MINUTE N° 138/23
Copie exécutoire à
- Me Guillaume HARTER
- Me Christine BOUDET
- Me Loïc RENAUD
Arrêt notifié aux parties
Le 15.03.2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 15 Mars 2023
Numéros d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02852 - RG 22/01362
- N° Portalis DBVW-V-B7F-HTOV
Décision déférée à la Cour : 15 Avril 2021 par le Juge commissaire du Tribunal judiciaire de COLMAR
APPELANTS :
Monsieur [J] [K]
[Adresse 3]
S.A.S.U. [K] CONSTRUCTION
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
Représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour
INTIMEES :
S.A. FINANCO, venant aux droits de la SA MY MONEY BANK
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
Représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la Cour
S.A.S. [N] & ASSOCIES
liquidateur de la société [K] CONSTRUCTION
[Adresse 1]
Représentée par Me Loïc RENAUD, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Selon contrat de location avec option d'achat souscrit le 13 avril 2018, la société My Money Bank a loué à la société [K] CONSTRUCTION un véhicule de marque Audi modèle A8.
Par jugement du 2 juin 2020, la société [K] CONSTRUCTION a été mise en liquidation judiciaire.
Par lettre du 1er juillet 2020, la société FINANCO a présenté au liquidateur une demande en restitution du véhicule et a déclaré sa créance.
Le 2 septembre 2020, la société FINANCO a déposé une requête en revendication.
Par ordonnance du 15 avril 2021, le juge commissaire du tribunal judiciaire de Colmar a déclaré la requête recevable, y a fait droit, autorisé la société FINANCO à reprendre le véhicule revendiqué en quelque lieu et quelques mains qu'il se trouve, mais dit qu'aucune restitution ne pourra intervenir à la charge de Maître [N], mandataire judiciaire, le véhicule n'entrant pas dans le périmètre des actifs du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective et statuer sur les frais et dépens.
Sur l'instance ouverte sous le n° RG 21/2852 :
Le 8 juin 2021, la société [K] CONSTRUCTION et M. [J] [K] en ont interjeté appel par déclaration effectuée par voie électronique.
Le 10 septembre 2021, la SA FINANCO s'est constituée intimée par voie électronique.
Par arrêt avant dire-droit du 16 mars 2022, la cour d'appel de céans a ordonné la réouverture des débats afin que les parties présentent leurs observations sur la recevabilité de l'appel tant de M. [K] pris en son nom personnel, que de la société [K] CONSTRUCTION et sur la mise en cause de la société [N] et associés, en qualité de mandataire liquidateur de ladite société et qu'elles versent aux débats l'inventaire dressé le 12 juin 2020.
Par conclusions du 2 mai 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le 3 mai 2022, et selon bordereau de communication de pièces transmis par voie électronique le 1er juin 2022 qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société [K] CONSTRUCTION et M. [K] demandent à la cour de :
- ordonner la jonction de la procédure RG 21/2852 et de la procédure RG 22/1362, sous le numéro RG 21/2852,
- déclarer leurs appels recevables et bien fondés,
Y faire droit ;
En conséquence :
- infirmer l'ordonnance entreprise,
- statuant à nouveau :
- déclarer la requête en revendication irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt à agir, et en tous les cas mal fondée,
- débouter la société FINANCO de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société FINANCO aux entiers frais et dépens des deux instances,
- condamner la société FINANCO à leur payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
en soutenant, en substance, que :
- ils s'en rapportent à la cour s'agissant de la recevabilité de l'appel de M. [K],
- la société [K] CONSTRUCTION a formé une déclaration d'appel complémentaire le 30 mars 2022 sous le numéro RG 22/1362 en mettant en cause le mandataire liquidateur
- la société FINANCO n'a jamais justifié de la cession qui serait intervenue entre elle et la société My Money Bank
- à titre subsidiaire, il ressort de l'inventaire du 12 juin 2020 que le véhicule n'y était pas, qu'il n'est plus dans le patrimoine du débiteur et l'ancien dirigeant n'est plus en sa possession, et que la société qui revendique le bien ne démontre pas que le véhicule se trouvait dans le patrimoine de la société débitrice au jour du jugement d'ouverture.
Par conclusions du 30 mai 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, et selon bordereau de communication de pièces transmis par voie électronique le 15 septembre 2022 qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société FINANCO demande à la cour de :
- dire bien jugé et mal appelé.
- confirmer l'ordonnance intervenue,
- constater la carence probatoire de la SASU [K] CONSTRUCTION et Monsieur [J] [K].
- débouter la SASU [K] CONSTRUCTION et Monsieur [J] [K] de l'intégralité de leurs prétentions, demandes, fins et conclusions.
- condamner, solidairement ou l'un à défaut de l'autre, la SASU [K] CONSTRUCTION et Monsieur [J] [K] à payer à la S.A. FINANCO la somme de 1.500,00 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner, in solidum ou l'un à défaut de l'autre, la SASU [K] CONSTRUCTION et Monsieur [J] [K] aux entiers frais et dépens,
et ce, en soutenant, en substance, que :
- elle a racheté l'activité de MONEY BANK, dans son ensemble et que ce rachat a été publié au BODACC, et qu'elle a intérêt et qualité à agir,
- les appelants ne démontrent pas la vente invoquée et la société [K] CONSTRUCTION a violé l'article 8 du contrat.
Par acte d'huissier de justice délivré le 15 juin 2022, à la requête de la société FINANCO venant aux droits de la société My Money Bank, à la société [N] et associés, en qualité de mandataire liquidateur de ladite société [K] CONSTRUCTION, lui ont été signifiés les conclusions du 27 mai 2022 avec bordereau de pièces et 8 pièces.
Sur l'instance ouverte sous le n° RG 22/1362 :
Le 30 mars 2022, la société [K] CONSTRUCTION et M. [J] [K] ont interjeté un second appel de l'ordonnance précitée par déclaration effectuée par voie électronique, en intimant, outre la société FINANCO, la société [N] et associés, prise en qualité de mandataire liquidateur de la société [K] CONSTRUCTION.
Par ordonnance du 17 mai 2022, la présidente de Chambre a fixé l'affaire à l'audience du 19 septembre 2022 et le greffe a adressé l'avis de fixation de l'affaire à bref délai.
Le 17 mai 2022, la société FINANCO s'est constituée intimée par voie électronique.
Par acte d'huissier de justice délivré le 19 mai 2022, à la requête de M. [K] et de la société [K] CONSTRUCTION, à la société [N] et associés, en qualité de mandataire liquidateur de ladite société [K] CONSTRUCTION, lui ont été signifiés la déclaration d'appel et son récapitulatif, l'avis de fixation et l'ordonnance de fixation ainsi que les conclusions du requérant au soutien de la déclaration d'appel et le bordereau de pièces y annexé.
Par conclusions du 2 mai 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique les 3 et 17 mai 2022, et selon bordereau de communication de pièces transmis par voie électronique le 1er juin 2022 qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société [K] CONSTRUCTION et M. [K] présentent les mêmes demandes à la cour que celles précitées.
Par conclusions du 5 juillet 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, et selon bordereau de communication de pièces transmis par voie électronique le 15 septembre 2022 qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société FINANCO, venant aux droits de My Money Bank présente les mêmes demandes que celles précitées, en y ajoutant une demande tendant à constater l'absence de communication de pièces relatives à la notification de l'ordonnance critiquée et par conséquent déclarer la deuxième déclaration d'appel irrecevable pour tardiveté.
Par conclusions du 12 juillet 2022 auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le 13 juillet 2022, la SAS [N] et associés, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société [K] CONSTRUCTION, s'en remet à sagesse.
Les deux affaires ont été retenues à l'audience du 2 janvier 2023.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION :
1. Sur la demande de jonction :
Il convient de faire droit à la demande de jonction.
2. Sur la recevabilité des appels de M. [K] :
M. [K], pris en son nom personnel, n'était pas partie à l'instance devant le juge commissaire, et ce même si l'ordonnance lui a été notifiée. Il ne justifie d'aucun intérêt ni qualité pour interjeter appel de cette décision concernant la société [K] CONSTRUCTION. Ses appels seront dès lors déclarés irrecevables.
3. Sur la recevabilité des appels de la société [K] CONSTRUCTION :
Le premier appel de la société [K] CONSTRUCTION a été formé uniquement à l'encontre de la société FINANCO, sans que la première société n'intime ou ne mette en cause son liquidateur. En l'espèce, la société [K] CONSTRUCTION n'a pas appelé en cause dans la première instance le liquidateur judiciaire, mais a formé une seconde déclaration d'appel en mettant en cause le liquidateur judiciaire.
La première déclaration d'appel est dès lors irrecevable.
En revanche, sur le second appel, l'ensemble des parties, y compris le liquidateur de ladite société, est présente devant la cour.
Il sera rappelé qu'en cas d'indivisibilité, l'article 552 du code de procédure civile permet à l'appelant, dès lors que son appel est recevable à l'égard d'au moins une partie et que l'instance est encore en cours, d'appeler les autres parties à la cause, après l'expiration du délai pour interjeter appel. En ce cas, l'appelant échappe à l'irrecevabilité de son appel, prévue par l'article 553 du même code, lorsque, en cas d'indivisibilité entre plusieurs parties, toutes n'ont pas été appelées à l'instance (2e Civ., 7 septembre 2017, pourvoi n° 16-20.463, Bull. 2017, II, n° 165).
Au surplus, il convient de relever que le second appel n'est pas tardif. En effet, il ne résulte pas du dossier de première instance que l'ordonnance attaquée ait été notifiée à la société [K] CONSTRUCTION, seuls les accusés de réception au nom de M. [K] et de la société FINANCO figurant au dossier, ni d'ailleurs que les modalités de recours lui aient été notifiées. D'ailleurs, le fait que l'ordonnance indique qu'elle sera 'notifiée par LRAR avec les voies de recours' à 'la SASU [K] CONSTRUCTION Monsieur [J] [K]' ne permettent pas de considérer que la notification de l'ordonnance faite par une LRAR adressée uniquement à M. [K] constitue une notification valable à l'égard de la société [K] CONSTRUCTION, ni que les modalités de recours lui aient été notifiées.
Dès lors, le second appel est recevable.
4. Sur la recevabilité de la requête en revendication :
La société FINANCO produit l'annonce publiée au BODACC le 13 juillet 2018 relative à l'achat par la société FINANCO d'un 'fonds de commerce dont l'activité principale consiste notamment dans le financement automobile proposant des solutions de financement basées sur les produits suivant : (...) Location avec option d'achat (....)', le précédent propriétaire étant My Money Bank. Il était en outre fait mention d'un acte SSP établi à [Localité 4] le 31 mai 2018.
Il convient d'en déduire que la société FINANCO justifie avoir acquis le fonds de commerce de la société My Money Bank.
Dès lors que le bailleur est propriétaire du véhicule loué et que le fonds de commerce porte sur l'activité de souscription de contrats de location avec option d'achat, il convient de considérer que ledit véhicule fait partie du fonds de commerce cédé à la société FINANCO, qui a dès lors qualité et intérêt à agir en revendication.
Au surplus, il sera relevé que la délégation de pouvoir invoquée par la société [K] CONSTRUCTION pour soutenir que la société FINANCO n'a en charge que la gestion locative du contrat n'est pas produite aux débats devant la cour d'appel.
5. Sur le bien fondé de la requête en revendication :
Il résulte de la combinaison des articles L. 622-6 et L. 624-16 du code de commerce qu'il appartient au revendiquant de biens mobiliers d'apporter la preuve de ce que les biens revendiqués se retrouvent en nature entre les mains du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective, sous réserve de l'établissement d'un inventaire (Com., 14 septembre 2022, pourvoi n° 21-10.759).
En revanche, en présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, qui équivaut à l'absence d'inventaire obligatoire prévu par l'article L. 622-6 du code de commerce, la preuve que le bien revendiqué, précédemment détenu par le débiteur, n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture de sa procédure de liquidation judiciaire incombe au liquidateur. (Com. 25 octobre 2017, pourvoi n° 6-22083, Bull. IV, n° 144)
En l'espèce, il est constant qu'un inventaire a été dressé le 12 juin 2020 par la SCP Ranoux-Orsat & Christophe, celui-ci étant produit par les appelants dans le cadre du bordereau de communication de pièces du 1er juin 2022.
Ce procès-verbal d'inventaire liste précisément les véhicules dont la présence a été constatée. Le véhicule, objet de la demande de revendication, n'y figure pas.
Dès lors, la société FINANCO supporte la charge de la preuve de ce que le bien revendiqué se retrouve en nature entre les mains du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective.
En outre, et contrairement à ce que soutient la société FINANCO, la société [K] CONSTRUCTION produit aux débats un certificat de cession de véhicule immatriculé EA 421 CF de marque Audi et de modèle A8, qu'elle a signé le 13 mars 2020 au profit d'un acquéreur domicilié en Roumanie, avec la photocopie d'un document d'identité de ce dernier, outre la copie du certificat d'immatriculation dudit véhicule au nom de la société My Money Bank.
Le fait que le locataire n'ait pas respecté les dispositions contractuelles de l'article 8 du contrat de location est inopérant en ce qui concerne les mérites de la demande de revendication, à laquelle il ne peut pas être fait droit si le matériel ne se trouve pas, en dépit de l'interdiction contractuelle, dans le patrimoine du débiteur à la date d'ouverture de la procédure collective.
La société FINANCO ne produit aucun élément permettant de démontrer que le bien revendiqué se retrouve en nature entre les mains du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective, le 2 juin 2020, de sorte que sa demande sera rejetée, l'ordonnance étant ainsi infirmée.
6. Sur les frais et dépens :
L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a statué sur l'article 700 du code de procédure civile, mais infirmée en ce qu'elle a condamné les parties aux dépens.
Succombant, la société FINANCO sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d'appel.
Elle sera, en outre, condamnée à payer à la société [K] CONSTRUCTION la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa demande sera rejetée de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Ordonne la jonction de la procédure RG 21/2852 et de la procédure RG 22/1362 sous le numéro RG 21/2852,
Déclare irrecevables les appels interjetés par M. [K],
Déclare irrecevable l'appel interjeté le 8 juin 2021 par la société [K] CONSTRUCTION,
Déclare recevable l'appel interjeté le 30 mars 2022 par la société [K] CONSTRUCTION,
Infirme l'ordonnance du juge commissaire du tribunal judiciaire de Colmar du 15 avril 2021, sauf en ce qu'elle a déclaré recevable la requête en revendication de la société FINANCO, venant aux droits de la société My Money Bank, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SASU [K] CONSTRUCTION,
Le confirme de ces chefs,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Rejette la requête en revendication de la société FINANCO, venant aux droits de la société My Money Bank,
Condamne la société FINANCO, venant aux droits de la société My Money Bank, à supporter les dépens d'appel et de première instance,
Condamne la société FINANCO, venant aux droits de la société My Money Bank, à payer à la société [K] CONSTRUCTION la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette la demande de la société FINANCO, venant aux droits de la société My Money Bank, fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière : la Présidente :