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11/01/2023 | FRANCE | N°20/02055

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 11 janvier 2023, 20/02055


MINUTE N° 29/23





























Copie exécutoire à



- Me Patricia CHEVALLIER -GASCHY



- Me Raphaël REINS





Le 11.01.2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 11 Janvier 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/02055 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HLS

S



Décision déférée à la Cour : 26 Juin 2020 par le Juge des référés civils du Tribunal judiciaire de COLMAR



APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :



S.A.R.L. DG HOLIDAYS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]



Repré...

MINUTE N° 29/23

Copie exécutoire à

- Me Patricia CHEVALLIER -GASCHY

- Me Raphaël REINS

Le 11.01.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 11 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/02055 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HLSS

Décision déférée à la Cour : 26 Juin 2020 par le Juge des référés civils du Tribunal judiciaire de COLMAR

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

S.A.R.L. DG HOLIDAYS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

S.C.I. POMMERAIE RENAISSANCE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Raphaël REINS, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon bail commercial du 6 septembre 2006 et avenant du 31 décembre 2010, la SCI Mela a donné à bail commercial à la SARL Abbaye [6] un bien sis à Sélestat, pour l'exploitation d'un hôtel-restaurant.

La SARL DG Holidays vient aux droits de la SARL Abbaye [6], suivant jugement du 7 juin 2016 arrêtant le plan de cession des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce de cette société, qui avait été mise en redressement puis en liquidation judiciaire.

Le 19 juillet 2018, suite à une vente, la SCI Pommeraie Renaissance est venue aux droits de la SCI Mela.

Par arrêté du 8 août 2019, la mairie a prononcé la fermeture de l'établissement recevant du public exploité sous l'enseigne Hostellerie Abbaye [6].

Le 4 décembre 2019, la SCI Pommeraie Renaissance (le bailleur) a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire à la SARL DG Holidays (le preneur).

Par assignation du 3 janvier 2020, la SARL DG Holidays a assigné en référé la SCI Pommeraie Renaissance afin d'être autorisée à suspendre provisoirement son obligation de payer les loyers tant que le bailleur ne procédera pas aux travaux de mise en conformité de l'électricité et ne remédiera pas aux travaux de vétusté de la plomberie, afin que le bailleur soit condamné à faire procéder aux travaux de plomberie et d'électricité nécessaires à la reprise de l'activité de l'hôtel, sous astreinte, et à titre subsidiaire, afin que lui soient accordés des délais de paiement suspendant les effets de la clause résolutoire pour apurer les causes du commandement, et que le bailleur soit condamné à lui payer des frais au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Pommeraie Renaissance a conclu au rejet de ces demandes et a demandé au juge des référés de constater l'acquisition de la clause résolutoire, la résiliation du bail à compter du 4 décembre 2019, l'expulsion du preneur et de tous occupants de son chef et sa condamnation à lui payer à titre provisionnel les loyers et charges impayés et une somme à titre d'indemnité d'occupation à compter du 4 décembre 2019 jusqu'à libération des lieux, outre une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé du 26 juin 2020, le président du tribunal judiciaire de Colmar a :

- débouté la SARL DG HOLIDAYS de ses demandes de suspension de son obligation de paiement du loyer et de condamnation à faire procéder aux travaux,

- constaté la résiliation de plein droit du bail liant les parties à effet au 5 janvier 2020,

- ordonné, en conséquence, l'expulsion de la SARL DG HOLIDAYS et celle de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 5], dans le délai d'un mois suivant la signification de la présente décision,

- condamné la SARL DG HOLIDAYS à payer à la SCI POMMERAIE RESIDENCE à titre de provision, la somme de 23'555,28 euros correspondant à l'arriéré locatif visé au commandement,

- condamné la SARL DG HOLIDAYS à payer à la SCI POMMERAIE RESIDENCE une indemnité d'occupation d'un montant de 7851,76 euros TTC par mois à compter du 1er janvier 2020,

- autorisé la SARL DG HOLIDAYS à se libérer de sa dette locative par versements mensuels successifs de 1000 € par mois,

- suspendu les effets de la clause résolutoire tant que cet échéancier sera respecté et que les loyers et charges courantes seront honorés,

- dit qu'en cas de défaillance dans le règlement d'une seule mensualité à son échéance ou de non-paiement des loyers et charges courantes, la clause résolutoire retrouvera son plein effet,

- rappelé que la présente ordonnance est de droit exécutoire par provision,

- débouté les parties de leurs demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL DG HOLIDAYS aux entiers dépens de l'instance, en ceux compris le coût du commandement de payer du 4 décembre 2019 demeuré infructueux.

Le 20 juillet 2020, la SARL DG HOLIDAYS en a interjeté appel.

Le 7 août 2020, la SCI POMMERAIE RENAISSANCE s'est constituée intimée.

Par ordonnance du 20 janvier 2021, la présidente de chambre, agissant sur délégation de Madame la première présidente, a débouté la société POMMERAIE RENAISSANCE de sa demande de radiation de l'affaire, dit que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l'instance en principal et a renvoyé l'affaire à l'audience de conférence du 26 mars 2021 pour fixation de l'audience de plaidoirie.

La SCI POMMERAIE RENAISSANCE a conclu par conclusions du 22 juin 2021, auxquelles était joint un bordereau de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour.

La SARL DG HOLIDAYS a conclu par conclusions du 16 septembre 2021, auxquelles était joint un bordereau de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour.

Par requête en rectification d'erreur matérielle du 23 septembre 2021, transmises par voie électronique le même jour, la SCI POMMERAIE RENAISSANCE a demandé la rectification d'erreurs matérielles affectant l'ordonnance de référé du 26 juin 2020 du tribunal judiciaire de Colmar.

Par arrêt du 29 novembre 2021, la cour d'appel a ordonné la rectification des erreurs matérielles affectant l'ordonnance de référé du 26 juin 2020 rendue par le président du tribunal judiciaire de Colmar, et dit que tous les termes 'SCI POMMERAIE RESIDENCE' seront remplacés par les termes 'SCI POMMERAIE RENAISSANCE'.

Par ordonnance du 30 novembre 2021, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 9 mai 2022 et l'avis de fixation a été adressé par le greffe le 30 novembre 2021.

La SCI POMMERAIE RENAISSANCE a conclu par conclusions du 1er février 2022, auxquelles était joint un bordereau de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à la requête en rectification d'erreur matérielle pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur la demande d'autorisation de suspendre rétroactivement et provisoirement l'exécution de l'obligation de payer les loyers formée par le preneur :

Le preneur demande à être autorisé à suspendre provisoirement et rétroactivement l'exécution de son obligation de payer les loyers. Dans ses conclusions, il précise demander à l'être à compter d'août 2019 et soutient invoquer une exception d'inexécution suffisamment grave dès lors qu'il ne peut plus exploiter les lieux loués depuis août 2019, ce que le bailleur n'ignore pas, que les manquements graves et répétés à ses obligations de délivrance, de réparation et de vétusté depuis 2016 ont entraîné la fermeture de l'établissement et ont privé de cause sa propre obligation. Il lui reproche de ne pas avoir procédé aux travaux nécessaires en vue d'une exploitation et jouissance normale des lieux donnés à bail, évoquant principalement des travaux de sécurité consistant en la mise en conformité de l'installation électrique, en la réalisation d'une voie échelle et la modification des espaces verts, mais également de mise en conformité de l'ascenseur, ainsi que des travaux pour remédier à la vétusté de la plomberie.

Le bailleur réplique, en substance, avoir effectué tous les travaux de mise aux normes et que l'arrêté de fermeture du maire de [Localité 7] a été la conséquence des défaillances de l'exploitant. Il fait aussi valoir qu'en dépit de l'arrêté de fermeture du 8 août 2019, dont il n'a pas été informé, l'exploitation a continué et que la société DG Holidays a régularisé ses loyers le 4 octobre 2019 suite à un précédent commandement visant la clause résolutoire du 7 septembre 2019. Il invoque sa mauvaise foi et soutient qu'elle lui a laissé croire qu'elle avait remédié aux points reprochés par la lettre de mise en demeure de la SCDS du 9 juillet 2019. Il ajoute qu'elle n'a jamais émis de contestation et a connu d'importants retards de paiement, qu'elle a régularisés, et qu'elle connaît d'importantes difficultés financières.

Sur ce,

Le 6 septembre 2006, un contrat de bail a été conclu entre la SCI Mela et la société Abbaye [6], prévoyant notamment que seuls les gros travaux limitativement visés à l'article 606 du code civil restent à la charge du bailleur.

En 2010, la Socotec avait, dans un rapport ayant pour objet un diagnostic relatif à la sécurité contre les risques d'incendie dans les établissements recevant du public, prescrit la réalisation d'un certain nombre de travaux dans l'hôtel-restaurant.

Par arrêté du 21 janvier 2015, le maire de [Localité 7] avait autorisé la réalisation des travaux de mise en sécurité et dit que les prescriptions formulées par le rapporteur de la CASIP le 27 novembre 2014 et du rapporteur de la CAA du 18 décembre 2014 seront respectées. L'avis de la CASIP contenait la liste des travaux envisagés, un avis favorable à cette demande, et maintenait un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation 'émis dans le PV de la CASIP du 23 octobre 2013'.

Selon le protocole relatif à la cession judiciaire des actifs du 6 juin 2016 produit aux débats, conclu entre le cessionnaire et la SCI Mela, bailleur, il est rappelé que la CASIP a émis, en janvier 2005, un avis défavorable à la poursuite de l'activité de la SARL Abbaye de [6], que cet avis a été confirmé à de nombreuses reprises et en particulier en novembre 2014, que ni le bailleur, ni l'exploitant n'ont levé à ce jour les réserves de la commission de sécurité et que la sous-préfecture a notifié en 2016 à l'administrateur une obligation de réalisation de l'intégralité des prescriptions de la CASIP.

Dans ce protocole, 'la SCI Mela s'engage à fixer le loyer (...) à un montant de 7 000 euros hors taxes par mois à compter de la prise d'effet décidée par le tribunal (...) (Et) s'engage de manière ferme et définitive à effectuer tous les travaux de mise en conformité demandés par la CASIP jusqu'à la levée totale et définitive de l'avis défavorable concernant l'exploitation de l'Abbaye de [6]'. De son côté, le promettant s'engage, 'dès la levée de l'avis défavorable par la CASIP', 'à faire l'acquisition de l'actif immobilier de la SCI Mela ou des titres de la SCI Mela pour un montant calculé ainsi qu'il est indiqué'.

Il résulte du jugement du 7 juin 2016 arrêtant le plan de cession que la société DG Holidays était le cessionnaire du fonds de commerce, le jugement précisant que le prix de cession est adapté à la situation du cédant, dès lors qu'il ne bénéficie plus de l'autorisation de la CASIP dans les ERP et que l'ensemble des salariés sont repris. En outre, le jugement prend acte de l'accord intervenu entre la SCI Mela et le candidat et le cessionnaire en date du 6 juin 2016.

Le bailleur fait valoir, de manière inopérante, qu'il appartenait à la société DG Holidays, qui avait privilégié l'acquisition des parts sociales de la SCI Mela, de donner des garanties suffisantes aux banques que la SCI Mela consultait pour financer les travaux de mise aux normes, que le prix des parts allait tenir compte du passif supplémentaire et que la société DG Holidays a bloqué le dossier. En effet, un tel argument est insuffisant pour exclure de manière manifeste un manquement du bailleur à ses obligations ayant conduit à la fermeture de l'établissement en août 2019. D'ailleurs, comme en justifie le preneur, par acte d'huissier du 3 janvier 2018, le bailleur lui avait signifié son intention de vendre, avec une clause prévoyant que l'acquéreur fera son affaire de toute mise aux normes à réaliser dans les locaux, le vendeur, à savoir la société Mela, ayant fait établir un devis de divers travaux de mise aux normes, à titre indicatif.

En octobre 2016, le conseil d'administration de l'association Relais et Châteaux a exclu l'établissement de ce réseau compte tenu de l'état actuel de l'établissement et l'impossibilité de délivrer les prestations de qualité attendues, ainsi que la fermeture du restaurant depuis plusieurs mois.

Il n'est pas contesté que, début 2019, le bailleur a effectué des travaux, qu'il admettait ainsi devoir prendre en charge et, d'ailleurs, le preneur produit une décharge de responsabilité du représentant de la SCI Pommeraie Renaissance déclarant dégager la société Popinns de toute responsabilité en cas d'accident ou dommages pouvant survenir dans les locaux durant les travaux de mise en sécurité incendie qui se dérouleront du 4 janvier au 18 février 2019.

Le 4 juillet 2019, la Sous-Commission départementale de la sécurité contre les risques de d'incendie et de panique dans les ERP-IGH du Bas-Rhin (SCDS) a dressé un procès-verbal contenant un rapport de visite, qui indique, en page 2, les travaux réceptionnés en faisant référence aux travaux de mise en sécurité AT06746214M0026 réalisés sur trois années. Le bailleur ne communique pas le dossier correspondant auxdits travaux, cependant le rapport précité liste les travaux et précise que 'les points suivants prévus dans la demande n'ont pas été réalisés : -réalisation d'une voie d'échelle pour la façade Ouest et modification des espaces verts de l'entrée principale (prévu en 2016), - mise aux normes de l'ascenseur (prévu en 2016)'.

Dans la description de l'hôtel visité, le rapport précise notamment que l'accessibilité aux 2ème et 3ème étage par les façades est délicate voire impossible et qu'en cas d'impossibilité de passer par l'intérieur, les sauvetages ou accès risquent d'être impossibles sur ces niveaux. Il est également fait état d'un risque de propagation des fumées et du feu en raison de l'efficacité très limitée de la fenêtre dans l'escalier menant au 3ème étage. En outre, il est précisé, au sujet de l'installation électrique, qu'aucun organe de coupure d'urgence n'existe, ni d'installation de protection contre la foudre.

Dans ce document figurent des prescriptions, telles que celle visant à procéder ou faire procéder par des techniciens compétents aux opérations d'entretien et de vérifications des installations électriques et des équipements techniques (chauffage, éclairage, installations électriques, (...) ascenseurs, moyens de secours...) (PE 4 par.2), proposer à la SCDS une solution pour améliorer l'accessibilité pour les secours par l'extérieur au 2ème et 3ème étage, transmettre à la SCDS une proposition d'amélioration du désenfumage de l'escalier menant du 2ème au 3ème étage et organiser un organe de coupure d'urgence, outre assurer la présence permanente d'au moins un membre du personnel ou d'un responsable lorsque l'établissement est ouvert au public, et notamment la nuit et instruire le personnel sur les conduites à tenir en cas d'incendie et les entraîner à la manoeuvre des moyens de secours.

Il contient également un avis, consistant notamment à maintenir son avis défavorable à l'exploitation, motivé par l'absence de personnel dans l'établissement durant certaines nuits, l'absence d'instruction et d'entraînement du personnel, le maintien en position ouverte d'un certain nombre de portes équipées de ferme-porte et par l'absence de registre de sécurité, et d'entretien ou vérifications des installations et équipements, ainsi qu'un avis favorable à la réception des travaux de mise en sécurité.

Ainsi, si un avis favorable a été donné à la réception des travaux de mise en sécurité qui ont été effectués, il n'en résulte pas de manière manifeste que l'ensemble des travaux de mise en sécurité nécessaires ont été accomplis. Au contraire, le rapport a précisé que des travaux prévus n'avaient pas été réalisés et il est préconisé d'effectuer certains travaux consistant notamment dans les moyens de secours et l'installation électrique.

Il résulte de la lettre de mise en demeure du 17 juillet 2019 adressée par le conseil du bailleur au preneur que le bailleur était informé de l'avis et de la mise en demeure de la SCDS du 9 juillet 2019.

L'arrêté de fermeture de l'établissement du 8 août 2019 a été pris au visa de l'avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement rendu par la SCDS le 4 juillet 2019, dont les motifs précités sont rappelés, et de la lettre de mise en demeure du maire du 9 juillet 2019 adressée à l'exploitant de lever les prescriptions du rapporteur de la SCDS dans un délai de huit jours. L'arrêté est motivé par le fait que l'exploitant n'a pas répondu aux injonctions de faire mentionnés dans le procès-verbal de la SCDS du 4 juillet 2019, reprises dans la lettre de mise en demeure du 9 juillet 2019, notifiée le 16 juillet 2019, mais également par le fait que l'établissement est sous avis défavorable à la poursuite de son exploitation depuis le 23 octobre 2013 et que 'le fait que les travaux de mise en sécurité d'ores et déjà exécutés n'ont pas permis de garantir la sécurité du public dans cet établissement'.

Cet arrêté ordonne la fermeture de l'établissement jusqu'à ce qu'un certain nombre de préconisations soient respectées, qu'il liste, et notamment procéder ou faire procéder par des techniciens compétents aux opérations d'entretien et de vérifications des installations électriques et des équipements techniques (chauffage, éclairage, installations électriques, (...) ascenseurs, moyens de secours...) (PE 4 par.2).

Pour soutenir que l'exploitation a perduré en dépit de l'arrêté municipal du mois d'août 2019 et n'a fermé que le 10 décembre 2019, le bailleur invoque un article de presse portant la date du 10 décembre 2019, évoquant une fermeture par arrêté préfectoral, un avis défavorable de la commission de sécurité et que 'l'établissement a immédiatement été fermé ce mardi'. Cependant, cet article n'est pas suffisamment circonstancié pour qu'il puisse être considéré de manière certaine que l'exploitation n'avait pas cessé suite à l'arrêté municipal du mois d'août 2019.

Aucun élément n'indique que le bailleur ait été informé de l'arrêté municipal de fermeture de l'hôtel avant le 10 décembre 2019. Toutefois, celui-ci indique dans sa lettre du 16 décembre 2019 qu'il avait connaissance de l'absence de respect de la mise en demeure précitée du 9 juillet 2019. En tous les cas, il n'invoque aucun élément au soutien de son affirmation selon laquelle le preneur lui avait laissé croire qu'il avait remédié aux points reprochés par la lettre de mise en demeure de la SCDS du 9 juillet 2019.

Si l'arrêté de fermeture de l'établissement a été motivé par des manquements manifestement imputables à l'exploitant, c'est-à-dire au preneur, tels que l'absence de l'absence de personnel dans l'établissement durant certaines nuits, l'absence d'instruction et d'entraînement du personnel, le maintien en position ouverte d'un certain nombre de portes équipées de ferme-porte et par l'absence de registre de sécurité, elle l'a également été en raison de la nécessité d'effectuer des opérations d'entretien et de vérifications des installations électriques et des équipements techniques portant, notamment, sur les installations électriques et les moyens de secours.

Le preneur produit divers documents datés d'octobre 2019 relatifs à des entretiens, tels par exemple que la maintenance de l'ascenseur et la vérification des installations de la cuisine et de la chaufferie.

Par courrier du 4 décembre 2019, le maire de [Localité 7] a indiqué que la SCDS a émis un second avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement, le premier ayant été rendu le 4 juillet 2019. Le rapport de visite effectuée le 13 novembre 2019 conclut au fait que 'bien que des actions aient été réalisées depuis la dernière visite en juillet, l'établissement comprend encore des risques important d'éclosion et de propagation d'un incendie. L'évacuation rapide et sûre du public n'est pas garantie. Par ailleurs, la gestion a minima de l'hôtel laisse craindre une dégradation de la situation'. Il émettait des prescriptions visant à y remédier, repris par la SCDS, portant notamment sur la nécessité de lui proposer 'une solution pour améliorer l'accessibilité pour les secours par l'extérieur au 2ème et 3ème étage' et lui transmettre 'une proposition d'amélioration du désenfumage de l'escalier menant du 2ème au 3ème étage', ainsi qu'un avis défavorable, également repris par la SCDS, lequel est motivé notamment par la présence excessive de poussière dans les TGBT et les défectuosités de l'installation électrique, les défectuosités sur les installations de chauffage et de climatisation, un nombre important de portes résistantes au feu qui ne se ferment pas complètement, la présence de stockage dans des pièces désaffectées dont les portes et parois ne sont pas suffisamment résistantes au feu, l'absence de détection incendie dans certains endroits et l'audibilité insuffisante ou l'inaudibilité du signal sonore d'alarme dans certaines chambres.

Le preneur invoque, en outre, le rapport technique du 29 septembre 2020 auquel il a fait procéder listant les points prévus lors de la dépose du dossier en 2014 non encore réalisés, tel que l'accessibilité au 2ème et 3ème étage et le désenfumage des cages d'escalier du 2ème au 3ème étage, et concluant que l'établissement ne pourra jamais passer un avis favorable 'tant que les travaux déposés en 2014 et tant que les avis et prescriptions de la commission de sécurité de novembre 2019 ne soient levés.'

Il invoque en outre la vétusté de la plomberie et produit un constat d'huissier du 6 février 2020 qui a ouvert les robinets dans quelques chambres et dont il résulte qu'il faut attendre plusieurs secondes ou plus d'une minute avant que l'eau ne devienne chaude et, surtout, que l'eau qui s'accumule a une couleur brunâtre ou rouille.

Les difficultés financières du preneur, invoquées par le bailleur, sont inopérantes pour la solution du présent litige.

Cependant, les questions de savoir si le bailleur avait, en août 2019, effectué l'intégralité des travaux lui incombant, et ainsi si les travaux concernant les installations électriques et les moyens de secours restant à effectuer relèvent du bailleur ou du preneur et, surtout, de savoir si l'arrêté de fermeture du maire de [Localité 7] a été la conséquence des défaillances de l'exploitant ou des manquements du bailleur à ses obligations suppose d'apprécier le fond du litige.

Il en est de même de celle de savoir si les travaux pour remédier aux constats effectués fin 2019 et début 2020 relèvent du bailleur ou du preneur et, le cas échéant, ont une conséquence sur le maintien de l'interdiction d'exploiter.

En outre, il résulte du protocole et du jugement de cession que la société DG Holidays avait manifestement connaissance de l'avis défavorable de la CASIP qui existait lors du plan de cession. Bien qu'elle invoque aujourd'hui que le bailleur a usé de manoeuvres dolosives pour acquérir l'établissement hôtelier en régularisant un protocole dans lequel il s'engageait à effectuer les travaux de réhabilitation, elle admet avoir toujours payé les loyers, même avec retard, et notamment, comme l'indique le bailleur sans que cela soit contesté, à la suite de commandements de payer visant la clause résolutoire. Le preneur ne conteste d'ailleurs pas avoir régularisé les loyers le 4 octobre 2019 suite à un précédent commandement visant la clause résolutoire du 7 septembre 2019, lequel portait sur les loyers de juillet à septembre 2019, et ce alors même qu'il demande la suspension des loyers à compter d'août 2019.

Le preneur ne soutient pas avoir émis auprès du bailleur de contestations préalables ou de demandes d'effectuer des travaux, précisant même ne pas avoir répondu par écrit aux correspondances du conseil sur l'exception d'inexécution, ni sur les difficultés rencontrées et ses craintes face à la sécurité du public et de son personnel, faisant valoir que le bailleur avait continué à l'assurer de l'imminence de la réalisation des travaux. Aucune pièce n'est produite à cet égard en dehors d'échanges au sujet des travaux datant de 2017 produits en pièce 26 ; et ce n'est que par l'assignation introductive d'instance de janvier 2020 qu'elle a demandé la suspension, provisoire, de son obligation de payer les loyers.

Il résulte de ce qui précède qu'il existe une contestation sérieuse sur l'existence d'un manquement du bailleur à ses obligations, notamment sur l'imputabilité au bailleur des travaux invoqués et de la fermeture de l'établissement, et donc sur la possibilité pour le preneur d'invoquer une exception d'inexécution.

Ainsi, il n'y a pas lieu à référé sur la demande de suspension de l'exécution de l'obligation du preneur de payer les loyers, qui se heurte à une contestation sérieuse.

2. Sur la demande de constat de la nullité du commandement délivré le 4 décembre 2019 :

La délivrance de mauvaise foi d'un commandement de payer visant la clause résolutoire ne constitue pas une cause de nullité dudit commandement. En outre, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d'annuler un tel commandement.

3. Sur la demande tendant à dire que le commandement ne peut produire effet :

Le preneur soutient que la clause résolutoire ne peut produire effet que si elle est mise en oeuvre de bonne foi par le bailleur, ce qui, selon elle, n'est pas le cas.

En l'espèce, comme le soutient le bailleur, le preneur a acquis le fonds de commerce en ayant connaissance de l'absence d'autorisation de la CASIP. En outre, le bailleur justifie avoir précédemment délivré plusieurs commandements de payer au preneur, qui ont été suivis d'effet et le preneur indique avoir toujours payé les loyers même avec retard, et ce sans avoir émis de contestations préalables auprès du bailleur. En outre, même si le bailleur était informé de l'avis et de la mise en demeure de la SCDS de juillet 2019, le preneur n'invoque aucun élément permettant de considérer que le bailleur, qui le conteste, était informé, avant d'avoir délivré le commandement le 4 décembre 2019, de l'arrêté de fermeture du mois d'août 2019.

Dès lors, compte tenu de ces circonstances, et à supposer même que le bailleur soit resté tenu d'effectuer des travaux lui incombant dont dépendait l'autorisation d'ouverture de l'établissement, il ne peut être considéré qu'il a délivré, le 4 décembre 2019, ce nouveau commandement de payer visant la clause résolutoire de mauvaise foi. Cette demande sera dès lors rejetée.

4. Sur l'acquisition de la clause résolutoire :

L'ordonnance attaquée a constaté la résiliation de plein droit du bail liant les parties à effet au 5 janvier 2020. Elle a également accordé des délais de paiement et suspendu les effets de la clause résolutoire tant que cet échéancier sera respecté et que les loyers et charges courantes seront honorés

Le preneur conclut à l'infirmation de l'ordonnance, demande à la cour de renvoyer le bailleur à mieux se pourvoir.

Il soutient qu'ayant restitué les clés le 14 octobre 2020, le bailleur n'est plus fondé à solliciter l'acquisition de la clause résolutoire. Cependant, le bailleur demande que soit constaté l'acquisition de la clause résolutoire à une date antérieure à la libération des lieux, de sorte que cette demande a encore un objet.

En outre, il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande de suspension de l'exécution de l'obligation de payer les loyers et sur la demande tendant à dire nul le commandement de payer visant la clause résolutoire. En outre, a été rejetée la demande tendant à dire que ce commandement n'a pas produit ses effets au motif invoqué que la clause résolutoire a été mise en oeuvre de mauvaise foi.

Le preneur n'invoque aucun autre moyen pour s'opposer à l'acquisition de la clause résolutoire.

Les causes du commandement n'ayant pas été acquittées dans le délai imparti, il a dès lors produit ses effets.

Formant un appel incident, le bailleur demande la confirmation de l'ordonnance, excepté la date de prise d'effet de la résiliation, puis, en conséquence, de constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail commercial à compter du 4 décembre 2019 au lieu du 5 janvier 2020.

Or, le commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 4 décembre 2019 et indiquait qu'à défaut de paiement des loyers dans le délai d'un mois de ce jour, le bailleur entendait se prévaloir de la clause résolutoire du bail, laquelle rappelle les dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce qui prévoient que la clause prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après commandement demeuré infructueux.

Dès lors, ses effets ne se sont pas produits le 4 décembre 2019. L'appel incident sera rejeté.

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation de plein droit du bail liant les parties à effet au 5 janvier 2020.

5. Sur la demande d'expulsion :

Après avoir constaté la résiliation du bail, l'ordonnance dont appel a ordonné l'expulsion du preneur et de tous occupants de son chef, tout en accordant des délais de paiement et suspendant les effets de la clause résolutoire tant que cet échéancier sera respecté et que les loyers et charges courantes seront honorés.

A hauteur d'appel, les parties conviennent de ce que les clés de l'hôtel ont été restituées par courrier officiel du 14 octobre 2020, le bailleur précisant que son conseil l'a reçu le 20 octobre 2020 et avoir fait dresser un constat d'état des lieux par un huissier le 20 octobre 2020. La demande d'expulsion n'a donc plus d'objet.

6. Sur la demande de condamnation, à titre provisionnel, des loyers et charges et d'une indemnité d'occupation :

Le bailleur demande le paiement d'une provision d'un montant de 23 555,28 euros au titre des loyers et charges impayés d'octobre 2019 à décembre 2019, qui sont d'ailleurs l'objet du commandement de payer délivré le 4 décembre 2019, le preneur soutenant invoquer des contestations sérieuses pour s'opposer au paiement de la provision.

Il résulte de ce qui précède qu'il existe une contestation sérieuse sur l'imputabilité au preneur ou au bailleur des travaux invoqués et de la fermeture de l'établissement, de sorte que l'obligation au paiement des loyers est sérieusement contestable et qu'il n'y a donc pas lieu à référé sur la demande de provision présentée par le bailleur au titre des loyers et charges.

De même, il existe une contestation sérieuse sur l'imputabilité au preneur ou au bailleur des travaux nécessaires pour permettre la réouverture de l'hôtel, de sorte qu'est sérieusement contestable l'obligation du preneur de payer une indemnité d'occupation pour des locaux qu'il ne peut exploiter. Il n'y a donc pas lieu à référé sur la demande de provision présentée par le bailleur au titre de l'indemnité d'occupation.

7. Sur la demande subsidiaire du preneur :

Invoquant un inventaire de décembre 2019, le preneur demande de dire que les meubles repris de facto par la SCI soient évalués à 89 792,64 euros et de condamner la SCI à lui payer cette somme et d'ordonner la compensation.

Le bailleur répond que le preneur pouvait déménager les biens, ce qu'elle a partiellement fait comme il résulte du procès-verbal du 20 octobre 2020.

Sur ce, le preneur forme une demande en paiement d'une somme, et non seulement d'une provision, qui excède les pouvoirs de la cour d'appel statuant à la suite du juge des référés. Il n'y a donc pas lieu à référé.

A supposer même que sa demande s'analyse en une demande de provision, il convient de constater que, dès lors que le preneur a pris l'initiative de restituer les clés le 14 octobre 2020, l'obligation du bailleur de rembourser la valeur des mobiliers restés sur place est sérieusement contestable. Le preneur n'explique pas pourquoi il n'a pas déménagé le mobilier qu'il entendait emporter avant la restitution des clés. En outre, il n'explique pas à quel titre le bailleur aurait dû, dans ces circonstances, lui fixer un rendez-vous pour qu'elle puisse récupérer le mobilier. De même, eu égard à ces circonstances, le fait que le bailleur puisse ainsi, après avoir effectué les travaux prescrits, réouvrir l'établissement sans manque à gagner ni nécessité d'investissements initiaux conséquents, est inopérant pour caractériser une obligation non sérieusement contestable du bailleur. Il n'y a donc pas lieu à référé.

8. Sur les frais et dépens :

Succombant, la société DG Holidays sera condamnée à supporter les dépens de première instance, l'ordonnance étant confirmée de ce chef, et d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que les demandes seront rejetées, l'ordonnance étant confirmée de ce chef au titre des demandes formées en première instance.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Colmar du 26 juin 2020 en ce qu'il a constaté la résiliation de plein droit du bail liant les parties à effet au 5 janvier 2020, débouté les parties de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la SARL DG Holidays aux entiers dépens de l'instance, en ceux compris le coût du commandement de payer du 4 décembre 2019 demeuré infructueux,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'autorisation à suspendre l'exécution de l'obligation de payer les loyers formée par la SARL DG Holidays,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à juger nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire délivrée le 4 décembre 2019,

Rejette la demande tendant à juger que le commandement ne peut produire effet,

Constate que la demande d'expulsion est devenue sans objet,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en paiement d'une provision formée par la SCI Pommeraie Renaissance au titre des loyers impayés et d'une indemnité d'occupation,

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation de la SCI Pommeraie Renaissance au titre de biens mobiliers,

Dit n'y avoir lieu en conséquence à statuer sur la demande de compensation,

Condamne la SARL DG Holidays aux dépens d'appel,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/02055
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;20.02055 ?
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