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08/03/2023 | FRANCE | N°21/01987

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 08 mars 2023, 21/01987


MINUTE N° 119/23

























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Thierry CAHN



Le 08.03.2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 08 Mars 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01987 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HR6E



Décision déférée Ã

  la Cour : 18 Mars 2021 par le Tribunal judiciaire de COLMAR - Service civil



APPELANTE :



Madame [K] [H] divorcée [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Tota...

MINUTE N° 119/23

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Thierry CAHN

Le 08.03.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 08 Mars 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01987 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HR6E

Décision déférée à la Cour : 18 Mars 2021 par le Tribunal judiciaire de COLMAR - Service civil

APPELANTE :

Madame [K] [H] divorcée [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021002633 du 11/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

INTIMEE :

SA BANQUE CIC EST

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'acte introductif d'instance déposé le 21 décembre 2016 par lequel la SA Banque CIC Est, ci-après également dénommée 'la banque', a fait citer Mme [K] [H], divorcée [F], ci-après également 'Mme [H]', devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d'application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Colmar,

Vu l'ordonnance rendue le 16 novembre 2017, par laquelle le juge de la mise en état a, notamment :

- ordonné la disjonction de la procédure de la demande dirigée par la banque contre Mme [H] qui se poursuivra sous la référence RG 17/00658,

- s'est déclaré matériellement incompétent pour connaître du litige en ce qui concerne Madame [H],

- renvoyé l'affaire RG 17/00658 devant la chambre civile du même tribunal.

Vu le jugement rendu le 18 mars 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Colmar a :

- dit et jugé que l'engagement de caution solidaire souscrit le 27 décembre 2012 par Mme [H] n'était pas atteint de disproportion manifeste et que la banque pouvait donc s'en prévaloir,

- prononcé la déchéance du droit au paiement par la caution des intérêts échus entre le 20 février 2015 et le 17 février 2017 pour défaut de respect de l'obligation annuelle d'information,

- condamné en conséquence Mme [H], en qualité de caution solidaire de l'EURL [Y] [F], à payer à la banque les montants suivants, dans la limite du plafond de 30 000 euros convenu : 

- 20 245,50 euros avec majoration des intérêts au taux conventionnel de 3,90 % à compter du 9 février 2016, mais avec déduction des intérêts conventionnels mis en compte pour la période courant du 20 février 2015 au 17 février 2017,

- 1 012,28 euros avec majoration des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2016,

- condamné Mme [H] à payer à la banque une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- ordonné la capitalisation des intérêts échus par année entière dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil (article 1154 ancien),

- condamné Mme [H] à prendre en charge les frais et dépens de l'instance,

- rejeté toutes autres prétentions,

- ordonné l'exécution provisoire.

Vu la déclaration d'appel formée par Mme [K] [H], divorcée [F] contre ce jugement, et déposée le 12 avril 2021,

Vu la constitution d'intimée de la SA Banque CIC Est en date du 30 juin 2021,

Vu les dernières conclusions en date du 24 janvier 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles Mme [K] [H], divorcée [F] demande à la cour de :

'DECLARER l'appel formé par Madame [H] à l'encontre du jugement du Tribunal Judiciaire de COLMAR du 18 mars 2021 recevable et bien fondé ;

Y faire droit ;

En conséquence :

INFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de COLMAR du 18 mars 2021 ;

STATUANT A NOUVEAU :

A titre principal :

DECLARER l'engagement de caution souscrit par Madame [H] manifestement disproportionné à ses revenus

PRONONCER la déchéance du droit pour la banque CIC EST de se prévaloir du cautionnement

A titre subsidiaire :

PRONONCER la déchéance du droit aux intérêts conventionnels

A titre infiniment subsidiaire :

CONFIRMER la décision entreprise s'agissant de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels échus entre le 20 février 2015 et le 17 février 2017

En tout état de cause :

DEBOUTER la SA BANQUE CIC EST de toute demande formée au titre d'un appel incident

La CONDAMNER aux entiers frais et dépens des deux instances ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros par application de l'article 700.2 du code de procédure civile,

et ce, en invoquant, notamment :

- la disproportion manifeste de son engagement de caution au regard de son salaire, en l'absence de patrimoine immobilier, son patrimoine étant limité à 8 000 euros,

- son absence de retour à meilleure fortune,

- subsidiairement, la déchéance du droit aux intérêts de la banque, en confirmation du jugement entrepris.

Vu les dernières conclusions en date du 7 octobre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SA Banque CIC Est demande à la cour de :

'JUGER l'appel interjeté par la partie adverse irrecevable, à tout le moins mal fondé,

CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

CONDAMNER Mme [K] [H] divorcée [F] en tous les frais et dépens d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles en appel,

DEBOUTER Mme [H] divorcée [F] de l'intégralité de ses fins et conclusions'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'absence de disproportion manifeste de l'engagement de caution de Mme [H], compte tenu de ses revenus annuels, dans un contexte d'emploi stable, et de ses avoirs en PEL, ainsi que de charges très limitées, sans qu'il n'y ait lieu à retenir systématiquement de disproportion manifeste pour un engagement excédant un an de revenus,

- la satisfaction de la concluante à son obligation d'information des cautions, tant d'information annuelle que suite au premier incident de paiement de l'EURL [Y] [F], ou à tout le moins la déchéance du droit au paiement par la caution des intérêts échus entre le 20 février 2015 et le 17 février 2017.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 mai 2022,

Vu les débats à l'audience du 1er juin 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS :

Sur la disproportion manifeste de l'engagement de caution :

Aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, en leur version applicable à la cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

À ce titre, il convient, tout d'abord, de préciser que le caractère manifestement disproportionné de l'engagement souscrit par la caution, au sens de ces dispositions, s'apprécie au regard du montant de cet engagement et non de celui du prêt garanti ou de ses échéances.

Par ailleurs, en application des dispositions précitées, c'est à la caution de justifier qu'au jour de sa conclusion, son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Lorsqu'à l'occasion de la souscription de son engagement, la caution a déclaré au créancier des éléments sur sa situation personnelle, le créancier peut, en l'absence d'anomalie apparente, s'y fier et n'a pas à vérifier l'exactitude de ces déclarations.

Dans ce cas, la caution ne sera alors pas admise à établir, devant le juge, que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque.

En revanche, en présence d'anomalie apparente, ou lorsque la caution n'a déclaré aucun élément sur sa situation patrimoniale à la banque lors de son engagement, notamment parce que cette dernière ne lui a rien demandé, la caution est libre de démontrer, devant le juge, quelle était sa situation financière réelle lors de son engagement. Elle peut aussi opposer à la banque les éléments non déclarés dont celle-ci avait connaissance.

De son côté, la banque peut invoquer des éléments de la situation de la caution qu'elle n'aurait pas déclarés.

Au cas où la disproportion manifeste de l'engagement au jour de sa conclusion serait retenue, c'est à la banque qu'il appartient d'établir qu'au jour où elle a appelé la caution, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation.

En l'espèce, il convient de rappeler que Mme [H], alors épouse de M. [Y] [F], s'est portée, en date du 27 décembre 2012, caution solidaire, dans la limite d'un montant de 30 000 euros et pour une durée de 103 mois, d'un prêt consenti, en date du même jour, par la banque à l'EURL [Y] [F], pour un montant de 150 000 euros, remboursable sur 79 mois dont sept mois de franchise, en 6 annuités de 28 521,20 euros chacune, moyennant un taux d'intérêt de 3,90000 % et ayant pour objet le rachat de 45 % des parts de la SARL [F] Immobilier, M. [F] se portait également caution solidaire du prêt dans la limite de 45 000 euros. La société [Y] [F] a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 15 décembre 2015, et la banque a déclaré sa créance au passif de la procédure collective le 27 janvier 2016, avant d'assigner les cautions devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Colmar, le juge de la mise en état de ladite chambre devant se déclarer matériellement incompétent pour connaître du litige en ce qui concernait Mme [H], et renvoyer cette affaire, après disjonction, devant la chambre civile du même tribunal, laquelle, statuant comme il a été rappelé, a écarté le moyen tiré de la disproportion manifeste de l'engagement de caution de Mme [H], au vu, plus particulièrement, des éléments de la fiche patrimoniale établie par Mme [H] le 17 décembre 2012 et produite par la banque.

Mme [H] entend contester l'appréciation faite par le juge de première instance en invoquant le montant de son salaire et de celui de son conjoint, de leurs charges, ainsi que le caractère limité de son patrimoine, exclusivement de nature mobilière, tandis que la banque entend, pour sa part, écarter toute disproportion manifeste, au regard du montant annuel des revenus de la caution, du caractère limité de ses charges, du montant de ses avoirs et de sa situation d'emploi stable.

Sur ce, il ressort de la fiche de renseignements complétée le 17 décembre 2012, soit dix jours avant la souscription de son engagement par Mme [H], que cette dernière, mariée sous le régime de la séparation de biens, déclarant une personne à charge et un salaire annuel net de 17 458 euros, fait état d'un patrimoine mobilier de 8 000 euros (PEL) et, au titre de ses charges, d'un crédit voiture d'un montant de 12 000 euros remboursable par mensualités de 230 euros pour une durée de 4 ans.

La cour rappelle, à cet égard, que la disproportion manifeste de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels (voir, notamment, Com., 24 mai 2018, pourvoi n° 16-23.036, Bull. 2018, IV, n° 59), sous réserve, le cas échéant, de sa quote-part dans les biens indivis (1ère Civ., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-20,467, publié au Bulletin).

Il convient donc de ne prendre en considération que les revenus perçus par Mme [H], en l'absence, par ailleurs, de précision de l'intéressée quant à la détention du PEL, étant, au demeurant, constaté que dans la fiche renseignée par M. [F], il est fait état d'un 'PELx2' avec son épouse pour un montant de '8 000 € x 2', ce qui n'est pas explicite, tandis qu'est mentionné un prêt auto dont le montant du principal et des mensualités diffère de celui indiqué par Mme [H].

Quoi qu'il en soit, même en retenant un montant de PEL de 8 000 euros pour Mme [H] seule, conformément à ses indications, et vu, au-delà, l'ensemble des éléments qui viennent d'être rappelés, le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de caution de Mme [H] apparaît suffisamment démontré.

Par ailleurs, la banque ne démontre pas, qu'au jour où elle a appelé la caution, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation, Mme [H] justifiant même, au contraire, de la perception de revenus annuels de 18 630 euros au titre de l'année 2016, soit du même ordre que ceux perçus au moment de son engagement.

En conséquence, et en infirmation de la décision entreprise, la banque ne peut se prévaloir de l'engagement de caution du 27 décembre 2012, et sa demande en paiement sera rejetée, sans qu'il n'y ait lieu à statuer sur la demande subsidiaire de la caution en déchéance du droit aux intérêts du prêteur.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SA Banque CIC Est succombant pour l'essentiel sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, ainsi que de ceux de la première instance, le jugement entrepris devant être infirmé sur ce point.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de la banque une indemnité de procédure, sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile, pour frais irrépétibles de 1 500 euros au profit de Mme [H], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale selon décision du BAJ en date du 11 mai 2021, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière, y compris au titre de la première instance, en infirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 18 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Colmar en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute la SA Banque CIC Est de l'ensemble de ses demandes dirigées contre Mme [K] [H],

Condamne la SA Banque CIC Est aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la SA Banque CIC Est à payer à Mme [K] [H] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 2° du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SA Banque CIC Est.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/01987
Date de la décision : 08/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-08;21.01987 ?
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