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15/03/2023 | FRANCE | N°21/00580

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 15 mars 2023, 21/00580


MINUTE N° 134/23

























Copie exécutoire à



- Me Sophie BEN AISSA -ELCHINGER



- Me Thierry CAHN



Le 15.03.2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 15 Mars 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00580 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPRC



Décision d

éférée à la Cour : 17 Novembre 2020 par le Tribunal judiciaire de COLMAR - Service civil



APPELANT - INTIME INCIDEMMENT :



Monsieur [F] [X]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représenté par Me Sophie BEN AISSA-ELCHINGER, avocat à la Cour

(bénéficie...

MINUTE N° 134/23

Copie exécutoire à

- Me Sophie BEN AISSA -ELCHINGER

- Me Thierry CAHN

Le 15.03.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 15 Mars 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00580 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPRC

Décision déférée à la Cour : 17 Novembre 2020 par le Tribunal judiciaire de COLMAR - Service civil

APPELANT - INTIME INCIDEMMENT :

Monsieur [F] [X]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Sophie BEN AISSA-ELCHINGER, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021000440 du 09/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'acte introductif d'instance déposé le 14 février 2020, par lequel la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, ci-après également dénommée 'la Banque Populaire' ou 'la banque' a fait citer M. [F] [X] devant le tribunal judiciaire de Colmar,

Vu le jugement réputé contradictoire, rendu le 17 novembre 2020, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Colmar a condamné M. [X] à payer à la banque la somme de 13 013,84 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2019, outre la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, mettant, en outre, à sa charge les dépens,

Vu la déclaration d'appel formée par M. [F] [X] contre ce jugement, et déposée le 18 janvier 2021,

Vu la constitution d'intimée de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne en date du 24 février 2021,

Vu les dernières conclusions en date du 13 octobre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [F] [X] demande à la cour de :

'Sur l'appel principal

DECLARER l'appel formé par Monsieur [F] [X] recevable et bien fondé

Y faisant droit,

INFIRMER le jugement entrepris

Statuant à nouveau,

DEBOUTER la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE de l'ensemble de ses fins, moyens et conclusions

DIRE ET JUGER que la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE a engagé sa responsabilité contractuelle à l'encontre de Monsieur [F] [X]

CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE à verser à Monsieur [F] [X] la somme de 20 000 €, toutes causes de préjudice confondues.

CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel

CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE à verser à la SELARL ARTHUS la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 2° du Code de procédure

Civile.

Sur l'appel principal

DEBOUTER la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE de son appel incident'

et ce, en invoquant, notamment :

- la responsabilité de la banque qui, en présence d'une fraude dont elle aurait été avisée, se serait abstenue de bloquer en temps utile les virements litigieux, ainsi que de vérifier de l'identité et la qualité du présentateur des chèques 'déplacés' qui lui auraient été remis, ayant causé au concluant un préjudice du fait de la clôture de son compte, ainsi que de l'absence de restitution des sommes frauduleusement détournées,

- l'absence de preuve, par la banque, d'une négligence grave du concluant,

- l'absence de disposition, dans la convention de compte courant, sur le taux d'intérêt applicable à compter de la clôture du compte, et l'absence de notification au concluant du taux d'intérêt conventionnel qu'elle souhaite voir appliquer, que ce soit dans son courrier recommandé avec accusé de réception du 15 janvier 2019 ou dans son courrier du 15 mars 2019 ou encore dans son courrier recommandé avec accusé de réception du 16 avril 2019.

Vu les dernières conclusions en date du 19 juillet 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne demande à la cour de :

'REJETER l'appel et le dire mal fondé ;

REJETER l'intégralité des demandes, fins et conclusions de Monsieur [X] ;

RECEVOIR l'appel incident et le dire bien fondé ;

INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [X] d'avoir à payer à la BPALC la somme de 13.013,84 €, avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2019 ;

Y faisant droit :

CONDAMNER Monsieur [X] d'avoir à payer à la BPALC au titre du solde débiteur du compte courant n°701.910.558.46 la somme totale de 13.641,97 €, outre intérêts au taux conventionnel de 5,96 % à compter du 25 janvier 2020 et outre frais, et subsidiairement, CONFIRMER l'entier jugement

CONFIRMER le jugement pour le surplus ;

En tout état de cause :

CONDAMNER Monsieur [X] aux entiers frais et dépens de la procédure ainsi qu'à la somme de 3.500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'absence de signalement d'une fraude par le concluant, qui aurait remis le chèque frauduleux à une autre agence bancaire que celle hébergeant son compte, par le procédé dit des 'remises déplacées', de sorte que la concluante n'aurait pas été mise en mesure de contrôler sa régularité,

- l'impossibilité, pour M. [X], de prétexter ne pas être à l'origine de la remise déplacée du chèque litigieux remis sur le compte le 18 décembre 2018, dans la mesure où il aurait effectué 8 virements bancaires à des tiers à la suite de l'endos du chèque, pour un montant total de 16 000 euros, le lendemain, soit le 19 décembre 2018,

- l'impossibilité, pour la concluante, qui, à l'issue du signalement par M. [X] d'une suspicion de virements frauduleux, avait immédiatement procédé à un virement de 7 000 euros pour isoler le solde restant et empêcher la réalisation de nouveaux virements, dans l'attente de la confirmation ou de l'infirmation de la fraude, de faire opposition à des virements déjà effectués, des demandes de 'recall' des virements ayant été effectués aux fins de tenter de récupérer les sommes, dont seules deux auraient reçu une réponse positive,

- l'absence de préjudice de M. [X], qui échouerait à rapporter la preuve du caractère frauduleux de ces virements, dans la mesure où il n'aurait pas déclaré son téléphone volé ni usurpé, et qu'il aurait renseigné son identifiant et mot de passe alors qu'il en était le seul détenteur,

- l'absence de régularisation, par M. [X], de son découvert en compte courant, alors qu'il ne disposait pas d'autorisation de découvert,

- l'application du taux d'intérêt conventionnel, y compris après la clôture du compte.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 4 mai 2022,

Vu les débats à l'audience du 1er juin 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur les demandes principale et reconventionnelle :

Afin de s'opposer à la demande en paiement de la banque, laquelle sollicite le paiement en principal du solde débiteur du compte courant dont bénéficiait M. [X] auprès de l'établissement, et clôturé en date du 4 avril 2019, l'appelant entend mettre en cause la responsabilité contractuelle, selon lui exclusive, de la Banque Populaire dans la réalisation de ce découvert, faute d'avoir donné les suites appropriées au signalement qu'il aurait effectué de ce qu'il n'était pas à l'origine du dépôt d'un chèque 'déplacé', c'est-à-dire remis dans une autre succursale, d'un montant de 24 086,83 euros, revenu impayé, et des virements qui s'en seraient suivis, la banque, qui aurait pourtant identifié la fraude, se bornant à procéder à un virement de 7 000 euros le 19 décembre 2018 pour soi-disant préserver le solde de son compte bancaire, sans pour autant former opposition, comme il l'aurait demandé, aux nombreux virements effectués le même jour, des démarches d'annulation des virements ne devant être entreprises que tardivement, à la suite d'une réclamation écrite de sa part le 2 janvier 2019, et ne s'avérer, dans ces conditions, que très partiellement fructueuses. Il reproche, plus particulièrement, à la banque d'avoir manqué à son obligation de contrôler la régularité de l'endossement, comme prévu par l'article L. 131-19 du code monétaire et financier (CMF), alors qu'un précédent chèque volé avait déjà fait l'objet d'une remise déplacée, en date du 6 décembre 2018, signalée par l'intéressé, conduisant au rejet du chèque.

Il ajoute que l'établissement ne démontrerait ni que les opérations litigieuses ont bien été authentifiées, comme l'exigerait l'article L. 133-23 du CMF lorsqu'un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ni qu'il aurait commis une négligence grave ayant entraîné l'utilisation frauduleuse de ses moyens de paiement, comme l'impliquerait l'application de l'article L. 133-18 dudit code.

En réponse, la banque entend invoquer l'impossibilité pour elle de contrôler la régularité d'un chèque remis dans une autre agence, et revenu impayé en date du 8 janvier 2019 pour 'falsification, surcharge', et ce alors que M. [X] ne démontrerait pas avoir prévenu son agence d'une éventuelle fraude dès le 19 décembre 2018, date à laquelle il aurait, en outre, effectué 8 virements bancaires à des tiers pour un montant total de 16 000 euros, authentifiés, conformément à la directive 'DSP 2', via l'application Cyberplus, après réception d'un SMS sur son téléphone qui n'avait été déclaré ni volé ni usurpé, en utilisant des identifiant et mot de passe dont il était seul détenteur, contribuant ainsi à sa propre perte, alors même que l'établissement, une fois l'ordre de virement donné et les virements réalisés, ne pouvait plus y former opposition. Elle ajoute avoir néanmoins réagi dès le signalement des suspicions de fraude en 'isolant' le solde restant pour le préserver d'éventuels virements frauduleux à venir, puis en procédant à des opérations de 'recall' fructueuses à hauteur de 4 000 euros.

Elle invoque, enfin, l'inertie de M. [X] à régulariser son découvert en dépit des courriers qui lui auraient été adressés en ce sens.

Sur ce, la cour relève, au vu des extraits de compte courant de M. [X] qu'il a, d'abord, été procédé, en date du 6 décembre 2018, à la remise 'déplacée' d'un chèque de 6 000 euros, mentionné le 17 décembre comme impayé, avec la mention 'chq imp oppo perte'. Puis un second chèque d'un montant de 24 086,83 euros a fait l'objet d'une remise selon les mêmes modalités en date du 18 décembre 2018, avant d'être déclaré impayé le 8 janvier suivant avec la mention 'chq imp fals surch', la remise du chèque ayant été suivie de huit virements, en date du 19 décembre 2018 pour un total de 16 000 euros au profit de trois bénéficiaires différents, pour des montants de 1 500 à 2 500 euros pour chacune des opérations, et assortis des mentions 'argent pour vivre', 'allocation' ou encore 'achats de véhicule'. Un virement de 7 000 euros était effectué à la même date, correspondant à l'opération par laquelle la banque a indiqué avoir 'isolé' le solde restant.

Puis deux virements de 2 000 euros ont fait l'objet d'un 'recall' en date du 9 janvier 2019, la somme de 7 000 euros étant recréditée le même jour.

Les pièces versées aux débats par la banque révèlent que le premier chèque est émis au nom d'une société Immo France à l'ordre de M. [F] [X] pour un montant de 6 000 euros, et le second au nom d'une société FMA Assurances à l'ordre de 'M. [U] [X]' (mentionné trois fois), les mentions de ce chèque, qui a fait l'objet d'un avis de rejet par le banquier tiré, en l'occurrence le Crédit du Nord, daté du 31 décembre 2018 pour falsification et surcharge, étant imprimées et non manuscrites.

À la suite de ces opérations, le compte de M. [X] s'est trouvé en position débitrice, conduisant la banque, par courriers AR des 15 janvier et 15 mars 2019, à mettre en demeure ce dernier d'avoir à régulariser la situation.

Il convient, en outre, d'observer que la banque ne conteste pas avoir été prévenue de la suspicion de fraude, ce pourquoi elle a 'immédiatement procédé à un virement de 7.000 € pour isoler le solde restant et empêcher la réalisation de nouveaux virements, dans l'attente de la confirmation ou de l'infirmation de la fraude.' La banque a, par ailleurs, déposé plainte pour escroquerie contre M. [X] et autres en date du 19 février 2020.

M. [X] justifie, pour sa part, notamment, du dépôt d'une plainte devant les services de police, dans le cadre de laquelle il a expliqué qu'il avait laissé son RIB à une dénommée [R], ainsi que d'une réclamation formelle faite par écrit en date du 2 janvier 2019, dont la banque ne conteste pas la réception, dans lequel il évoque un signalement téléphonique à la banque en date du 20 décembre 2018, et également son dépôt de plainte, et conteste devoir

rembourser les sommes litigieuses, ainsi que d'une réponse de la banque en date du 22 janvier 2019, laquelle développe en substance l'argumentation qu'elle soumet désormais à la cour, en particulier concernant la responsabilité au titre de la remise de chèque et les conditions d'utilisation du service Cyberplus.

Ceci considéré, il convient de rappeler encore, que :

- le banquier engage sa responsabilité s'il paye un chèque alors que la falsification du titre est apparente, cette obligation de vigilance s'agissant des chèques s'imposant à la banque tirée comme à la banque présentatrice (Com., 9 juillet 2002, pourvoi n° 00-22.788, Bull. 2002, IV, n° 114),

- si en cas de falsification, l'émetteur d'un chèque a la charge de démontrer cette irrégularité, il incombe à la banque tirée de prouver qu'une telle anomalie n'était pas apparente pour établir son absence de faute (voir Com., 7 juillet 2009, pourvoi n° 08-18.251, Bull. 2009, IV, n° 93, Com., 9 novembre 2022, pourvoi n° 20-20.031, publié au Bulletin), ce qui vaut donc nécessairement, en vertu de la règle précédente, pour la banque présentatrice, soit, en l'espèce, la Banque Populaire d'Alsace, aux droits de laquelle vient la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, même si le réceptionnaire immédiat du chèque endossé était la Banque Populaire Rives de Seine, dont il n'est pas démontré qu'elle aurait reçu mandat pour procéder elle-même à la présentation du chèque,

- si, aux termes des articles L. 133-16 et L. 133-17 du code monétaire et financier, il appartient à l'utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés et d'informer sans tarder son prestataire de tels services de toute utilisation non autorisée de l'instrument de paiement ou des données qui lui sont liées, c'est à ce prestataire qu'il incombe, par application des articles L. 133-19, IV, et L. 133-23 du même code, de rapporter la preuve que l'utilisateur, qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n'a pas satisfait, intentionnellement ou par négligence grave, à ses obligations. Cette preuve ne peut se déduire du seul fait que l'instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés (Com., 18 janvier 2017, pourvoi n° 15-18.102, Bull. 2017, IV, n° 6, Com., 28 mars 2018, pourvoi n° 16-20.018, Bull. 2018, IV, n° 34).

Il ne peut, par application de l'article L. 133-2 du code précité, être dérogé à ce principe dans les cas où l'utilisateur est une personne physique agissant pour des besoins non professionnels.

Dans les circonstances de l'espèce, telles qu'elles ressortent des éléments qui viennent d'être détaillés, il apparaît que la position débitrice du compte de M. [X] résulte de la succession de l'encaissement d'un chèque qui s'est ensuite avéré frauduleux ou en tout cas affecté d'anomalies ayant conduit à son rejet trois semaines plus tard par la banque tirée, et de virements dont M. [X] a signalé le caractère, selon lui, frauduleux à la banque et qui n'ont été rendus possibles, initialement, sans incidence sur la position créditrice du compte, que du fait de l'encaissement préalable du chèque litigieux.

Or, il résulte de ce qui précède, tout d'abord, que la banque a commis une faute en présentant à l'établissement tiré un chèque affecté d'une anomalie dont la réalité n'est pas contestée, pour avoir, d'ailleurs, donné lieu au rejet du chèque par celui-ci, sans que la Banque Populaire ne démontre que cette anomalie n'aurait pas eu un caractère apparent, ce caractère ressortant, au demeurant, des motifs ayant conduit à son rejet par le Crédit du Nord.

À cela s'ajoute que, M. [X] étant une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels, ce qui exclut l'application à son encontre des dispositions dérogatoires des conditions générales prévoyant, notamment, que 'toute opération effectuée grâce à son identification d'accès et à son mot de passe est réputée avoir été effectuée par le client lui-même (...)', la banque ne démontre pas, ni même n'allègue, qu'au-delà du seul fait que l'instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées auraient été effectivement utilisés, M. [X], qui conteste les opérations de virement litigieuses, aurait agi frauduleusement ou n'aurait pas satisfait, intentionnellement ou par négligence grave, à ses obligations, ce dernier ayant reconnu, tout au plus, lors de son audition par les services de police consécutivement à sa plainte, la remise d'un RIB et non de ses identifiants Cyberplus, à une tierce personne. Au demeurant, il sera relevé que la banque a, dès le 19 décembre 2018, procédé au virement de 7 000 euros correspondant manifestement au virement destiné à préserver le solde du compte de M. [X], ce qui tend à démontrer qu'elle était informée, dès cette date, de la réalisation d'opérations supposément frauduleuses visant ce compte, même si M. [X] a pu ensuite invoquer dans son courrier la date du 20 décembre 2018 comme étant celle à laquelle il a avisé la banque, qui était, en tout état de cause, déjà au fait du précédent chèque revenu impayé. Par ailleurs, le fait que M. [X] n'ait pas donné suite aux mises en demeure de la banque de régulariser le solde débiteur de son compte apparaît sans incidence, d'autant qu'il n'aurait pas dû avoir à le faire dans la mesure où les causes de cette position débitrice ne lui sont pas imputables.

En conséquence de ce qui précède, et dès lors, plus particulièrement, que la cause de la position débitrice du compte de M. [X] trouve son origine d'une part dans la présentation fautive d'un chèque revenu ensuite impayé, d'autre part dans une situation de virements que le titulaire du compte conteste avoir autorisés, sans preuve d'agissements frauduleux ou d'une négligence grave de sa part, ce qui impliquait que l'établissement procède, en vertu des dispositions précitées du CMF, au remboursement des sommes ainsi débitées, il convient de rejeter la demande en paiement formée par la Banque Populaire à l'encontre de M. [X], ce qui rend sans objet les demandes relatives aux intérêts, et en particulier celles formées dans le cadre de l'appel incident de la banque.

M. [X] sollicite, au-delà, une indemnisation à hauteur de 20 000 euros 'toutes causes de préjudices confondues', invoquant les conséquences de la clôture du compte, à l'initiative de la banque, qui a refusé de recréditer sur son compte les montants qui lui avaient été soustraits frauduleusement par sa faute, ajoutant qu'il aurait fait l'objet de nombreuses mesures d'exécution forcées qui l'ont amené à déposer un dossier de surendettement.

À cet égard, l'appelant démontre avoir fait l'objet de mesures d'exécution, plus particulièrement de saisie vente et de saisie attribution, de la part de la banque durant l'année 2020, et avoir déposé un dossier de surendettement, qui a donné lieu à l'effacement de ses dettes dans le cadre d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, par décision de la commission de surendettement des particuliers du Haut-Rhin en date du 25 mai 2021, et ce alors que la somme réclamée par la banque représentait 84 % du montant des dettes déclarées à la commission.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que M. [X] a subi un préjudice moral qui doit être indemnisé à hauteur de 2 000 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La Banque Populaire succombant pour l'essentiel sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, le jugement déféré devant cependant être confirmé sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de la banque une indemnité de procédure, sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile, de 1 500 euros au profit de M. [X], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale selon décision du BAJ en date du 9 février 2021, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de ce dernier et en infirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef, en ce qu'elles ont mis à la charge de M. [X] une somme de 1 000 euros.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 17 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Colmar en ce qu'il a condamné M. [F] [X] à payer à la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 13 013,84 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2019, outre la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau de ces chefs de demande,

Déboute la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de sa demande en paiement dirigée contre M. [F] [X],

Condamne la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à payer à M. [F] [X] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

Dit n'y avoir lieu, au titre de la première instance, à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle,

Condamne la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à payer à M. [F] [X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 2° du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application, à hauteur d'appel, de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/00580
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.00580 ?
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