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22/02/2023 | FRANCE | N°18/05858

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 22 février 2023, 18/05858


MINUTE N° 109/23

























Copie exécutoire à



- Me Christine BOUDET



- Me Joseph WETZEL



- Me LAISSUE-STRAVOPODIS





Le 22.02.2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 22 Février 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 18/05858 - N° Portalis D

BVW-V-B7C-G6WG



Décision déférée à la Cour : 28 Septembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG - Chambre commerciale



APPELANTE :



SARL TIR TECHNOLOGIES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]



Représentée par...

MINUTE N° 109/23

Copie exécutoire à

- Me Christine BOUDET

- Me Joseph WETZEL

- Me LAISSUE-STRAVOPODIS

Le 22.02.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 22 Février 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 18/05858 - N° Portalis DBVW-V-B7C-G6WG

Décision déférée à la Cour : 28 Septembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG - Chambre commerciale

APPELANTE :

SARL TIR TECHNOLOGIES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

Représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la Cour

INTIMEES - APPELANTES PAR PROVOCATION :

Compagnie d'assurances MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la SA COVEA RISKS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

SA MMA IARD venant aux droits de la SA COVEA RISKS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentées par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour

INTIMES SUR PROVOCATION :

Compagnie d'assurances AXA FRANCE IARD

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

Représentée par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat à la Cour

Monsieur R. [U] [R] mandataire de la SARL IVSA

[Adresse 2]

non représenté, assigné par voie d'huissier à personne habilitée le 09.05.2019

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. MARS, prise en la personne de Me [Z] [V]

mandataire liquidateur ad'hoc de la SARL DNI

[Adresse 4]

non représentée, assignée en l'étude d'huissier le 22.11.2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- rendu par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par arrêt avant dire-droit du 17 mai 2021, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits de la procédure, la cour d'appel de céans a principalement :

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats,

- invité la société Tir Technologies à :

- produire l'extrait K Bis de la société DNI ou tout autre élément de manière à justifier d'une part de la date de l'ouverture de la procédure collective et d'autre part justifier que la procédure collective est toujours en cours,

- présenter ses observations sur l'interruption de l'instance qui résulterait, en application de l'article L.622-22 du code de commerce, de la liquidation judiciaire de la société DNI prononcée en cours d'instance, justifier avoir déclaré sa créance afin de pouvoir reprendre l'instance et présenter ses observations sur la recevabilité de sa demande de condamnation au paiement, au regard de l'article L.622-21 du code de commerce,

- le cas échéant, en cas de clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif, présenter ses observations sur la recevabilité de sa demande, d'une part, au regard de la fin éventuelle de la mission du liquidateur judiciaire, et, d'autre part, en justifiant de son droit à reprendre les poursuites en application de l'article L.643-11 du code de commerce,

- présenter ses observations quant à la recevabilité de la demande dirigée contre la société Covea Risks,

- invité les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à justifier de la recevabilité de leur demande de condamnation de la société IVSA, en justifiant de leur droit à reprendre les poursuites en application de l'article L.643-11 du code de commerce.

- réservé les demandes des parties.

La compagnie d'assurances AXA France IARD n'a pas déposé de nouvelles conclusions, ses dernières étant celles du 15 juillet 2019 que mentionnait l'arrêt avant dire-droit et auxquelles il est référé et auxquelles il convient de se reporter.

Par ses dernières conclusions du 15 novembre 2021, auxquelles a été joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la société Tir Technologies demande à la cour de :

- déclarant la société Tir Technologies tant recevable que bien fondée en son appel.

- confirmer la pleine et entière responsabilité de la société DNI dans le cadre du préjudice établi dans le cadre du rapport d'expertise, ainsi que la nécessaire prise en charge de ce préjudice par la société MMA IARD ès qualités,

- infirmer partiellement le jugement en ce qui concerne la qualification des préjudices subis par la société Tir Technologies et en ce qu'il a limité le plafond de garantie de la société MMA IARD à 152 449 €.

et STATUANT A NOUVEAU,

- dire et juger que la société DNI a commis une fraude à l'encontre de la société Tir Technologies et que, de ce fait, cette dernière recouvre l'exercice individuel de son action à l'encontre de la société DNI,

- fixer au passif de la société DNI la créance de la société Tir Technologies, augmentée du taux d'inflation et se présentant comme suit :

- 807.000 euros au titre du préjudice commercial ;

- 206.000 euros au titre des frais d'investissements improductifs ;

- 120.000 euros au titre des surcoûts d'exploitation.

- condamner la société MMA IARD, venant aux droits de la société Covea Risks, assureur de la société DNI, dans la limite du plafond de garantie de 1 524 490 €, à payer à la société Tir Technologies les sommes suivantes, augmentées du taux d'inflation :

- 807.000 euros au titre du préjudice commercial ;

- 206.000 euros au titre des frais d'investissements improductifs ;

- 120.000 euros au titre des surcoûts d'exploitation.

Y ajoutant :

- fixer au passif de la société DNI la créance de la société Tir Technologies relative aux intérêts de retard sur les condamnations à compter du 8 février 2007, subsidiairement du 30 juillet 2012,

- condamner la société MMA IARD, venant aux droits de la société Covea Risks, assureur de la société DNI, à payer les intérêts de retard sur les condamnations à compter du 8 février 2007, subsidiairement du 30 juillet 2012,

- dire que les montants ci-dessus portent intérêts à compter du jour de la demande, subsidiairement à compter du jugement à intervenir ;

- ordonner la capitalisation des intérêts et dire qu'ils porteront à leur tour intérêts dès qu'ils seront dus pour une année entière.

- condamner la société MMA IARD, venant aux droits de la société Covea Risks, assureur de la société DNI, aux entiers frais et dépens de l'instance, y compris ceux de l'expertise judiciaire.

En tout état de cause,

- condamner la société MMA IARD, venant aux droits de la société Covea Risks, assureur de la société DNI, au paiement d'une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

En réponse à l'arrêt avant dire-droit, elle soutient avoir déclaré sa créance dans le délai de deux mois après la publication du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société DNI, que le liquidateur judiciaire ne l'a pas informée de la clôture de ladite procédure pour insuffisance d'actif par jugement du 27 février 2020 et que la société DNI a adopté à son égard un comportement frauduleux qu'elle détaille, de sorte qu'elle recouvre l'exercice individuel de son action malgré ladite clôture.

Elle ajoute que si la cour venait à retenir que les exceptions prévues par l'article L.643-11 du code de commerce ne sont pas applicables à son cas, elle devra juger qu'elle est recevable dans sa demande à l'égard de la société MMA IARD, assureur de la société DNI, en vertu de l'article L.124-3 du code des assurances.

Elle observe que dans le cadre de la réouverture des débats, Me [V] et la Selarl Mars ont été nommés mandataire ad hoc pour représenter la société DNI, Me [V] indiquant qu'il ne serait pas représenté dans la présente procédure faute de fonds.

S'agissant de son action dirigée contre la société Covéa Risks, elle indique qu'elle est actuellement dirigée contre la société MMA IARD, venant aux droits de celle-ci, en tant qu'assureur de la société DNI.

Sur le fond de ses demandes, il sera renvoyé à la lecture de ses conclusions.

Par acte d'huissier de justice délivré le 22 novembre 2021, la société Tir Technologies a assigné la Selarl Mars, prise en la personne de Me [V], en sa qualité de mandataire ad hoc de la société DNI.

Par leurs dernières conclusions du 31 août 2021, auxquelles a été joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la société MMA IARD, venant aux droits de la société Covéa Risks et la Compagnie d'assurances MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Covéa Risks, demandent à la cour de :

A titre principal,

1) Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à l'action en responsabilité de la société Tir Technologies à l'encontre de la société DNI.

Et au contraire, débouter la société Tir Technologies de ses entières demandes ;

2) infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à garantir la responsabilité de la société DNI.

Et au contraire,

- dire et juger que les compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de Covéa Risk ne garantissent pas le poste 'investissements improductifs' réclamé par la société Tir Technologies à la société DNI sur le fondement de la clause d'exclusion n°9 du contrat d'assurance ;

- dire et juger que les compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de Covéa Risk ne garantissent pas les postes 'investissements improductifs', 'préjudice commercial', 'surcoût d'exploitation / personnels intérimaires' réclamés par la société Tir Technologies à la société DNI sur le fondement de la clause d'exclusion n°21 du contrat d'assurance ;

- en conséquence, débouter la société Tir Technologies de ses entières demandes vis-à-vis des compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles.

2) infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux demandes de dommages et intérêts de la société Tir Technologies à hauteur des sommes suivantes :

- 807.000 euros au titre du préjudice commercial

- 206.000 euros au titre des frais d'investissement improductifs

- 120.000 euros au titre des surcoûts d'exploitation

Et au contraire, si une condamnation venait à être ordonnée, limiter les éventuelles condamnations aux montants suivants :

- 139.918 euros au titre du poste 'investissements improductifs'

- 119.861 euros au titre du poste 'autres surcoûts'

3) infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré prescrite les demandes des compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à l'encontre de la compagnie Axa France et de la société IVSA,

Et au contraire, si une condamnation venait à être ordonnée à l'encontre des concluantes, condamner Me [R], agissant ès qualité de mandataire ad hoc de la société IVSA ainsi que la compagnie Axa France IARD à garantir les concluantes de toutes éventuelles condamnations prononcées à leur encontre ;

A titre subsidiaire,

1) confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a donné acte aux compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leur intervention volontaire et de ce qu'elles viennent aux droits de la compagnie Covéa Risks,

2) confirmer le jugement entrepris, si la garantie des compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venait à être engagée vis-à-vis de la société Tir Technologies, en ce qu'il a jugé que les différents postes de préjudice réclamés par la société Tir Technologies à la société DNI constituent des dommages immatériels non consécutifs couverts par la police d'assurance souscrite par les compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à hauteur d'un plafond d'un montant de 152.449 euros et après déduction de la franchise applicable d'un montant de 1.524,49 euros.

En tout état de cause,

- condamner solidairement les parties succombantes à payer aux concluantes la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

En substance, en réponse à l'arrêt avant dire-droit, elles exposent avoir initialement assigné uniquement Axa France IARD qui est l'assureur responsabilité civile de la société IVSA, mais que cet assureur a soutenu en première instance, que l'action engagée à son encontre était irrecevable au motif que son assurée IVSA n'avait pas été mise en cause, de sorte qu'afin d'éviter toute difficulté procédurale, elles ont assigné également la société IVSA ce qui a nécessité notamment de faire désigner Me [R] en qualité de mandataire ad hoc de la société IVSA. Elles admettent que la société IVSA a fait l'objet d'un jugement du Tribunal de commerce de Lyon en date du 3 juillet 2013 ordonnant la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif et ajoutent qu'au regard des dispositions de l'article L.623-11 du code de commerce, la Cour d'appel de Colmar est donc parfaitement fondée à considérer que les exceptions prévues à la règle posée à l'article L.623-11 du code de commerce ne sont pas réunies.

Elles ajoutent que la liquidation judiciaire d'IVSA est sans aucune incidence sur leur

recours à l'encontre d'Axa France IARD en application de l'article L. 124-3 du code des assurances.

Sur le fond de leurs demandes, il sera renvoyé à la lecture de leurs conclusions.

Par ordonnance du 23 février 2022, la clôture de la procédure a été ordonnée.

L'affaire a été appelée à l'audience du 28 mars 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur les demandes de la société TIR TECHNOLOGIES :

1. 1. Sur la demande de fixation de sa créance au passif de la société DNI :

Il résulte de l'extrait Kbis produit par la société Tir Technologies (pièce 103) que la société DNI a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 11 décembre 2018, qui a été publié au Bodacc le 20 décembre 2018 (pièce 104).

Elle a donc été mise en liquidation judiciaire après avoir été assignée par la société Tir Technologies et après que le jugement attaqué ait été rendu, mais aussi après que l'appel ait été interjeté. L'instance était ainsi en cours devant la cour d'appel.

L'instance a été reprise dès lors que la société Tir Technologies justifie avoir déclaré sa créance (pièce 105) et qu'elle a mis en cause le liquidateur judiciaire en la personne de Maître [V] en lui signifiant le 13 mars 2019 la déclaration d'appel et ses conclusions d'appel.

Cependant, il résulte aussi de l'extrait Kbis précité que, par jugement du 27 février 2020, a été prononcée la clôture de la procédure collective de la société DNI pour insuffisance d'actif.

En application de l'article 643-11 du code de commerce, le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur sauf exceptions listées par cet article.

La société Tir Technologies demande à la cour de dire et juger que la société DNI a commis une fraude à l'encontre de la société TIR TECHNOLOGIES et que, de ce fait, elle recouvre l'exercice individuel de son action à l'encontre de la société DNI.

Selon l'article L.643-11 V du code de commerce, 'en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier à l'encontre du débiteur. Le tribunal statue lors de la clôture de la procédure après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur et les contrôleurs. Il peut statuer postérieurement à celle-ci, à la demande de tout intéressé, dans les mêmes conditions.'

Cependant, il a été jugé au visa de l'article L. 643-11 IV du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, 'que tout créancier qui, invoquant une fraude commise à son égard, souhaite reprendre ses actions individuelles contre son débiteur après clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d'actif, doit y être autorisé par le tribunal de la procédure collective si celui-ci n'a pas donné cette autorisation lors de la clôture ; que le juge saisi d'une instance en cours au sens de l'article L. 622-21 du code de commerce ne peut, en cas d'ouverture, pendant l'instance, d'une liquidation judiciaire contre le débiteur suivie d'une clôture pour insuffisance d'actif, condamner celui-ci au paiement d'une somme d'argent sans constater au préalable que le créancier a obtenu l'autorisation de reprendre ses actions individuelles'. (Com., 5 février 2020, pourvoi n° 18-22.569).

Une telle solution est identique s'agissant de l'application de cet article dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 2 novembre 2017.

Dès lors, la cour n'a pas le pouvoir d'autoriser une telle reprise des poursuites et ne peut, en l'absence d'autorisation obtenue par la société Tir Technologies, fixer la créance au passif de la société DNI.

La demande de la société Tir Technologies contre la société DNI est ainsi irrecevable.

1.2. Sur la demande dirigée contre la société MMA IARD venant aux droits de la société Covea Risks en tant qu'assureur de la société DNI :

A titre liminaire, s'il peut être observé que la compagnie d'assurances MMA IARD Assurances Mutuelles et la société MMA IARD (les sociétés MMA), toutes deux indiquant venir aux droits de la société Covea Risks, assureur de la société DNI, concluent en tant qu'intimées, il convient de relever que la société Tir Technologies (la société TT) dirige à présent ses demandes contre la seule société MMA IARD en tant qu'elle vient aux droits de la société Covea Risks, assureur de la société DNI.

La société IVSA-ECAMAT a émis, à l'ordre de la société Tir Technologies, un devis daté du 21 avril 2005 relatif à une 'chaîne de poudrage avec TTS, cabine et tunnels de cuisson', précisant que les pièces à traiter étaient en aluminium et acier, et évoquant un 'traitement DNI', puis un second devis daté du 25 avril 2005 relatif à une chaîne de poudrage émis suite à la visite du gérant de la société IVSA-ECAMAT (pièces 8 et 9 des sociétés MMA).

Le 16 mai 2005, la société DNI a adressé à la société Tir Technologies une offre relative à la fourniture d'un fluide de traitement Ecophor et des accessoires hydrauliques (pièce 12 des sociétés MMA) et la lui a réadressée par télécopie le 4 juillet 2005 (pièce 14 des sociétés MMA).

Le 4 juillet 2005, la société Tir Technologies a souscrit le devis de la société IVSA-ECAMAT daté du 1er juillet 2005 portant notamment sur 'TTS DNI' (pièce 10 des sociétés MMA), cette société en accusant réception le 12 juillet 2005.

Le 29 septembre 2005, la société Tir Technologies a accepté un devis 'produit Ecophor et filtration' de la société DNI (pièce 15 des sociétés MMA).

La chaîne de poudrage a été livrée et installée par la société IVSA fin novembre 2005 (pièce 23 des sociétés MMA) et le 25 janvier 2006, le responsable technique de la société DNI s'est rendu sur place pour procéder à la mise en service du traitement Ecophor (pièce 24 des sociétés MMA).

La société Tir Technologies soutient avoir, un mois après la mise en route de l'installation, constaté un décollement de la couche de peinture sur les profils traités, ce qui lui a causé d'importants préjudices.

Par courrier du 6 octobre 2006 (pièce 16 de la société Tir Technologies), la société Tir Technologies a écrit à la société DNI que l'installation est devenue opérationnelle début février 2006 et la production a commencé en mars 2006, que depuis, elle traite les pièces brutes avec des résultats plus ou moins aléatoires, mais qu'à partir de mi-juillet, a été constatée une forte détérioration de l'accroche de la peinture sur toutes les pièces, que des réunions ont eu lieu en septembre 2006 et qu'après de nouveaux tests, elle a constaté que le produit DNI utilisé depuis mi-juillet 2006 ne répond pas aux caractéristiques attendues, la tenue de la peinture sur les pièces alu passant par le tunnel d'aspersion est bien inférieure à celle des pièces sans aucun traitement préalable.

Par courrier du 9 octobre 2006 (pièce 17 de la société Tir Technologies), elle lui écrivait avoir appris lors de la réunion du 3 octobre 2006 la nécessité d'effectuer systématiquement une attaque chimique ou mécanique des profilés avant de passer au traitement DNI et la mettait en demeure de trouver une solution de toute urgence.

Par courrier du 27 octobre 2006 (pièce 18 de la société Tir Technologies), la société DNI relatait les entretiens et tests effectués, et indiquait que les différents traitements avec les différentes versions de l'Ecophor ne suffisent pas à assurer une adhérence durable de la poudre sur ce profil et que les profils bruts semblent contaminés superficiellement par une substance probablement à l'origine des défauts d'adhérence. Elle l'informait avoir décidé de faire réaliser une analyse approfondie de l'état de surface des profils bruts.

En réponse, la société Tir Technologies la mettait en demeure de trouver une solution, la chaîne étant à l'arrêt.

Dans le cadre de la présente instance, la société Tir Technologies invoque un manquement de la société DNI à son obligation d'information et de conseil et de mise en garde lui ayant causé un préjudice, ayant dû remettre en cause l'ensemble de son process industriel en y insérant une phase préalable de dérochage alors qu'il lui avait été indiqué que le procédé Ecophor permettrait de supprimer cette phase.

Elle invoque l'obligation d'information du vendeur professionnel, s'appliquant même entre professionnels, d'autant plus en présence d'une vente d'un système complexe et technique, son obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur ses besoins afin de pouvoir l'informer, ainsi que son obligation de mise en garde sur les éventuelles difficultés et sur les conditions d'utilisation du produit.

Elle soutient que la société DNI n'a pas respecté son obligation, et en plus n'a pas tenu compte des informations qui lui ont été fournies dès le départ. Elle soutient qu'elle ne lui a fourni aucun document d'information précontractuel adéquat et qu'elle ne lui a pas demandé la mise en oeuvre de précautions et de vérifications alors qu'elles sont connues de la société DNI et du concepteur.

Sur ce,

La société Tir Technologies invoque une jurisprudence relative aux obligations de l'installateur de matériel, cependant, il n'est pas démontré que la société DNI ait eu un tel rôle, et ce même si elle est intervenue lors de la mise en place de la chaîne de poudrage. La société DNI n'avait ainsi pas l'obligation d'adapter le produit vendu à l'utilisation prévue.

En revanche, il incombe au vendeur professionnel de prouver qu'il s'est acquitté de l'obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer quant à l'adéquation de la chose proposée et à l'utilisation qui en est prévue. (1re Civ., 28 octobre 2010, pourvoi n° 09-16.913, Bull. 2010, I, n° 215)

L'obligation d'information et de conseil du vendeur à l'égard de son client sur l'adaptation du matériel vendu à l'usage auquel il est destiné n'existe à l'égard de l'acheteur professionnel que dans la mesure où sa compétence ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du dispositif en cause (Com., 20 avril 2017, pourvoi n° 15-19.976).

En l'espèce, la société DNI, ayant vendu le produit en cause à la société Tir Technologies, était ainsi tenue de se renseigner sur les besoins de cette dernière afin d'être en mesure de l'informer quant à l'adéquation de la chose proposée et à l'utilisation qui en est prévue. Il n'est pas démontré que la société Tir Technologies disposait par elle-même d'une compétence lui donnant les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du produit Ecophor et en tous les cas ses limites.

S'agissant de son obligation de conseil et d'information, les sociétés MMA soutiennent que la société DNI a rempli son obligation.

La société Tir Technologies invoque une plaquette commerciale du produit Ecophor indiquant notamment qu'il s'agit 'd'un procédé chimique qui permet de dégraisser et phosphater simultanément sans avoir besoin d'un nettoyage préalable, agit à température ambiante en une seule opération, est capable de traiter dans le même bain les aciers (...) mais également la fonte et l'aluminium.' Cependant, comme l'indiquent les sociétés MMA, la plaquette indique également : 'Pour le (..), les profilés aluminium et les alliages d'aluminium à forte teneur en silicium, la compatibilité doit être vérifiée préalablement.'

Il n'est toutefois pas démontré que cette plaquette commerciale ait été remise à la société Tir Technologies avant la commande.

Les sociétés MMA ajoutent que, le 16 mai 2005, la société DNI a transmis à la société Tir Technologies, avec l'offre, une notice d'information relative au produit Ecophor (leur pièce 12). Cependant, il ne résulte pas des termes de cette notice une quelconque information quant aux précautions d'usage ou difficultés pouvant survenir en cas d'utilisation du produit sur des profilés en aluminium.

Elles justifient aussi que la société DNI a communiqué à la société Tir Technologies les fiches de données de sécurité et le manuel d'instruction et d'utilisation, la société Tir Technologies ayant retourné une attestation signée le 5 janvier 2006 (pièce 17 des sociétés MMA). Le manuel d'instruction et d'utilisation, produit en pièce 18 par les sociétés MMA, prévoit en page 1 un chapitre intitulé 'mise en garde' et indiquant 'dans tous les cas il appartient à l'utilisateur de, systématiquement, vérifier la compatibilité des produits utilisés et de valider les performances obtenues', 'de vérifier quotidiennement, sur les pièces qu'il peint, le résultat du traitement (...) et notamment l'adhérence de la peinture (...)', et en page 6 un chapitre intitulé 'matériaux compatibles' mentionnant : 'restrictions : les aliages d'aluminium spéciaux contenant du silicium et les profilés d'aluminium extrudés et non dérochés (essais préliminaires indispensables) (...)'.

Ainsi, il doit être considéré comme établi que le 5 janvier 2006, la société Tir Technologies était informée qu'elle devait vérifier la compatibilité des profilés en aluminium lorsqu'ils sont utilisés avec le produit Ecophor.

Cependant, la date de communication de ce manuel est postérieure à l'acceptation du devis de la société DNI, ainsi d'ailleurs que du devis de la société IVSA.

Les sociétés MMA invoquent, en outre, un courrier de la société DNI en date du 6 février 2006 contenant une mise en garde et une recommandation de prévoir un traitement préalable des profilés bruts. (Leur pièce 24).

Une telle mise en garde est également postérieure aux devis précités, et il résulte dudit courrier qu'elle fait suite à la mise en service de la chaîne et des essais réalisés par la société DNI chez la société Tir Technologies.

Le fait que, par courrier du 8 février 2006, la société Tir Technologies réponde être étonnée par la mise en garde concernant le traitement préalable des produits bruts ne permet pas de contredire le fait qu'elle avait reçu le 5 janvier 2006 l'information précitée mentionnée dans le manuel d'instruction.

Ainsi, il n'est pas démontré que la société DNI ait informé la société Tir Technologies, avant qu'elle ne commande le produit Ecophor, sur les conditions d'utilisation particulière du produit et ses limites.

Les sociétés MMA opposent des manquements de la société Tir Technologies à ses obligations.

Elles soutiennent, d'abord, qu'il lui appartenait de définir strictement ses besoins et attentes par le biais d'un cahier des charges.

La société Tir Technologies justifie cependant que la société DNI disposait d'un 'cahier des charges de Tir Technologies', comme mentionné sur le bordereau de communication de pièces de l'avocat de la société DNI destiné au tribunal et produit en pièce 97.

A supposer que le cahier des charges soit le document produit en pièce 66 par les sociétés MMA, celles-ci soutiennent qu'il ne permet pas d'exprimer les attentes de la société Tir Technologies.

Cependant, il convient de rappeler qu'il appartient au vendeur professionnel de prouver qu'il s'est acquitté de l'obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l'acheteur, de sorte qu'il ne peut reprocher à ce dernier une absence de cahier des charges ou un cahier des charges insuffisamment précis.

En tout état de cause, alors que les sociétés MMA soutiennent que la société Tir Technologies n'a pas informé DNI qu'elle utiliserait son bain Ecophor pour des profilés en aluminium, il convient d'observer que la société Tir Technologies produit une 'synthèse des données techniques' indiquant que des pièces en aluminium étaient à traiter, émise par la société DNI le 20 mars 2005 (pièce 96 de Tir Technologies), ce qui montre qu'elle en avait connaissance.

La société DNI devait donc informer son client sur les limites du produit Ecophor, notamment quant à son utilisation sur des profilés en aluminium, avant la commande, ce qu'elle n'a pas fait, ne l'ayant fait que le 5 janvier 2006.

Les sociétés MMA ne sont pas non plus fondées à reprocher à la société Tir Technologies de ne pas avoir recouru à un professionnel assistant maître d'ouvrage, une telle absence n'étant pas de nature à décharger la société DNI de son obligation.

Elles font encore valoir que la société Tir Technologies n'a pas respecté les fiches techniques des peintures qu'elle utilisait. Cependant, elles ne justifient pas que, pour l'une des peintures, la fiche technique prévoit que les supports aluminium doivent être chromatés avant peinture, ni qu'il doit en être déduit qu'il était nécessaire de procéder à un dérochage avant l'utilisation de la peinture. S'agissant de l'autre peinture, si la fiche technique prévoit une préparation de surface à adapter selon le support et les performances à atteindre, il n'en résulte cependant pas que la réalisation de tests à réaliser en conséquence pouvait exonérer la société DNI de son obligation.

Les sociétés MMA soutiennent, aussi, que le produit est conforme et que plusieurs réponses ont été apportées aux réclamations de son client. Elles ajoutent qu'aucune vérification de la réalité du désordre allégué n'a été entreprise par les experts.

D'un côté, les sociétés MMA font état des tests de lancement réalisés par la société Paï Kor fin mars et début avril 2006. Cependant, ils sont postérieurs tant à la commande qu'à l'information prescrite. En outre, il n'est pas contesté que plusieurs réunions et essais ont eu lieu à partir de l'automne 2006.

D'un autre côté, il résulte du courrier de la société DNI du 27 octobre 2006 (pièce 18 de la société Tir Technologies) que suite à différents entretiens et au courrier de la société Tir Technologies du 6 octobre 2006 relatif aux décollements de peinture constatés, la société DNI a fait effectuer plusieurs investigations et analyses. Lors du second test, a été constaté que, sur trois échantillons, les deux premiers profils ont montré une adhérence mauvaise, et qu'à ce stade, elle avait conclu à la non-conformité du dernier lot Ecophor livré qui aurait pu dégrader les caractéristiques du bain. Elle ajoute que les investigations ultérieures ont montré la conformité du bain avec la formule d'origine, que les différents traitements avec les différentes versions de l'Ecophor ne suffisent pas à assurer une adhérence durable de la poudre sur ce profil et que les profils bruts semblent contaminés superficiellement par une substance probablement à l'origine des défauts d'adhérence. Elle l'informait avoir décidé de faire réaliser une analyse approfondie de l'état de surface des profils bruts.

Ainsi, la société DNI avait constaté la mauvaise adhérence de la peinture sur les profilés aluminium de la société Tir Technologies après traitement avec le produit Ecophor.

Il résulte aussi des conclusions des sociétés MMA qu'elles ne contestent pas la nécessité de procéder à un dérochage préalable, avant de traiter les profilés en aluminium. Elles font ainsi état du rapport Paï Kor du 27 octobre 2016 et indiquent qu'il en ressort que seul l'aluminium de type C présente une mauvaise tenue à l'immersion dans l'eau chaude, que le produit Ecophor ne présente aucune non-conformité, mais qu'il met en évidence la nécessité de contrôler les profilés d'aluminium et de procéder par précaution à un dérochage. Elles invoquent un autre rapport relatif à la cause du décollement de la peinture et concluent que, comme l'a rappelé la société DNI par courrier du 20 novembre 2006, la nécessité de procéder à un dérochage mécanique ou chimique.

Il convient de rappeler que l'action n'est pas fondée sur l'existence d'une éventuelle non-conformité du produit acheté, mais sur un défaut d'information et de conseil du vendeur sur les limites du produit vendu, en ce qu'il ne suffit pas toujours à traiter les profilés, mais qu'il doit parfois, en particulier s'agissant des profilés en aluminium, être complété par un dérochage.

Ainsi, la société DNI a manqué à son obligation d'information et de conseil quant aux limites du produit Ecophor, vendu à la société Tir Technologies, sur les profilés en aluminium et à la nécessité d'effectuer un test préalable.

S'agissant du préjudice dont la réparation est demandée :

La société Tir Technologies invoque un préjudice commercial, un préjudice au titre des frais d'investissement improductif et un préjudice au titre des surcoûts d'exploitation.

Les sociétés MMA soutiennent, d'abord, qu'aucune vérification de la réalité du désordre allégué n'a jamais été entreprise par les experts judiciaires.

Cependant, d'une part, comme elles le relèvent, l'expert judiciaire [B] a noté que la société Tir Technologies a présenté le stock de produits défectueux parmi lesquels a pu être observée la présence de profilés de différentes formes plus ou moins affectés par des phénomènes de décollage du revêtement.

D'autre part, outre que les décollements ont été signalés à la société DNI par la société Tir Technologies par courriers des 6 et 9 octobre 2006 (pièces 16 et 17 de la société Tir Technologies) sans que cela soit contesté, et que comme il a été dit, il résulte du courrier de la société DNI du 27 octobre 2006, qui a fait pratiquer des investigations sur le 'problème de tenue de peinture', qu'elle avait connaissance du problème de décollement litigieux (pièce 18 de la société Tir Technologies), la société DNI a admis, notamment par courrier du 19 février 2017 (pièce 26 de la société Tir Technologies) avoir vu, lors de la visite du 1er février 2017, 'des profilés sur lesquels la peinture est décollée, mais également d'autres pièces en aluminium, qui composent les stores fabriqués par la société Tir Technologies pour lesquelles il n'y a pas de problème de décollement de peinture'. Il résulte, en outre, du courrier de la société DNI du 20 novembre 2006 (pièce 29 de la société Tir Technologies), que si les premiers tests étaient satisfaisants, il résulte du rapport du laboratoire Science et Surface qu'elle a mandaté, que l'état de surface des profilés bruts n'est plus compatible avec son procédé de dégraissage, phosphatation et protection et qu'une opération préalable de dérochage, mécanique ou chimique permettrait de résoudre le problème.

Ainsi, si le produit Ecophor ne présente pas en soi de non-conformité et n'est pas lui-même en cause dans les désordres constatés, comme l'a relevé l'expert M. [E], et même si ces désordres ne sont pas apparus sur tous les profilés aluminium comme il résulte du courrier du 19 février 2017, il résulte cependant de l'expertise judiciaire de M. [E], fondée sur les tests précédemment réalisés et qui ont pu être discutés par les parties, que l'origine et la cause des désordres est l'absence d'opération de dérochage des profilés préalablement à l'opération de revêtement.

Dès lors, le manquement de la société DNI à son obligation de conseil et d'information sur les limites du produit Ecophor a bien conduit à un préjudice pour la société Tir Technologies.

La société Tir Technologies soutient que le fait dommageable correspond au manquement de la société DNI à son obligation d'information, que le dommage matériel correspond au décollement de la peinture des stores qu'elle fabrique et vend et que les dommages dont elle demande réparation sont des dommages immatériels consécutifs, de sorte que s'applique le plafond de garantie de 1 524 490 euros.

Elle demande paiement de trois sommes distinctes au titre des trois postes de préjudice précités. Si elle ne détaille pas, à ce stade de ses conclusions, clairement le contenu de chacun de ces trois postes, elle indique toutefois, en page 29 de ses conclusions, que son préjudice au titre des postes 'investissements improductifs, gestes commerciaux et frais de personnels' comprennent :

- le montant des dédommagements et gestes commerciaux dépensés pour pallier le défaut de qualité des stores vendus,

- les frais de réhabilitation de l'image de la société Tir Technologies (au titre duquel la cour constate qu'elle ne présente aucune demande devant la cour d'appel),

- les frais d'installation de la chaîne de poudrage IVSA-Ecamat après que celle-ci ait été conseillée par la société DNI,

- les frais déboursés dans une cabine de sablage nécessaires pour pallier les limitations du procédé Ecophor,

- les frais d'installation d'une cabine de lavage transformée pour être adaptée aux nouvelles installations,

- les frais liés à l'emploi de personnel intérimaire pour faire fonctionner l'atelier de corindonnage.

Sur la demande en paiement de 807 000 euros au titre du préjudice commercial :

L'expert judiciaire, analysant les documents produits par la société Tir Technologies, conclut que les dédommagements et remises consentis par celle-ci à ses clients en lien avec le dysfonctionnement s'évaluent à la somme de 807 000 euros, après soustraction de 25 000 euros considérés comme 'bruit de fond'(pièce 45 des sociétés MMA).

Les sociétés MMA soutiennent que la société Tir Technologies n'apporte pas la preuve des sinistres survenus chez les clients et ne produit que des lettres de réclamations outre 45 dossiers, alors qu'elle invoque 1 667 lignes informatiques pour des dédommagements et gestes commerciaux. Elles admettent que 45 lignes sont étayées par des justificatifs et représentent une réclamation de 54 431 euros, mais font valoir que seules 25 lignes mentionnent des remises, tout en indiquant ignorer s'ils ont un lien avec le sinistre. Elles invoquent notamment l'expertise amiable diligentée à leur demande qui discute et critique l'expertise judiciaire.

La société Tir Technologies produit différentes pièces, et notamment certaines qui sont insuffisamment probantes de la réalité des dédommagements et remises accordées, et en tous les cas, du lien de causalité avec le manquement de la société DNI. A titre d'exemple, tel est en particulier le cas de pièces qu'elle a elle-même établi indiquant le nombre de clients perdus en 2007 et 2008 (annexe 3) ou des documents relatifs aux dédommagements commerciaux et une liste informatique de clients avec la mention 'dédommagement laquage' ou 'geste commerciale' (annexe 4), en ce qu'ils ne sont pas corroborés par d'autres pièces permettant d'établir ladite preuve.

En revanche, elle produit diverses pièces (notamment ses pièces 83, 85 et 88) justifiant des dédommagements et remises accordées aux clients en raison d'un défaut de laquage.

Contrairement à ce que soutiennent les sociétés MMA, il importe peu de savoir si ces remises ont été appliquées conformément aux conditions contractuelles de la société Tir Technologies ou à titre 'commercial'.

Cependant, il n'est pas établi que tous les dédommagements et remises soient en lien avec le manquement de la société DNI.

En effet, les sociétés MMA font valoir que les réclamations correspondent à des stores produits à une date à laquelle elle savait pertinemment qu'il fallait installer une station de dérochage, outre que la réclamation d'une filiale du groupe de la société Tir Technologies résulte d'une commande passée en avril 2008, soit après la mise en place d'une installation de dérochage.

La société Tir Technologies justifie avoir commandé le 30 janvier 2007 la station de corindonnage (sa pièce 86) et invoque avoir dû engager du personnel intérimaire pour la faire fonctionner, produisant à ce titre en annexe 7, un tableau mentionnant, pour certains, une embauche dès le 16 avril 2007 et d'autres à compter de mai 2007.

Un tel délai de commande est raisonnable par rapport à la date à laquelle la nécessité de procéder à une telle installation est apparue en fonction des différents tests et investigations réalisés.

Dès lors, seules les remises accordées aux clients livrés des profilés, dont la peinture s'est décollée, qui ont été produits avant cette période ont un lien avec le manquement de la société DNI. Les autres, et en particulier ceux consentis selon les pièces 83 et 88, n'ont pas de lien de causalité avec le manquement de la société DNI.

Eu égard aux pièces produites, et notamment la pièce 85, la cour relève que la société Tir Technologies a pris en charge des frais de remplacement, qu'elle n'invoque cependant pas dans la présente instance, se limitant à évoquer le 'montant des dédommagements et gestes commerciaux dépensés pour pallier le défaut de qualité des stores vendus', étant en outre constaté que l'expert a relevé que les dédommagements et gestes commerciaux ont toujours été consentis sous la forme de réductions du montant d'une commande à venir.

Les sociétés MMA invoquent d'ailleurs le fait que les réductions de prix sur commandes futures ne sont pas un préjudice indemnisable.

Cependant, il résulte de ce qui précède et des pièces produites, notamment en pièce 85, que seuls les dédommagements et remises consentis en 2007 suite à des commandes passées avant mai 2007 sont en lien de causalité avec le manquement de la société DNI, et ce à hauteur de la somme de 2 153,12 euros. En revanche, il n'existe pas de preuve de lien de causalité entre ce manquement et d'autres dédommagements et remises.

Dès lors, le préjudice commercial n'est établi qu'à hauteur de la somme de 2 153,12 euros.

Sur la demande en paiement de 206 000 euros au titre du poste 'frais d'investissement improductif' :

L'expert judiciaire indique que l'ensemble sablage + Ecophor a permis à la société Tir Technologies de continuer à produire et à vendre, mais que la capacité du système était cependant inférieure à celle qui était recherchée, de sorte qu'un autre procédé incluant un dérochage chimique a été installé à la place de l'installation correspondant au produit Ecophor, seule une cabine de lavage dont le prix de base est de 54 500 euros a pu être récupérée moyennant transformation pour l'adapter aux nouvelles installations. L'expert ajoute que le cabinet de sablage n'est utilisé aujourd'hui que de façon tout à fait marginale. Il conclut que l'ensemble des coûts d'installation liés au procédé Ecophor et à la cabine de sablage, à l'exception de la cabine de lavage qui a pu être adaptée au procédé chimique, constitue le préjudice du poste investissements et l'évalue à la somme de 370 117 euros.

La société Tir Technologies évalue en revanche son préjudice à la somme de 206 000 euros. La lecture de ses conclusions permet de comprendre qu'elle considère que son préjudice est constitué par les frais d'installation de la chaîne de poudrage IVSA-Ecamat après que celle-ci ait été conseillée par la société DNI, les frais déboursés dans une cabine de sablage nécessaire pour pallier les limitations du procédé Ecophor et les frais d'installation d'une cabine de lavage transformée pour être adaptée aux nouvelles installations. Dans ses conclusions, elle n'invoque pas de pièce au soutien de cette demande, mais la cour relève qu'elle produit en pièce 86 des éléments sur les investissements réalisés.

Les sociétés MMA concluent à l'absence de preuve de préjudice, car le produit vendu ne présente pas de défaut et la chaîne fonctionne avec les pièces en acier ou en aluminium compatibles, la société Tir Technologies devant s'assurer de l'utilisation de pièces compatibles. A titre subsidiaire, elle soutient que le préjudice s'élève au maximum à la somme de 139 918 euros correspondant au coût de la cabine de corindonnage.

Dès lors que la chaîne de poudrage fonctionne pour les autres profilés que ceux en aluminium et, pour ces derniers, après un dérochage, la société Tir Technologies ne justifie pas que les frais d'installation de la chaîne de poudrage doivent être imputés à la société DNI. D'ailleurs, elle ne démontre pas que celle-ci soit intervenue dans la phase d'acquisition de cette chaîne de poudrage.

Dès lors qu'elle n'avait pas été informée des limites du produit sur lesdits profilés, qui nécessitaient un dérochage préalable, ce manquement d'information l'a conduite à acquérir ladite chaîne de poudrage sans la cabine de corindonnage qui était pourtant nécessaire pour pallier les limitations du produit Ecophor, comme l'admettent d'ailleurs les sociétés MMA. La société Tir Technologies n'invoque pas dans ses conclusions la nécessité de remplacer une telle cabine par une autre installation, de sorte qu'elle ne justifie pas du lien de causalité, avec le manquement reproché, des frais d'installation d'une cabine de lavage transformée pour être adaptée aux nouvelles installations.

Son préjudice sera dès lors, comme le soutiennent à titre subsidiaire les sociétés MMA, évalué à la somme de 139 918 euros

Sur la demande en paiement de 120 000 euros au titre des surcoûts d'exploitation :

La société Tir Technologies soutient avoir dû engager du personnel intérimaire pour faire fonctionner l'atelier de corindonnage et produit les pièces afférentes à l'engagement d'intérimaires.

Les sociétés MMA soutiennent que cette demande ne peut être accueillie, car la société Tir Technologies était informée de la nécessité de vérifier la compatibilité de ses profilés avec le produit Ecophor. A titre subsidiaire, elles considèrent que ce poste ne saurait dépasser la somme de 119 861 euros.

L'expert judiciaire indique que si une approche analytique était choisie, consistant à additionner tous les postes de frais engendrés par les dysfonctionnements du procédé Ecophor, alors il y a lieu de prendre en compte, notamment, l'augmentation de la main d'oeuvre intérimaire pour 120 000 euros, poste pour lequel les deux parties sont d'accord.

Il précise que la société Tir Technologies a fait parvenir l'ensemble des emplois intérimaires utilisés par la société entre avril 2007 et décembre 2008. En retenant la partie utilisée pour le laquage et sablage, le total des heures est de 6 232 heures d'intérim, dont on peut affirmer qu'elles ont été nécessitées par la mise en oeuvre du corindonnage, lui-même entièrement justifié par la défectuosité du procédé Ecophor. Le coût pour la société Tir Technologies de cet emploi est de 120 000 euros (...). Il ajoute que 'les parties sont d'accord sur le montant correspondant à ces frais supplémentaires et sur la justification de les intégrer en préjudice dans cette affaire'.

En l'absence de contestation plus précise des sociétés MMA, les documents produits aux débats sont suffisants pour évaluer à 120 000 euros le préjudice résultant du manquement de la société DNI et subi à ce titre par la société Tir Technologies.

Sur la nature des dommages (préjudice immatériel consécutif ou non consécutif) et par voie de conséquence, sur les plafonds de garantie applicables :

Les deux parties convenant que les préjudices précités constituent des préjudices immatériels, il convient d'appliquer le contrat d'assurance qui prévoit que ce dommage peut être :

- consécutif à un dommage corporel ou matériel garanti,

- non-consécutif à un dommage corporel ou matériel garanti (immatériel consécutif à un dommage corporel ou matériel non garanti ; immatériel non consécutif à un dommage corporel ou matériel).

Le contrat d'assurance prévoit aussi que les dommages matériels sont définis comme 'toutes atteintes à la structure ou à la substance d'une chose ainsi que son vol ou sa disparition, toutes atteintes physiques à des animaux'.

La société Tir Technologies soutient que les préjudices précités constituent des préjudices immatériels consécutifs, car ils résultent du décollement de la peinture de son support, constituant un préjudice matériel, tandis que les sociétés MMA considèrent qu'il s'agit d'un préjudice immatériel non consécutif, de sorte que le plafond de la garantie s'élève à 152 449 euros, ajoutant que le préjudice immatériel consécutif est réparable s'il est la suite nécessaire du premier préjudice, matériel ou corporel, qui lui-même dérive directement du fait dommageable, et que ce n'est pas le cas en l'espèce.

S'agissant du préjudice commercial, les sociétés MMA soutiennent qu'il n'est pas la suite directe et immédiate de préjudices matériels, mais visent uniquement à rétablir un climat de confiance avec les clients existants de la société Tir Technologies et ont été consentis sous forme de réduction de prix pour des commandes futures.

Cependant, comme il a été dit, le préjudice commercial est constitué des dédommagements et gestes commerciaux consentis aux clients, dans la mesure où ils résultent du manquement de la société DNI et ont eu pour objet d'apporter une réparation aux clients victimes dudit décollement. Dès lors, ce préjudice commercial résulte directement dudit préjudice matériel et constitue un préjudice immatériel consécutif.

S'agissant du préjudice surcoût d'exploitation/personnel intérimaire, les sociétés MMA soutiennent qu'ils ne sont pas la conséquence directe d'un préjudice matériel subi par la société Tir Technologies, ils visent à éviter de nouveaux désordres et ne sont qu'une conséquence indirecte du prétendu manquement à l'obligation de conseil ; s'agissant du préjudice d'installation de la cabine de corindonnage, elles considèrent que l'installation ne présente en soi aucun dommage matériel, qu'elle fonctionne parfaitement avec des profilés en aluminium extrudé ou encore avec des profilés en acier, de sorte que la modification par l'adjonction d'une cabine de corindonnage constitue un préjudice immatériel non consécutif.

Cependant, les préjudices résultant du surcoût d'exploitation et de l'investissement improductif résultent directement du préjudice matériel précité, dans la mesure où ils ont été subis pour y remédier, de sorte qu'il s'agit de préjudices immatériels consécutifs.

Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur l'opposabilité à la société Tir Technologies de la limitation de garantie prévue pour les préjudices immatériels non consécutifs.

Sur les clauses d'exclusions invoquées par les sociétés MMA :

S'agissant de la clause d'exclusion n°9 du contrat d'assurance, qui prévoit que sont exclus la perte que l'assuré subit lorsqu'il est tenu de remplacer en tout ou partie ses produits ou travaux ou d'en rembourser le prix, y compris les prestations de service afférentes :

Les sociétés MMA soutiennent que cette clause est applicable s'il est considéré que la société DNI s'est engagée à fournir un procédé permettant de procéder à la mise en peinture de profilés en aluminium brut extrudés.

Cependant, il n'a pas été considéré que DNI s'est engagée à fournir un tel procédé.

S'agissant de la clause d'exclusion n°21 du contrat d'assurance, selon laquelle sont exclus les dommages immatériels non-consécutifs résultant de la non-conformité aux spécifications du marché ou de la non-performance apparus après la livraison ou la réception sauf s'ils résultent d'une erreur de conception ou de fabrication :

Dès lors que les préjudices précités ont été qualifiés de dommages immatériels consécutifs, cette clause ne trouve pas à s'appliquer.

Sur l'application de la franchise :

Les sociétés MMA ajoutent que le contrat d'assurance souscrit par la société DNI prévoit une franchise d'un montant de 1 524,49 euros, ce qui n'est pas contesté, et est justifiée par la pièce 85 des sociétés MMA.

En conséquence, la société MMA IARD sera condamnée à payer à la société Tir Technologies, dans la limite du plafond de garantie de 1 524 490 euros, et sous déduction de la franchise d'un montant de 1 524,49 euros, la somme de :

- 2 153,12 euros au titre du préjudice commercial,

- 139 918 euros au titre des frais d'investissements improductifs,

- 120 000 euros au titre des surcoûts d'exploitation,

Sur les intérêts :

Si, au terme de l'article L. 113-5 du Code des assurances, l'assureur ne peut être tenu au-delà de la prestation déterminée par le contrat, ce texte ne fait obstacle à ce que l'indemnité correspondant au plafond de garantie stipulé dans la police produise des intérêts en cas de retard, même non fautif, dans son paiement.

En l'espèce, les intérêts de retard sur des dommages-intérêts garantis par la société d'assurance courent à compter, non pas de la mise en demeure de la société DNI ni de la date du chiffrage de l'expert, mais à compter de la mise en demeure de l'assureur, soit à compter du jugement.

Sera en outre ordonnée la capitalisation des intérêts échus pour une année entière.

La société Tir Technologies ne justifie pas avoir subi un préjudice supplémentaire, de sorte qu'il n'y a pas lieu à majorer ce montant du taux de l'inflation.

2. Sur l'appel en garantie de la société IVSA et de son assureur par les sociétés MMA :

Sur la demande d'appel en garantie formée contre Maître [R] en qualité de mandataire ad hoc de la société IVSA :

Il résulte de l'extrait Kbis produit en pièce 6 par les sociétés MMA que la procédure de liquidation judiciaire de la société IVSA, ouverte le 1er juin 2011, a été clôturée le 3 juillet 2013 pour insuffisance d'actif.

Suite à l'arrêt avant dire-droit du 17 mai 2021 les invitant à justifier de leur demande de condamnation de la société IVSA en justifiant de leur droit de reprendre les poursuites en application de l'article L.643-11 du code de commerce, les sociétés MMA répliquent avoir initialement assigné uniquement la société Axa France IARD, assureur responsabilité civile de la société IVSA, et n'avoir pas assigné la société IVSA, ce qui a nécessité de faire désigner Me [R], pour éviter toute difficulté procédurale, l'assureur ayant soutenu que l'action engagée à son encontre était irrecevable faute de mise en cause de la société IVSA.

Elles précisent que la cour d'appel est parfaitement fondée à considérer que les exceptions prévues à la règle posée par l'article L.643-11 du code de commerce ne sont pas réunies.

Sur ce, la cour constate qu'il n'est pas justifié du droit de reprendre les poursuites contre la société IVSA, de sorte que l'appel en garantie est irrecevable.

Sur la demande contre la société AXA France IARD, assureur :

Les sociétés MMA précisent exercer l'action directe contre l'assureur de la société IVSA en application de l'article L.124-3 du code des assurances.

Sur la prescription de l'action :

Le tribunal a retenu la prescription de l'action de l'assureur de la société DNI contre la société AXA France IARD, retenant que le délai expirait le 18 juin 2013 aux termes de la loi du 17 juin 2008.

Les sociétés MMA, venant aux droits de la société Covéa Risks, assureur de la société DNI, soutiennent que le délai ne court pas à compter de la date à laquelle il a été découvert un dysfonctionnement de l'installation IVSA-Ecamat, soit prétendument le 6 octobre 2006, mais, s'agissant d'un recours récursoire, à compter de la date de l'assignation au fond délivrée à la société Covéa Risks par la société Tir Technologies le 25 mai 2013, de sorte qu'elles ont agi dans le délai de cinq ans en assignant la société AXA France IARD le 19 septembre 2014.

Elles ajoutent que l'identité de l'assureur de la société IVSA-Ecamat a longtemps été dissimulée par cette dernière et que ce n'est que courant 2014 que l'identité de cet assureur a été découverte, de sorte qu'il était impossible d'agir avant cette date contre ladite compagnie d'assurance.

La société AXA France IARD réplique que le recours de la société DNI et de ses assureurs à un fondement quasi délictuel, car les sociétés DNI et IVSA n'étaient pas liées par un contrat, que l'action de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable, que la loi du 17 juin 2008 a réduit le délai à cinq ans, lequel expirait le 18 juin 2013, et qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu contre la société IVSA et la société AXA France IARD. Elle ajoute que les sociétés MMA étaient en mesure d'agir et de préserver leur recours avant que l'assignation au fond ne leur a été délivrée, et à tout le moins dès le 10 juillet 2007, date de la première lettre recommandée avec avis de réception adressée par Covéa (MMA) à la société DNI. Elle fait encore valoir que l'action des sociétés MMA ne peut avoir que le même fondement que celle dont disposait son assuré, la société DNI contre la société IVSA, laquelle est prescrite.

Sur ce, l'action de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable et ne peut être exercée contre l'assureur, au-delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré.

L'action directe du tiers lésé à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, les sociétés MMA, assureurs de la société DNI, exercent l'action directe appartenant à la société DNI contre la société AXA France IARD, assureur de la société IVSA.

Elle trouve ainsi son fondement dans l'action dont disposait la société DNI contre la société IVSA.

Celles-ci n'étant pas liées par un contrat, il est exact, que, comme le soutient la société AXA FRANCE IARD, cette action ne revêt pas un caractère contractuel.

Le point de départ du délai de prescription doit être situé à la date à laquelle la société DNI a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer contre la société IVSA ou son assureur.

La société AXA France IARD soutient que l'action de la société DNI contre la société IVSA est prescrite, de sorte que l'action des MMA contre IVSA et AXA l'est également. Les sociétés MMA ne contestent pas que l'action de la société DNI contre la société IVSA était prescrite lorsqu'elles ont agi contre la société IVSA et sa compagnie d'assurance AXA France IARD.

Les sociétés MMA soutiennent que le délai de prescription de leur action récursoire court à compter de la date de l'assignation au fond qui leur a été délivré par la société Tir Technologies le 25 mai 2013, ce qui n'est pas exact, dans la mesure où elles exercent l'action directe de leur assuré, la société DNI.

En outre, si les sociétés MMA soutiennent que l'identité de l'assureur de la société IVSA a longtemps été dissimulé par la société IVSA et qu'elle n'a été découverte que courant 2014, elles n'apportent aucun élément au soutien de cette affirmation. Au surplus, par courrier du 10 juillet 2007, la société Covea Risks, assureur de la société DNI, écrivait à la société DNI suite à l'assignation en référé délivrée par la société Tir Technologies contre, d'une part, la société DNI, en sa qualité de fournisseur d'un fluide de traitement Ecophor et d'accessoires hydrauliques, et, d'autre part, la société IVSA, en sa qualité de fournisseur d'une unité de laquage et de poudrage de profils, et émettait ses réserves quant à la prise en charge du sinistre. Ainsi, à compter de cette date, la société Covea Risks avait connaissance de l'implication possible de la société IVSA dans le préjudice invoqué par la société Tir Technologies et était en mesure de préserver ses droits à son égard ou de son assureur, ou à tout le moins de la mettre en demeure de communiquer les coordonnées de son assureur, ce dont elle ne justifie pas.

Dès lors, l'action engagée par les sociétés MMA contre la société AXA France IARD par acte d'assignation délivrée le 19 septembre 2014, est prescrite.

3. Sur les frais et dépens :

La société MMA IARD succombant, la condamnation prononcée par le jugement de la société MMA IARD à payer à la société Tir Technologies la somme de 10 000 euros et à supporter les dépens de première instance sera confirmée, mais il sera infirmé en ce qu'il a prononcé la condamnation conjointe et solidaire de la société DNI et de la compagnie d'assurances MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens.

La société MMA IARD sera également condamnée à supporter les dépens d'appel.

Elle sera condamnée à payer à la société Tir Technologies la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de ne pas prononcer d'autres condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que les autres demandes seront rejetées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 28 septembre 2018, en ce qu'il a :

- donné acte aux compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leur intervention volontaire et de ce qu'elles viennent aux droits de la compagnie Covea Risks,

- dit que les demandes des compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles contre la société AXA France sont prescrites,

- condamné la société MMA IARD à payer à la société Tir Technologies la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MMA IARD à supporter les dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau, et y ajoutant :

Déclare irrecevable les demandes de la société Tir Technologies contre la société DNI,

Condamne la société MMA IARD, venant aux droits de la société Covea Risks, à payer à la société Tir Technologies, dans la limite du plafond de garantie de 1 524 490 euros, et sous déduction de la franchise d'un montant de 1 524,49 euros, les sommes de :

- 2 153,12 euros au titre du préjudice commercial,

- 139 918 euros au titre des frais d'investissements improductifs,

- 120 000 euros au titre des surcoûts d'exploitation,

et ce outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

Rejette le surplus de la demande de la société Tir Technologies à l'égard de la société MMA IARD,

Condamne la société MMA IARD aux dépens d'appel,

Condamne la société MMA IARD à payer à la société Tir Technologies la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 18/05858
Date de la décision : 22/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-22;18.05858 ?
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