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05/04/2023 | FRANCE | N°21/02365

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 05 avril 2023, 21/02365


MINUTE N° 181/23

























Copie exécutoire à



- Me Anne CROVISIER



- Me Thierry CAHN



Le 05.04.2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 05 Avril 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02365 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HSSP



Décision déférée à

la Cour : 08 Avril 2021 par le Tribunal judiciaire de COLMAR - Chambre commerciale



APPELANTS :



Monsieur [B] [U]

[Adresse 1]



Madame [F]-[T] [S] épouse [U]

[Adresse 1]



S.A.R.L. A2M ENERGIES

prise en la personne de son représentant légal

...

MINUTE N° 181/23

Copie exécutoire à

- Me Anne CROVISIER

- Me Thierry CAHN

Le 05.04.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 05 Avril 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02365 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HSSP

Décision déférée à la Cour : 08 Avril 2021 par le Tribunal judiciaire de COLMAR - Chambre commerciale

APPELANTS :

Monsieur [B] [U]

[Adresse 1]

Madame [F]-[T] [S] épouse [U]

[Adresse 1]

S.A.R.L. A2M ENERGIES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentés par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'acte introductif d'instance déposé le 25 septembre 2019, par lequel la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, ci-après également dénommée 'la Banque Populaire' ou 'la banque', a fait citer la SARL A2M Énergies, ci-après également 'la société', ainsi que M. [B] [U] et Mme [F] [S], épouse [U], ci-après également 'les époux [U]', devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d'application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Colmar,

Vu le jugement rendu le 8 avril 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Colmar a :

- débouté les époux [U] de leur demande de décharge de leurs obligations de caution,

- débouté la société de sa demande de dommages et intérêts,

- débouté les époux [U] de leur demande de dommages et intérêts,

- condamné la société à payer à la banque la somme de 333,21 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 14,05 % à compter du 11 septembre 2019 au titre du solde du compte courant,

- condamné solidairement la société et les époux [U] à payer à la banque, au titre du solde du prêt, la somme de 138 557,47 euros, augmentée des intérêts au taux conventionnel majoré de trois points, soit 5,50 %, à compter du 11 septembre 2019 sur le montant total dû en capital de 120 027,08 euros et des intérêts au taux légal à compter du présent jugement sur la somme de 15 842,67 euros, mais dans la limite de 75 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande en ce qui concerne les époux [U],

- ordonné la capitalisation des intérêts échus par année entière,

- condamné solidairement la société et les époux [U] à supporter les entiers dépens, ainsi qu'à payer à la banque la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Vu la déclaration d'appel formée par la SARL A2M Énergies, M. [B] [U] et Mme [F]-[T] [S], épouse [U], contre ce jugement, et déposée le 11 mai 2021,

Vu la constitution d'intimée de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne en date du 30 juin 2021,

Vu les dernières conclusions en date du 2 août 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SARL A2M Énergies, M. [B] [U] et Mme [F]-[T] [S], épouse [U], demandent à la cour de :

'DIRE ET JUGER la société A2M ENERGIES et Monsieur et Madame [U] recevable en leur appel,

Les Y DIRE bien fondés,

En conséquence,

INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et Statuant à nouveau,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Vu l'article L. 650-1 du Code de commerce,

DIRE ET JUGER que la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE s'est rendue responsable de l'octroi abusif de crédit et que dès lors elle engage sa responsabilité envers la société débitrice et les cautions,

En conséquence,

CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE à verser à la société A2M ENERGIES et à Madame et Monsieur [U] un montant équivalent, s'agissant du préjudice subi par la société concluante, au montant de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre, au bénéfice de la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE, y compris l'ensemble des frais, dépens et accessoires,

ORDONNER en tant que de besoin la compensation entre les créances réciproques des parties,

En conséquence,

DEBOUTER la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions tant à l'encontre de la société A2M ENERGIES qu'à l'encontre de Madame et Monsieur [U],

A titre subsidiaire en cas de condamnation de la société A2M ENERGIES,

Vu les dispositions des articles L 332-1, L 333-1 et L 333-2 nouveaux du Code de la Consommation, respectivement les articles L 341-4, L 341-1 et L 341-6 anciens du même Code,

DIRE ET JUGER que l'engagement de caution de Madame et Monsieur [U] en faveur de la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE était manifestement disproportionné à leurs biens et revenus,

En conséquence :

DIRE ET JUGER que la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE est dans l'impossibilité de se prévaloir à l'encontre de Madame et Monsieur [U] de leur engagement de caution.

En conséquence,

DECLARER l'acte de caution inopposable aux cautions.

DEBOUTER en toute hypothèse la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE de l'intégralité de ses fins, prétentions et moyens.

A titre encore plus subsidiaire,

REJETER la demande au titre de la clause pénale,

Vu l'article 1217 et 1231-1 du Code Civil (anciennement 1147)

Vu la jurisprudence citée et produite avec les présentes,

DIRE ET JUGER que la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE a engagé sa responsabilité contractuelle pour faute,

DIRE ET JUGER que la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE a manqué à son obligation de mise en garde et a engagé sa responsabilité,

En conséquence,

CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE à verser à Madame et Monsieur [U] en indemnisation du préjudice subi, un montant équivalent au montant de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre, au bénéfice de la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE, y compris l'ensemble des frais, dépens et accessoires,

En tout état de cause,

CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel et à verser à Monsieur et Madame [U] une somme de 2.500,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile'

et ce, en invoquant, notamment :

- un octroi abusif de crédit, au regard du montant même du prêt qui aurait dû conduire à une mise en garde par la banque, de surcroît s'agissant d'une société nouvellement créée,

- la disproportion manifeste de leur engagement de caution, les éléments de la fiche de renseignements n'étant étayés par aucun justificatif et faisant apparaître une sous-évaluation des charges du ménage, la banque s'étant abstenue de vérifier la solvabilité des cautions,

- un manquement de la banque à son devoir de mise en garde envers des cautions non averties, qui auraient dû être éclairées sur le risque de l'opération en mettant leurs situations financières personnelles en perspective avec celle de la société emprunteuse et de son activité naissante, ce qui aurait dissuadé les cautions de s'engager ou les aurait amenées à réduire leur engagement.

Vu les dernières conclusions en date du 2 novembre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne demande à la cour de :

'REJETER l'appel et le dire infondé ;

REJETER l'intégralité des demandes, fins et conclusions de la SARL A2M ENERGIES et des époux [U] ;

CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause :

CONDAMNER solidairement la SARL A2M ENERGIES et les époux [U] aux entiers frais et dépens de la procédure ainsi que d'avoir à payer la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'absence de risque d'endettement né de l'octroi du prêt, garanti par BPI France, qui effectue des contrôles très stricts sur les capacités de remboursement, et honoré pendant plus de 18 mois,

- le caractère averti de M. [U], gérant de la société cautionnée dont l'objet même impliquerait des compétences dans les domaines comptable, juridique et financier,

- l'absence de manquement en résultant à son devoir de mise en garde,

- l'absence de disproportion manifeste du cautionnement solidaire des époux [U], auquel est reproché un renversement de la charge de la preuve, la banque n'étant tenue de vérifier l'exactitude des informations communiquées qu'en présence d'anomalies apparentes, et toute minoration des charges renseignées étant imputable aux appelants.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 mai 2022,

Vu les débats à l'audience du 22 juin 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la demande en dommages-intérêts pour octroi abusif de crédit à la société :

La cour rappelle qu'en l'espèce, en date du 7 juin 2017, la banque a ouvert dans ses livres au profit de la société FC Financière Léo, devenue le 1er juillet 2017, la SARL A2M Énergies, un compte courant professionnel numéroté 31921774442, et a consenti à la société un prêt professionnel n°05877725, d'un montant en principal de 150 000 euros, remboursable en 84 échéances, moyennant un taux d'intérêts de 2,50 %, les époux [U] se portant, suivant engagement en date du 23 juin 2017, cautions solidaires de l'ensemble des engagements de la société à hauteur de 75 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités de retard pour une durée de sept ans.

La société ayant cessé le remboursement des échéances du prêt à compter du mois de février 2019, la banque a dénoncé l'autorisation de découvert dont bénéficiait la société à hauteur de 500 euros et a sollicité le remboursement des concours financiers, avant de notifier à la société la clôture du compte courant professionnel ainsi que l'exigibilité immédiate du prêt professionnel, et d'informer les cautions solidaires qu'elle a mises en demeure de satisfaire à leur engagement.

Afin de s'opposer aux demandes de la banque, les époux [U] et la société font, tout d'abord, valoir que la banque ne justifierait pas s'être informée puis avoir mis en garde l'emprunteuse, à l'occasion de l'octroi du prêt, s'agissant, de surcroît, d'une société nouvellement créée, du risque de non-remboursement au regard des capacités financières et du risque d'endettement, notamment en justifiant d'avoir consulté les situations des sociétés Sanitherm et AFL Services, et ce même si la société a tenté d'assurer les échéances de la Banque Populaire malgré les difficultés financières rencontrées au sein des sociétés précitées qui seraient survenues peu de temps après le rachat de parts de la société Sanitherm.

La banque réfute tout soutien abusif alors que le prêt aurait été honoré pendant 18 mois et qu'aucune preuve ne serait apportée, par les parties adverses, que la situation de la société était incontestablement et irrémédiablement compromise dès l'octroi du prêt, tout en invoquant le caractère averti de M. [U], gérant de trois sociétés dont, depuis 2006, la société cautionnée.

Sur ce, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L. 650-1 du code de commerce, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

La fraude s'entend, en matière civile ou commerciale, comme un acte réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu, ou réalisé avec l'intention d'échapper à l'application d'une loi impérative ou prohibitive.

La cour observe que le contrat de prêt souscrit par la société avait pour objet le financement d'un besoin en fonds de roulement afin de renforcer la trésorerie des sociétés Sanitherm et AFL Services, lesquelles ont été, respectivement placées, par jugements de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg, en liquidation judiciaire, le 12 mars 2018 et en redressement judiciaire avec une période d'observation de six mois, le 14 mai 2018, la société AFL Services devant bénéficier, selon jugement rendu le 13 mai 2019, d'un plan de redressement.

Cela étant, le bénéficiaire direct du contrat de prêt était la société désormais dénommée A2M Énergies, dont il n'est pas justifié de la situation financière lors de l'octroi du prêt, ni depuis lors, et qui n'a, pour sa part, fait l'objet d'aucune procédure collective, et a procédé au remboursement du prêt jusqu'en février 2019.

De surcroît, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, la banque justifie d'avoir eu en sa possession les dossiers prévisionnels établis, en date des 25 octobre 2016 et 16 mars 2017, pour les deux autres sociétés, par la Fiduciaire du Bas-Rhin, expert-comptable, sur les exercices d'octobre 2016 à septembre 2019, et faisant apparaître un bilan prévisionnel favorable.

Aucun de ces éléments ne permet de caractériser l'existence d'une situation irrémédiablement compromise au moment de l'octroi du prêt, ni, dans ces conditions, la connaissance qu'aurait eu la banque de cette situation, ni, par conséquent ou par ailleurs, la caractérisation d'une fraude de la part de l'établissement bancaire, dont les appelants ne soutiennent ni, au demeurant, n'établissent qu'elle se serait immiscée dans la gestion de la débitrice, cependant que le moyen tiré de la disproportion des garanties n'est pas soutenu sous cet angle, ce dont il résulte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée à ce titre, ce qui implique que ni la société, ni les époux [U] ne pourront être déchargés de leurs engagements respectifs de ce chef.

Sur la disproportion manifeste de l'engagement de caution des époux [U] :

Aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, en leur version applicable à la cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

À ce titre, il convient, tout d'abord, de préciser que le caractère manifestement disproportionné de l'engagement souscrit par la caution, au sens de ces dispositions, s'apprécie au regard du montant de cet engagement et non de celui du prêt garanti ou de ses échéances.

Par ailleurs, en application des dispositions précitées, c'est à la caution de justifier qu'au jour de sa conclusion, son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Lorsqu'à l'occasion de la souscription de son engagement, la caution a déclaré au créancier des éléments sur sa situation personnelle, le créancier peut, en l'absence d'anomalie apparente, s'y fier et n'a pas à vérifier l'exactitude de ces déclarations.

Dans ce cas, la caution ne sera alors pas admise à établir, devant le juge, que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque.

En revanche, en présence d'anomalie apparente, ou lorsque la caution n'a déclaré aucun élément sur sa situation patrimoniale à la banque lors de son engagement, notamment parce que cette dernière ne lui a rien demandé, la caution est libre de démontrer, devant le juge, quelle était sa situation financière réelle lors de son engagement. Elle peut aussi opposer à la banque les éléments non déclarés dont celle-ci avait connaissance.

De son côté, la banque peut invoquer des éléments de la situation de la caution qu'elle n'aurait pas déclarés.

Au cas où la disproportion manifeste de l'engagement au jour de sa conclusion serait retenue, c'est à la banque qu'il appartient d'établir qu'au jour où elle a appelé la caution, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation.

En l'espèce, il convient, tout d'abord, de constater que les époux [U], sur lesquels pèse, dans les conditions qui viennent d'être rappelées, la charge de la preuve de la disproportion, ne versent aux débats aucun élément relatif à leur situation financière et patrimoniale personnelle au moment de l'octroi du prêt et de l'ouverture du compte.

Il est toutefois produit, par la banque, une fiche de renseignements patrimoniale établie en date du 28 février 2017 par les cautions, le fait qu'elle ne soit accompagnée d'aucun élément justificatif étant, au regard des précisions qui précèdent, sans incidence, pour peu qu'aucune anomalie apparente ne soit présente dans la fiche, ce qui n'aurait pas, pour autant, pour effet d'inverser la charge de la preuve incombant aux cautions et leur imposant de démontrer que leur situation était moins favorable que celle indiquée dans la fiche.

À ce titre, il est indiqué que les époux, mariés sous le régime de la séparation de biens, perçoivent respectivement 3 000 euros par mois, s'agissant de M. [U] et 2 100 euros s'agissant de son épouse, et qu'ils mettent en compte un loyer mensuel de 350 euros.

Ils mentionnent également, au titre de leur patrimoine, un immeuble d'une valeur de 600 000 euros détenu en SCI familiale, et grevé de deux emprunts d'un montant total de 383 360 euros.

Cela étant, compte tenu du régime matrimonial déclaré par les époux, il y a lieu de rappeler que la disproportion éventuelle de l'engagement respectif de chaque époux s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels (voir, notamment, Com., 24 mai 2018, pourvoi n° 16-23.036, Bull. 2018, IV, n° 59).

Par ailleurs, si aucune précision n'est apportée concernant la participation respective des époux [U] dans la SCI familiale, ce qui pouvait, en soi, constituer une anomalie apparente, ils ne démontrent pas, pour autant, en quoi leur situation patrimoniale aurait été moins favorable que celle déclarée dans la fiche, ou en tout cas aurait été manifestement disproportionnée au regard de leur engagement.

En conséquence, la cour confirmera la décision entreprise en ce qu'elle a retenu qu'il n'y avait pas lieu à décharge de l'engagement de caution des époux [U].

Sur le manquement allégué de la banque à son devoir de mise en garde envers les cautions :

La banque n'est tenue à un devoir de mise en garde ni à l'égard d'une caution avertie, ni à l'égard d'une caution non avertie lorsqu'au jour de son engagement, celui-ci est adapté aux capacités financières de la caution et qu'il n'existe pas de risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

En l'espèce, au regard des conclusions auxquelles est parvenue la cour sous l'angle de l'examen de la disproportion manifeste de l'engagement de caution et du soutien abusif, elle est à même d'en conclure qu'aucune inadaptation de l'engagement aux capacités financières de la caution, ni aucun risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, résultant de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur, n'est démontré.

Dès lors, et sans même qu'il n'y ait lieu à statuer, comme l'avait fait le premier juge, sur la qualité de caution avertie des époux [U], pour chacun d'entre eux, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée à ce titre contre la banque.

Sur la clause pénale :

Les époux [U] et la société sollicitent 'la suppression de la clause pénale qui figure au contrat et qui est manifestement excessive, ici encore a fortiori dans le contexte particulier du dossier.'

À cet égard, la cour rappelle que l'article 7 du contrat de prêt stipule, en cas de défaillance, une indemnité égale à 10 % des sommes dues, majorée de 3 % si la banque est obligée d'introduire une instance.

En l'espèce, les appelants ne démontrent pas davantage qu'ils n'expliquent en quoi l'indemnité conventionnelle ainsi mise en compte par la banque, dont le caractère de clause pénale n'est pas contesté, aurait un caractère manifestement excessif, la situation des débiteurs et des cautions, à supposer qu'elle corresponde au 'contexte particulier' invoqué, n'étant pas un élément à prendre en compte à ce titre.

Il convient donc, également, de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Il convient, par ailleurs, de relever que les appelants n'invoquent dans leur argumentation, aucun élément de nature à remettre en cause le quantum des créances mises en compte par la banque, l'affirmation, dans la partie factuelle de leurs conclusions, que 'le concours bancaire offert par la banque demanderesse étant couvert par la garantie souscrite auprès de BPIFRANCE, celle-ci a été désintéressée à hauteur de 50 % de l'encours de crédit, soit la somme de 66.481,88 €, de sorte que la société A2M ENERGIES ne lui reste devoir que le solde des montants échus soit la somme de 72.408,80 €', ne faisant l'objet d'aucun développement au titre de la partie 'discussion' ni d'aucune demande particulière dans la partie dispositive, étant, au demeurant, rappelé que, comme le soutient à bon droit la banque, la garantie BPIFRANCE intervient, en vertu de l'article 10 des conditions générales de garantie, après épuisement des poursuites utiles.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné :

- la société à payer à la banque la somme de 333,21 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 14,05 % à compter du 11 septembre 2019 au titre du solde du compte courant,

- solidairement la société et les époux [U] à payer à la banque, au titre du solde du prêt, la somme de 138 557,47 euros, augmentée des intérêts au taux conventionnel majoré de trois points, soit 5,50 %, à compter du 11 septembre 2019 sur le montant total dû en capital de 120 027,08 euros et des intérêts au taux légal à compter du présent jugement sur la somme de 15 842,67 euros, mais dans la limite de 75 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande en ce qui concerne les époux [U],

- ordonné la capitalisation des intérêts échus par année entière.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les appelants succombant pour l'essentiel, seront tenus in solidum, des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande, en outre, de mettre à la charge des appelants, in solidum, une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de l'intimée, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 avril 2021 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la SARL A2M Énergies, M. [B] [U] et Mme [F]-[T] [S], épouse [U], aux dépens de l'appel,

Condamne in solidum la SARL A2M Énergies, M. [B] [U] et Mme [F]-[T] [S], épouse [U], à payer à la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SARL A2M Énergies, M. [B] [U] et Mme [F]-[T] [S], épouse [U].

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/02365
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;21.02365 ?
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