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15/03/2023 | FRANCE | N°21/02986

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 15 mars 2023, 21/02986


MINUTE N° 143/23

























Copie exécutoire à



- Me Raphaël [B]



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY



Arrêt notifié aux parties



Le 15.03.2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 15 Mars 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02986 - N° Portalis

DBVW-V-B7F-HTWW



Décision déférée à la Cour : 27 Mai 2021 par le Juge Commissaire du Tribunal judiciaire de COLMAR - 1ère chambre civile



APPELANTES :



S.C.I. INGERSHEIMER, en redressement judiciaire, assistée par la SELARL AJASSOCIES, prise en ...

MINUTE N° 143/23

Copie exécutoire à

- Me Raphaël [B]

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

Arrêt notifié aux parties

Le 15.03.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 15 Mars 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02986 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HTWW

Décision déférée à la Cour : 27 Mai 2021 par le Juge Commissaire du Tribunal judiciaire de COLMAR - 1ère chambre civile

APPELANTES :

S.C.I. INGERSHEIMER, en redressement judiciaire, assistée par la SELARL AJASSOCIES, prise en la personne de Maître [B] [G], administrateur

[Adresse 4]

SELARL AJASSOCIES COLMAR prise en la personne de Maître [Z] [G], administrateur judiciaire de la SCI INGERSHEIMER en redressement judiciaire [Adresse 3]

Représentées par Me Raphaël REINS, avocat à la Cour

INTIMES :

S.A.S. [E] & ASSOCIES, prise en la personne de Me [J] [E], mandataire judiciaire de la SCI INGERSHEIMER en redressement judiciaire [Adresse 2]

non représentée, assignée par voie d'huissier à personne habilitée le 26.10.2021

FONDS COMMUN DE TITRISATION CREDINVEST, Compartiment CREDINVEST2, représenté par EUROTITRISATION SA, société de gestion du Fonds, représenté par son recouvreur, la SAS EOS FRANCE, agissant en tant que mandataire chargé du recouvrement de la créance à l'égard de la SCI INGERSHEIMER [Adresse 1]

Représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme [B] VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par jugement du 10 janvier 2020, le tribunal judiciaire de COLMAR a ouvert à l'égard de la SCI INGERSHEIMER, une procédure de redressement judiciaire avec désignation de la SELAS [E] & ASSOCIES ainsi que de la SELARL AJASSOCIES respectivement en qualité de mandataire judiciaire et d'administrateur afin d'assister la débitrice pour tous les actes concernant la gestion.

La période d'observation a été prolongée jusqu'au 10 janvier 2021 par décision du 10 juillet 2020.

Par écrit daté du 31 mars 2020, la société EOS FRANCE agissant en tant que mandataire chargé du recouvrement de la créance détenue par le Fonds Commun de Titrisation Crédinvest Compartiment Crédinvest 2 venant aux droits du Crédit Immobilier de France Développement, a déclaré auprès du mandataire judiciaire la somme totale de 429 736,10 euros à titre privilégié hypothécaire et arrêtée au 10 janvier 2020.

Par lettre du 21 décembre 2020, reçue le 05 janvier 2021 par le mandataire judiciaire selon le tampon qui y est apposé, la société INGERSHEIMER a fait savoir qu'elle contestait la déclaration de créance faite par le recouvreur EOS.

Par lettre du 07 janvier 2021, le mandataire judiciaire a exposé qu'après plusieurs vaines convocations, le gérant de la société débitrice a, lors de la vérification des créances du 21 octobre 2020, demandé à revoir toutes les créances et signé un document l'engageant à transmettre ses observations sous trente jours, qu'aucune observation n'ayant été reçue dans le délai, il lui a adressé une lettre de relance du 11 décembre 2020 lui laissant jusqu'au 21 décembre 2020 pour lui faire parvenir ses observations, et que le 28 décembre 2020, par téléphone, le gérant a sollicité un délai supplémentaire jusqu'au 04 janvier 2021. Il considérait que le courrier de contestation de créance daté du 21 décembre 2020 et reçu le 05 janvier 2021, l'était au-delà du délai légal, et invitait le juge commissaire à audiencer ces contestations afin d'apprécier si les contestations du débiteur sont recevables.

Par ordonnance du 27 mai 2021, le juge commissaire du Tribunal judiciaire de Colmar a admis à titre hypothécaire la créance d'un montant total de 429 736,11 euros déclarée par EOS FRANCE agissant en tant que mandataire chargé du recouvrement de la créance détenue par le Fonds Commun de Titrisation Credinvest, venant aux droits du Crédit Immobilier de France Développement dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la SCI Ingersheimer, selon les termes suivants :

- montant principal de 429 085,60 euros

- intérêts de retard restant dus de 650,51 euros à la date du 10 janvier 2020 et calculés sur la base de 429 085,60 euros

- intérêts pour mémoire au taux de 2,632 % à compter du 11 janvier 2020 et calculés sur la base de 429 085,60 euros

et a dit que la présente ordonnance sera portée sur l'état des créances.

Le 25 juin 2021, la SCI Ingersheimer et la SELARL Ajassociés Colmar, prise en la personne de Maître [G] en qualité d'administrateur judiciaire de ladite SCI, ont, par voie électronique, interjeté appel de cette décision.

Le 17 août 2021, le Fonds commun de titrisation Credinvest s'est constitué intimé par voie électronique.

Par leurs dernières conclusions du 18 novembre 2021, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la SCI Ingersheimer et la SELARL Ajassociés Colmar, prise en la personne de Maître [G] en qualité d'administrateur judiciaire de ladite SCI demandent à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé,

- faire droit à l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions,

- déclarer les demandes des intimées irrecevables, en tous cas mal fondées,

- débouter les intimées de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions, y compris s'agissant d'appels incidents,

Corrélativement,

- infirmer la décision en ce qu'elle a admis à titre hypothécaire la créance d'un montant total de 429.736,11 € déclarée par EOS FRANCE agissant en tant que mandataire chargé du recouvrement de la créance détenue par le Fonds Commun de Titrisation CREDINVEST Compartiment CREDINVEST 2 venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la SCI INGERSHEIMER, selon les termes suivants : Montant principal de 429.085,60 € ; intérêts de retard restant dus de 650,51 € à la date du 10 janvier 2020 et calculés sur la base de 429.085,60 €, et dit que la décision sera portée sur l'état des créances,

et statuant à nouveau :

A titre principal :

- déclarer irrégulières les déclarations de créance datées du 23 janvier 2020, respectivement du 31 mars 2020,

- prononcer leur nullité,

- prononcer leur irrecevabilité,

A titre subsidiaire :

- admettre la créance revendiquée par l'intimée à un montant ne dépassant pas la somme totale de 345.101,92 €.

En tout état de cause :

- débouter l'intimée de l'ensemble de ses fins, moyens et conclusions, y compris de son éventuel appel incident,

- déclarer la décision à intervenir opposable et commune à la SELAS [E] & ASSOCIES, prise en la personne de Me [E], es qualités de mandataire judiciaire de la SCI INGERSHEIMER,

- condamner l'intimée à lui payer la somme de 500 euros au titre des frais exposés en première instance et la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- condamner l'intimée aux entiers frais et dépens des procédures d'appel et de première instance.

Au soutien de leurs prétentions, elles soutiennent que la déclaration d'appel est valable, que la société appelante s'est contentée de reprendre la dénomination employée aux termes de l'ordonnance du 27 mai 2021, qu'en tout état de cause, l'erreur sur le nom de l'appelant dans la déclaration d'appel est un vice de forme qui ne peut entraîner la nullité de l'acte que sur justification par celui qui l'invoque d'un grief causé par l'irrégularité, que cette erreur n'affecte pas la capacité d'ester en justice qui est attachée à la personne quelle que soit sa désignation, et qu'en l'espèce, l'intimée n'a pas subi de grief, son conseil s'étant rapidement constitué.

Sur les contestations, elles soutiennent que la société appelante a contesté la créance par courrier du 21 décembre 2020 reçu le 5 janvier 2021 par le mandataire judiciaire et qu'il n'est pas justifié de ce que le mandataire aurait mis en mesure la société débitrice de formuler ses observations, ni de l'envoi d'une lettre recommandée avec A.R. à son attention.

Sur l'irrégularité des déclarations de créance, elles soutiennent que les déclarations successives n'ont pas été adressées à la SELAS [E] & ASSOCIES mandataire judiciaire de la société Ingersheimer, que ces déclarations de créance sont irrégulières et entachées de nullité, qu'il n'est nullement justifié du pouvoir qui aurait été confié à l'huissier de justice ; que s'agissant de la déclaration de créance effectuée par EOS FRANCE, le juge commissaire n'a pas constaté l'existence ni la régularité du pouvoir que lui aurait confié le créancier Credinvest, que n'ont pas été constatées l'existence et la régularité d'une délégation de pouvoirs interne à l'entreprise, qu'il n'est pas démontré que la société EOS FRANCE a bien expédié sa lettre de déclaration de créance dans les deux mois suivants la publication du jugement d'ouverture. Elles ajoutent que la déclaration de pouvoir n'a été produite qu'à hauteur de cour, soit hors du délai de déclaration.

Subsidiairement, sur le montant de la créance litigieuse, elles font valoir que la société EOS FRANCE aux termes de sa déclaration de créance régularisée a fait abstraction des règlements effectués, qu'il est inconcevable que la créance déclarée et admise au passif puisse correspondre au montant du capital restant dû 429 330,95 euros hors intérêts, que l'ordonnance est insuffisamment motivée sur ce point, que la créance de la société CREDINVEST doit être admise pour un montant global n'excédant pas une somme de 345 101,92 euros.

Par ordonnance du 8 octobre 2021, l'affaire a été fixée à l'audience du 6 décembre 2021 et, le même jour, le greffe a adressé l'avis de fixation de l'affaire à bref délai aux avocats constitués.

Par acte d'huissier délivré le 26 octobre 2021, le Fonds Commun de Titrisation CREDINVEST, représenté par la société Eurotitrisation, société de gestion du fonds, représenté par son recouvreur la société EOS France, a signifié à la société [E] et associés, prise en la personne de Maître [E], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société INGERSHEIMER la copie conforme de la déclaration d'appel, de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, de l'ordonnance et de l'avis de convocation, de la constitution rectificative du 19 octobre 2021 et des conclusions et bordereau de communication de pièces du 19 octobre 2021.

Par acte d'huissier délivré le 21 décembre 2021, il lui a signifié ses conclusions et bordereau de communication de pièces du 7 décembre 2021.

Le 7 décembre 2021, il a transmis par voie électronique ses conclusions, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 21 février 2022.

Suite à une note en délibéré du 16 mars 2022, la cour a, par arrêt du 6 avril 2022, ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à l'audience du 19 septembre 2022, afin que les parties prennent connaissance des pièces versées par Maître [E] et présentent éventuellement leurs observations et réservé les demandes et les dépens.

Par conclusions du 3 mai 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, et signifiées le 4 mai 2022 à la Selas [E] et associés, en sa qualité de mandataire judiciaire de la SCI Ingersheimer, le Fonds Commun de Titrisation CREDINVEST représenté par la société Eurotitrisation, société de gestion du fonds, représenté par son recouvreur la société EOS France, demande à la cour de :

- déclarer la déclaration d'appel nulle,

- en conséquence, constater la caducité de l'appel

Subsidiairement,

- déclarer l'appel irrecevable,

- déclarer irrecevable les contestations de la société INGERSHEIMER,

En tout état de cause,

- rejeter l'appel,

- rejeter la demande de la société INGERSHEIMER tendant à voir déclarer irrégulière les déclarations de créance, étant rappelé que la concluant ne se prévaut que de la seule déclaration de créance établie par EOS investi du pouvoir de déclarer la créance,

- rejeter la demande de nullité et d'irrecevabilité des avis de déclaration de créances émise par EOS,

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs fins et conclusions,

- confirmer l'ordonnance entreprise au besoin par substitution de motifs,

- les condamner aux entiers frais et dépens ainsi qu'à une indemnité de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En substance, il est soutenu la nullité de la déclaration d'appel pour défaut de capacité de la personne désignée comme intimée en application de l'article 117 du code de procédure civile, dès lors que la personne désignée comme intimée est dépourvue de personnalité juridique, tandis que seule la société de gestion peut représenter le fonds, et que le défaut de capacité ne peut être régularisé au-delà du délai de l'article 908 et le cas échéant de l'article 905 du CPC. Il est fait valoir qu'un second document vise le recouvreur, la SAS EOS France auquel le recouvrement a été délégué, et qui a pouvoir, et est investi du pouvoir de représenter et d'agir aux fins de recouvrement de créance en application de l'article L.214-172 du CMF et il est demandé de préciser s'il y a eu deux appels ou un appel rectificatif qui serait de nature à rectifier le premier. Il est encore soutenu que la nullité invoquée est une nullité de fond, encourue sans grief et qui ne peut pas être régularisée après l'expiration d'un délai d'appel.

Sur la déclaration de créance, il est soutenu que, le jugement d'ouverture ayant été publié au BODACC le 14 février 2020, le délai de principe pour déclarer la créance expirait le 14 avril 2020, mais a été prorogé par l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n°2020-560 du 13 Mai 2020 en raison de l'état d'urgence sanitaire, jusqu'au 23 août 2020, et qu'en l'espèce, la déclaration de créance a été réceptionnée le 22 avril 2020, par la Selas [E] et Associés, à qui Maître [G] l'avait retransmise. Il est encore fait valoir que le délai de déclaration de créance n'avait pas débuté en ce qui concerne le cessionnaire de la créance du Crédit Foncier, qui est un créancier hypothécaire en l'absence de l'avertissement prévu par l'article R.622-21, de sorte qu'aucune irrégularité ne peut être reprochée à l'intimé.

Sur l'irrecevabilité des contestations de la société Ingersheimer et de l'appel, il est soutenu que le délai pour émettre les contestations expirait le 21 novembre 2020, que les pièces transmises par Me [E] confirment que la partie adverse a été mise en demeure de fournir ses explications tel que résultant du courrier recommandé AR du 9 septembre 2020 avec un AR signé du 10 septembre 2020, outre un courrier remis en mains propres le 21 octobre 2020 rappelant qu'en vertu des dispositions de l'article L.624-1 alinéa 2 et R 624-1 alinéa 3, il lui appartient d'adresser au mandataire une lettre justifiant du motif de chaque contestation avec l'indication précise des sommes contestées, ainsi que les pièces justificatives, et qu'à défaut de production de ces éléments dans un délai de 30 jours à compter de la réception de ce courrier, il ne serait plus admis à former d'observations, ni de contestations sur les propositions d'admission. Elle invoque en outre le courrier de Me [E] du 4 mars 2022 avec annexes. Elle conclut à l'irrecevabilité de l'appel.

Sur la régularité de la déclaration de créance, il est soutenu que le pouvoir confié à EOS FRANCE résulte expressément de l'annexe 12 qui est le contrat de gestion de créance et que ce mandat est conforme à l'article L.214-172 alinéa 2 du Code monétaire et financier. Sur la régularité des pouvoirs internes, il est soutenu que les pouvoirs des déclarants ont régulièrement été adressés au mandataire judiciaire tel que résultant de l'annexe 8, que la déclaration de créance est valide dès lors qu'elle émane du Directeur général de la société créancière, que ces personnes ont le pouvoir d'ester en justice, que la déclaration de créance formulée par EOS ne souffre d'aucune irrégularité.

Sur le montant de la créance, il est fait valoir que la partie adverse ne démontre aucune erreur, que toutes les sommes versées entre les mains de l'huissier de justice ont bien été prises en compte, que s'agissant d'un prêt à plus d'un an les intérêts continuent à courir, que la décision ordonnant l'exécution forcée immobilière pour des montants précis a autorité de chose jugée et s'impose, que la créance énoncée n'a donné lieu à aucune contestation ni à aucune procédure au fond dans le délai de cinq ans de sorte que toute contestation est aujourd'hui prescrite.

Il est ajouté que la contestation adverse de la créance est irrecevable et que, s'agissant de l'indemnité d'exigibilité anticipée, l'application du pouvoir modérateur l'est tout autant au regard de l'ancienneté de la créance, du montant des arriérés et du préjudice consécutif pour le créancier poursuivant, outre que l'indemnité de 7 % n'a rien d'excessif.

L'affaire a été appelée à l'audience du 2 janvier 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur la nullité invoquée de la déclaration d'appel :

La SCI Ingersheimer et la SELARL AJAssociés Colmar, agissant par Maître [G], en qualité d'administrateur de la SCI Ingersheimer en redressement judiciaire, ont interjeté appel, le 25 juin 2021, en indiquant intimer 'la SA Fonds Commun de Titrisation Credinvest', avec la précision qu'elle est 'prise en la personne de son représentant légal, représenté en 1ère instance par SAS EOS France, agissant en tant que mandataire chargé du recouvrement de la créance détenue par cette société à l'égard de la SCI Ingersheimer'.

Le Fonds Commun de Titrisation Credinvest (le FCT Credinvest), représenté par la SA Eurotitrisation, société de gestion du fonds, représenté par son recouvreur, la SAS EOS France, agissant en tant que mandataire chargé du recouvrement de la créance détenue par le FCT Credinvest à l'égard de la SCI Ingersheimer en application de l'article L.214-172 du code monétaire et financier, conclut à la nullité de la déclaration d'appel pour défaut de capacité de la personne désignée en qualité d'intimée en application de l'article 117 du code de procédure civile.

Elle soutient que la personne désignée comme intimée, à savoir le Fonds Commun de Titrisation Credinvest représentée par EOS est dépourvue de personnalité juridique, que seule la société de gestion peut représenter le fonds, cette dernière étant au demeurant représentée par la société de recouvrement pour l'action en justice. Elle ajoute que ce défaut de capacité ne peut être régularisé au-delà du délai de l'article 908 ou 905 du code de procédure civile.

Sur ce, un Fonds Commun de Titrisation (FCT) est, aux termes de l'article L. 214-180 du code monétaire et financier, un organisme de titrisation constitué sous la forme de copropriété et dépourvu de la personnalité morale.

Le FCT est représenté à l'égard des tiers et dans toute action en justice, conformément aux dispositions de l'article L. 214-183 du même code, par une société de gestion.

Selon l'article L.214-172 du code précité, 'lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l'organisme de financement, leur recouvrement continue d'être assuré par le cédant ou par l'entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l'organisme, soit par l'acte dont résultent les créances transférées lorsque l'organisme devient partie à cet acte du fait du transfert desdites créances. Toutefois, à tout moment, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l'organisme ou peut être confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet. (...)'

Aux termes de l'article 121 du code de procédure civile, dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Lorsque la partie appelante interjette appel d'un jugement l'opposant à un fonds commun de titrisation, représenté par sa société de gestion, en intimant seulement la 'société' 'fonds de titrisation', mais qu'il ressort de l'arrêt de la cour d'appel que le fonds commun de titrisation, représenté par la société de gestion, avait comparu en constituant un avocat et conclu au fond, l'irrégularité était couverte au moment où la cour d'appel statuait et celle-ci a légalement justifié sa décision de rejeter la demande de nullité de la déclaration d'appel (2e Civ., 13 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.967).

En l'espèce, le FCT, représenté par sa société de gestion, laquelle est représentée par la société EOS France, a comparu en constituant un avocat et a conclu au fond. En outre, les dernières conclusions des appelants sont bien prises contre le FCT Crédinvest, représenté par la SA Eurotitrisation, société de gestion du FCT, représenté par son recouvreur, la SAS EOS France, agissant en tant que mandataire chargé du recouvrement de la créance détenue par le FCT Credinvest à l'égard de la SCI Ingersheimer en application de l'article L.214-172 du code monétaire et financier.

Dès lors, la demande tendant à prononcer la nullité de la déclaration d'appel, et partant, la caducité de la déclaration d'appel, sera rejetée.

2. Sur la recevabilité de la déclaration d'appel :

Le FCT invoque l'irrecevabilité des contestations de la SCI Ingersheimer comme étant tardives et partant de son appel. Elle invoque en outre son défaut de succombance quant à la régularité de la déclaration de créance, la décision ne faisant pas apparaître de discussion sur cette régularité.

Contrairement au cas où le débiteur n'a émis aucune contestation et n'a pas été convoqué devant le juge-commissaire, et se trouve, dans ce cas, irrecevable à interjeter appel de sa décision, la société Ingersheimer a, en l'espèce, été appelée à l'audience du juge commissaire et son gérant a comparu devant le juge-commissaire.

Dès lors, même si les contestations du débiteur n'étaient pas recevables, son appel est cependant recevable.

En outre, le FCT n'est pas fondé à soutenir que l'appel est irrecevable pour défaut de succombance, qui n'existe pas, dès lors que le juge-commissaire a fait droit à la déclaration de créance que contestait, même hors délai, le débiteur et n'a pas statué sur la régularité de ses contestations.

Dès lors, il convient de déclarer l'appel recevable

3. Sur la fin de non-recevoir opposée aux contestations de la SCI Ingersheimer :

Selon l'article L.624-1 du code de commerce, 'dans le délai fixé par le tribunal, le mandataire judiciaire établit, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il transmet cette liste au juge-commissaire.

Les observations du débiteur sont faites dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. Le débiteur qui ne formule pas d'observations dans ce délai ne peut émettre aucune contestation ultérieure sur la proposition du mandataire judiciaire. (...)'

Selon l'article R. 624-1 dudit code de commerce, alinéa 3, 'Le délai prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 624-1 est de trente jours. Il court à compter de la date à laquelle le débiteur a été mis en mesure, par le mandataire judiciaire, de formuler ses observations. Lorsque le débiteur ne participe pas à la vérification des créances, le délai court à compter de la réception de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui lui est adressée par le mandataire judiciaire. Cette lettre comporte les propositions d'admission, de rejet ou de renvoi mentionnées au premier alinéa de l'article L. 624-1.'

Au demeurant, avant même la modification en ce sens de tels textes, il était jugé que, justifie légalement sa décision, la cour d'appel qui, ayant relevé que le débiteur avait refusé de signer la liste établie par le liquidateur proposant l'admission de plusieurs créances, sans en indiquer les motifs, ni formuler la moindre observation relativement à chacune des créances, retient que le juge-commissaire n'a pas commis d'irrégularité en se prononçant sur l'admission de ces créances sans l'avoir convoqué et déclare irrecevable l'appel formé par lui contre la décision d'admission (Cass. com., 8 janv. 2013, n° 11-22.796).

En l'espèce, les parties conviennent de ce que la SCI Ingersheimer a contesté la créance par lettre du 21 décembre 2020, reçue le 5 janvier 2021, par le mandataire judiciaire.

Si la société Ingersheimer soutient que le juge commissaire n'a statué que sur la contestation de créance élevée par la SCI Ingersheimer, sans apprécier sa recevabilité, qui n'avait pas été contestée par la société adverse, il convient de constater qu'elle n'oppose aucune fin de non-recevoir à la fin de non-recevoir émise par le FCT Credinvest contre la contestation de créance de la SCI Ingersheimer.

Les appelantes soutiennent qu'il n'est pas justifié de ce que le mandataire aurait mis en demeure la société débitrice de formuler ses observations, ni de l'envoi d'une lettre recommandée.

Est, cependant, produite aux débats la lettre du 9 septembre 2020 de Maître [E], en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement, invitant la SCI Ingersheimer - M. [R] à se présenter en son étude pour la vérification des déclarations des créances, et lui transmettant une copie de l'état provisoire du passif, l'invitant à lui transmettre ses observations au plus tard lors de l'entretien du 17 septembre 2020 et précisant que toute contestation de créance devra impérativement à peine d'irrecevabilité être justifiée par la production d'une lettre de contestation, accompagnée des documents justifiant sa position et l'indication précise des sommes contestées et admises par ses soins.

Cette lettre ajoutait qu'à défaut de participation aux opérations de vérification des créances dans les conditions ci-dessus décrites et de remise à la date ci-dessus indiquée de ses contestations écrites, l'état des créances sera arrêté et déposé au greffe des juges commissaires et ne pourra plus faire l'objet d'aucune observation, ni de contestation de sa part à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter de la réception des présentes en application de l'article L.624-1 du code de commerce.

Selon l'accusé de réception signé et daté produit aux débats, la SCI Ingersheimer a reçu cette lettre le 10 septembre 2020.

En outre, selon la lettre du 21 octobre 2020 de Maître [E] destinée à M. [R] comportant l'indication remis en mains propres le 21 octobre 2020 suivie d'une signature, Maître [E] lui confirmait qu'ils ont procédé ensemble en son étude à la vérification des créances, qu'il lui a indiqué contester certaines créances et rappelant qu'il lui appartient de lui adresser une lettre justifiant du motif de chaque contestation avec l'indication précise des sommes contestées et l'ensemble des pièces justificatives justifiant sa position, et qu'à défaut de production de ces éléments dans un délai de 30 jours à compter de la réception des présentes, il ne sera plus admis à formuler d'observation, ni de contestation sur les propositions d'admission des créances figurant sur l'état des créances examiné lors de l'entretien, et que le non-respect des termes de la présente le priverait de toute voie de recours consécutivement au dépôt de l'état des créances par ses soins au greffe du juge commissaire.

Or, comme il a été dit, ce n'est que par une lettre du 21 décembre 2020, reçue le 05 janvier 2021 par le mandataire judiciaire selon le tampon qui y est apposé, aucune preuve d'une réception préalable n'étant apportée, que la société INGERSHEIMER a fait savoir qu'elle contestait la déclaration de créance faite par le recouvreur EOS.

Sa contestation a ainsi été effectuée au-delà du délai de 30 jours à compter du 21 octobre 2020, et même au-delà du délai que le mandataire indique avoir encore accordé au débiteur jusqu'au 21 décembre 2020, de sorte qu'en application de l'article L.624-1 du code de commerce, elle n'est pas recevable à émettre de contestation ultérieure sur la proposition du mandataire judiciaire.

Contrairement au créancier négligeant, qui conserve la possibilité de répondre sur la régularité de la déclaration de créance comme le prévoit l'article L.622-27 du code de commerce, l'article L.624-1 dudit code n'a pas réservé une telle faculté.

Ainsi, les contestations du débiteur et de son administrateur judiciaire ne sont pas recevables.

4. Sur l'admission au passif :

Il résulte de l'état de synthèse du passif dressé par le mandataire judiciaire que le jugement d'ouverture a été publié au BODACC le 14 février 2020.

Dès lors, le délai de principe pour déclarer la créance expirait le 14 avril 2020, mais a été prorogé par l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, modifiée par l'ordonnance n°2020-560 du 13 Mai 2020 en raison de l'état d'urgence sanitaire, jusqu'au 23 août 2020.

La société EOS a transmis, par lettre du 31 mars 2020, à Maître [G] la déclaration de créance du 31 mars 2020 décrite dans l'exposé des faits. Selon la pièce 7 produite par l'intimée, la Selas [E] a reçu au plus tard le 20 mai 2020 ladite déclaration de créance faite pour le compte du Fonds commun de titrisation Credinvest Compartiment Credinvest 2, soit dans le délai imparti.

La déclaration de créance a été signée par M. [A] et Mme [L], qui bénéficient de délégations de pouvoir internes à la société EOS produites aux débats leur donnant pouvoir de signer ensemble une déclaration de créance.

En tout état de cause, selon l'article L.622-24 du code de commerce dans sa rédaction modifiée par la loi du 22 mai 2019 et applicable en l'espèce, la déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance.

En l'espèce, l'intimé, représenté par la société EOS France, a nécessairement ratifié la déclaration faite par ses deux employés.

Est également produit aux débats le contrat de gestion de créances selon lequel la société EOS Credirec assure le recouvrement de la créance du FCT Credinvest - Compartiment Credinvest 2 représenté par la société de gestion, la SA Eurotitrisation.

La créance est, en outre, justifiée en son principe et son montant dû au jour de l'ouverture de la procédure collective, le 10 janvier 2020, par l'ordonnance du tribunal d'instance de Colmar du 7 mars 2011 admettant la société Crédit Immobilier de France Centre Est à l'adjudication forcée d'un immeuble appartenant à la SCI Ingersheimer pour avoir paiement d'un capital de 429 330,95 euros, de mensualités impayées de 28 367,45 euros, de frais de remboursement anticipé de 30 053,16 euros, outre intérêts et frais d'exécution, par la lettre du 3 janvier 2019 du Crédit Immobilier de France informant la SCI Ingersheimer de la cession de la créance au FCT Credinvest - Compartiment Credinvest 2, le recouvrement étant confié à la société EOS Crédirect, et par le décompte produit en pièces 4 et 5, reprenant les montants ci-dessus, y ajoutant les intérêts ayant courus et en déduisant les paiements intervenus et précisément listés.

Le premier juge a, en outre, mentionné les pièces qui lui étaient soumises et notamment un acte de cession de 1132 créances intervenu le 28 décembre 2018 entre le Crédit Immobilier de France Développement et le Compartiment Credinvest 2 du FCT Credinvest en présence du recouvreur EOS Credirec.

En conséquence, et en l'absence de contestation, l'ordonnance sera confirmée.

5. Sur les frais et dépens :

L'équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Rejette la demande tendant à déclarer nulle la déclaration d'appel et par voie de conséquence à constater la caducité de l'appel,

Déclare recevable l'appel interjeté contre l'ordonnance du juge commissaire du tribunal judiciaire de Colmar du 27 mai 2021,

Déclare irrecevables les contestations émises par la SCI Ingersheimer et la SELARL Ajassociés Colmar, prise en la personne de Maître [G] en qualité d'administrateur judiciaire de ladite SCI,

Confirme l'ordonnance du juge commissaire du tribunal judiciaire de Colmar du 27 mai 2021,

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/02986
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.02986 ?
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