le taux d'usure n'est, en toute hypothèse, dépassé que si le prêt est un crédit immobilier, ce que contestent, par ailleurs les époux [P].
Dans ces conditions, il y a lieu, également, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté les prétentions des époux [P] de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les époux [P], succombant pour l'essentiel, seront tenus, in solidum, des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.
L'équité commande en outre de mettre à la charge des appelants, in solidum, une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 500 euros au profit de l'intimée, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [B] [P] et Mme [E] [K], épouse [P] aux dépens de l'appel,
Condamne in solidum M. [B] [P] et Mme [E] [K], épouse [P] à payer à la SA Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [B] [P] et Mme [E] [K], épouse [P].
La Greffière : la Présidente :