La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/01/2023 | FRANCE | N°19/02356

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 18 janvier 2023, 19/02356


MINUTE N° 40/23

























Copie exécutoire à



- Me Noémie BRUNNER



- Me Patricia CHEVALLIER -GASCHY





Le 18.01.2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 18 Janvier 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/02356 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HC3X


r>Décision déférée à la Cour : 07 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG - Greffe des référés civils



APPELANTES :



Madame [X] [I] épouse [J]

[Adresse 3]



Madame [P] [C]

[Adresse 4]



SAS PREMIO TERTIAIRE prise en la personne d...

MINUTE N° 40/23

Copie exécutoire à

- Me Noémie BRUNNER

- Me Patricia CHEVALLIER -GASCHY

Le 18.01.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 18 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/02356 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HC3X

Décision déférée à la Cour : 07 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG - Greffe des référés civils

APPELANTES :

Madame [X] [I] épouse [J]

[Adresse 3]

Madame [P] [C]

[Adresse 4]

SAS PREMIO TERTIAIRE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentées par Me Noémie BRUNNER, avocat à la Cour

INTIMEE :

SAS ACTUA

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu la requête en date du 11 juillet 2018, par laquelle la société par actions simplifiée (SAS) Actua, a sollicité une mesure d'instruction in futurum tendant à établir l'existence de man'uvres déloyales à son préjudice, plus particulièrement un détournement de ses fichiers,

Vu l'ordonnance sur requête rendue le 12 juillet 2018, par laquelle il a, notamment, été ordonné à l'huissier de justice instrumentaire de se faire remettre par la société Actua une liste exhaustive, d'une part de ses intérimaires ayant été délégués par l'agence Actua Strasbourg tertiaire située [Adresse 5], et d'autre part, des entreprises utilisatrices, clientes de ladite agence, sur une période courant du 1er janvier 2015 à la date de sortie des effectifs des requises, avec leurs coordonnées téléphoniques ou de courriel aux fins de pouvoir, après avoir préalablement traité informatiquement cette liste avec l'expert informatique qu'il s'adjoindrait, effectuer des recherches par mots clés,

Vu l'ordonnance en date du 13 mars 2019, par laquelle le juge des référés commerciaux s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de rétractation présentée par la SAS Premio Tertiaire, Mme [X] [I], épouse [J] et Mme [P] [C],

Vu l'ordonnance rendue le 7 mai 2019, par laquelle le juge des référés civils du tribunal de grande instance de Strasbourg a rejeté toutes les demandes de la SAS Premio Tertiaire, Mme [X] [I], épouse [J] et Mme [P] [C], les condamnant aux dépens et à verser à la SAS Actua une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'appel interjeté le 16 mai 2019 par Mme [X] [I], épouse [J], Mme [P] [C] et la SAS Premio Tertiaire contre cette décision,

Vu la constitution d'intimée de la SAS Actua en date du 27 mai 2019,

Vu l'arrêt rendu le 31 janvier 2022, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits et de la procédure antérieure, et par lequel cette cour a, notamment, ordonné la réouverture des débats, invité les parties à se prononcer sur le pouvoir juridictionnel du juge des référés pour statuer sur la demande en rétractation, et partant sur la recevabilité de cette demande, et renvoyé le dossier à l'audience de plaidoirie du 06 avril 2022,

Vu les dernières conclusions déposées le 1er avril 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles Mme [X] [I], épouse [J], Mme [P] [C] et la SAS Premio Tertiaire demandent à la cour de :

- déclarer l'appel de Madame [J], Mlle [C] et de la société PREMIO TERTIAIRE recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

- constater, au besoin dire et juger, que les conditions des articles 145, 147, 493 et 812 du code de procédure ne sont pas remplies en l'espèce pour qu'il puisse être sollicité par la société Actua des mesures d'instruction à l'encontre de la société Premio Tertiaire par voie de requête non-contradictoire,

- dire et juger que les mesures ordonnées excédent de surcroît les mesures d'instruction légalement admissibles, et qu'elles portent une atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes des appelants,

En conséquence,

- rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance du 12 juillet 2018 n°18/234 (minute n°18/170) prononcée sur requête de la société Actua en date du 11 juillet 2018,

- ordonner la mainlevée des opérations de constat et du procès-verbal de constat,

Subsidiairement,

- constater, au besoin dire et juger, que les opérations menées par Me [G], huissier de justice, dans les locaux de la société Premio Tertiaire le 11 septembre 2018, en application de l'ordonnance du 12 juillet 2018 RG n°18/234 minute n°18/170 prononcée sur requête de la société Actua en date du 11 juillet 2018 sont entachées de manquements qui affectent leur validité,

- constater, en tant que de besoin prononcer la nullité des opérations de constat d'huissier, y compris du procès-verbal de constat d'huissier à venir,

En tout état de cause,

- faire interdiction à l'huissier de justice et l'expert en informatique de communiquer à la société Actua et à son conseil, tout élément découvert et emporté lors de la mesure de conservation de preuve du 11 septembre 2018,

- ordonner la restitution de l'intégralité des éléments enlevés ou copiés par l'huissier et l'expert en informatique, puis la destruction de ceux-ci dans tous leurs systèmes d'information,

- faire interdiction à la société Actua de faire référence ou d'utiliser de quelque manière que ce soit les éléments constatés ou saisis dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance sur requête du 12 juillet 2018 (RG 18/234, Minute n°18/170), ainsi que l'attestation de Me [G] du 14 septembre 2018, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée,

- condamner la société Actua à payer à chacune des appelantes une somme de 5 000 euros à titre de provision sur dommages intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société Actua à payer à chacune des appelantes une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Actua aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, y compris aux frais d'huissier et d'expert en informatique, ainsi qu'aux frais de procès-verbal de constat d'huissier

et ce, en invoquant, notamment :

- la saisine en rétractation du juge ayant rendu l'ordonnance, cette notion ayant un sens fonctionnel, et ce juge, peu important sa dénomination, n'ayant pas statué en tant que juge des référés 'ordinaire', l'arrêt de la Cour de cassation cité dans l'arrêt avant dire droit devant être interprété comme excluant simplement qu'une demande de rétractation soit présentée à titre reconventionnel dans une procédure ayant un autre objet, alors qu'il est, par ailleurs, de jurisprudence, que, l'intitulé de l'assignation saisit le juge ayant rendu l'ordonnance,

- l'insuffisance de la limitation des mesures ordonnées initialement,

- plus largement, le caractère, selon elles, excessif et général des mesures d'instructions, menées sans restriction ou garantie pour préserver ses droits, par l'huissier de justice, qui s'apparenteraient à un véritable audit commercial de la société Premio Tertiaire,

- l'absence de motif légitime,

- le défaut de circonstances propres à justifier une ordonnance non contradictoire,

- l'irrégularité des opérations de constat menées en exécution de l'ordonnance initiale,

- en conséquence de ce qui précède, un abus du droit d'agir en justice de la part de la partie adverse.

Vu les dernières conclusions en date du 28 mars 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS Actua demande à la cour de :

- déclarer recevable la demande en rétractation formulée en première instance par les parties appelantes,

- déclarer l'appel mal fondé,

- déclarer les appelantes irrecevables, subsidiairement mal fondées en leurs fins et conclusions,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- débouter les appelantes de l'ensemble de leurs fins et conclusions,

Y ajoutant :

- condamner la société Premio Tertiaire, Mmes [J] et [C] au paiement d'une indemnité pour procédure abusive fixée à l'euro symbolique,

- les condamner aux dépens, incluant les frais d'huissier, de constat et d'expert en informatique, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure de 6 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et ce, en invoquant, notamment :

- la recevabilité de la demande en rétractation, dans la mesure où c'est le juge des référés civils, en sa qualité de juge des requêtes, qui a statué sur la demande en rétractation, s'agissant d'un magistrat agissant sur délégation du président du tribunal de grande instance, avec même une identité de personne, outre qu'il aurait été saisi en sa qualité de juge des requêtes, et non dans le cadre d'une procédure devant le juge des référés,

- l'absence de généralité de la mesure, précisant avoir réalisé une extraction ciblée et bornée dans le temps,

- l'existence d'un motif légitime, tiré d'un détournement de fichier et d'agissements constitutifs d'un démarchage actif caractérisant une forme de parasitisme,

- la justification du caractère non contradictoire de la procédure, au titre duquel elle estime avoir détaillé dans sa requête les raisons pour lesquelles elle le sollicitait, notamment au regard des méthodes utilisées par Mmes [J] et [C],

- la validité des opérations de constat et l'insuffisante valeur probante des éléments adverses tendant à la voir contester,

- l'absence de préjudice adverse, les parties appelantes ayant, au contraire, abusé de leur droit d'agir en interjetant appel et en soutenant que la mesure serait dépourvue de motif légitime alors qu'elles auraient sciemment dérobé les fichiers de la société Actua pour construire et développer leur nouvelle structure.

Vu les débats à l'audience du 6 avril 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de la demande en rétractation :

Par arrêt susvisé, la cour a sollicité l'avis des parties sur le pouvoir juridictionnel du juge des référés pour statuer sur la demande en rétractation, et par conséquent, sur la recevabilité de cette demande.

Les parties s'accordent, pour soutenir, en substance, que le juge saisi l'aurait été et se serait prononcé, sur délégation du président de la juridiction, en qualité de juge des requêtes et non de juge des référés 'ordinaire'.

Cela étant, la cour rappelle que, par application de l'alinéa 2 de l'article 496 du code de procédure civile, en vertu duquel l'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouvant limitée à cet objet, il a été jugé que seul le juge des requêtes qui avait rendu l'ordonnance pouvait être saisi d'une demande de rétractation de celle-ci (Cassation, 2ème Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-11.323, P+B+I).

Or, en l'espèce, Mmes [J] et [C] et la société Primo Tertiaire ont saisi 'Madame, Monsieur le Président du tribunal de grande instance de Strasbourg statuant en matière de référés commerciaux', d'une requête aux fins, notamment, de constatation de la nullité des opérations et de constat d'huissier, ainsi que de rétractation, visant les articles 147, 145, 812 et 493 du code de procédure civile, à la suite de quoi le juge des référés commerciaux s'est déclaré incompétent au profit du juge des référés civils pour connaître de cette demande, aux motifs, notamment, que 'seul le président du tribunal de grande instance de Strasbourg, subséquemment le magistrat agissant sur délégation du président du tribunal de grande instance de Strasbourg est compétent pour connaître d'un référé afin de rétractation d'une de ses ordonnances'.

Il en résulte que, peu important l'intitulé de l'assignation, la SAS Actua a été appelée à comparaître non dans le cadre des pouvoirs attribués par la loi au juge des référés, mais sur le fondement des dispositions régissant la demande en rétractation d'une ordonnance rendue sur requête. Dès lors, si l'assignation a été improprement adressée au président de la chambre commerciale, c'est bien, in fine, le président du tribunal de grande instance ou à tout le moins son délégataire, qui a été saisi et s'est prononcé dans le cadre légal régi par les articles 493 et suivants du code de procédure civile.

En conséquence, la cour déclarera recevable la demande en rétractation formée par Mmes [J] et [C], et la société Primo Tertiaire.

Sur la demande principale :

L'article 145 du code de procédure civile dispose qu'à la demande de tout intéressé justifiant de l'existence d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées sur requête ou en référé.

Selon l'article 493 du même code, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse, en présence de circonstances autorisant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, l'application des articles 494 et 495 du code précité impliquant, en outre, que la requête doit être motivée, comporter l'indication précise des pièces invoquées et doit être remise en copie ainsi que l'ordonnance, elle-même motivée, à la personne qui en supporte l'exécution.

Enfin, l'article 496 du code de procédure civile précise que, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance, l'article 497 de ce code autorisant le juge à modifier ou rétracter son ordonnance même si le juge du fond est saisi de l'affaire.

Dans ce cadre, il convient de rappeler que la cour d'appel saisie d'une décision ayant rétracté, fût-ce partiellement, une ordonnance sur requête, ne peut se prononcer que dans les limites de la saisine du juge de la requête, mais se trouve investie des attributions du juge qui l'a rendue et doit alors statuer sur les mérites de la requête.

Et le requérant initial conserve la charge de justifier le bien-fondé de sa requête, sans avoir, lorsque la requête est fondée, comme en l'espèce, sur des griefs tirés d'agissements de concurrence déloyale ou de parasitisme, à établir avec certitude les faits de concurrence déloyale qu'il invoque, pour peu qu'il justifie, au jour de la requête, d'un motif légitime impliquant que soient caractérisés des éléments objectifs rendant ces faits, et le litige susceptible d'en découler, plausibles.

En l'espèce, les parties appelantes entendent, tout d'abord, critiquer le caractère, selon elles, trop général des mesures ordonnées par le juge de la requête, en des termes qu'elles qualifient de particulièrement larges et équivoques, et en l'absence de limitation réelle du périmètre de recherche et de vérification du ciblage du fichier de la société Actua, ainsi que l'étendue des mesures d'instruction exécutées par l'huissier de justice, à défaut de restriction ou garantie suffisante pour préserver les droits de la société Premio Tertiaire, notamment en ce que les recherches auraient été menées sans restriction sur le serveur informatique de l'ensemble du groupe Premio, relevant ainsi d'un véritable audit, par la société Actua, de ce groupe.

En réponse, la société intimée fait, notamment, valoir que la saisie aurait été limitée en s'opérant par comparaison sur la base d'un fichier qu'elle aurait préparé, composé des entreprises utilisatrices et des seuls intérimaires de l'agence Actua concernée, tout en étant limitée aux seuls intérimaires délégués, et non aux intérimaires contactés mais n'ayant effectué aucune mission, ainsi que circonscrite dans le temps, sur une période allant de 2015 jusqu'au départ de Mmes [J] et [C], tandis que le procès-verbal de constat indique bien mettre en exergue les seules données en correspondance avec le listing.

Sur ce, la cour observe que d'une part, il est bien fait référence, dans l'ordonnance initiale, à la remise d'une liste dont l'établissement est certes laissé à la société Actua mais avec des exigences et des limites suffisamment précises, puisqu'il est bien fait mention des seuls intérimaires délégués et des entreprises utilisatrices de l'agence Actua de l'avenue de la Forêt-Noire, le nom des intérimaires et de la société requérante devant servir de base aux mots-clés ainsi qu'au ciblage de l'objet des courriers, courriels, documents ou contrats devant être saisis, et ce sur une période de temps strictement délimitée et justifiée au regard de la nature des investigations, de sorte que la cour n'aperçoit pas en quoi les mesures ordonnées auraient dépassé les nécessités de la mesure d'instruction au regard de l'objectif poursuivi, à savoir la recherche d'éléments susceptibles de constituer des agissements de concurrence déloyale de la part des seules parties requises, le compte-rendu effectué par l'huissier insistant bien sur ce point, sans que les appelantes n'établissent en quoi il aurait eu accès à des données excédant le périmètre ainsi strictement défini, de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a écarté le grief tiré du caractère excessif et général de la mesure ordonnée, ce qui s'étend également à ses conditions d'exécution.

Les parties appelantes entendent, ensuite, invoquer l'absence de motif légitime de la mesure ordonnée, faute, selon elles, pour le demandeur, désormais intimé, de justifier d'éléments rendant crédibles les actes dont il prétend être victime. Elles entendent relever que l'ordonnance du 12 juillet 2018 ne caractériserait pas un tel intérêt légitime, se limitant à viser la requête qui ferait état d'agissements qui ne seraient corroborés par aucun élément pertinent, outre qu'aucun litige ne conditionnerait la légitimité de la mesure conservatoire sollicitée, la présomption de fautes ou de responsabilité ne pouvant suffire à fonder la mesure. Elles contestent, en outre, tout grief sérieux quant à la commission d'actes de concurrence déloyale de leur part, compte tenu d'une part, de la licéité de l'embauche de Mmes [J] et [C], qui auraient intégré la société Premio Tertiaire bien après leur départ de la société Actua, sans violation d'aucune clause de discrétion ou de confidentialité, ou de soumission à une clause de non-concurrence, d'autre part, de l'absence de preuve d'un débauchage de salarié, l'attestation produite à cette fin étant critiquée. Elles ajoutent que le démarchage de clients d'une entreprise concurrente ne serait pas fautif en soi, même si tel était le cas, ce qui ne serait pas démontré en l'espèce, la demande étant fondée sur un courriel dont la provenance serait ignorée, ce que n'auraient pas éclairci les investigations, s'agissant, de surcroît d'un mailing général et non d'un démarchage ciblé et généralisé des clients et intérimaires de la société Actua, ce qui serait corroboré par les résultats très limités du recoupement des fichiers des deux sociétés, au vu, notamment, de multiples occurrences concernant le même groupe du Crédit Mutuel, les clients étant libres de changer de prestataire et tout vol de fichier étant réfuté, au vu, notamment, de différences dans les fiches concernant les clients passés d'une société à l'autre.

La société Actua réplique qu'elle justifierait d'un motif légitime, tout d'abord, au regard des faits exposés dans sa requête et des pièces annexées, s'agissant de salariées, liées par une clause de confidentialité et une obligation générale de loyauté, ayant rejoint une société créée concomitamment à leur départ, dans le même domaine d'activité, et composée exclusivement d'elles-mêmes, et ayant procédé à un mailing général, selon un courriel authentifié, dont le contenu serait révélateur d'un démarchage actif et de parasitisme, sans que son envoi ne soit finalement réellement contesté. Les opérations de saisie et les éléments saisis par l'huissier auraient, en outre, permis de confirmer les suspicions de la concluante, au regard des recoupements effectués, les entreprises utilisatrices correspondantes, prises individuellement, y compris pour les caisses de Crédit Mutuel qui disposent d'une autonomie, représentant une part importante de l'activité de la société Premio Tertiaire, l'existence de man'uvres déloyales étant corroborées par le contenu du procès-verbal de l'huissier attestant de la copie des données de la société Actua, et d'un historique client antérieur à la création de la société Premio Tertiaire, ainsi que de l'existence d'un mailing général antérieur à celui précité, envers des clients de la concluante. Elle invoque, de surcroît, une tentative de débauchage de l'une de ses collaboratrices par la société Premio Tertiaire.

Ceci rappelé, la cour n'aperçoit pas, au regard de l'argumentation des parties et des éléments dont elle dispose, sans toutefois qu'il ne soit besoin de se référer aux opérations effectuées par l'huissier de justice et aux saisies en résultant, d'autant qu'il convient de se placer au jour du dépôt de la requête initiale, de raison de s'écarter de l'appréciation faite, sur ce point, par le premier juge dont il convient d'approuver les motifs pertinents et circonstanciés, étant encore précisé que, si la société Premio Tertiaire et Mmes [J] et [C] entendent contester la provenance du 'mailing' dont se prévaut, à l'appui de sa requête, la société Actua, il apparaît suffisamment établi, compte tenu, notamment de l'attestation de l'expert informatique, au-delà des affirmations de la destinataire du courriel elle-même, que cette correspondance électronique émane bien de la société Premio Tertiaire.

Ainsi, il ressort de l'argumentation de la requérante et des pièces qui la soutiennent suffisamment d'éléments objectifs rendant plausibles les faits invoqués par la requérante, et le litige susceptible d'en découler, sans qu'il ne puisse, à ce titre être exigé de la partie requérante, comme cela a été rappelé ci-dessus, d'établir avec certitude les faits de concurrence déloyale dont elle se prévaut.

La décision entreprise sera, ainsi, confirmée en ce qu'elle a retenu l'existence d'un motif légitime.

Concernant, enfin, la justification de la dérogation au principe de la contradiction, les parties appelantes reprochent à l'ordonnance sur requête une motivation par renvoi à la requête qui serait restée muette sur les circonstances propres à justifier qu'il soit procédé non contradictoirement aux mesures d'instruction sollicitées, ce que conteste la société Actua, qui estime avoir suffisamment caractérisé la nécessité de déroger à la contradiction en se référant aux méthodes déloyales employées par Mmes [J] et [C] et faisant craindre un dépérissement des éléments de preuve en cas de recours à une procédure contradictoire.

Sur ce point, la cour relève que les motifs figurant dans la requête, auxquels le juge saisi pouvait valablement se référer, caractérisent de manière suffisante au regard des circonstances concrètes de l'espèce l'existence d'un risque de dépérissement des preuves, en ce qu'il est fait référence au comportement, qualifié de déloyal, des parties requises et aux conséquences qui peuvent en être tirées, la requête indiquant expressément qu'une mesure contradictoire permettrait aux requises de supprimer toutes les données litigieuses.

Dans ces conditions, c'est également à bon droit que le premier juge a écarté ce moyen.

Au regard de l'ensemble de ce qui précède, l'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté Mmes [J] et [C] et la société Premio Tertiaire de leur demande en rétractation, ainsi que de toutes leurs prétentions en découlant.

Sur les demandes respectives de dommages-intérêts des parties appelantes et de la partie intimée pour procédure abusive :

Mmes [J] et [C] et la société Primo Tertiaire entendent voir condamner la société Actua à payer, à chacune d'entre elles une somme de 5 000 euros à titre de provision sur dommages intérêts pour procédure abusive, arguant du fait 'de manière totalement injustifiée', de venir solliciter non-contradictoirement des mesures d'instructions totalement exorbitantes, lequel serait 'clairement constitutif d'un abus de droit d'agir en justice'.

Pour autant, et alors même qu'il a été fait droit aux demandes de la société Actua, les parties appelantes ne démontrent, de manière suffisante, aucune mauvaise foi ou erreur grossière de la partie adverse, de sorte qu'il ne sera pas fait droit à leur demande.

La SAS Actua sollicite, pour sa part, la mise en compte, à la charge des parties appelantes, d'une indemnité pour procédure abusive fixée à l'euro symbolique. Elle reproche aux parties adverses de soutenir abusivement que la mesure sera dépourvue de motif légitime, alors qu'elles auraient sciemment dérobé ses fichiers pour construire et développer leur nouvelle structure.

Cependant, la cour observe que les griefs de la société Actua relèvent pour partie du fond qu'il n'appartient pas à la juridiction de céans d'apprécier, outre que, nonobstant l'issue du présent litige, qui ne saurait suffire à le démontrer, elle n'établit, pas davantage que la partie adverse à son encontre, l'existence d'une mauvaise foi ou d'une erreur grossière de cette dernière, de sorte qu'il ya lieu également, de la débouter de sa demande à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les parties appelantes succombant pour l'essentiel seront tenues, in solidum, des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, incluant les frais liés à l'intervention de l'huissier de justice, à l'établissement du constat et au recours à un expert informatique, outre confirmation de la décision déférée sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge des parties appelantes, in solidum, une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 3 000 euros au profit de la partie intimée, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions de l'ordonnance déférée de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 7 mai 2019 par le président du tribunal de grande instance de Strasbourg,

Y ajoutant,

Déboute Mme [X] [I], épouse [J], Mme [P] [C] et la SAS Premio Tertiaire de leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,

Déboute la SAS Actua de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,

Condamne in solidum Mme [X] [I], épouse [J], Mme [P] [C] et la SAS Premio Tertiaire aux dépens de l'appel, en ce compris les frais d'établissement du constat d'huissier et plus généralement des frais liés à l'intervention de ce dernier, et de recours à l'expert informatique,

Condamne in solidum Mme [X] [I], épouse [J], Mme [P] [C] et la SAS Premio Tertiaire à payer à la SAS Actua la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [X] [I], épouse [J], Mme [P] [C] et la SAS Premio Tertiaire.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 19/02356
Date de la décision : 18/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-18;19.02356 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award