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10/05/2023 | FRANCE | N°19/01774

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 10 mai 2023, 19/01774


MINUTE N° 214/23





























Copie à



- Me Laurence FRICK



- Me Raphaël REINS





Le 10.05.2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 10 Mai 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/01774 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HB3D



Décision d

éférée à la Cour : 05 Février 2019 par le Tribunal de Grande Instance de de MULHOUSE - 1ère chambre civile



APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Locali...

MINUTE N° 214/23

Copie à

- Me Laurence FRICK

- Me Raphaël REINS

Le 10.05.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 10 Mai 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/01774 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HB3D

Décision déférée à la Cour : 05 Février 2019 par le Tribunal de Grande Instance de de MULHOUSE - 1ère chambre civile

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

INTIMES - APPELANTS INCIDEMMENT :

Monsieur [J] [X]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Monsieur [U] [S]

[Adresse 4]

[Localité 7]

SCI GB CREATIONS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Raphaël REINS, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES :

Par un arrêt en date du 27 Septembre 2021, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la Cour d'Appel a ordonné la réouverture des débats, la révocation de l'ordonnance de clôture, et a renvoyé l'affaire à une audience de mise en état, afin que d'une part, la SCI GB Créations, M. [X] et M. [S] déterminent avec précision la clause qu'ils souhaitent voir déclarer abusive, notamment dans le dispositif de leurs dernières écritures, qu'ils indiquent les conséquences de cette éventuelle reconnaissance de son caractère abusif et qu'ils présentent leurs observations sur le point de départ de la prescription qui concerne l'action en restitution des fonds et d'autre part que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges présente ses observations sur ces points et a réservé les demandes et les dépens.

Par des dernières conclusions du 23 Août 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges a demandé à la Cour  de :

Sur l'appel principal :

DECLARER l'appel recevable et bien fondé,

INFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE en date du 5 février 2019, sauf en ce qu'il rejette les demandes de dommages et intérêts formées respectivement par la SCI GB CREATIONS, Monsieur [J] [X] et Monsieur [U] [S] et en ce qu'il rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires formées par la SCI GB CREATIONS, Monsieur [J] [X] et Monsieur [U] [S],

STATUANT A NOUVEAU, dans cette limite,

DECLARER irrecevable la demande de nullité des clauses portant paiement en devises suisses du contrat de prêt souscrit par la SCI GB CREATIONS suivant offre de prêt acceptée le 24 mai 2006, réitérée par acte authentique du 3 novembre 2006,

DECLARER irrecevable la demande de nullité du prêt

REJETER la demande de prononcer la nullité totale du contrat de prêt,

DECLARER irrecevables les demandes de la SCI GB CREATIONS relatives aux conséquences du caractère abusif de clauses dans l'hypothèse où la Cour retiendrait cette appréciation.

DEBOUTER la SCI GB CREATIONS, Monsieur [J] [X] et Monsieur [U] [S] de l'intégralité de leurs fins et conclusions

A TITRE SUBSIDIAIRE, DEBOUTER la SCI GB CREATIONS, Monsieur [J] [X] et Monsieur [U] [S] de leur demande tendant a voir déclarer nulles les clauses du prêt portant paiement en devises suisses,

A TITRE TOUT A FAIT SUBSIDIAIRE,

ORDONNER la compensation des créances réciproques,

CONDAMNER la SCI GB CREATIONS à restituer au CREDIT AGRICOLE un montant de 1.323.110,21 francs suisses, respectivement sa contre-valeur en euros au jour du remboursement correspondant a ce qui a été débloqué au profit de la SCI GB CREATIONS par le CREDIT AGRICOLE

DIRE ET JUGER que le CREDIT AGRICOLE devra restituer à la SCI GB CREATIONS les montants perçus de la SCI GB CREATIONS,

Sur l'appel incident

DECLARER irrecevable la demande en dommages et intérêts formulée par la SCI GB CREATIONS et Messieurs [J] [X] et [U] [S],

DECLARER irrecevable la demande de nullité de la clause de stipulation d'intérêts,

DECLARER irrecevable la demande de déchéance du droit à intérêts conventionnels

DECLARER irrecevable la demande de restitution des intérêts payés

DECLARER irrecevable la demande tendant à voir mettre en cause la responsabilité contractuelle du CREDIT AGRICOLE et ce quel que soit le fondement juridique visé par la SCI GB CREATIONS et Messieurs [J] [X] et [U] [S],

DEBOUTER la SCI GB CREATIONS, Monsieur [J] [X] et Monsieur [U] [S] de l'intégralité de leurs fins et conclusions,

A titre subsidiaire, en cas de déchéance des intérêts DIRE ET JUGER que le taux légal s'appliquera

En tout état de cause,

CONDAMNER solidairement la SCI GB CREATIONS, Monsieur [U] [S] et Monsieur [J] [X] aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel,

CONDAMNER solidairement la SCI GB CREATIONS, Monsieur [U] [S] et Monsieur [J] [X] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par des dernières écritures en date du 30 Mai 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la SCI GB CREATIONS, Monsieur [U] [S] et Monsieur [J] [X] ont demandé à la Cour de :

SUR L'APPEL PRINCIPAL :

DECLARER l'appel principal recevable mais mal fondé,

Le REJETER,

DEBOUTER l'appelante de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

CONFIRMER le jugement entrepris en tous points à l'exception des demandes relevant de l'appel incident formées par les intimées et corrélativement :

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il :

DECLARE 1'action recevable :

DIT que les clauses du contrat de prêt souscrit par la SCI GB CREATIONS, suivant offre de

prêt acceptée le 24 mai 2006, réitérée par acte authentique du 3 novembre 2006, et portant

paiement en devises suisses, sont nulles ;

DIT que, s'agissant de clauses déterminantes, leur nullité entraîne la nullité de la totalité du

contrat de prêt ;

DIT que les parties doivent être replacées dans la situation où elles se trouvaient avant le contrat de prêt,

CONDAMNE le Crédit Agricole Alsace Vosges à restituer à la SCI GB CREATIONS les montants versés au titre du contrat de prêt

REJETTE la demande de dommages et intérêts formée par le Crédit Agricole Alsace Vosges

DEBOUTE le Crédit Agricole Alsace Vosges de l'intégralité de ses demandes

CONDAMNE le Crédit Agricole Alsace Vosges à payer 1.000,00 € (MILLE EUROS) respectivement à la SCI GB CREATIONS, à M. [J] [X] et à M. [U]

[S], au titre de l'article 700 du code de procédure civile

SUR L'APPEL INCIDENT :

DECLARER l'appel incident recevable et bien fondé,

Le RECEVOIR,

FAIRE DROIT aux demandes, moyens, fins et prétentions des intimés,

Corrélativement :

INFIRMER le jugement entrepris pour le surplus, et statuant à nouveau :

1)Sur la demande principale en annulation du prêt

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les intimés de leur demande de compensation et statuant à nouveau Dire et juger que viendront en compensation du montant de 850.000,00 € les montants versés par la SCI GB CREATIONS au jour de l'arrêt à intervenir, ou à tous le moins à hauteur de la somme de 210.805,58 €.

2) Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les intimés de leurs demandes de dommages et intérêts.

Et statuant à nouveau Condamner le Crédit Agricole Alsace Vosges à verser à la SCI GB CREATIONS, Monsieur [J] [X] et Monsieur [U] [S] la somme de 10.000 € à titre de dommage intérêts complémentaires.

3) Sur les demandes à titre subsidiaire :

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a annulé le contrat de prêt, il conviendra d'infirmer le jugement entrepris et déclarer les demandes suivantes recevables 

Juger que la clause d'indexation est entachée d'une nullité absolue

Juger que la clause d'intérêt conventionnel est entachée d'une nullité absolue pour erreur du

taux effectif global,

Déchoir le Crédit Agricole Alsace Vosges de son droit à intérêts conventionnels

En tout état de cause il conviendra de juger que la SCI GB CREATIONS n'est redevable vis-à-vis du Crédit Agricole Alsace Vosges que d'un montant de 850.000,00 €

4) A titre encore plus subsidiaire :

Déchoir partiellement le Crédit Agricole Alsace Vosges de son droit à intérêts conventionnels,

Déclarer l'action recevable,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les intimés de leur demande au titre de

de la mise en cause de la responsabilité du crédit Agricole Alsace Vosges.

Déclarer l'action recevable,

Et statuant à nouveau juger que le Crédit Agricole Alsace Vosges a engagé sa responsabilité

vis-à-vis de la SCI GB CREATIONS, Monsieur [J] [X] et Monsieur [U] [S].

A titre plus subsidiaire encore

Condamner le Crédit Agricole Alsace Vosges à verser à la SCI GB CREATIONS la somme

en principal de 277.105,58 €.

Déclarer l'action recevable

Ordonner la compensation avec les montants dus par la SCI GB CREATIONS au Crédit Agricole Alsace Vosges

Condamner le Crédit Agricole Alsace Vosges à verser à la SCI GB CREATIONS l'intégralité des frais de change initiaux lors de la souscription de l'emprunt de 850.000 euros convertis en CHF, ainsi que ceux appliqués lors de la conversion en euros lors de chaque échéance remboursée en CHF après conversion des euros en CHF.

Déclarer l'action recevable

Ordonner au Crédit Agricole Alsace Vosges d'établir un nouveau tableau d'amortissement

des intérêts pour la période du 1.02.2016 jusqu'à la dernière échéance d'intérêt du prêt, sur la base d'un capital de 850.000 € et du taux d'intérêt légal de 2,11% sur toute la durée du prêt restant à courir.

Déclarer l'action recevable

Ordonner la réouverture des débats avec injonction au préteur de deniers de produire un tableau d'amortissement du crédit accordé rémunéré au taux d'intérêts de 2,11 % à la date de

la décision à intervenir, dire que les paiements effectués s'imputeront sur le capital emprunté selon ledit tableau,

A titre infiniment subsidiaire :

Juger la clause d'indexation abusive et en conséquence :

Ordonner la substitution du taux de l'intérêt légal au taux contractuel à compter de la souscription de l'offre de crédit,

Ordonner la réouverture des débats avec injonction au prêteur de deniers de produire un tableau d'amortissement du crédit accordé rémunéré au taux de l'intérêt légal en vigueur à la date de la décision à intervenir, dire que les paiements effectués s'imputeront sur le capital emprunté selon ledit tableau.

Juger que la SCI GB CREATIONS ne sera redevable que d'un montant de 850.000 € assorti

du taux d'intérêt légal de 2,11% sur toute la durée du prêt restant à courir.

Juger que le Crédit Agricole Alsace Vosges a engagé sa responsabilité vis-à-vis de la SCI GB CREATIONS, Monsieur [J] [X] et Monsieur [U] [S] du fait de l'insertion d'une clause abusive.

En conséquence, Condamner le Crédit Agricole Alsace Vosges à verser à la SCI GB CREATIONS la somme en principal de 277.l05,58 €.

Ordonner la compensation avec les montants dus par la SCI GB CREATIONS au Crédit Agricole Alsace Vosges,

A défaut Juger que le Crédit Agricole Alsace Vosges doit restituer la somme en principal de 210.805,58 € au titre des intérêts, frais et assurances trop versés depuis la signature du prêt jusqu'au 30.04.2022.

Déchoir le Crédit Agricole Alsace Vosges de ses droits à intérêts/ frais / assurances à compter du l mai 2022, a minima à hauteur de 66.300 €.

A titre infiniment subsidiaire condamner le Crédit Agricole Alsace Vosges, à verser la somme de 66.300 €.

4) Sur les frais et article 700 du Code de Procédure Civile :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la banque aux entiers frais et dépens de la première instance et à la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

A hauteur d'appel Condamner le Crédit Agricole Alsace Vosges à verser à la SCI GB CREATIONS, Monsieur [J] [X] et Monsieur [U] [S] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner le Crédit Agricole Alsace Vosges en tous les dépens de l'instance.

La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et de leurs parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 septembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 05 Octobre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Dans sa décision du 27 septembre 2021, la Cour d'appel a rappelé que le moyen tiré de l'illicéité d'une offre de prêt, dès lors qu'elle comporte une clause stipulant un remboursement en francs suisses, est un moyen de nullité absolue, que la loi du 17 Juin 2008 a réduit ce délai à 5 ans, qui a recommencé à courir à compter du 18 Juin 2008, qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, et qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'action en nullité d'un contrat stipulant que le paiement devait intervenir en monnaie étrangère était soumise à la prescription trentenaire de droit commun.

Ainsi, un délai de prescription de trente ans a commencé à courir à compter du 24 Mai 2006 et à compter du 18 Juin 2008, un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir et l'action des intimées était prescrite le 19 Juin 2013.

Or, la SCI GB Créations, M. [X] et M. [S] ont saisi le Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE par acte introductif d'instance en date du 16 février 2016, soit après le 19 Juin 2013.

L'action en nullité du contrat doit être déclarée irrecevable comme étant prescrite, comme celle en nullité des clauses du contrat de prêt souscrit par la SCI GB CREATIONS, et notamment celle qui porte sur le TEG, dès lors que s'agissant de l'erreur portant sur le TEG, il résulte des dispositions légales, ainsi qu'interprétées par la Cour de Cassation, que, tant dans le cas de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, que dans celui de l'action en déchéance du droit aux intérêts, la date à laquelle commence à courir le délai de prescription est celle à laquelle l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG, cette date étant appréciée souverainement par le juge du fond et qu'en l'espèce, les parties intimées ne justifient pas qu'ils ont eu connaissance de l'erreur affectant selon eux le TEG, postérieurement à la date de la convention.

La SCI GB Créations, M. [X] et M. [S] ont par ailleurs soutenu que la clause d'indexation devait être annulée comme étant constitutive d'une clause abusive, moyen dont la Cour doit apprécier le bien fondé.

La Cour rappellera que la sanction du caractère abusif d'une clause ne peut pas être la nullité du contrat et si la demande tendant à la constatation du caractère abusif d'une clause n'est pas soumise à une quelconque prescription, il n'en va pas de même de l'action en restitution des sommes versées en exécution d'une telle clause.

Ce dossier fait partie de litiges sériels concernant des prêts en devises et notamment en francs suisses.

Les parties intimées ayant soutenu que la clause d'indexation constituait une clause abusive, elles doivent présenter leurs observations sur l'arrêt rendu par la CJUE le 10 juin 2021 et notamment sur les dispositions de cet arrêt qui prévoient que :

'L'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat', et ce, comme la cour le précise dans le corps de l'arrêt, 'notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger.'

 

La Cour de Cassation a fait une application de cette décision en droit interne par des arrêts rendus notamment le 30 Mars 2022 et le 20 Avril 2022  et a décidé que :

 

'Viole l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, une cour d'appel qui, pour dire qu'une clause de monnaie de compte ne présente pas un caractère abusif, retient que cette clause, libellée en devise étrangère, n'est pas de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des emprunteurs dès lors, d'une part, que les variations du taux de change ont pour conséquence soit d'allonger soit de réduire la durée du crédit, de sorte que cette clause n'est pas stipulée à leur seul détriment, les variations étant subies réciproquement par les deux parties, d'autre part, que, si les emprunteurs ne veulent plus être soumis aux variations du taux de change, ils peuvent demander, tous les trois ans, la conversion de leur prêt en euros.'

L'application en droit interne de la jurisprudence de la CJUE par la Cour de Cassation est susceptible d'avoir une influence sur la solution du présent litige.

La Cour d'appel ne peut pas apprécier les éléments du litige au regard de cette jurisprudence de la Cour de cassation, sans soumettre cette jurisprudence à la contradiction des parties, afin d'assurer le respect non seulement du principe du contradictoire mais aussi plus largement celui du procès équitable, édicté par l'article 6 de la CEDH.

 

Il appartiendra aussi à la présente juridiction d'apprécier le point de départ de la prescription qui concerne l'action en restitution des fonds.

Par un arrêt du 05 Avril 2023, la Cour d'appel a saisi la Cour de cassation pour avis dans les termes suivants :

'Lorsqu'une juridiction est saisie aux fins de voir déclarer abusives des clauses d'un contrat, action imprescriptible, à quelle date doit être fixé le point de départ de l'action en restitution des sommes déjà versées au titre de ces clauses contractuelles, pour que les modalités du recours du justiciable ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires en droit interne et qu'elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l'accès au juge.'

Dans ces conditions, il convient d'ordonner la réouverture des débats et de rabattre l'ordonnance de clôture afin que les parties présentent leurs observations sur la jurisprudence de la CJUE et de la Cour de Cassation en application de l'arrêt de la CJUE du 10 Juin 2021, susceptible d'avoir une influence sur la solution du litige et de surseoir à statuer dans l'attente de la réception de l'avis de la Cour de Cassation sur le point de départ du délai de l'action restitutoire.

Les demandes et les dépens seront réservés.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Déclare irrecevables comme étant prescrites les demandes en nullité du prêt et en nullité des clauses du contrat et notamment celle concernant le TEG,

Ordonne la réouverture des débats et le rabat de l'ordonnance de clôture, et Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du :

VENDREDI 22 SEPTEMBRE 2023, SALLE 31 à 09 HEURES

afin que les parties présentent leurs observations sur la jurisprudence de la CJUE et de la Cour de Cassation en application de l'arrêt de la CJUE du 10 Juin 2021, susceptible d'avoir une influence sur la solution du litige,

Sursoit à statuer dans l'attente de la réception de l'avis de la Cour de Cassation sur le point de départ du délai de l'action restitutoire,

Réserve les demandes et les dépens seront réservés.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 19/01774
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;19.01774 ?
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