La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2023 | FRANCE | N°20/02874

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 22 mars 2023, 20/02874


MINUTE N° 157/23





























Copie exécutoire à



- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA



- Me Ahlem RAMOUL -BENKHODJA



- Me Laurence FRICK





Le 22.03.2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 22 Mars 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A

N° RG 20/02874 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HM7C



Décision déférée à la Cour : 10 Septembre 2020 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 3ème chambre civile



APPELANTS - INTIMES INCIDEMMENT :



Monsieur [K] [Y] [Adresse 5]



Représenté par Me Valérie BISCHOFF ...

MINUTE N° 157/23

Copie exécutoire à

- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA

- Me Ahlem RAMOUL -BENKHODJA

- Me Laurence FRICK

Le 22.03.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 22 Mars 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/02874 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HM7C

Décision déférée à la Cour : 10 Septembre 2020 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 3ème chambre civile

APPELANTS - INTIMES INCIDEMMENT :

Monsieur [K] [Y] [Adresse 5]

Représenté par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021000172 du 09/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

Madame [I] [F] épouse [Y]

[Adresse 5]

Représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021003798 du 03/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

INTIMES - APPELANTS INCIDEMMENT :

Monsieur [C] [Y] [Adresse 1]

Madame [X] [U] épouse [Y]

[Adresse 1]

Représentés par Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA, avocat à la Cour

CAISSE DE CREDIT MUTUEL SAINT JEAN

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 10 septembre 2020,

Vu la déclaration d'appel de M. [K] [Y] et de Mme [I] [F] épouse [Y] effectuée le 8 octobre 2020 par voie électronique,

Vu la constitution d'intimée de la Caisse de Crédit Mutuel Saint Jean (la banque) effectuée le 20 octobre 2020 par voie électronique,

Vu la constitution d'intimée de M. [C] [Y] et de Mme [X] [U] épouse [Y] effectuée le 6 novembre 2020 par voie électronique,

Vu l'ordonnance du 28 février 2022 du conseiller de la mise en état déclarant recevable la demande présentée par M. et Mme [Y] en déchéance du droit aux intérêts de la Caisse de Crédit Mutuel Saint Jean, déclarant prescrite la demande des consorts [C] et [X] [Y] en nullité de leur engagement de caution et disant que les dépens suivront le sort de ceux de l'instance principale,

Vu les conclusions de M. [K] [Y] et de Mme [I] [F] épouse [Y] datées du 27 octobre 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le 28 octobre 2022,

Vu les conclusions de Caisse de Crédit Mutuel Saint Jean du 11 octobre 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu les conclusions de M. [C] [Y] et de Mme [X] [U] épouse [Y] datées du 5 juillet 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 9 novembre 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

Pour financer l'acquisition d'un fonds de commerce situé [Adresse 3], la banque a consenti à la SARL Boulangerie Firat un prêt par acte authentique du 6 octobre 2011 d'un montant de 120 000 euros remboursable en 84 mensualités.

Il était garanti par le cautionnement solidaire de M. et Mme [K] et [I] [Y] et de M. et Mme [C] et [X] [Y], dans la limite de 144 000 euros.

La société Boulangerie Firat a été mise en redressement judiciaire par jugement du 17 octobre 2014, converti en liquidation judiciaire le 29 juin 2015.

La banque a déclaré sa créance, d'abord pour 74 512,54 euros, puis pour 82 246,27 euros.

Après avoir mis en demeure les cautions d'exécuter leur engagement, elle les a assignées en paiement.

Par jugement du 10 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg a débouté M. et Mme [C] [Y] de leur demande tendant au prononcé de la nullité du cautionnement, les quatre cautions de leur demande de décharge au titre de la disproportion, et de leur demande d'indemnisation au titre d'un manquement de la banque à son devoir de conseil et de mise en garde. Puis, il a condamné solidairement les quatre cautions à payer la somme de 66 204,43 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la décision, et dans la limite totale de 144 000 euros.

Il a en outre condamné M. [K] et Mme [I] [Y] à payer la somme de 22 628,75 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 7,4 % l'an à compter du 15 avril 2016 et dans la limite totale de 144 000 euros. Ces sommes correspondant aux intérêts dont la banque a été déchue à l'égard des deux autres cautions.

Enfin, il a laissé les dépens à la charge des parties qui les ont exposés, dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions.

M. et Mme [K] [Y] ont interjeté appel principal, tandis que la banque et M. et Mme [C] [Y] ont interjeté appel incident.

1. Sur les demandes concernant M. [K] et Mme [I] [Y] :

1.1. Sur la nullité du cautionnement opposée par M. [K] et Mme [I] [Y] :

Ces derniers soutiennent que, si l'article L341-2 du code de la consommation ne s'applique pas, en l'espèce, c'est l'acte authentique qui exigeait la mention qu'ils invoquent en page 6 de leurs conclusions, que la force obligatoire des contrats résultant de l'article 1134 du code civil (devenu 1103) obligeait à respecter cette exigence insérée dans l'acte, que cette clause a pour objet d'éclairer la caution sur l'importance de son engagement et que faute de l'avoir respectée, le consentement des cautions a été vicié, ce qui est sanctionné par une nullité.

Ils ajoutent que cette prétention est destinée à faire écarter les prétentions adverses, de sorte qu'elle est recevable.

La banque réplique, d'une part, que le formalisme de l'engagement de caution prescrit par les articles L.331-1, anciennement L.341-2 et suivants, n'est pas applicable à un cautionnement consenti par acte authentique, et que le fait que les pages emportant signature des cautions, s'agissant d'un formulaire utilisable pour les conventions sous seing privé, emportent rappel et non pas obligation de rédaction, laquelle n'est requise à aucune page de l'acte, de la formulation habituelle pour le cautionnement sous seing privé est sans emport. Elle soutient que l'article III de l'acte notarié emporte stricte délimitation de la nature de l'engagement souscrit par les cautions.

D'autre part, elle soutient que la demande de nullité, utilement glissée dans le dispositif des appelants, est une demande nouvelle et irrecevable, et en toute hypothèse prescrite s'agissant d'un prêt souscrit en 2011

Sur ce,

S'agissant de la fin de non-recevoir : la cour observe que M. [K] et Mme [I] [Y] demandent dans le dispositif de leurs conclusions de débouter la banque de ses demandes en raison de la nullité du cautionnement. Ils invoquent ainsi la nullité à titre de moyen de défense, qui, à ce titre, ne constitue pas une prétention, est toujours recevable en appel et ne se heurte pas à la prescription. A supposer qu'elle constitue une prétention, elle tend à faire écarter des prétentions adverses et ne se heurte pas à la prescription s'agissant d'une exception de nullité dirigée contre l'acte de cautionnement dont il n'est pas soutenu ni démontré qu'il ait reçu un commencement d'exécution.

S'agissant du fond : L'acte authentique de prêt du 6 octobre 2011, qu'ils ont signé en qualité de caution, comporte un article III 'Garanties Caution personnelle et solidaire', indiquant notamment qu'ils déclarent se porter caution personnelle, solidaire et indivisible de l'emprunteur de toutes les sommes dues à raison du prêt, et qu'ils s'engagent à en effectuer le paiement à la banque à première réquisition sans invoquer aucun motif de discussion ou de division. Leur cautionnement est porté à concurrence de 144 000 euros couvrant le principal, les intérêts et frais et accessoires.

Il comporte également, au titre de l'annexe 4, un document comportant la signature de chacune des cautions. A côté de la mention Caution figure entre parenthèse trois astérisques, suivi du nom de chacune des cautions. En bas de la première page de cette annexe, est indiqué après ces trois astérisques : 'préciser les noms et prénoms + signature précédées de la mention manuscrite par chaque caution : En me portant caution de..... (a), dans la limite de la somme de EUR.... (b) couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..... (c), je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si.... (a) n'y satisfait pas lui-même.'

Au verso, est mentionné : 'En renonçant au bénéfice de discussion défini par l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec... (a), je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement .....(a).'

Suivent les définitions des termes a, b et c.

S'agissant d'une annexe au contrat de prêt contenant l'acte de cautionnement et consenti par acte authentique, lequel mentionne clairement l'objet et la portée du cautionnement souscrit comme il a été vu, l'absence de la mention manuscrite précitée n'est pas de nature à constituer une cause de nullité de l'acte cautionnement.

D'ailleurs, il ne résulte pas des termes de l'acte authentique que celui-ci exigeait une mention manuscrite de la part des cautions, de surcroît à titre de validité. En outre, les mentions précitées à l'article III sont suffisamment claires sur le sens et la portée de l'engagement de caution. Il n'est ainsi pas démontré que l'absence de la mention manuscrite invoquée ait causé un vice du consentement des cautions. Dès lors, les cautions ne sont pas fondées à opposer la nullité de leur engagement.

Les cautions ajoutent que, si la cour considérait l'acte valable, alors la banque a commis une faute en ne respectant pas cette exigence, faute qui leur a causé un préjudice, n'ayant pas pris conscience de l'importance de cet acte, ce qui engage la responsabilité de la banque.

Elles demandent, dans le cas où la nullité de l'acte de cautionnement n'était pas prononcée, de condamner la banque à leur payer la somme de 88 833,18 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de l'absence de la mention manuscrite dans l'acte authentique.

Si la banque, dans le dispositif de ses conclusions, demande à la cour de déclarer leurs demandes irrecevables, elle ne présente aucune fin de non-recevoir concernant cette demande de dommages-intérêts, qui est recevable.

Cependant, il résulte de ce qui précède qu'outre l'absence de caractère obligatoire de l'apposition d'une telle mention manuscrite, les mentions figurant dans l'acte authentique étaient suffisamment claires sur le sens et la portée de l'engagement de caution souscrit. Les cautions ne démontrent ainsi ni l'existence d'une faute de la banque ni le préjudice. Dès lors, les cautions ne sont pas fondées à opposer une telle responsabilité de la banque. Leur demande subsidiaire en paiement de dommages-intérêts sera rejetée.

1.2. Sur la disproportion du cautionnement opposée par M. [K] et Mme [I] [Y] :

Le moyen selon lequel l'engagement d'une caution manifestement disproportionné à ses biens et revenus se trouve privé d'effet à l'égard du créancier professionnel constitue une défense au fond.

Selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution, qui l'invoque, de démontrer l'existence de la disproportion manifeste de son engagement, au moment de la conclusion de celui-ci.

En l'espèce, aucune fiche d'information n'a été remplie par les cautions lors de leur engagement.

Les cautions justifient, qu'au jour de leur engagement de caution, le 6 octobre 2011,

- selon leur avis d'imposition 2012 sur les revenus de l'année 2011, figurent au titre de leurs revenus, des revenus industriels et commerciaux professionnels imposables, pour un montant de 6 870 euros (leur pièce 9).

Contrairement à ce que soutient la banque, il importe peu que les années précédentes, ils aient perçu une rémunération supérieure. La banque n'est pas non plus fondée à soutenir que ne lui est pas opposable le montant des revenus, qu'ils leur appartenaient de percevoir et dont ils décidaient eux-mêmes, se soit détérioré, ce d'autant qu'elle ne justifie pas que les revenus déclarés et les revenus imposables ne soient pas conformes à la réalité des sommes qu'ils percevaient alors. Le fait d'avoir été en mesure de régler les mensualités du prêt immobilier n'est pas non plus suffisant pour caractériser l'existence de revenus occultes, M. et Mme [Y] apportant une explication selon laquelle leurs parents les aidaient dans ce remboursement. Enfin, il n'y a pas lieu de tenir compte des ressources de leurs parents pour apprécier la disproportion de l'engagement de caution, dès lors qu'il n'est pas démontré qu'ils participaient, en raison de leur résidence chez leurs enfants aux charges du couple, de manière supérieure aux charges ainsi occasionnées.

- M. [K] [Y] s'était déjà, en août 2011, engagé en qualité de caution, à hauteur de 48 000 euros du remboursement d'un prêt étudiant (leur pièce 15). Il convient de tenir compte de cet engagement, même s'il n'a pas été mis à exécution par le créancier.

- M. et Mme [K] [Y] possédaient une maison d'habitation à [Localité 6], qu'ils évaluent à la somme de 265 000 euros, sans que cela soit contesté par la banque.

Ils justifient l'avoir acquise en souscrivant un prêt immobilier en 2007 d'un montant de 305 000 euros (leur pièce 2), lequel a fait l'objet d'un avenant en 2009 (leur pièce 3). Selon le tableau d'amortissement joint à cet avenant, ils étaient débiteurs, au titre du capital restant dû début octobre 2011, d'une somme de l'ordre de 284 000 euros.

- M. et Mme [K] [Y] ajoutent, qu'en 2011, leur patrimoine comprenait, outre leur maison d'habitation, un fonds de commerce d'une valeur de 120 000 euros, grevé d'un nantissement, financé par deux prêts, l'un de 50 000 euros, et l'autre de 70 000 euros.

Précédemment dans leurs conclusions, ils indiquent aussi, qu'à l'époque de leur engagement de caution, ils devaient encore rembourser 70 000 euros sur le prêt professionnel de 160 000 euros contracté pour l'acquisition de leur ancien fonds de commerce. Ils font aussi état de la vente de la boulangerie Firat appartenant à M. [Y] l'année de la signature de l'acte de cautionnement, soit en 2011, pour une somme de 120 000 euros, qui a servi à rembourser un prêt de 40 000 euros souscrit pour réaliser des travaux afin de la vendre au mieux et les autres prêts en cours, et soutiennent qu'elle ne peut être prise en compte, puisqu'elle ne pouvait plus leur procurer de revenus.

Ils indiquent également, dans en page 2 de leurs conclusions, que le fonds de commerce vendu à la SARL Boulangerie Firat existait depuis 2005 et rapportait, se référant à leur annexe 18 constituant le bilan de l'entreprise de M. [K] [Y], et que M. [C] [Y], gérant de ladite SARL, connaissait ledit fonds pour y avoir travaillé, se référant à une annexe 19 constituée par un certificat de travail émis par M. [K] [Y].

Il résulte ainsi de leurs conclusions qu'ils soutiennent que le fonds de commerce vendu à la SARL Boulangerie Firat appartenait à M. [K] [Y]. La banque ne se prononce pas sur ce point, se limitant à évoquer l'acquisition de ce fonds de commerce comme étant financée par le prêt garanti par le cautionnement litigieux.

Les conclusions des cautions ne sont cependant pas très claires sur le point de savoir si, outre le fonds de commerce de boulangerie vendu par M. [K] [Y] à la SARL Boulangerie Firat, M. et Mme [K] [Y] étaient propriétaires d'un autre fonds de commerce à la date de leur engagement de caution. En effet, ils invoquent tantôt leurs prêts remboursés par la vente de la boulangerie Firat au prix de 120 000 euros et le fait que cette boulangerie ne doit pas être prise en compte ne leur procurant plus de revenus, et tantôt le fait que leur patrimoine contienne un fonds de commerce d'une valeur de 120 000 euros financé par deux prêts de 50 000 euros et 70 000 euros.

De son côté, la banque se réfère, s'agissant de la valorisation du fonds de commerce appartenant aux cautions, à cette annexe 18 mentionnant la valorisation du fonds de commerce au titre des immobilisations, puis, par la suite dans ses conclusions, indique que la valorisation du fonds de commerce est arbitrairement suggérée.

Si elle ne soutient pas clairement que les cautions étaient propriétaires d'un fonds de commerce de boulangerie autre que celui vendu à la SARL Boulangerie Firat, auquel elle ne fait d'ailleurs référence qu'au titre de l'objet du prêt garanti sans indiquer qui en est le vendeur, elle prétend cependant que les cautions demeurent propriétaires d'un fonds de commerce.

Les cautions ne contestent pas cette dernière affirmation et soutiennent d'ailleurs que leur patrimoine est composé d'un fonds de commerce d'une valeur de 120 000 euros.

Il convient dès lors d'interpréter les conclusions des parties comme soutenant qu'outre le fonds de boulangerie vendu, les cautions étaient propriétaires d'un autre fonds de commerce lors de la souscription de l'acte de cautionnement.

Une telle analyse est d'ailleurs corroborée par les pièces produites par les cautions.

Ainsi, M. et Mme [K] [Y] justifient avoir souscrit, en 2005, un prêt professionnel de 160 000 euros pour financer l'acquisition d'un fonds de commerce de boulangerie snack (leur pièce 20). La cour observe que l'acte de prêt précise qu'il est garanti par un nantissement sur la boulangerie restaurant snack, exploité sous la dénomination commerciale Firat, [Adresse 4].

A cet égard, s'ils soutiennent qu'ils restaient tenus d'une somme de 70 000 euros au titre du prêt de 160 000 euros, ils n'en justifient pas, mais il ressort du tableau d'amortissement joint à l'acte de prêt, qu'au 31 octobre 2011, le capital restant dû s'élève à la somme de 25 866,22 euros (leur pièce 20).

La pièce 18 produite par les cautions est constituée des comptes annuels au nom de M. [Y], [Adresse 4], précisant que l'activité exercée est une boulangerie pâtisserie et que cette adresse est celle de l'entreprise. Le certificat de travail produit en pièce 19 est émis par M. [K] [Y] avec la même adresse au profit de M. [C] [Y].

En revanche, l'acte de prêt garanti par le cautionnement litigieux indique que le prêt est destiné à financer l'acquisition, par la société Boulangerie Firat, d'un fonds de commerce de boulangerie, le prêt étant garanti par un nantissement sur le fonds de commerce exploité à [Adresse 3], et que le fonds de commerce sus-énoncé est la propriété de ladite société pour l'avoir acquis ce jour aux termes d'un acte notarié.

Les cautions soutiennent que le prix de vente de la boulangerie d'un montant de 120 000 euros a permis d'apurer les prêts, lesquels doivent s'entendre comme étant ceux souscrits au titre du fonds de commerce, et la banque ne conteste pas ce fait, ne soutenant d'ailleurs pas que les cautions seraient restées en possession de fonds issus de ladite vente. Ainsi, la valeur du fonds de commerce vendu à la société Boulangerie Firat le jour même de l'engagement de caution ne peut être prise en compte, étant d'ailleurs constaté que la banque ne soutient pas qu'il conviendrait d'en tenir compte. En revanche, dès lors que, selon les cautions, sa vente a permis d'apurer les prêts, il doit être considéré que le prêt professionnel précité a été remboursé.

En revanche, la valeur de l'autre fonds de commerce doit être prise en compte.

Comme l'indique la banque, les comptes annuels de l'année 2010 (produits en pièce 18 par les cautions) de M. [K] [Y] au titre d'un fonds de commerce de boulangerie pâtisserie valorisent le fonds de commerce, au 31 décembre 2010, au titre des immobilisations pour un montant de 119 860 euros, outre des éléments corporels immobiliers pour une valeur de l'ordre de 70 000 euros.

Même si l'activité du fonds de commerce était florissante, il convient d'évaluer ce fonds de commerce, en l'absence d'autres éléments, à une valeur de 190 000 euros.

Les cautions ne démontrent pas l'existence de prêts professionnels restant dus.

- La banque ne démontre pas qu'ils possédaient d'autres biens à la date de leur engagement de caution.

Ainsi, si elle soutient qu'ils sont propriétaires d'un bien immobilier à [Localité 9], grevé d'une inscription au titre d'un prêt immobilier, elle produit pour en justifier un extrait du Livre Foncier, indiquant une inscription du bien à leur nom en 2012, soit postérieurement à l'engagement de caution (ses pièces 20 et 21), de sorte qu'il ne peut en être tenu compte.

Elle ne justifie pas non plus qu'ils étaient aussi, lors de l'engagement de caution, propriétaires d'un fonds de commerce, situé [Adresse 7]. Sa pièce 24 constituée d'une photographie issue du site Google Maps est insuffisante à cet effet et selon sa pièce 23, la société ROR dont le siège social est situé [Adresse 7] a été créée en 2015.

Ainsi, lors de leur engagement, les cautions justifient, qu'outre des revenus de 6 870 euros annuels, ils possédaient une maison d'habitation d'une valeur de 265 000 euros et un fonds de commerce d'une valeur maximale de 190 000 euros, et étaient engagés à hauteur de 48 000 euros (au titre d'un cautionnement) et d'une somme de l'ordre de 284 000 euros (au titre du prêt immobilier).

Il en résulte que leur engagement de caution solidaire à hauteur de 144 000 euros est manifestement disproportionné par rapport à leurs biens, dont la valeur nette s'élève à une somme de l'ordre de 123 000 euros, et à leurs revenus annuels dont le montant est très modeste.

Au surplus, et à titre surabondant, pour le cas où les conclusions des parties devaient, au contraire, être interprétées en ce sens que les parties soutiennent que M. et Mme [K] [Y] ne sont propriétaires que d'un seul fonds de commerce, la cour parvient à une même solution.

En effet, dès lors que les deux parties font référence à un fonds de commerce et aux pièces 18 et 19 à son égard, il convient de le prendre en compte et de l'évaluer, comme il a été dit, à la somme de 190 000 euros, tout en prenant alors en compte également les prêts souscrits au titre du fonds de commerce et dont il est justifié, à savoir le prêt professionnel précité.

Dans un tel cas, la situation des cautions lors de leur engagement est la suivante : outre des revenus de 6 870 euros annuels, ils possédaient une maison d'habitation d'une valeur de 265 000 euros et un fonds de commerce d'une valeur maximale de 190 000 euros, et étaient engagés à hauteur de 48 000 euros (au titre d'un cautionnement), d'une somme de l'ordre de 284 000 euros (au titre du prêt immobilier) et d'une somme de l'ordre de 25 800 euros (au titre du prêt professionnel).

Dès lors, leur engagement de caution solidaire à hauteur de 144 000 euros est également manifestement disproportionné par rapport à leurs biens et revenus au jour de leur engagement.

Il appartient, en conséquence, à la banque de démontrer qu'au jour où elle les a appelés, ils étaient en mesure de faire face à leur obligation.

Selon acte d'assignation délivré le 2 juin 2016, la banque les a assignés en paiement pour leur demander paiement d'une somme de 88 833,18 euros, outre intérêts.

Si la banque fait état d'un immeuble de rendement locatif, dont il a été dit qu'il a été acquis par M. et Mme [K] [Y] en 2012, elle ne produit aucun élément permettant de déterminer sa valeur, ni le montant du prêt immobilier dont elle admet qu'il grevait ladite acquisition.

Si elle fait, en outre, état du fonds de commerce de restauration, situé [Adresse 7], en indiquant que son ouverture date de 2015, elle ne produit aucun élément permettant de valoriser ce fonds de commerce au moment où les cautions ont été appelées. En outre, il n'appartient pas à la cour de pallier la carence de l'une des parties dans l'administration de la preuve.

La banque n'invoque pas d'autres biens que ceux existants lors de l'engagement de caution, mais fait valoir que les prêts ont été régulièrement remboursés.

En l'absence d'autres éléments, il convient de se référer aux tableaux d'amortissements précités, dont il résulte que le prêt professionnel était remboursé depuis 2012, et qu'en juin 2016, le capital restant dû au titre de l'avenant au prêt immobilier s'élevait à une somme de l'ordre de 254 800 euros.

Il n'est pas soutenu que la maison d'habitation avait, en 2016, une autre valeur que celle retenue, en 2011, à la somme de 265 000 euros, ni que l'engagement de caution à hauteur de 48 000 euros n'existait plus. Au surplus, s'agissant du fonds de commerce de boulangerie, la banque ne démontre pas que M. et Mme [K] [Y] en étaient toujours propriétaires ni, le cas échéant, la valeur dudit fonds.

Enfin, elle ne démontre pas quels étaient les revenus de M. et Mme [K] [Y] au moment où elle les a appelés.

Dès lors, elle échoue à démontrer qu'au jour où elle les a appelés, ils étaient en mesure de faire face à leur obligation.

La banque n'est dès lors pas fondée à agir en paiement à leur encontre.

Dès lors, il convient d'infirmer le jugement ayant débouté M. et Mme [K] [Y] de leur demande de décharge de leur engagement de caution au titre de la disproportion et les ayant condamnés au paiement, et, statuant à nouveau, de rejeter la demande en paiement de la banque.

En conséquence, il n'y a plus lieu de statuer sur le moyen pris du non-respect de l'article 2314 du code civil et sur celui pris de la déchéance du droit aux intérêts.

En outre, M. et Mme [K] [Y] étant déchargés de leur engagement de caution, le jugement ayant rejeté leur demande d'indemnisation au titre du manquement de la banque à son devoir de conseil et de mise en garde sera confirmé.

2. Sur les demandes concernant M. [C] et Mme [X] [Y] :

2.1. Sur la demande de dire nuls les cautionnements :

Les cautions soutiennent que le contrat de cautionnement a été conclu sans la mention manuscrite 'bon pour consentement au présent cautionnement' et que le contrat exigeait l'inscription de la mention manuscrite suivante : 'en me portant caution de..., dans la limite de ... EUR, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de...., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si.... n'y satisfait pas lui-même', laquelle n'a pas été inscrite, alors qu'il s'agissait d'une disposition impérative du contrat de cautionnement lui-même, de sorte que le cautionnement est nul.

La banque réplique que l'acte notarié emporte strictement délimitation de la nature et de la portée de leurs engagements, que la formulation habituelle pour les cautionnements sous seing privé figurant dans la trame de l'acte est sans emport, que la demande de nullité est prescrite, s'agissant d'un prêt du 6 octobre 2011, que le moyen a été soulevé pour la 1ère fois le 1er décembre 2016, et que le conseiller de la mise en état a confirmé le caractère prescrit dans l'ordonnance du 28 février 2022.

Il convient effectivement de rappeler que par ordonnance du 28 février 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré prescrite la demande présentée par les consorts [C] et [X] [Y] en nullité de leur engagement de caution.

Le jugement qui a débouté M. et Mme [C] et [X] [Y] de leur demande en nullité de leur engagement de caution doit donc être infirmé, puisqu'il a statué au fond, et il sera constaté qu'il n'y a plus lieu de statuer sur cette demande.

2.2. Sur le caractère disproportionné du cautionnement :

Le moyen selon lequel l'engagement d'une caution manifestement disproportionné à ses biens et revenus se trouve privé d'effet à l'égard du créancier professionnel constitue une défense au fond qui n'est pas soumise à la prescription.

Sur ce, aucune fiche de renseignement sur la situation patrimoniale des cautions n'a été remplie.

Les cautions justifient qu'en 2011, Mme [X] [Y] était employée, celle-ci produisant ses bulletins de salaire, et percevait en moyenne 435 euros par mois comme agent de service pour environ 60 heures par mois. Le bulletin de salaire de Mme [Y] de novembre 2011 indique un montant net imposable pour l'année de 3 158,89 euros et celui de décembre 2011 indique que le salaire a été payé le 11 janvier 2012. L'avis d'imposition 2012 qui indique qu'elle a perçu 3 158 euros en 2011 n'est donc pas contradictoire avec ces bulletins de salaire. La banque ne justifie pas que ces éléments sont erronés ou incomplets.

M. [C] [Y] produit ses bulletins de salaire de janvier à septembre 2011 en tant que chauffeur livreur puis boulanger livreur employé par M. [K] [Y], montrant qu'il percevait en moyenne 590 euros par mois pour 86,67 heures par mois. Le total cumulé net imposable indiqué sur le bulletin de salaire de septembre 2011 est de 5 538,01 euros, ce qui correspond au montant indiqué sur l'avis d'imposition 2012 au titre des revenus perçus en 2011. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. [C] [Y], il n'était pas sans emploi depuis le 1er septembre 2011, son bulletin de paie du mois de septembre 2011 mentionnant d'ailleurs 88 heures travaillées. En revanche, son avis d'imposition concernant les revenus de l'année 2011 indique un revenu annuel de 5538 euros pour M. [C] [Y], ce qui correspond au montant net imposable cumulé perçu en septembre 2011.

Ainsi, jusqu'en septembre 2011, ils justifient avoir perçu un revenu mensuel moyen pour le couple de l'ordre de 1 000 euros, et la banque ne démontre pas qu'ils percevaient un revenu supérieur.

D'autre part, les cautions produisent un tableau d'amortissement à leur nom d'un prêt de 2008 ayant pour objet 'appartement ancien habitation principale' d'un montant de 111 600 euros, prévoyant une mensualité de 719,31 euros, avec un capital restant dû début octobre 2011 de l'ordre de 103 000 euros.

La banque relève qu'ils étaient propriétaires de leur appartement et qu'ils ne sont pas endettés car sur l'immeuble, figurent seulement une inscription de financement et une inscription RSI.

Selon les extraits du Livre foncier produits par la banque, ils sont effectivement propriétaire d'un appartement sis à [Localité 8], et celui-ci est grevé d'inscriptions hypothécaires, notamment inscrites en 2008 au titre de prêts, notamment de 111 600 euros en principal, les inscriptions du RSI et d'hypothèques judiciaires provisoires étant prises après la souscription du cautionnement.

Cependant, M. et Mme [C] [Y] n'indiquent ni ne justifient de la valeur de leur immeuble. Dès lors, ils ne démontrent pas que le cautionnement était manifestement disproportionné à leurs biens et revenus lors de leur engagement.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté leur demande tendant à en être déchargés.

2.3. Sur la demande subsidiaire de dommages-intérêts pour manquement au devoir de mise en garde :

A titre liminaire, il sera observé que si dans le dispositif de ses conclusions, la banque demande à la cour de déclarer irrecevable l'ensemble des demandes de M. et Mme [C] [Y], elle ne présente aucune fin de non-recevoir dans le corps de ses conclusions, à cette demande, qui est recevable.

Le banquier dispensateur de crédit est tenu à un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsqu'au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

En l'espèce, il résulte de ce qui précède que les cautions ne démontrent pas que leur engagement n'était pas adapté à leurs capacités financières.

En outre, s'agissant de l'opération du prêt, alors qu'ils soutiennent qu'elle était particulièrement risquée et que la banque a accordé le prêt sans connaître l'état des finances de la société, qui n'avait pas d'activité, ayant été constituée en octobre 2011, la banque répond que le prêt n'est pas inadapté aux capacités de l'emprunteur car au jour de l'ouverture de la procédure collective, quatre années après la souscription du prêt, il n'y avait aucun impayé, ce que ne contestent d'ailleurs pas les cautions.

Dès lors que le prêt a été remboursé par la société Boulangerie Firat, débiteur principal, sans impayé jusqu'à sa mise en redressement judiciaire en octobre 2014, soit pendant trois ans, il convient d'en déduire qu'il n'était pas inadapté aux capacités financières de l'emprunteur.

Ainsi, M. et Mme [C] [Y] ne démontrent pas que la banque était tenue d'un devoir de mise en garde à leur égard.

Au surplus, ils ne démontrent pas, que mis en garde comme ils l'estiment avoir dû l'être, ils ne se seraient pas engagés en qualité de caution et ne démontrent ainsi pas avoir perdu une chance de ne pas contracter, car d'une part, ils ne caractérisent pas en quoi ils auraient subi un tel préjudice et d'autre part, ils ne contestent pas que, comme le soutient la banque, ils voulaient acquérir, ouvrir et animer cette boulangerie.

Dès lors, leur demande de dommages-intérêts sera rejetée, le jugement étant confirmé en ce qu'il a rejeté leur demande à ce titre.

2.4. Sur la faute du banquier déchargeant la caution en application de l'article 2314 du code civil :

A titre liminaire, il sera observé que si, dans le dispositif de ses conclusions, la banque demande à la cour de déclarer irrecevable l'ensemble des demandes de M. et Mme [C] [Y], elle ne présente aucune fin de non-recevoir dans le corps de ses conclusions contre cette demande, qui est recevable.

Au surplus, il sera précisé qu'il s'agit d'une demande nouvelle à hauteur de cour, qui ne tend qu'à faire écarter les prétentions adverses.

Aux termes de l'article 2314 du code civil, lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s'opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu'elle subit. Toute clause contraire est réputée non écrite. La caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d'une sûreté.

M. et Mme [C] [Y] invoquent, d'une part, le comportement fautif de la banque à l'égard de la caution lors de la souscription de son engagement à raison de la disproportion de son engagement, la banque commettant une faute ce qui leur permet d'être déchargés de leur engagement.

D'autre part, ils invoquent le défaut d'accomplissement du nantissement par la banque, soutenant qu'elle aurait dû vendre le fonds de commerce dès la défaillance de la société dans le remboursement du prêt, date à laquelle il avait encore une valeur importante. Ils invoquent en outre une jurisprudence selon laquelle le créancier qui, dans le même temps, se garantit par un cautionnement et constitue une sûreté provisoire s'oblige envers la caution à rendre cette sûreté définitive. Ils en déduisent qu'en raison de l'omission par la banque d'accomplir le nantissement dès la constatation de la défaillance de son débiteur, ce qui aurait permis de conserver la sûreté, la banque a commis une faute qui leur permet d'être déchargés.

La banque réplique avoir inscrit le nantissement sur le fonds de commerce, avoir déclaré sa créance à titre privilégié au titre dudit nantissement et que, nonobstant ce privilège, les liquidateurs n'ont tiré aucun bénéfice de nature à couvrir tout ou partie de sa créance. Elle ajoute que, dans un courrier du 1er juillet 2015, le liquidateur conclut à l'incessibilité du fonds de commerce compte tenu de son état de délabrement, et que la seule possibilité de préserver le fonds aurait été pour elle de payer les loyers. Elle ajoute aussi qu'ils sont les seuls responsables de la situation dévalorisée et détériorée du fonds de commerce au jour de l'ouverture de la procédure collective, et qu'ils ne sont pas de bonne foi.

Sur ce, d'une part, il a été vu que M. et Mme [C] [Y] ne démontrent pas que leur engagement de caution est manifestement disproportionné à leurs biens et revenus. En outre, à supposer que, comme ils le soutiennent, leur engagement soit disproportionné par rapport à leurs seules ressources et charges, la banque ne commet pas de faute en acceptant la souscription d'un engagement de caution qui n'est pas manifestement disproportionné aux biens et revenus des cautions.

D'autre part, les cautions ne démontrent pas que la banque a constitué une sûreté provisoire (cf. 1re Civ., 30 septembre 2015, pourvoi n° 14-17.951).

Enfin, si elles reprochent à la banque de ne pas avoir vendu le fonds de commerce dès la défaillance de la société dans le remboursement du prêt, date à laquelle il avait encore une valeur importante, elles n'invoquent pas la date à laquelle la société a été défaillante et à laquelle la banque aurait dû, selon eux, exécuter le nantissement, outre qu'elles ne justifient pas si, à cette date, le fonds de commerce avait encore une valeur.

S'il résulte de la pièce 3 de la banque qu'aucune somme impayée n'existait au jour de l'ouverture de la procédure collective de la société Boulangerie Firat le 17 octobre 2014, les cautions n'apportent aucun élément sur la valeur du fonds à cette date.

En outre, selon le courriel du mandataire judiciaire du 6 juillet 2015 adressé à la banque, le fonds de commerce n'apparaît pas réalisable, se référant au constat d'une agence selon laquelle un important problème d'humidité et de condensation au plafond affecte le local. Selon courriel du 10 août 2015, il l'informait qu'aucune offre de cession du fonds de commerce n'apparaît envisageable, et qu'il envisageait de résilier le bail à bref délai, sauf à ce que la banque souhaite qu'il poursuive ses recherches d'acquéreur du fonds, en s'engageant à payer les loyers postérieurs, ajoutant que cette option lui paraît vaine, 'étant rappelé l'historique et l'état du local.'

Les cautions ne démontrent ainsi pas avoir perdu un droit préférentiel du fait de la banque, ne pouvant d'ailleurs lui reprocher de ne pas avoir payé les loyers dans l'attente de trouver un acquéreur.

Ajoutant au jugement, la cour rejette ainsi la demande de M. [C] [Y] et Mme [X] [U] épouse [Y] tendant à être déchargés de leur engagement de caution au titre de l'article 2314 du code civil.

2.5. Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts :

A titre liminaire, il sera observé que si dans le dispositif de ses conclusions, la banque demande à la cour de déclarer irrecevable l'ensemble des demandes de M. et Mme [C] [Y], elle ne présente aucune fin de non-recevoir dans le corps de ses conclusions, à cette demande, qui est recevable.

Selon l'article L.313-22 du code monétaire et financier, dans sa version alors en vigueur issue de l'ordonnance du 6 mai 2005, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

En l'espèce, les cautions invoquent l'absence de respect de ces dispositions pour conclure à la déchéance du droit de la banque aux intérêts.

La banque réplique produire les informations annuelles de 2012 à 2020 sauf celle de l'année 2018, que les consorts [Y] se sont toujours abstenus d'affirmer ne pas avoir réceptionné les informations annuelles, et que M. et Mme [C] [Y] ont réceptionné l'information annuelle le 8 mars 2017.

Sur ce, la seule production de copie de lettre simple ne suffit pas à établir la preuve de leur envoi. La banque ne démontre ainsi pas avoir adressé à M. [C] [Y] et Mme [X] [Y] les lettres dont les copies sont produites aux débats en pièce 27 à 30.

La production, en pièce 31, de copie de lettres accompagnée de talons relatifs aux lettres recommandées, mais sur lesquels ne figurent aucun cachet d'envoi ou indication qu'ils aient été utilisés, est également insuffisante à établir qu'elles ont été envoyées.

En revanche, la banque justifie, par la production de deux accusés de réception relatifs aux lettres du 7 mars 2017 qu'elle produit également en pièce 32, lesquels comportent d'ailleurs une signature datée du 8 mars 2017, qu'elle a bien envoyé l'information prescrite à M. et Mme [C] [Y] au titre de l'année 2017.

En outre, les pièces 33 et 34 sont uniquement relatives à des informations destinées à M. [K] [Y] et Mme [I] [Y].

Il en résulte que la banque est déchue de son droit à intérêts à l'égard de M. [C] [Y] et Mme [X] [Y] jusqu'au 7 mars 2017, puis à compter du 31 mars 2018.

Selon les motifs pertinents des premiers juges, d'ailleurs non critiqués par les parties, les échéances n'ont plus été payées à compter du 10 septembre 2014, de sorte que sur la somme de 120 000 euros empruntés, l'emprunteur a remboursé les échéances pour un montant de 58 095,15 euros et qu'il reste ainsi devoir, selon décompte au 15 avril 2016, un principal de 61 904,85 euros, auquel il convient d'ajouter les frais d'assurance dus au 15 avril 2016 et l'indemnité contractuelle, soit une somme total de 66 204,43 euros.

La banque reproche au jugement d'avoir fait courir les intérêts au taux légal sur la somme de 66 204,43 euros à compter du jugement alors que, selon elle, il devait courir à compter de la mise en demeure du 15 avril 2016.

Certes, il résulte de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier que, lorsque le créancier est déchu de son droit aux intérêts conventionnels pour inobservation de son obligation d'information annuelle de la caution, celle-ci n'est tenue à titre personnel aux intérêts au taux légal qu'à compter de sa mise en demeure, sauf pour le créancier à établir une reprise de l'information annuelle de la caution à la date de la mise en demeure et avant le 31 mars de chacune des années suivantes (1re Civ., 24 novembre 2021, pourvoi n° 20-14.269).

Cependant, la banque demande paiement de la somme de 88 833,18 euros, contenant, selon son décompte arrêté au 15 avril 2016, les intérêts au taux conventionnel ayant couru jusqu'au 15 avril 2016, date du décompte, mais dont il vient de voir qu'elle est déchue, et ce, outre intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 8 mars 2017.

Elle ne demande donc pas paiement des intérêts au taux conventionnel de 7,4 % l'an du 8 mars 2017 au 30 mars 2017 dont elle n'a pas été déchue, mais seulement les intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2017.

Elle ne demande pas non plus, dans son dispositif, paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 88 833,18 euros, à compter du 15 avril 2016, date de la lettre de mise en demeure, produite en pièce 10 par la banque, et dont la réception n'est pas contestée par les cautions, comme elle aurait pu y prétendre en application de la jurisprudence précitée, mais seulement à compter du 8 mars 2017.

Ainsi, il convient de condamner M. [C] [Y] et Mme [X] [Y] à payer à la banque la somme de 66 204,43 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2017, et ce dans la limite de leur engagement de caution de 144 000 euros. Le jugement sera donc infirmé sur le point de départ des intérêts au taux légal.

3. Sur les frais et dépens :

M. et Mme [K] [Y] obtiennent gain de cause en appel, tandis que la banque et M. et Mme [C] [Y] succombent principalement.

Il convient dès lors d'infirmer le jugement ayant laissé à la charge de M. et Mme [K] [Y] les dépens de première instance qu'ils ont exposés. La banque sera tenue de supporter les dépens de première instance exposés par M. et Mme [K] [Y].

Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il laisse à la charge de la banque et de M. et Mme [C] [Y] les dépens qu'ils ont exposés.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

A hauteur d'appel, la banque sera tenue de supporter les dépens d'appel exposés par elle et par M. et Mme [K] [Y], tandis que M. et Mme [C] [Y] conserveront la charge de leurs dépens.

La banque sera condamnée à payer à M. et Mme [K] [Y] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 2° du code de procédure civile.

Les autres demandes des parties de ce chef seront rejetées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 10 septembre 2020, mais seulement en ce qu'il a :

- débouté M. [K] [Y] et Mme [I] [F] épouse [Y] de leur demande de décharge de leur engagement de caution du 6 octobre 2011 au titre de la disproportion de leur engagement,

- condamné solidairement M. [K] [Y], Mme [I] [F] épouse [Y], M. [C] [Y] et Mme [X] [U] épouse [Y] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 9] Saint Jean la somme de 66 204,43 euros outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et dans la limite totale de 144 000 euros,

- condamné solidairement M. [K] [Y] et Mme [I] [F] épouse [Y] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 9] Saint Jean la somme de 22 628,75 euros au taux conventionnel de 7,4 % l'an à compter du 15 avril 2016 et dans la limite totale de 144 000 euros,

- débouté M. [C] [Y] et Mme [X] [U] épouse [Y] de leur demande tendant au prononcé de la nullité du contrat de cautionnement ;

- laissé les dépens à la charge de M. [K] [Y] et Mme [I] [F] épouse [Y],

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Rejette la demande en paiement dirigée contre M. [K] [Y] et Mme [I] [F] épouse [Y] au titre de l'exécution de leur engagement de caution en raison de sa disproportion manifeste à leurs biens et revenus,

Constate n'y avoir lieu à statuer sur la demande de M. [C] [Y] et Mme [X] [U] épouse [Y] tendant au prononcé de la nullité du contrat de cautionnement, et ce compte tenu de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 février 2022 la déclarant prescrite,

Condamne M. [C] [Y] et Mme [X] [U] épouse [Y] à payer solidairement à la Caisse de Crédit Mutuel Saint Jean la somme de 66 204,43 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2017, et ce dans la limite totale de 144 000 euros,

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel Saint Jean à supporter les dépens de première instance exposés par M. [K] [Y] et Mme [I] [F] épouse [Y],

Y ajoutant :

Déclare recevable, mais mal fondée, et la rejette, la demande de dommages-intérêts formée par M. [K] [Y] et Mme [I] [F] épouse [Y], fondée sur l'absence de la mention manuscrite dans l'acte authentique,

Déclare recevable mais mal fondée, et la rejette, la demande de M. [C] [Y] et Mme [X] [U] épouse [Y] tendant à être déchargés de leur engagement de caution au titre de l'article 2314 du code civil,

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel Saint Jean à supporter les dépens d'appel exposés par M. [K] [Y] et Mme [I] [F] épouse [Y],

Laisse à la charge de la Caisse de Crédit Mutuel Saint Jean, d'une part, et de M. [C] [Y] et Mme [X] [U] épouse [Y], d'autre part, les dépens d'appel qu'ils ont, chacun, exposés,

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel Saint Jean à payer à M. [K] [Y] et Mme [I] [F] épouse [Y] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 2° du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/02874
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;20.02874 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award