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15/02/2023 | FRANCE | N°21/01593

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 15 février 2023, 21/01593


MINUTE N° 89/23

























Copie exécutoire à



- Me Thierry CAHN



- Me Laurence FRICK





Le 15.02.2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 15 Février 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01593 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRG7



Décision dé

férée à la Cour : 14 Janvier 2021 par le Tribunal judiciaire de COLMAR - Chambre commerciale



APPELANTS :



Monsieur [B] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Madame [S] [D] épouse [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentés par Me Thierry CAHN, avocat à l...

MINUTE N° 89/23

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

- Me Laurence FRICK

Le 15.02.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 15 Février 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01593 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRG7

Décision déférée à la Cour : 14 Janvier 2021 par le Tribunal judiciaire de COLMAR - Chambre commerciale

APPELANTS :

Monsieur [B] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Madame [S] [D] épouse [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentés par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

INTIMEE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DES 9 ECUS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'acte introductif d'instance déposé le 24 janvier 2019 par lequel la Caisse de Crédit Mutuel (CCM) des 9 Écus, ci-après également dénommée 'le Crédit Mutuel' ou 'la banque', a fait citer M. [B] [V] et Mme [S] [D], épouse [V], ci-après également 'les époux [V]', devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Colmar,

Vu le jugement rendu le 14 janvier 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Colmar a :

- débouté M. [B] [V] de sa demande de déchéance de la CCM des 9 Écus de son droit de se prévaloir de l'engagement de cautionnement souscrit par lui le 2 octobre 2013,

- débouté M. [B] [V] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

- débouté les époux [V] de leur demande de déchéance de la banque de son droit de se prévaloir de l'engagement de cautionnement souscrit par eux le 1er juillet 2015,

- débouté les époux [V] de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

- condamné M. [V] à payer à la CCM des 9 Écus au titre de son engagement de caution du 2 octobre 2013 la somme de 70 362,92 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2019,

- condamné solidairement les époux [V] au paiement à la banque au titre de leur engagement de caution en date du 1er juillet 20l5 la somme de 120 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2019,

- accordé aux époux [V] le report de l'exigibilité des sommes dues à la CCM des 9 Écus pour une durée de deux ans à compter du jugement, les sommes dues portant intérêts au taux légal avec exonération de la majoration de cinq points à l'expiration du délai de deux mois à compter du jour où la décision était exécutoire,

- condamné in solidum les époux [V] à supporter les dépens,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des époux [V],

- condamné in solidum les époux [V] à payer à la banque la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Vu la déclaration d'appel formée par M. [B] [V] et Mme [S] [D], épouse [V], contre ce jugement, et déposée le 15 mars 2021,

Vu la constitution d'intimée de la CCM des 9 Écus en date du 3 mai 2021,

Vu les dernières conclusions en date du 15 juin 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [B] [V] et Mme [S] [D], épouse [V] demandent à la cour de :

'RECEVOIR l'appel et le dire bien fondé ;

REJETER l'intégralité des demandes, fins et conclusions de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DES 9 Écus ;

INFIRMER l'entier jugement ;

Et statuant à nouveau :

DECLARER que le CREDIT MUTUEL DES 9 Écus a commis une faute engageant sa responsabilité en n'exigeant pas des cautions une fiche de renseignement au moment de la signature des engagements ;

CONDAMNER en conséquence le CREDIT MUTUEL DES 9 Écus d'avoir à payer aux époux [V] la somme de 190.362,92 € en réparation de leur préjudice subi ;

ORDONNER la compensation entre les dettes et les créances réciproques ;

A titre subsidiaire :

DECLARER que les cautionnements de Monsieur [B] [V] et des époux [V] sont manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus, de telle sorte que la Banque ne puisse s'en prévaloir, conformément aux dispositions de l'article L.332-1 du Code de la consommation.

A titre infiniment subsidiaire :

CONSTATER que le CREDIT MUTUEL DES 9 Écus a commis une erreur au titre les sommes mises en compte s'agissant du prêt n°310.474.13

DECLARER que les sommes mises en compte au titre du prêt n°310.474.13 ne correspondent pas à 70.362,92 € mais à 48.389,97 € ;

ACCORDER aux époux [V] les plus larges délais de paiement ;

En tout état de cause :

CONDAMNER le CREDIT MUTUEL des 9 Écus aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance mais également d'appel ;

CONDAMNER le CREDIT MUTUEL des 9 Écus à la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance et à la somme de 3200 € pour la procédure d'appel'

et ce, en invoquant, notamment :

- un manquement de la banque, qui se serait abstenue de vérifier leur situation, et en particulier l'état de leur patrimoine, au jour de leur engagement,

- subsidiairement, l'annulation de leurs engagements de caution pour disproportion en l'absence de formulaire de renseignements sur la situation financière et patrimoniale, constitutive d'un manquement au devoir de mise en garde de la banque envers les cautions qui n'étaient pas averties,

- un soutien abusif de la banque à la société cautionnée,

- plus subsidiairement, la déduction de la somme réclamée des montants dus au titre de l'intervention de BPI France,

- très subsidiairement, la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il leur a octroyé des délais de paiement.

Vu les dernières conclusions en date du 13 septembre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la CCM des 9 Écus demande à la cour de :

'REJETER l'appel,

DEBOUTER Monsieur et Madame [V] de l'intégralité de leurs fins et conclusions,

CONFIRMER le jugement du 14 janvier 2021,

CONDAMNER solidairement Monsieur [B] [V] et Madame [S] [D] épouse [V] aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNER solidairement Monsieur [B] [V] et Madame [S] [D] épouse [V] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel des 9 Écus une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'absence d'obligation de mise en garde, que ce soit envers la débitrice principale, non partie à la procédure et à laquelle les époux [V] ne peuvent se substituer pour l'invoquer, ou envers les cautions, au regard de leur caractère averti, et de l'adaptation de leur engagement à leur situation financière, et faute de preuve de ce qu'en possession d'informations complémentaires, ils ne se seraient pas engagés en qualité de caution de la société,

- l'absence de soutien abusif, au regard de l'application des dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce, d'une part, de l'objet du prêt et, en tout état de cause de l'absence de faute établie, d'autre part,

- l'absence de disproportion manifeste de l'engagement des cautions, que ce soit en octobre 2013, à défaut de preuve contraire, ou en juillet 2015, faute de démonstration par les cautions que leur situation était différente de celle figurant dans la fiche de renseignements lorsqu'ils ont signé l'acte de cautionnement,

- le bien-fondé du quantum mis en compte, au regard, notamment, des conditions contractuelles d'intervention de BPI France,

- l'absence d'objet de la demande de délais de paiement des époux [V], qui en auraient déjà largement bénéficié.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 avril 2022,

Vu les débats à l'audience du 11 mai 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la responsabilité de la banque pour défaut d'exigence de la part des cautions d'une fiche de renseignement au moment de la signature des engagements :

La cour rappelle que, par acte sous seing privé en date du 2 octobre 2013, M. [B] [V] s'est porté, seul, et dans la limite de 270 000 euros et pour une durée de 109 mois, caution personnelle et solidaire de la SARL Métallerie Serrurerie du Ried au titre d'un prêt professionnel numéroté 310.474.13, consenti le même jour, pour un montant en capital de 450 000 euros, et remboursable en 90 mois moyennant un taux d'intérêts de 3,30 %.

Un prêt professionnel n° 310.474.14 d'un montant de 100 000 euros, remboursable en 90 mois moyennant un taux d'intérêts de 1,7 %, a ensuite été souscrit par la société suivant contrat en date du 1er juillet 2015, ce prêt étant destiné à la trésorerie de l'entreprise, et garanti par un nantissement sur le fonds de commerce.

Puis, par acte sous seing privé en date également du 1er juillet 2015, les époux [V] se sont portés cautions personnelles et solidaires, dans la limite de 120 000 euros et pour une durée de 5 ans, de tous les engagements de la société précitée, laquelle disposait également dans les livres de la banque d'un compte courant professionnel n° 310.47.445, ouvert selon convention en date du 13 juillet 1996.

La société ayant été placée, en date du 6 novembre 2018, en redressement judiciaire, dans le cadre duquel la banque a déclaré sa créance en date du 5 janvier 2019, les époux [V] devant être assignés le 24 janvier 2019, puis un plan de redressement et d'apurement du passif a été arrêté en date du 5 novembre 2019.

Les époux [V], appelants, entendent, tout d'abord, voir déclarer que la banque 'a commis une faute engageant sa responsabilité en n'exigeant pas des cautions une fiche de renseignement au moment de la signature des engagements'.

À cet égard, il convient, tout d'abord, de relever que les époux [V], comme ils le reconnaissent d'ailleurs, ont renseigné et signé une fiche de renseignements en date du 30 janvier 2015.

S'ils reprochent, cependant, à la banque, de s'être 'coupablement abstenue de se renseigner' sur leur situation financière, ajoutant que la fiche patrimoniale évoquée, ne mentionne 'aucunement un engagement de caution qu'ils auraient souscrit en octobre 2013 pour un montant total de 270 000 euros', il convient de relever qu'en tout état de cause, la banque n'est tenue d'aucune obligation quant à l'établissement d'une fiche de renseignements sur la situation patrimoniale des cautions, de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée à ce titre, pas davantage que la nullité des engagements de caution n'est encourue de ce chef, une absence éventuelle de déclaration de la caution à la banque concernant ses revenus ou son patrimoine au moment de l'engagement n'ayant d'incidence que sur la liberté de la caution de démontrer, devant le juge, quelle était sa situation financière réelle lors de son engagement, ainsi qu'il sera rappelé sous l'angle de l'examen de la question de la disproportion manifeste des engagements.

Aussi convient-il de débouter les époux [V] de leur demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur la disproportion manifeste des engagements de caution :

Aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

En application des dispositions précitées, c'est à la caution de justifier qu'au jour de sa conclusion, son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Lorsqu'à l'occasion de la souscription de son engagement, la caution a déclaré au créancier des éléments sur sa situation personnelle, le créancier peut, en l'absence d'anomalie apparente, s'y fier et n'a pas à vérifier l'exactitude de ces déclarations.

Dans ce cas, la caution ne sera alors pas admise à établir, devant le juge, que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque.

En revanche, en présence d'anomalie apparente, ou lorsque la caution n'a déclaré aucun élément sur sa situation patrimoniale à la banque lors de son engagement, notamment parce que cette dernière ne lui a rien demandé, la caution est libre de démontrer, devant le juge, quelle était sa situation financière réelle lors de son engagement. Elle peut aussi opposer à la banque les éléments non déclarés dont celle-ci avait connaissance.

De son côté, la banque peut invoquer des éléments de la situation de la caution qu'elle n'aurait pas déclarés.

Au cas où la disproportion manifeste de l'engagement au jour de sa conclusion serait retenue, c'est à la banque qu'il appartient d'établir qu'au jour où elle a appelé la caution, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation.

En l'espèce, concernant le premier engagement souscrit, en date du 2 octobre 2013, par M. [V] seul, dans la limite de 270 000 euros et pour une durée de 109 mois, la cour ne peut que constater que les appelants ne versent aux débats aucun élément de nature à justifier de la situation financière de l'intéressé ou du foyer, la caution ayant été souscrite avec le consentement de l'épouse, et qu'ils sont donc défaillants à apporter la démonstration d'une disproportion, à plus forte raison manifeste, de ce premier engagement de caution. Seule la banque produit un avis de revenus des intéressés pour l'année 2012 dont il ressort que le revenu annuel de M. [V] s'est élevé à 54 000 euros, tandis que celui de son épouse était de 17 034 euros, mais sans que cette seule information ne résume à elle seule la situation des cautions, sur lesquelles pèsent la charge de la preuve, notamment s'agissant de la consistance de leur patrimoine mobilier et immobilier.

Et s'agissant du deuxième engagement souscrit, cette fois par les époux [V], en date du 1er juillet 2015, la banque verse aux débats une fiche patrimoniale établie en date du 30 janvier 2015, dont les époux [V] critiquent, certes, l'ancienneté, au demeurant relative, sans toutefois apporter la démonstration d'une évolution de leur situation entre l'établissement de cette fiche et la souscription de l'engagement cinq mois plus tard. Il ressort de cette fiche que les époux [V] perçoivent respectivement un revenu mensuel de 3 500 euros pour M. [V] et 1 200 euros pour Mme [V]. Ils n'ont aucune personne à charge.

Ils sont propriétaires d'un bien immobilier acquis pour la somme de 500 000 francs en 1989 et dont ils évaluent la valeur courante à 300 000 euros.

Il est fait mention d'un engagement de caution de 'M. et Mme' auprès de la CCM sans précision de la valeur de cet engagement, étant cependant observé que les appelants évoquent dans leurs conclusions un engagement de 270 000 euros en octobre 2013 dont il a été relevé, en l'absence d'élément par ailleurs, qu'il avait été conclu par M. [V] seul. S'ils invoquent, en outre, la souscription d'un engagement antérieur sur le découvert autorisé, l'existence de cet engagement n'est pas démontrée.

Au regard de ces éléments, et indépendamment même de la circonstance, rappelée par le premier juge sans être démentie à hauteur de cour, que le prêt souscrit en 2013 était garanti par BPI France, avec pour effet que le cautionnement solidaire de M. [V] était limité à 50 % de l'encours, les cautions ne justifient pas, qu'au jour de sa conclusion, leur engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, de sorte qu'elles ne peuvent pas être déchargées de leur engagement en application des dispositions précitées.

Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à décharge des engagements de caution en l'absence de disproportion manifeste.

Sur l'obligation de mise en garde et le soutien abusif :

La cour rappelle, sur ce point, que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

Bien qu'aucun chef du dispositif ne porte sur ce point, si ce n'est la demande tendant au rejet des prétentions adverses, formulée toutefois avant la demande d'infirmation du jugement entrepris, il convient également d'écarter le moyen tiré d'une violation par la banque de son obligation de mise en garde des cautions à ce titre, les appelants ne démontrent pas en quoi les engagements souscrits n'auraient pas été adaptés à leur situation financière, pas davantage qu'ils n'expliquent en quoi les prêts garantis auraient fait courir à la société cautionnée un risque d'endettement. À cet égard, il n'est pas davantage démontré qu'en première instance, au vu des pièces versées aux débats, pour l'essentiel par la banque, l'inadaptation des prêts professionnels consentis aux capacités financières de la SARL Métallerie Serrurerie du Ried, les mensualités de ces prêts ayant été, comme l'a relevé le premier juge s'agissant du second prêt, remboursées par la société jusqu'à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire plus de trois années après la souscription du second emprunt, et cinq ans après celle du premier. Les époux [V] font enfin état d'un emprunt 'du 10 septembre 2017' d'un montant de 77 257 euros, mais leur concours n'est pas sollicité en l'espèce au titre d'un tel prêt, dont l'existence est contestée par la banque et dont rien ne permet d'établir qu'il aurait été consenti à la société.

Il n'est pas davantage établi que l'accroissement de découvert consenti par la banque à la société en 2017 aurait accru son insolvabilité, ni même que la situation de la société était dès cette date manifestement obérée, notamment au vu du formulaire d'impôt sur les sociétés pour 2017, seul document financier produit par les époux [V].

Et s'agissant du grief tiré du soutien abusif, à supposer qu'il ait également été invoqué à l'appui d'une prétention des appelants, la cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 650-1 du code de commerce, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ces concours sont nulles.

Ces dispositions ne sont pas exclusives de l'application du devoir de mise en garde tel qu'il vient d'être examiné.

Cela étant, outre qu'aucune fraude ou immixtion caractérisée du créancier dans la gestion du débiteur n'est démontrée par les appelants, il n'apparaît pas, au vu des conclusions auxquelles est parvenue la cour tant sous l'angle de la disproportion manifeste des engagements de caution que de l'examen du devoir de mise en garde, et en l'absence, par ailleurs, d'éléments de nature à en justifier, que l'établissement aurait pris des garanties disproportionnées aux concours consentis.

Dès lors, aucun manquement de la banque n'étant caractérisé que ce soit au titre de l'obligation de mise en garde ou du soutien abusif, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté les prétentions des requérants à ce titre.

Sur le quantum de la créance du Crédit Mutuel :

Sur ce point, le premier juge a, par des motifs pertinents que la cour adopte, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. Si les époux [V] entendent contester le montant mis en compte par la banque au titre du prêt n° 310.474.13 compte tenu de la garantie de BPI France à hauteur de 70 %, il convient de rappeler qu'en vertu des stipulations contractuelles, cette garantie n'a pour effet, en l'absence d'indication contraire qui figurerait dans la notification de BPI France, que de limiter le montant maximal de l'engagement solidaire de la caution personne physique à 50 % de l'encours du crédit, et non à 30 %, outre que la caution ne peut se prévaloir de l'existence de la garantie BPI France pour s'opposer à la mise en jeu de son engagement, dès lors que la garantie BPI France financement ne bénéficie qu'au prêteur. Il n'y a donc lieu à réduction du montant dû par M. [V] au titre de son premier engagement de caution.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il est entré en voie de condamnation envers M. [V] seul d'une part, et les époux [V] solidairement d'autre part, et ce à hauteur des montants retenus par le premier juge.

Sur la demande de délais de paiement :

En application de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, les époux [V] sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il leur a accordé un délai de deux ans pour s'acquitter de leurs obligations, leur demande, telle que formulée dans leur dispositif, s'analysant néanmoins en une demande de délais de paiement, tandis que la banque, qui sollicite pourtant la confirmation du jugement entrepris sans restriction, entend relever que les appelants ont d'ores et déjà bénéficié de délais de paiement dans le cadre du jugement de première instance et ce pour la durée maximale qui peut leur être accordée, ce qui rendrait leur demande sans objet.

Cela étant, les appelants, qui ont bénéficié, de fait comme de droit, d'un délai de deux ans depuis le jugement entrepris pour s'acquitter de leur dette, ne produisent, en outre, à l'appui de leur demande, aucun justificatif de leur situation financière la plus récente, de sorte qu'il convient de rejeter leur demande de délais de paiement à hauteur de cour, tout en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a statué sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les époux [V] succombant pour l'essentiel seront tenus, in solidum, des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge des appelants, in solidum, une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de l'intimée, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Colmar à compétence commerciale,

Y ajoutant,

Déboute M. [B] [V] et Mme [S] [D], épouse [V] de leur demande en délais de paiement,

Condamne in solidum M. [B] [V] et Mme [S] [D], épouse [V] aux dépens de l'appel,

Condamne in solidum M. [B] [V] et Mme [S] [D], épouse [V] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel des 9 Écus la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [B] [V] et Mme [S] [D], épouse [V].

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/01593
Date de la décision : 15/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-15;21.01593 ?
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