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19/01/2023 | FRANCE | N°20/03564

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 sb, 19 janvier 2023, 20/03564


MINUTE N° 23/65

















NOTIFICATION :







Copie aux parties



- DRASS







Clause exécutoire aux :



- avocats

- parties non représentées









Le





Le Greffier



REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB



ARRET DU 19 Janvier 2023





Numéro d'inscription au

répertoire général : 4 SB N° RG 20/03564 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HODT



Décision déférée à la Cour : 05 Novembre 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE





APPELANTE :



S.A.S. [4]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me Grégory KUZMA, avocat au barre...

MINUTE N° 23/65

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 19 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 20/03564 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HODT

Décision déférée à la Cour : 05 Novembre 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

S.A.S. [4]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Grégory KUZMA, avocat au barreau de LYON, substitué par Me JOREL, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Dispensée de comparution

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme GREWEY, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,

Mme GREWEY, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,

- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

La société [4] exerce une activité de métallurgie de l'aluminium.

M. [U] [I], employé en qualité d'opérateur polyvalent auprès de ladite société depuis le 5 juin 1979, complétait en date du 20 mars 2018 une déclaration de maladie professionnelle pour «surdité de perception post exposition chronique au bruit MP 42».

Il produisait alors un certificat médical initial établi à cette même date par le Docteur [D] médecin O.R.L. qui confirmait ce diagnostic.

Aux termes de l'instruction médico-administrative, la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin reconnaissait le caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [U] [I] le 20 mars 2018.

La SAS [4] contestait cette décision auprès de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin en date du 8 novembre 2018.

Compte tenu de l'absence de réponse de ladite commission dans le délai imparti, la SAS [4] saisissait le pôle social du tribunal de grande instance de Mulhouse aux fins de contester la décision reconnaissant le caractère professionnel de la pathologie déclarée par le salarié.

Par jugement du 5 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Mulhouse, succédant tribunal de grande instance, a statué comme suit :

- déclaré le recours introduit par la société [4] recevable ;

- déclaré opposable à la société [4] la décision du 11 septembre 2018 de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie « surdité de perception post exposition chronique au bruit » déclarée le 20 mars 2018 par M. [U] [I] ;

- débouté la société [4] de l'ensemble de ses prétentions ;

- condamné la société [4] aux dépens.

Par déclaration expédiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 26 novembre 2020, la SAS [4] a interjeté appel contre la décision susvisée.

Par ordonnance en date du 3 février 2022, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 17 novembre 2022.

Vu les conclusions n°2 réceptionnées au greffe le 5 mai 2022 et soutenues oralement à l'audience, aux termes desquelles la SAS [4] sollicite de la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 15 décembre 2020 (en réalité du 5 novembre 2020) en ce qu'il a déclaré opposable à la société [4] la décision du 11 septembre 2018 de la caisse primaire d'assurance-maladie du Haut-Rhin de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie surdité de perception post exposition chronique au bruit, déclarée le 20 mars 2018 par M. [U] [I], débouté la société [4] de l'ensemble de ses prétentions, condamné la société [4] aux dépens ;

Et statuant à nouveau :

- juger que la décision de refus de prise en charge rendue par la caisse primaire d'assurance maladie le 7 juin 2017 a acquis un caractère définitif à l'égard de la société [4] ;

- juger que M. [I] n'était pas exposé au bruit lésionnel pouvant causer la maladie déclarée dans le cas de son activité professionnelle ;

- en conséquence, juger que la maladie du 20 mars 2018 et la décision de prise en charge du 11 septembre 2018 lui sera déclarée inopposable ;

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie aux entiers dépens de l'instance ;

Vu les conclusions en date du 18 octobre 2022 aux termes desquelles la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, dispensée de comparaître lors des débats, sollicite de la cour d'appel de :

- confirmer le jugement attaqué en toutes ces dispositions ;

- dire et juger que sa décision de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'affection déclarée par M. [I] le 20 mars 2018 est opposable à la société [4] ;

- débouter la société [4] de l'ensemble de ses prétentions ;

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Le jugement critiqué ayant été notifié à l'appelante le 9 novembre 2020, son appel interjeté le 26 novembre 2020 est recevable.

Sur le fond :

Sur le bien-fondé de la contestation, la société [4] développe deux moyens en vue de faire reconnaître l'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [U] [I] le 20 mars 2018. D'une part, elle soutient qu'une première demande de maladie professionnelle pour la même pathologie, soit une surdité, a été complétée par son salarié le 5 décembre 2016 et que la caisse en a refusé la prise en charge, de sorte que cette décision présente un caractère définitif à son égard. Elle indique que le dépôt d'une seconde demande pour une pathologie identique est impossible. D'autre part, elle fait valoir que dans le cas de M. [I], il n'est pas possible de retrouver les conditions du tableau 42 dans la mesure où elle soutient une absence d'exposition au risque de son salarié pendant une année au moins, et rappelle qu'aucune preuve d'une exposition au bruit n'est rapportée.

La caisse rappelle qu'effectivement une première demande avait été formalisée par M. [U] [I], et qu'après instruction médico-administrative, ce dernier ne présentait pas un déficit audiométrique d'au moins 35dB sur la meilleure oreille. Elle fait valoir que contrairement à ce que soutient l'appelante, la possibilité de formaliser une seconde demande n'est aucunement exclue, y compris pour une même pathologie. Elle poursuit en indiquant qu'en réalité, il s'agit de deux demandes distinctes et que la thèse soutenue par la SAS [4] ne vaut que pour des décisions prises par la caisse pour un même dossier. Elle fait valoir qu'en l'espèce les demandes sont indépendantes l'une de l'autre de sorte que l'employeur ne saurait se prévaloir de la décision du 7 juin 2016 pour tenter d'obtenir l'inopposabilité de la décision de prise en charge du 11 septembre 2018 dans le second dossier. Enfin, concernant les conditions à réunir au tableau 42, elle rappelle qu'aussi bien les déclarations du salarié que celles de l'employeur permettent de confirmer que M. [I] a travaillé dans un environnement bruyant tout au long de sa carrière professionnelle, peu important la fréquence et la durée d'exposition.

a) Sur l'existence d'une précédente demande de maladie professionnelle et ses conséquences :

Il résulte de l'article L461-1 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction applicable, qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées dans ce tableau. La Cour de cassation a rappelé que pour la pathologie invoquée par le salarié, l'une des conditions du tableau, notamment l'audiogramme et ses résultats revêtent un caractère de fond de la reconnaissance de la maladie professionnelle désignée par le tableau n°42.

En l'espèce, une première demande formalisée en décembre 2016 n'a pas aboutie, compte tenu de ce que M. [U] [I] ne présentait pas à cette date un déficit audiométrique d'au moins 35dB sur la meilleure oreille, soit l'une des conditions fixées par le tableau.

Il est constant que le salarié a formé une seconde demande en produisant un nouvel audiogramme accompagné d'un certificat médical initial en date du 20 mars 2018.

En premier lieu, la cour estime que l'aggravation du déficit auditif de M. [U] [I] en quinze mois environ et alors même qu'il était toujours en fonction auprès de son employeur, constitue un élément nouveau lui permettant de réitérer sa demande, par ailleurs conforme quant aux conditions de fond, aux exigences du tableau n° 42.

A ce titre, il est rappelé que la Cour de cassation a jugé que l'autorité de la chose décidée ne fait pas obstacle a ce qu'une nouvelle demande de prise en charge soit formée après un refus initial lorsqu'il peut être invoqué un fait nouveau.

En l'espèce, il est constant que la décision de refus de prise en charge de la caisse du 7 juin 2017 était fondée sur l'absence d'apparition d'un déficit d'au moins 35dB, ce qui constitue une moyenne des déficits généralement mesurés, condition imposée par le tableau n°42 des maladies professionnelles et qu'elle est devenue définitive en l'absence de toute contestation. Il est tout aussi constant que la caisse a pris une seconde décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, le 11 septembre 2018, au vu du nouvel audiogramme produit par M. [U] [I].

Dès lors que la seconde demande fondée sur un autre audiogramme ne peut être assimilée à la première demande en raison de la nature conférée au résultat de celui-ci dans la caractérisation de la maladie du tableau n°42 -en l'espèce M. [U] [I] avait cette fois atteint le chiffre de 41 dB aussi bien à gauche qu'à droite- dont il constitue une condition de fond, le caractère définitif de la décision de refus de prise en charge du 7 juin 2017 ne fait aucunement obstacle à la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie fondée sur un nouvel audiogramme.

En conséquence, le moyen soulevé par la SAS [4] doit être rejeté.

b) Sur l'origine de la maladie professionnelle et l'exposition au risque :

L'article L461-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Le tableau 42 applicable au présent litige prévoit une liste limitative des travaux engendrant des bruits lésionnels auxquels le salarié doit avoir été exposé, pendant une durée minimale d'un an, mais n'exige pas que le salarié ait personnellement exécuté les travaux énumérés.

C'est en l'espèce à juste titre que le tribunal judiciaire de Mulhouse a retenu qu'il était établi que M. [U] [I], salarié de la SAS [4] depuis le 5 juin 1979 en tant qu'opérateur polyvalent et ayant occupé plusieurs postes différents au cours de sa carrière, avait été exposé aux bruits lésionnels prévus par le tableau, causés notamment par les activités de burinage, de laminage et d'étirage pendant neuf années, y compris à titre ponctuel, de cisaillage et de meulage pendant vingt-huit années, de manutention mécanisée de récipients métalliques durant le même nombre d'années et de conduite de chariots de manutention tous terrains en dernier lieu pendant près de cinq mois.

En effet, il résulte aussi bien du questionnaire salarié, que de l'enquête diligentée par la caisse auprès de la SAS [4] qui l'a elle-même reconnu dans le questionnaire qu'elle a complété le 20 juin 2018, qu'au regard des tâches confiées et de l'environnement dans lequel il trouvait, M. [U] [I] lorsqu'il travaillait était exposé à du bruit, et par conséquent au risque visé par le tableau 42. L'enquêteur de la caisse, qui retient l'exposition aux bruits lésionnels provoqués par des travaux tels que le burinage, le laminage, le cisaillage et le meulage, la manutention de bennes figurant sur la liste limitative, a également mentionné l'utilisation d'engins de chantier, en l'espèce des chariots de manutention.

S'il a été que la prise en charge à titre professionnel de la surdité (affection visée par l'alinéa 3 de l'article L461-2 du code de la sécurité sociale), n'exigeait pas que la victime ait été exposée au risque de manière habituelle, il est en toutes hypothèses établi par l'enquête administrative que M. [U] [I] a en l'espèce été régulièrement exposé aux bruits lésionnels, et ce depuis 1979 puisqu'il se trouvait inévitablement dans l'ambiance sonore typique des industries de métallurgie. Il ressort également de l'audition de M. [U] [I] que les bouchons d'oreille ne sont apparus que vers les années 1995 ' 2000 à partir du moment où l'employeur a constaté que ses salariés avaient des pertes d'audition et que la médecine du travail a elle-même procédé à des audiogrammes, ce qui révèle bien l'étendue des risques encourus.

Il y a lieu de préciser que le médecin conseil a relevé que le diagnostic a bien été réalisé sur audiométrie tonale et vocale après cessation de l'exposition à tout bruit pendant plus de trois jours.

Enfin, la cour rappelle que la présomption d'imputabilité au travail de la maladie déclarée s'applique quelle que soit l'intensité des bruits auxquels a été exposée la victime dès lors que lesdits bruits figurent sur la liste du tableau n°42, applicable en l'espèce.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a jugé d'une part que la SAS [4] échouait à détruire cette présomption et d'autre part que M. [U] [I] était exposé aux bruits lésionnels pouvant causer la maladie déclarée dans le cadre de son activité professionnelle.

Sur le surplus :

Les dispositions quant au jugement déféré concernant les dépens seront confirmées.

Succombant à ses prétentions, la SAS [4] sera condamnée à supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME dans toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Mulhouse prononcé le 5 novembre 2020 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la SAS [4] aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 sb
Numéro d'arrêt : 20/03564
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;20.03564 ?
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