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22/02/2023 | FRANCE | N°21/00616

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 22 février 2023, 21/00616


MINUTE N° 107/23





























Copie exécutoire à



- Me Katja MAKOWSKI



- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA





Le 22.02.2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 22 Février 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00616 - N° Portalis DBVW-V-B7

F-HPTI



Décision déférée à la Cour : 16 Décembre 2020 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 3ème chambre civile



APPELANT - INTIME INCIDEMMENT :



Monsieur [I] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté par Me Katja MAKOWSKI, avocat à la Cour

...

MINUTE N° 107/23

Copie exécutoire à

- Me Katja MAKOWSKI

- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA

Le 22.02.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 22 Février 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00616 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPTI

Décision déférée à la Cour : 16 Décembre 2020 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 3ème chambre civile

APPELANT - INTIME INCIDEMMENT :

Monsieur [I] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Katja MAKOWSKI, avocat à la Cour

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

S.C.I. SHAMIDE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 16 décembre 2020,

Vu la déclaration d'appel de M. [L] effectuée le 18 janvier 2021 par voie électronique,

Vu la constitution d'intimée de la SCI Shamide effectuée le 4 mars 2021 par voie électronique,

Vu les conclusions de M. [L] du 1er avril 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu les conclusions de la SCI Shamide du 30 mars 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 6 avril 2022,

Vu l'audience du 9 mai 2022 à laquelle l'affaire a été appelée,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il résulte des pièces et des conclusions des parties que selon acte notarié du 30 novembre 2006, un bail commercial a été consenti par la SCI Shamide, représentée par Mme [U], à M. [F] et Mme [W] sur un local situé [Adresse 1]. Un loyer annuel de 12 000 euros était prévu, payable par mensualité de 1 000 euros, outre une provision sur charges.

Selon acte notarié du 13 août 2008, Mme [W] et M. [F] ont vendu à M. [L] le fonds de commerce de restauration rapide exploité dans les lieux précités. Est intervenue à l'acte la SCI Shamide, représentée par son gérant, Mme [U]. En page 10 de l'acte, il est indiqué que le gérant de la SCI Shamide, propriétaire des locaux dans lesquels est exploité le fonds vendu, approuve la cession du droit au bail et 'attire l'attention du nouveau locataire sur les problèmes de nuisance occasionnés par le fonctionnement de la hotte et dont le voisinage s'est plaint auprès d'elle, et requiert le locataire de veiller à limite (sic) ces nuisances autant que faire se peut. Le Cessionnaire prend acte de sa demande'.

Les parties conviennent qu'en 2001, soit avant même la souscription du bail commercial précité, des travaux relatifs à l'installation d'une gaine de ventilation permettant l'extraction des fumées avaient été effectués. Ainsi, selon conventions d'occupation des 23 août et 12 octobre 2001, cette dernière annulant et remplaçant la première, Mme [U] et M. [Y], copropriétaire de l'immeuble, ont souscrit une convention fixant leurs relations pour l'occupation d'un volume situé dans les parties privatives de M. [Y] au niveau de l'escalier d'accès à son appartement, étant précisé que l'occupation de ce volume servira à l'exploitant du fonds de commerce à installer une telle gaine. En outre, selon la facture du 28 septembre 2001 produite en pièce 40 par le bailleur, les travaux ont été réalisés en 2001.

Il sera en outre observé que selon ordonnance de référé du 18 août 2015, M. [L] a été condamné à libérer les lieux, la résiliation du bail ayant été constatée à effet du 29 décembre 2014 par effet du commandement de payer et de la clause résolutoire stipulée au contrat délivré le 28 novembre 2014. Il a été expulsé le 9 juin 2016 selon le procès-verbal d'expulsion produit aux débats.

Sur le manquement à l'obligation de délivrance :

Au-delà du système d'évacuation des fumées, M. [L] invoque une non-conformité du local aux normes d'hygiène et de sécurité, en produisant notamment le rapport de M. [E]. Cependant, à supposer que de telles non-conformités soient établies, il convient de constater que M. [L] ne demande pas la réparation d'un préjudice qu'il en aurait subi, ne demandant que celle du préjudice subi en conséquence de l'absence de fonctionnement de la hotte d'extraction des fumées. Dès lors, la responsabilité de la SCI Shamide ne peut être engagée à ce titre.

S'agissant du défaut de conformité en ce qui concerne le système d'extraction des fumées, il soutient, d'abord, que la SCI Shamide a accordé des réductions de loyer à ses preneurs et que cela constitue une reconnaissance du bailleur d'une telle absence de conformité. Cependant, il ne démontre pas l'existence de telles remises, qui sont contestées par la SCI Shamide qui indique seulement avoir accepté un report partiel du paiement d'une fraction de loyer, et surtout il ne démontre pas la cause de telles réductions, et en tous les cas, qu'elles auraient été dues à une non-conformité de la chose louée à sa destination contractuelle.

Le rapport de M. [E] n'est pas suffisamment précis et circonstancié pour justifier l'affirmation selon laquelle la conduite d'extraction n'est pas conforme à la déclaration de travaux, et ne permet pas d'établir qu'elle n'était pas conforme aux normes lors de l'entrée dans les lieux de M. [L].

La société L'Air Froid, qui a exécuté les travaux, a fourni une attestation de conformité le 10 octobre 2001 qui est produite aux débats.

M. [L] fait valoir que les locaux n'ont jamais été conformes à la norme NF DTU 24-1 de février 2006 fixant les conditions de conception et de réalisation des cheminées à foyer fermé et des inserts. Toutefois, il ne produit aucun élément permettant d'établir une telle non-conformité.

Il fait encore valoir que l'article 64.2 du règlement sanitaire départemental du Bas-Rhin fixe les règles en matière de débit minimum d'air neuf à introduire dans les cuisines et qu'afin d'éviter toutes nuisances au voisinage, il convient généralement de prévoir une gaine d'extraction d'au minimum 400 millimètres, alors qu'il ressort de la facture de L'Air Froid que le conduit posé est inférieur à ces dimensions. Cependant, il ne démontre pas que dans le cas d'espèce, la conduite posée n'était pas suffisante. D'ailleurs, les attestations que M. [L] produit aux débats ne font pas état de difficultés au début de l'exploitation du fonds de commerce par M. [L], les clients évoquant un changement ultérieur, qu'ils situent après une année ou en 2009.

Il ajoute encore qu'il ressort des écrits de M. [Y] que la non-conformité de la conduite d'évacuation des gaz brûlés faisait l'objet, en 2009, d'un contentieux qui durait depuis au moins une douzaine d'années.

Cependant, dans le courrier produit en pièce 16 par M. [L], M. [Y] conteste la conformité des travaux réalisés en 2001 et la réception des travaux, alors d'une part que ses seules affirmations sont insuffisantes à établir une non-conformité et qu'il résulte d'une mention apposée sur la convention d'occupation du 12 octobre 2001 que M. [Y] a perçu de la SCI Shamide, sans aucune réserve, l'indemnité prévue par la convention et que plus rien ne lui est dû. En outre, il n'est pas soutenu ni démontré que M. [Y] ait engagé une action à l'égard du bailleur propriétaire des lieux.

En revanche, il ressort de son courrier qu'en 2007, 'devant l'abus des locataires', il allait déposer 'la ferraille' 'si la turbine n'était pas démontée', que Mme [U] lui a demandé un délai et que ses locataires devaient maintenir le variateur de leur turbine sur sa position minimum ce qu'ils n'ont pas fait. Cependant, comme il a été dit, M. [L] avait été informé par la SCI Shamide, représentée par Mme [U] de cette demande des voisins de limiter autant que possible les nuisances résultant du fonctionnement de la hotte. Il n'est ainsi pas fondé à invoquer une dissimulation d'un éventuel contentieux avec les voisins lié au fonctionnement de la hotte.

M. [L] ne démontre pas que, comme il le soutient, les travaux n'ont pas été diligentés conformément à l'autorisation de la police du bâtiment ou aux normes, ni même à supposer qu'ils ne l'aient pas été, en quoi, il en a subi un préjudice. En effet, outre qu'il n'a signalé aucune difficulté avant le mois de février 2009, il n'invoque pas qu'il utilisait sa hotte au minimum et surtout ne démontre pas avoir subi de préjudice avant que le système d'évacuation des fumées ne soit coupé en février 2009.

Il n'est ainsi pas démontré qu'avant cette date, le système d'évacuation des fumées ne fonctionnait pas ou n'était pas conforme aux normes.

La responsabilité du bailleur ne peut donc être engagée pour manquement à l'obligation de délivrance.

Sur la réticence dolosive et le manquement à l'obligation de loyauté :

Compte tenu de la clause précitée, insérée dans l'acte de vente, démontrant l'existence de risque de contentieux avec les voisins du fait de l'utilisation de la hotte, M. [L] n'est pas fondé à reprocher au bailleur de ne pas l'avoir informé de l'existence potentielle de telles difficultés ainsi que des nuisances pouvant être occasionnées au voisinage par le fonctionnement de la hotte, notamment lorsque celle-ci était utilisée à son maximum.

M. [L] ne démontre pas plus le dol qu'il déduit du fait que le bailleur lui aurait proposé d'acheter le fonds de commerce en 2012 et de signer un bail dérogatoire en 2013, propositions qui n'ont pas abouti. En tout état de cause, les raisons pour lesquelles les projets d'actes produits aux débats ont été rédigés puis n'ont pas été finalisés ne sont pas démontrées ni par M. [L], ni d'ailleurs, par la SCI Shamide, qui s'en prévaut pour contester l'existence d'un préjudice.

M. [L] ne démontre ainsi pas que le bailleur ait commis une réticence dolosive ou ait manqué à son obligation de loyauté à son égard.

Sur l'obligation du bailleur d'assurer au preneur une jouissance paisible des locaux et de le garantir contre le fait du tiers :

Selon l'article 1715 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, outre, de délivrer au preneur la chose louée, d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Selon l'article 1725 dudit code, le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d'ailleurs aucun droit sur la chose louée ; sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel.

A supposer que le constat d'huissier effectué le 11 février 2009, qui indique que la conduite est en partie maintenue par du ruban adhésif déchiré, provoquant le soulèvement de la partie inférieure de la conduite, et présente en un autre endroit des impacts provoquant des enfoncements très importants de la conduite, corrobore l'affirmation de M. [L] selon laquelle M. [Y] frappait avec un marteau sur la conduite, ce que M. [Y] conteste dans le courrier produit, M. [L] ne produit aucun élément justifiant du préjudice qu'il en aurait subi.

En revanche, à partir du 24 février 2009, M. [L] démontre que la conduite d'évacuation des fumées a été sectionnée par M. [Y], ce qui résulte du constat d'huissier de justice du 24 février 2009 et des déclarations faites à l'huissier de justice par M. [Y], qui ajoute y avoir placé une couverture pour atténuer le bruit de la ventilation.

Il est constant qu'à compter de cette date, cette conduite ne pouvait plus fonctionner.

La société Shamide n'est pas fondée à soutenir que M. [Y] est un tiers à son égard, eu égard à l'existence de la convention précitée d'occupation des parties privatives de ce dernier pour le passage du système d'extraction des fumées du fonds de commerce.

Par courrier du 24 février 2009, le conseil de M. [L] a écrit à Mme [U], évoquant la qualité de bailleur de cette dernière, les désagréments causés par M. [Y] qui tape avec un marteau sur le tuyau de la hotte et le fait que le 24 février 2009, ce dernier a coupé le tuyau de sorte que M. [L] est dans l'impossibilité de l'utiliser. Il mettait Mme [U] en demeure de tout mettre en oeuvre pour faire cesser ces agissements afin de garantir à son locataire la jouissance paisible de son local.

Le bailleur étant dans l'obligation d'assurer au preneur une jouissance paisible des locaux, mais aussi de le garantir contre une dégradation de la conduite la rendant inutilisable, est dès lors responsable, à l'égard de son locataire, des conséquences en résultant.

Le fait que M. [L] ait d'abord agi en justice contre M. [Y] et non contre la SCI Shamide est inopérant ; une telle action ne suffit pas à considérer qu'il admettait que son bailleur n'était pas responsable de la situation.

Tenu de garantir le preneur du fait du tiers, le bailleur ne peut lui opposer les clauses du bail imposant au preneur d'effectuer les réparations nécessaires, à l'exception des grosses réparations visées à l'article 606 du code civil, ainsi que les travaux de mise en conformité des locaux exigés par les autorités publiques.

La dégradation de la conduite dans les circonstances précitées ne constitue pas non plus un cas de force majeure excluant la responsabilité du bailleur.

Sur le préjudice causé :

M. [L] demande la réparation de la perte d'exploitation qu'il estime en lien avec le manquement du bailleur.

Il justifie de l'évolution de son chiffre d'affaires par la production du document signé par un expert-comptable et les documents comptables joints.

Si en 2009, il a réalisé un chiffre d'affaires presque équivalent à celui de l'année 2008 proratisé après reconstitution sur une année pleine, cela ne suffit pas à établir qu'il n'a subi aucun préjudice du fait du manquement du bailleur. En effet, la baisse de la fréquentation n'est pas nécessairement immédiatement contemporaine de l'impossibilité d'utiliser la hotte, mais peut se produire ultérieurement. D'ailleurs, son chiffre d'affaires a nettement baissé à compter de l'année 2010, ce qui est compatible avec le fait qu'il ne pouvait plus utiliser le système d'évacuation des fumées, alors que la cuisson des aliments engendre de la fumée et des odeurs, ce qui a nécessairement eu un impact sur la fréquentation de la clientèle, et ce qu'il ait ou non supprimé les grillades de sa carte, dès lors que les clients devaient alors soit supporter une odeur et de la fumée accrues, soit se voir proposer une carte sans grillade.

Il résulte d'ailleurs de certaines attestations produites par M. [L] qu'à compter de 2009, les auteurs des attestations se sont rendus compte que la hotte ne fonctionnait plus et qu'ils étaient exposés à une forte odeur et de la fumée, tout en précisant que la carte des plats a été réduite. Les autres attestations produites par M. [L] corroborent en partie ces déclarations, sans pour autant les contredire.

Les attestations produites par la SCI Shamide, qui font référence à des faits non datés ou à des faits non circonstanciés, ne sont pas probantes ; d'autres évoquent la présence en 2013 ou en mars 2015 de grillades sur la carte du restaurant, ce qui ne suffit cependant pas à démontrer pas qu'elles continuaient à être servies, dans la mesure où un client indique dans une attestation produite par M. [L] que certains produits étaient en rupture.

En outre, le bailleur ne justifie pas que, à supposer même que M. [L] ait utilisé un flexible passant par une fenêtre pour évacuer les fumées, ce que ce dernier conteste, ce procédé ait été suffisant pour remédier ou limiter les nuisances subies, ainsi que le préjudice en résultant pour M. [L].

Cependant, le préjudice qui résulte du manquement du bailleur ne peut s'analyser en un préjudice de perte d'exploitation, mais uniquement en une perte de chance, qu'il convient d'évaluer à 40 %, d'effectuer la même marge brute que celle qu'il effectuait en 2008.

En effet, si M. [L] justifie de l'évolution de son chiffre d'affaires, il convient d'abord de rappeler qu'il n'existe pas de droit acquis à obtenir chaque année un même montant à ce titre. En outre, la SCI Shamide démontre que le restaurant universitaire situé à proximité a été restructuré et a réouvert progressivement entre octobre 2008 et janvier 2009. La réouverture complète de ce restaurant, y compris le soir, a également pu contribuer à la diminution du chiffre d'affaires réalisé par M. [L], étant observé qu'il résulte des attestations produites que sa clientèle était notamment composée d'étudiants de l'université ou d'enseignant.

En revanche, contrairement à ce que soutient le bailleur, aucun élément n'établit que le chiffre d'affaires réalisé était, en réalité, supérieur à celui résultant des pièces produites par M. [L].

S'agissant de la marge brute, si un taux de marge brute de 88,15 % est indiqué sur la pièce 27, celui-ci ne résulte pour autant pas des chiffres mentionnés sur ce document. Compte tenu des éléments produits, un taux de marge brute de 60 % du chiffre d'affaires sera retenu pour l'année 2008.

Dès lors, compte tenu du chiffre d'affaires réalisé entre 2009 et 2015 par rapport à celui effectué en 2008 et proratisé sur une année entière, le préjudice de perte de chance d'obtenir une marge brute similaire à celle de l'année 2008, soit 64 406,40 euros (60 % de 107 344 euros), par rapport à la marge brute que M. [L] indique avoir réalisée de 2009 à 2015 s'élève à :

2009 : 40 % x (64 406,40 - 58 958) = 2 179,36 euros

2010 : 40 % x (64 406,40 - 29 010) = 14 158,56 euros

2011 : 40 % x (64 406,40 - 26 673) = 15 093,36 euros

2012 : 40 % x (64 406,40 - 15 944) = 19 384,96 euros

2013 : 40 % x (64 406,40 - 15 915) = 19 396,56 euros

2014 : 40 % x (64 406,40 - 15 889) = 19 406,96 euros

2015 : 40 % x (64 406,40 - 12 575) = 20 732,56 euros

Ce préjudice de perte de chance sera ainsi évalué à la somme de 110 352,32 euros.

En outre, si le manquement du bailleur à son obligation d'assurer au preneur la jouissance paisible du local, ne l'a pas empêché d'exploiter le local loué, celui-ci ne pouvait plus être exploité de manière normale pour l'usage de restaurant, ce dont le preneur informait le bailleur dès le 24 février 2009 en le mettant en demeure d'y remédier. Ainsi, la contrepartie consistant dans l'obligation au paiement du loyer doit être réduite. Le montant du loyer sera, en conséquence, réduit à la somme de 650 euros par mois à compter du 1er juillet 2009 comme le demande le preneur.

Si le bailleur évoque dans ses conclusions le fait que la demande se heurte à la prescription, il sera constaté qu'il ne présente aucune fin de non-recevoir dans le dispositif de ses conclusions.

En revanche, le preneur ne justifie pas que la ruine et la perte de son fonds de commerce résultent du manquement du bailleur. D'une part, il résulte de ce qui précède qu'il a toujours pu exploiter le local, certes dans des conditions dégradées, mais qui ont été indemnisées par les sommes qui précèdent. D'autre part, il a fait l'objet d'une mesure d'expulsion en raison d'impayés et il n'est pas suffisamment démontré que cette situation d'impayés résulte directement du manquement du bailleur.

Ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts, mais seulement en ce qu'elle était formée au titre de la perte du fonds de commerce, et infirmé pour le surplus. Statuant à nouveau, la SCI sera condamnée à payer à M. [L] la somme de 110 352,32 euros, et ce outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.

Il sera fait droit à la capitalisation annuelle des intérêts échus pour une année entière.

En ce qu'il a réduit le montant du loyer à compter de novembre 2015 à juin 2016, le jugement sera infirmé quant à la date de prise d'effet de cette mesure. Statuant à nouveau, la réduction du loyer à hauteur de 650 euros par mois sera ordonnée à compter du 1er juillet 2009, ainsi que la restitution des sommes excédant ce montant perçues par la SCI Shamide.

Sur les frais et dépens :

La SCI Shamide succombant, le jugement sera infirmé en ce qu'il a statué sur les frais et dépens.

La SCI Shamide sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Elle sera, en outre, condamnée à payer à M. [L] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa demande sera rejetée de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 16 décembre 2020, mais seulement en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de dommages-intérêts, et ce uniquement en ce qu'elle porte sur la ruine et la perte du fonds de commerce,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Condamne la SCI Shamide à payer à M. [L] la somme de 110 352,32 euros, au titre de la perte de chance subie, et ce outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts échus pour une année entière,

Réduit le montant du loyer, à compter du 1er juillet 2009, à la somme de 650 euros par mois,

Ordonne la restitution des sommes versées au titre du loyer par M. [L] et perçues par la SCI Shamide qui excèdent ce montant,

Condamne la SCI Shamide à supporter les dépens de première instance et d'appel,

Condamne la SCI Shamide à payer à M. [L] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la SCI Shamide au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/00616
Date de la décision : 22/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-22;21.00616 ?
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