MINUTE N° 229/23
Copie exécutoire à
- Me Christine LAISSUE -STRAVOPODIS
- Me Joëlle LITOU-WOLFF
Le 17.05.2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 17 Mai 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01578 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRGC
Décision déférée à la Cour : 05 Février 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - Greffe du contentieux commercial
APPELANTS - INTIMES INCIDEMMENT :
Monsieur [M] [T]
[Adresse 2]
S.A.R.L. [T] CONSEILS
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
Représentés par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat à la Cour
INTIMES - APPELANTS INCIDEMMENT :
Monsieur [L] [S]
[Adresse 3]
Madame [D] [R] épouse [S]
[Adresse 3]
Représentés par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me SEXER, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société [T] CONSEILS a une activité de conseil en gestion de patrimoine.
Les époux [S] ont investi dans deux opérations distinctes sur les conseils de la société [T] CONSEILS à savoir :
- l'acquisition d'un studio dans le cadre du dispositif [F] pour un montant de 93.797 € le 29 juillet 2008 à l'aide de deux prêts contractés auprès de la Banque Postale,
- l'acquisition en indivision de collections de lettres et manuscrits anciens auprès de la société ARISTOPHIL aux prix de 25.000 € le 6 juillet 2012, 17.550 € le 19 février 2014 et 6.960 € le 4 juillet 2014.
Après la mise en location du bien, les époux [S] ont envisagé la revente du bien en octobre 2012 pour finalement le céder le 7 février 2019 au prix de 38.000 €.
La société ARISTOPHIL a fait l'objet d'un redressement judiciaire puis d'une liquidation judiciaire, selon jugement du Tribunal de commerce de Paris le 16 février 2015, les époux [S] n'ont pas pu revendre leurs parts acquises en indivision.
Selon assignation du 26 juin 2017, les époux [S] ont saisi la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG, aux fins de voir engager la responsabilité contractuelle de la société [T] CONSEILS par l'intermédiaire de son unique associé M. [T].
Par un jugement du 5 février 2021, le Tribunal judiciaire de STRASBOURG a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [T] et la société [T] CONSEILS,
- déclaré recevable l'action engagée par les consorts [S],
- condamné M. [T] et la société [T] CONSEILS à payer aux consorts [S] la somme de 30.000 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2017,
- rejeté le surplus de la demande en paiement,
- condamné in solidum M. [T] et la société [T] CONSEILS à payer aux consorts [S] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [T] et la société [T] CONSEILS aux dépens et ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par une déclaration faite au greffe en date du 11 mars 2021, M. [T] et la SARL [T] CONSEILS ont interjeté appel de cette décision.
Par une déclaration faite au greffe en date du 24 juin 2021, les consorts [S] se sont constitués intimés.
Par ses dernières conclusions en date du 21 juillet 2022, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, M. [T] et la SARL [T] CONSEILS demandent à la Cour de :
- recevoir leur appel,
- infirmer le jugement du Tribunal judiciaire de STRASBOURG du 5 février 2021 en ce qu'il a condamné la SARL [T] CONSEILS à verser la somme de 30.000 € de dommages et intérêts aux époux [S], et statuant à nouveau,
- juger prescrite l'action des époux [S],
A titre subsidiaire,
- juger que les époux [S] ne rapportent ni la preuve d'une faute de la SARL [T] CONSEILS, ni celle d'un préjudice,
- juger ainsi mal fondés les époux [S] en l'ensemble de leurs demandes,
- les en débouter,
- condamner les époux [S] in solidum aux dépens et au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par leurs dernières conclusions en date du 18 juillet 2022 auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, les époux [S] demandent à la Cour de :
Sur l'appel principal,
Dire irrecevables les conclusions d'appel en ce qu'elles n'ont pas dévolu à la Cour les dispositions du jugement entrepris relatives à la prescription et à la recevabilité de l'action des époux [S] non plus que leur condamnation aux frais répétibles et irrépétibles de la procédure de première instance.
Pour le surplus en tout état de cause,
Dire l'appel mal fondé,
En débouter les appelants ainsi que de l'intégralité de leurs, fins, moyens et prétentions,
en conséquence,
Confirmer le jugement entrepris sous réserve de l'appel incident,
Y ajoutant,
Condamner in solidum M. [T] et la SARL [T] CONSEILS à leur payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel et de condamner in solidum M. [T] et la SARL [T] CONSEILS aux entiers dépens d'appel,
Sur appel incident de Monsieur et Madame [S] :
Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les intimés de leurs demandes au titre des opérations Aristophil ainsi que sur le quantum de l'indemnisation de leur préjudice résultant du manquement au devoir de conseil et d'information des appelants dans le cadre de la vente du studio à La Réunion,
et statuant d nouveau,
Vu l'article 1147 du Code Civil dans sa rédaction en vigueur au moment des faits,
Condamner in solidum Monsieur [M] [T] et la société [T] CONSEILS à payer aux intimés la somme de 44 559 € à titre de dommages et intérêts au titre des préjudices qu'ils ont subis dans le cadre des opérations 'Aristophil'
Condamner in solidum Monsieur [M] [T] et la société [T] CONSEILS au paiement de la somme de 56 995 euros à titre de dommages et intérêts pour
le préjudice résultant du manquement au devoir de conseil et d'information des appelants dans le cadre de la vente du studio à La Réunion
Débouter Monsieur [M] [T] et la société [T] CONSEILS de toutes conclusions contraires
Les condamner in solidum aux frais de l'appel incident.
La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé, des faits, de la procédure et des prétentions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 septembre 2022.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience de plaidoiries du 10 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l'effet dévolutif de l'appel :
Le jugement entrepris a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par Monsieur [M] [T] et la société [T] CONSEILS et a déclaré recevable l'action engagée par Monsieur [L] [S] et Madame [D] [S].
Il résulte de la lecture de la déclaration d'appel de Monsieur [T] et de la société [T] CONSEILS, que les parties appelantes ont sollicité l'infirmation de la décision entreprise, en ce qu'elle a déclaré recevable l'action engagée par Monsieur [S] [L] et Madame [S] [D], mais qu'elles n'ont pas sollicité l'infirmation de cette décision en ce qu'elle a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par Monsieur [M] [T] et la société [T] CONSEILS.
Les parties intimées en concluent que l'effet dévolutif de l'appel ne concerne pas ce chef de décision.
Il y a lieu de préciser que les conclusions d'appel n'encourent pas la sanction de l'irrecevabilité, dès lors que les conclusions d'appel n'ont pas dévolu à la Cour d'Appel certains chefs du jugement entrepris.
Les parties appelantes ont développé leur argumentation, pour démontrer que l'action engagée par Monsieur [S] [L] et Madame [S] [D] était prescrite, mais n'ont pas répondu au moyen soutenu par les parties fondé sur l'absence d'effet dévolutif de l'appel sur la question de la prescription.
L'appel ne portant pas sur ce chef de décision du jugement critiqué, la décision entreprise est confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par Monsieur [M] [T] et la société [T] CONSEILS.
Les parties intimées soutiennent que les parties appelantes n'ont pas respecté leurs obligations de prudence et d'information, dès lors qu'elles n'ont pas attiré leur attention sur les risques encourus dans le cadre de l'opération immobilière et de l'opération Aristophil.
Le conseiller en gestion de patrimoine est tenu à une obligation d'information, à un devoir de prudence et de mise en garde sur les risques éventuels de l'opération proposée.
Il résulte de la lecture des pièces versées au dossier, que les parties intimées ont acquis le bien immobilier en juillet 2008, que la plaquette commerciale décrivant le mécanisme du dispositif [F], bien que n'étant pas contractuelle, donne les informations essentielles sur ce dispositif et précise notamment que la réduction d'impôt est étalée sur 5 ans, à raison de 8 % par an, que les époux [S] ont bénéficié de cette réduction d'impôt à hauteur de 3905 € pendant 5 ans, comme en atteste les avis d'impôt sur le revenu qu'ils versent aux débats en annexe 18 et qu'ils ont pris la décision de vendre le bien immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 5] dès l'année 2012 et qu'ils l'ont effectivement vendu le 07 Février 2019.
Les parties intimées justifient leur demande en dommages et intérêts, par la baisse importante de la valeur du bien immobilier acquis dans le cadre du dispositif [F].
La valeur d'acquisition et de vente de ce bien immobilier n'est pas contestée et il n'est pas démontré que la valeur du bien acquis en état futur d'achèvement en juillet 2008 a été surévaluée.
Dans ces conditions, la perte de valeur du bien immobilier, 11 ans après son acquisition, relève des aléas du marché immobilier et n'est pas constitutif d'une faute des parties appelantes, alors que le mécanisme fiscal a fonctionné comme cela avait été annoncé par les parties appelantes au moment de l'étude du projet de défiscalisation.
Dans ces conditions, Monsieur et Madame [S] seront déboutés de leur demande en dommages et intérêts présentée à l'encontre des parties appelantes pour manquement à une obligation de conseil.
S'agissant de la demande des époux [S] en dommages et intérêts au titre des préjudices qu'ils soutiennent avoir subi sur le produit ARISTOPHIL, les premiers juges ont fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel.
À ces justes et propres motifs que la Cour adopte, il convient seulement d'ajouter :
*que le CGP a fait régulariser à Monsieur [S] un 'Dossier connaissance client', qui mentionne en première page 'Avertissement : les conventions ARISTOPHIL représentent une acquisition pouvant offrir une plus-value éventuelle à moyen ou long terme qui n'offre aucune garantie de liquidité et aucun engagement de rachat. Il est donc recommandé de s'assurer de disposer de liquidités suffisantes pour faire face à des besoins financiers à court et moyen terme.
Cet investissement se place dans une démarche de diversification patrimoniale et ne doit en aucun cas se positionner en substitut des outils financiers classiques, les 'uvres d'art n'étant pas un placement financier.'
*qu'en page 3, Monsieur [S] a affirmé être informé que la collection dans laquelle il investissait pouvait perdre de la valeur et de la non-liquidité de ses investissements et a indiqué avoir pris connaissance de la documentation relative à l'investissement auquel il a souscrit, et avoir reçu toute information ou avoir été mis en mesure de recevoir tout conseil suffisant pour lui permettre d'y souscrire en pleine connaissance de cause, notamment en termes de risques et de durée d'investissement.
Ainsi, les contrats signés étaient suffisamment clairs et informaient Monsieur [S] des risques de l'investissement auquel il avait souscrit.
En conséquence, la décision entreprise sera confirmée de ce chef.
Succombant, les époux [S] seront condamnés aux entiers dépens, de première instance et d'appel.
Concernant les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la Cour relèvera que les parties appelantes ont sollicité dans leur acte d'appel l'infirmation de ce chef du jugement et que l'effet dévolutif de l'appel s'applique à ces dispositions.
L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant au profit des parties appelantes que des parties intimées, en première instance et à hauteur de Cour.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Infirme le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Strasbourg le 05 Février 2021, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par Monsieur [M] [T] et la SARL [T] CONSEILS, déclaré recevable l'action engagée par Monsieur [L] [S] et Madame [S] [D] et rejeté le surplus de la demande en paiement,
Le confirme de ces chefs,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et Y Ajoutant,
Déboute Monsieur et Madame [S] de leur demande en irrecevabilité des conclusions d'appel déposées par Monsieur [T] et la SARL [T] CONSEILS,
Déboute Monsieur [S] [L] et Madame [S] [D], née [R], de l'intégralité de leurs demandes en dommages et intérêts,
Condamne in solidum Monsieur [S] [L] et Madame [S] [D], née [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Rejette les demandes présentées d'une part, par Monsieur [S] [L] et Madame [S] [D], née [R] et d'autre part par Monsieur [M] [T] et la SARL [T] CONSEILS, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la première instance et la procédure d'appel.
La Greffière : la Présidente :