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29/03/2023 | FRANCE | N°21/03940

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 29 mars 2023, 21/03940


MINUTE N° 169/23





























Copie exécutoire à



- Me Valérie SPIESER



- Me Thierry CAHN



Le 29.03.2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 29 Mars 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/03940 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HVJR



Décisi

on déférée à la Cour : 29 Juin 2021 par le Tribunal judiciaire de SAVERNE - Chambre commerciale



APPELANTE :



Madame [W] [Z] épouse [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me NIKOLOVSKA, avoc...

MINUTE N° 169/23

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER

- Me Thierry CAHN

Le 29.03.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 29 Mars 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/03940 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HVJR

Décision déférée à la Cour : 29 Juin 2021 par le Tribunal judiciaire de SAVERNE - Chambre commerciale

APPELANTE :

Madame [W] [Z] épouse [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me NIKOLOVSKA, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

prise de la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Vu le jugement de la Chambre commerciale du tribunal judiciaire de Saverne du 29 juin 2021,

Vu la déclaration d'appel effectuée par Mme [Z] épouse [B] le 24 août 2021 par voie électronique,

Vu la constitution d'intimée de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne du 25 octobre 2021 par voie électronique,

Vu les conclusions de Mme [B] née [Z] du 15 novembre 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu les conclusions de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne du 14 novembre 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 7 décembre 2022,

Vu l'audience du 12 décembre 2022 à laquelle l'affaire a été appelée,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

Selon convention du 22 avril 2008, la banque a consenti à la SARL SLJ l'ouverture d'un compte bancaire en ses livres, puis, le 17 novembre 2015, lui a consenti un prêt d'un montant de 200 000 euros. La société a, en outre, souscrit à échéance du 5 octobre 2017, un billet à ordre de 160 000 euros.

Par acte du 27 décembre 2014, Mme [B] s'est rendue caution personnelle et solidaire de l'ensemble des engagements de la société SLJ à hauteur de 19 500 euros.

Le 26 septembre 2017, la société SLJ a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde.

Le 12 octobre 2017, la banque a déclaré sa créance pour un montant total de 334 542,14 euros.

Selon un jugement du 19 juin 2018, l'instance a été suspendue à l'égard de la caution jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire.

Le 19 mars 2019, la société SLJ a bénéficié d'un plan de sauvegarde.

L'instance a été reprise le 25 janvier 2021, et par le jugement attaqué, ont été rejetées les exceptions tirées du caractère manifestement disproportionné du cautionnement, du défaut de mise en garde et du défaut d'information de la caution, Mme [B] a été déboutée, en conséquence, de sa demande de dommages-intérêts, la demande de la banque a été déclarée recevable et Mme [B] a été condamnée à lui payer la somme de 19 500 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jugement, outre 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, la banque étant déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et l'exécution provisoire du jugement étant ordonnée.

1. Sur les conséquences du plan de sauvegarde arrêté au bénéfice du débiteur principal :

Mme [B] soutient, mais seulement dans le corps de ses conclusions, qu'elle ne peut être poursuivie avant la résolution du plan de sauvegarde.

Selon l'article L.622-28, alinéa 2, du code de commerce qu'elle invoque sans en tirer les conséquences juridiques exactes, le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan toute action contre les personnes physiques ayant consenti une sûreté personnelle.

Le plan de sauvegarde ayant été arrêté, l'action n'est donc plus suspendue à son égard.

Si, en application de l'article L. 626-11 du code de commerce, les personnes physiques ayant consenti une sûreté personnelle peuvent se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde arrêté au profit du débiteur principal, en l'espèce, Mme [B] ne se prévaut pas des dispositions du plan arrêté au profit de la société SLJ.

2. Sur la disproportion manifeste de l'engagement de caution :

Mme [B] soutient qu'à l'époque du cautionnement, le revenu de son couple s'élevait au total à 40 500 euros en 2014, elle-même percevant 21 600 euros par an, qu'ils étaient engagés à hauteur de 131 558,14 euros au titre d'un crédit immobilier pour financer l'acquisition de leur maison d'habitation, prêt consenti par la Banque Populaire pour un montant de 265 000 euros et pour une durée de 25 ans. Elle en déduit que la valeur nette de son patrimoine s'élevait à 33 441,86 euros. Elle fait aussi valoir que pour prendre en compte le patrimoine immobilier, encore faut-il que la majorité de ce patrimoine soit 'liquide'. Enfin, elle conteste avoir été propriétaire du fonds de commerce.

Cependant, il résulte de cet exposé qu'eu égard à ses revenus et à la valeur nette du bien immobilier au moment de son engagement de caution, limité à 19 500 euros, celui-ci n'était pas, lorsqu'elle s'est engagée, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

De surcroît, Mme [B] a signé deux fiches de renseignement, l'une le 28 octobre 2013, et l'autre le 28 octobre 2014, dans lesquelles elle indique percevoir 24 000 euros, son mari 16 000 euros, pour l'année 2013, qu'elle supporte un loyer de 16 786,61 euros TTC par mois et des impôts de 10 000 euros, que le patrimoine de la caution est constitué d'un fonds de commerce d'une valeur estimative de 445 000 euros, à titre de bien commun, et d'une maison privée, d'une valeur estimative de 300 000 euros, sur laquelle existe une inscription hypothécaire, et ce à titre de bien commun.

Si aucune mention ne figure au titre des emprunts, il n'est pas contesté que l'emprunt immobilier a été consenti par la banque, de sorte qu'il convient d'en tenir compte pour apprécier la proportionnalité de son engagement.

Selon les indications portées sur cette fiche de renseignement, dont aucune anomalie apparente n'est invoquée ni démontrée, et selon l'encours précité restant dû au titre du prêt immobilier, son engagement de caution n'était pas, lorsqu'elle s'est engagée, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté 'l'exception' tirée du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de caution.

3. Sur le devoir de mise en garde :

Contrairement à ce que soutient Mme [B], le seul fait pour une banque de ne pas verser aux débats d'éléments permettant de confirmer qu'elle a recueilli des informations sur les capacités financières de la caution, ou du débiteur principal, avant la souscription de son engagement de caution ne caractérise pas un manquement à son devoir de mise en garde.

Au demeurant, la banque justifie s'être renseignée sur les capacités financières de la caution en produisant les deux fiches précitées.

Il appartient à la caution qui se prévaut d'un manquement de la banque à son obligation de mise en garde de rapporter la preuve de l'inadaptation de son engagement à ses capacités financières ou de l'existence d'un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.

Or, il résulte de ce qui précède que Mme [B] ne démontre pas que son engagement de caution, limité dans son montant comme il a été dit, n'était pas adapté à ses capacités financières.

Elle ne démontre pas non plus que les concours garantis n'étaient pas adaptés à la situation financière de la société SLJ. Au demeurant, celle-ci a bénéficié d'une procédure de sauvegarde en 2017, soit près de trois ans après qu'elle se soit engagée en qualité de caution de sorte que l'ouverture de ladite procédure collective ne permet pas de démontrer l'existence d'un risque d'endettement excessif du débiteur principal au moment où la caution s'est engagée.

En outre, comme le soutient la banque, et le retient le jugement, sans que cela soit contesté, elle était associée gérante majoritaire de la société débitrice principale qui réalisait un chiffre d'affaires annuel de près de deux millions d'euros et elle gérait ladite société depuis 2008.

S'il est exact que, comme le soutient la caution, la qualité de caution avertie ne peut se déduire de la seule qualité de dirigeant et/ou associé de la société débitrice, il convient de constater qu'en l'espèce, alors qu'elle dirigeait la société depuis 2008, elle ne s'est engagée à en garantir les engagements à l'égard de la banque qu'en 2014, soit après plusieurs années de direction d'une entreprise, ayant de surcroît une activité importante compte tenu de son chiffre d'affaires, ce qui permet de caractériser, en l'absence d'autres éléments contraires, une certaine expérience acquise en matière de gestion de la société débitrice et de considérer qu'elle avait connaissance des risques encourus en s'engageant en tant que caution de ladite société, de surcroît de manière limitée à hauteur de 19 500 euros, et dès lors, de la qualifier de caution avertie.

Elle ne justifie donc pas que la banque était tenue à un devoir de mise en garde à son égard.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté 'l'exception' tirée du défaut de mise en garde.

Dès lors que Mme [B] soutient également in fine dans ses conclusions, dans la partie consacrée à la disproportion manifeste et au manquement au devoir de mise en garde, que la banque a commis une faute et engagé sa responsabilité, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de ce chef.

4. Sur la responsabilité de la banque recherchée pour ne pas avoir vérifié les capacités de la société SLJ avant de recueillir l'engagement résultant de l'émission du billet à ordre le 6 septembre 2017 :

Mme [B] soutient qu'il a été souscrit 20 jours avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde par jugement du 26 septembre 2017, que la société présentait déjà une situation obérée, que ce nouvel engagement ne devait en réalité que lui permettre d'actionner la caution à hauteur de 19 500 euros et de poursuivre la caution, que cette manoeuvre a été effectuée dans le seul intérêt de la banque et non de la société dans la mesure où sa situation financière était déjà compromise. Elle ajoute que le recueil d'un engagement alors que la situation financière de la société est manifestement déjà obérée caractérise une faute, qui lui a causé la perte de chance de ne pas être poursuivie en qualité de caution.

Elle demande la décharge de son engagement, et à titre subsidiaire, la réparation de son préjudice à hauteur de 25 000 euros.

Comme le soutient la banque, le fait qu'une procédure de sauvegarde ait été ouverte permet de conclure que la société SLJ n'était pas, alors, en état de cessation des paiements. Elle ne démontre pas que cette société connaissait alors des difficultés, autres que ponctuelles qu'admet la banque. De surcroît, elle a, par la suite, bénéficié d'un plan de sauvegarde.

Mme [B] ne démontre pas que la société se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise, ni de l'existence de manoeuvres destinées à lui porter préjudice. Elle ne démontre pas que la banque ait commis une faute lors de l'émission de ce billet à ordre.

Sa demande de décharge de son engagement et, celle subsidiaire, de dommages-intérêts seront donc rejetées, tout comme la demande de compensation.

Le jugement n'ayant pas statué sur ces demandes, il y sera ajouté.

5. Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Aux termes de l'article L.313-22 du code de la consommation alors applicable, 'les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. (...)

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.'

Selon l'article 2293 du code civil, le cautionnement indéfini d'une obligation principale s'étend à tous les accessoires de la dette, même aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution. Lorsque ce cautionnement est contracté par une personne physique, celle-ci est informée par le créancier de l'évolution du montant de la créance garantie et de ces accessoires au moins annuellement à la date convenue entre les parties ou, à défaut, à la date anniversaire du contrat, sous peine de déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités.

En l'espèce, la banque ne produit que des copies de lettres d'information, qui sont insuffisantes à justifier de leur envoi.

Comme la banque ne justifie pas de l'envoi des lettres d'information annuelle, elle est déchue de son droit aux intérêts au taux contractuel.

Cependant, Mme [B] demande seulement de prononcer la déchéance du droit aux intérêts réclamés par la banque. Or, la banque ne demande, au titre des intérêts, que les intérêts au taux légal à compter du jugement. Et, en dépit de ladite déchéance, elle est tenue de payer les intérêts moratoires.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement qui l'a condamnée à payer la somme de 19 500 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jugement.

6. Sur les frais et dépens :

Mme [B] succombe principalement et succombe en son appel.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais et dépens, de la condamner à supporter les dépens d'appel, de la condamner à payer à la banque la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter sa demande à ce titre.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement de la Chambre commerciale du tribunal judiciaire de Saverne du 29 juin 2021, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception tirée du défaut d'information de la caution,

L'infirme de ce seul chef,

Statuant à nouveau :

Prononce la déchéance de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de son droit aux intérêts au taux contractuel à l'égard de Mme [B],

Y ajoutant :

Rejette la demande tendant à la décharge de l'engagement de caution en raison de la responsabilité de la banque,

Rejette la demande subsidiaire en dommages-intérêts,

Condamne Mme [B] à supporter les dépens d'appel,

Condamne Mme [B] à payer à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/03940
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;21.03940 ?
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