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10/01/2023 | FRANCE | N°23/00090

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 6 (etrangers), 10 janvier 2023, 23/00090


COUR D'APPEL DE COLMAR

Chambre 6 (Etrangers)





N° RG 23/00090 - N° Portalis DBVW-V-B7H-H7L6

N° de minute : 11/2023





ORDONNANCE





Nous, Catherine DAYRE, Conseiller à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Nadine FRICKERT, greffier ;





Dans l'affaire concernant :



M. X se disant [B] [E]



né le 18 Mai 1989 à [Localité 1] (SYRIE), de nationalité syrienne



Actuellement retenu au centre de rétenti

on de [Localité 2]





VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.75...

COUR D'APPEL DE COLMAR

Chambre 6 (Etrangers)

N° RG 23/00090 - N° Portalis DBVW-V-B7H-H7L6

N° de minute : 11/2023

ORDONNANCE

Nous, Catherine DAYRE, Conseiller à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Nadine FRICKERT, greffier ;

Dans l'affaire concernant :

M. X se disant [B] [E]

né le 18 Mai 1989 à [Localité 1] (SYRIE), de nationalité syrienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]

VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;

VU le jugement rendu le 26 novembre 2020 par le tribunal correctionnel d'Evry-Courcouronnes prononçant à l'encontre de M. X se disant [B] [E] une interduction du territoire français pour une durée de 3 ans, à titre de peine complémentaire ;

VU la décision de placement en rétention administrative prise le 29 décembre 2022 par LE PREFET DE LA MEUSE à l'encontre de M. X se disant [B] [E], notifiée à l'intéressé le même jour à 09 h 19 ;

VU le recours de M. X se disant [B] [E] daté du 4 janvier 2023, reçu et enregistré le même jour à 17 h 38 au greffe du tribunal, par lequel il demande au tribunal d'annuler la décision de placement en rétention administrative pris à son encontre ;

VU la requête de LE PREFET DE LA MEUSE datée du 05 janvier 2023, reçue et enregistrée le même jour à 13 h 17 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours de M. X se disant [B] [E] ;

VU l'ordonnance rendue le 06 Janvier 2023 à 10 h 40 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, rejetant le recours de M. X se disant [B] [E], déclarant la requête de M. LE PREFET DE LA MEUSE recevable et la procédure régulière, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. X se disant [B] [E] au centre de rétention de Geispolsheim, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 28 jours à compter du 6 janvier 2023 à 09 h 19 ;

VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. X se disant [B] [E] par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 09 Janvier 2023 à 09 h 28 ;

VU la proposition de M. LE PREFET DE LA MEUSE par voie électronique reçue le 9 janvier 2023 afin que l'audience se tienne par visioconférence ;

VU les avis d'audience délivrés le 9 janvier 2023 à l'intéressé, à Maître Charline LHOTE, avocat de permanence, à Madame [K] [J], interprète en langue arabe assermentée, à M. LE PREFET DE LA MEUSE et à M. Le Procureur Général ;

Le représentant de M. LE PREFET DE LA MEUSE, intimé, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique du 09 janvier 2023, a comparu.

Après avoir entendu M. X se disant [B] [E] en ses déclarations par visioconférence et par l'intermédiaire de Madame [K] [J], interprète en langue arabe assermentée, Maître Charline LHOTE, avocat au barreau de COLMAR, commise d'office, en ses observations pour le retenu, puis Maître Nicolas RANNOU, avocat au barreau de Strasbourg, en ses observations pour la SELARL Yves CLAISSE & associés, conseil de M. LE PREFET DE LA MEUSE, et à nouveau l'appelant qui a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le juge des libertés et de la détention de Strasbourg, par ordonnance du 6 janvier 2023, a rejeté le recours de Monsieur X se disant [B] [E] contre l'arrêté ordonnant son placement en rétention administrative et ordonné la prolongation de la rétention administrative .

Pour rjeter le recours, le juge des libertés et de la détention a énoncé que Monsieur X se disant [B] [E] ne pouvait invoquer l'article 5 de la convention européenne des droits de l'homme pour soutenir que son éloignement vers la Syrie était peu probable compte tenu de la violence régnant dans ce pays, dans la mesure où il apparaissait que l'intéressé n'était pas syrien mais algérien et que des démarches avaient été effectuées auprès des autorités algériennes en vue d'une reconnaissance.

Pour ordonner la prolongation de la rétention, le premier juge a constaté que l'éloignement n'avait pu être mis à exécution dans le délai de 48 heures, qu'il n'était émis aucune critique sur les diligences accomplies jusque là par l'administration et que l'intéressé ne remplissait pas les conditions d'une assignation à résidence .

Monsieur X se disant [B] [E] a repris oralement ses conclusions visant à l'infirmation de l'ordonnance et à sa remise en liberté.

S'agissant de la contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative, il a invoqué l'article 5 I f de la la convention européenne des droits de l'homme, rappelant que c'est seulement si une procédure d'expulsion est en cours qu'une personne peut être retenue et qu'en ce qui le concerne il n'y a pas de perspective d'éloignement, puisque,au vu du contexte généralisé de violence en Syrie, les renvois dans ce pays n'ont pas lieu.

Il a ajouté que l'arrêté de placement en rétention visait le renvoi en Syrie et que le préfet avait également pris un arrêté fixant la Syrie comme pays de renvoi.

Il a également soutenu que le fait qu'un expert assermenté ait indiqué, qu'au vu de son dialecte il serait algérien, était en dehors de son champ de compétence.

S'agissant de la contestation de la prolongation de la rétention administrative, faisant valoir que les nouveaux moyens soulevés étaient recevables en application des articles 563 et 564 du code de procédure civile, il a soulevé l'irrégularité de la requête en prolongation de sa rétention administrative, rappelant que le juge doit vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation mais également qu'il est effectivement fait mention des éventuels empêchements des délégataires de signature.

Il a aussi soulevé l'incompétence du signataire de la demande de laissez-passer consulaire .

Sur le fond, il a argué qu'il avait été placé en rétention administrative il y a plus de cinq jours sans qu'il n'ait été présenté aux autorités consulaires de son pays ; qu'en cas d'incarcération la demande de laissez-passer consulaire devait être formulée en amont de la libération.

Il a ajouté que l'administration ne prouvait aucunement les diligences effectuées afin de justifier la demande de prolongation .

Il a ajouté que lorsque la mesure d'éloignement fixe comme pays de renvoi le pays d'origine, pays notoirement en guerre, le juge judiciaire considère qu'il n'y a pas de perspective d'éloignement, lequel serait contraire à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et que , partant, la seule preuve d'une saisine des autorités consulaires ne saurait justifier de la nécessité de prolonger la rétention.

Il a précisé vouloir quitter la France et avoir des attaches en Belgique.

La préfète de la Meuse a conclu à la confirmation de l'ordonnance déférée.

Elle a fait observer que l'argumentaire relatif à l'interprète était inopérant pour faire annuler la procédure.

Elle a précisé que les demandes de laissez-passer consulaire avaient été faites avant la libération de l'intéressé.

L'intimée, a ajouté que ce dernier disposait d'un recours administratif contre le pays de renvoi.

Sur quoi

Sur la régularité de l'arrêté de placement en rétention administrative

Aux termes des articles L741-1 et L741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger faisant l'objet d'une peine complémentaire d'interdiction du territoire national peut être placé en rétention administrative, lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

En l'espèce, il ressort des éléments de la cause que Monsieur X se disant [B] [E] a été condamné le 26 novembre 2020, par le tribunal correctionnel d'Evry Courcouronnes, à la peine complémentaire de trois ans d'interdiction du territoire national.

Il a été placé en rétention administrative le 4 janvier 2022, à l'issue de la peine d'emprisonnement prononcée par le même tribunal.

Par arrêté du 6 octobre 2022, notifié le 11 octobre 2022, la préfète de la Meuse a fixé la Syrie comme pays de renvoi ou tout autre pays dans lequel l'intéressé serait déclaré légalement admissible.

Il ressort du procès-verbal numéro 1655/2022, établi par la brigade territoriale autonome de [Localité 3], ainsi que du mail adressé le 14 décembre, par l'interprète Madame [Z], à la préfecture de la Meuse que Monsieur X se disant [B] [E] serait algérien.

Il ressort du procès-verbal susvisé que l'audition de l'intéressé a bien eu lieu par le truchement de l'interprète.

Le recours à l'interprète avait précisément pour but de déterminer le dialecte arabe parlé par l'intéressé, de sorte que l'interprète est bien dans son champ de compétence lorsqu'elle définit l'intéressé comme algérien.

Monsieur X se disant [B] [E] peut donc être éloigné vers l'Algérie, ce pays étant bien ' tout autre pays dans lequel l'intéressé serait déclaré légalement admissible', de sorte que c'est en vain qu'il soutient qu'il n'existerait pas de perspective d'éloignement vers la Syrie.

L'arrêté de placement en rétention administrative n'étant pas autrement critiqué , il convient donc de confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en ce qu'elle a rejeté le recours de Monsieur X se disant [B] [E] contre cet arrêté.

Sur la régularité de la requête en prolongation de la rétention administrative

La demande , visant à voir déclarer irrégulière, pour défaut de qualité à agir du signataire, la requête en prolongation de la rétention administrative, constitue une fin de non recevoir, qui peut être proposée en tout état de cause, y compris en appel, en application de l'article 123 du code de procédure civile.

Il convient donc d'examiner cette demande, même si elle n'a pas été invoquée devant le premier juge.

En application de l'article R743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge a l'obligation de vérifier la compétence du signataire de la requête.

En l'espèce, la requête en prolongation de la rétention administrative a été signée par Monsieur [L] [S], secrétaire général de la préfecture, lequel est expressément déléguée pour présenter les requêtes en prolongation de rétention administrative, aux termes de l'arrêté préfectoral portant délégation, en date du 13 octobre 2021.

La preuve, par le préfet , de l'indisponibilité des signataires de premier rang n'est pas exigée par le texte et la signature du délégataire emporte preuve de leur empêchement.

Il s'ensuit que la fin de non recevoir n'est pas fondée.

Sur le fond

Aux termes de l'article L742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, pour une durée de vingt-huit jours par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative.

Le texte n'impose aucune condition à cette prolongation si ce n'est que, conformément à l'article L. 741-3 du code susvisé, l'administration effectue toutes les diligences nécessaires à l'éloignement de l'intéressé, en temps utile.

En l'espèce la demande de laissez passer consulaire a été faite par l'administration le 20 décembre 2022, soit en amont de la libération de Monsieur X se disant [B] [E] , de sorte qu'il ne peut être tenu aucun grief à l'administration de ce chef.

Il sera observé qu'aucun texte n'impose au juge de vérifier la compétence du signataire de la demande de laissez-passer consulaire .

Pareillement, le retenu ne saurait se prévaloir d'une absence de présentation à l'autorité consulaire de son pays dans un délai de cinq jours, alors que la demande de laissez passer consulaire a été faite avec diligence et que cette présentation consulaire n'est pas du ressort de l'autorité requérante.

C'est donc à bon droit, que le premier juge, constatant que Monsieur X se disant [B] [E] ne respectait pas les conditions d'une assignation à résidence telles que fixées par l'article L743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , a prolongé sa rétention administrative.

L'ordonnance déférée sera par conséquent confirmée.

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARONS l'appel de M. X se disant [B] [E] recevable en la forme ;

au fond, le REJETONS ;

CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg le 06 Janvier 2023 ;

RAPPELONS à l'intéressé les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention :

- il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin,

- il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ;

DISONS avoir informé M. X se disant [B] [E] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant.

Prononcé à Colmar, en audience publique, le 10 Janvier 2023 à 14 h 37, en présence de

- l'intéressé par visio-conférence

- Maître Charline LHOTE, conseil de M. X se disant [B] [E]

- Maître Nicolas RANNOU pour la SELARL CENTAURE AVOCATS, conseil de LE PREFET DE LA MEUSE

- de l'interprète, lequel a traduit la présente décision à l'intéressé lors de son prononcé.

Le greffier, Le président,

reçu notification et copie de la présente,

le 10 Janvier 2023 à 14 h 37

l'avocat de l'intéressé

Maître Charline LHOTE

Présente

l'intéressé

M. X se disant [B] [E]

né le 18 Mai 1989 à [Localité 1] (SYRIE)

Comparant par visioconférence

l'interprète

Madame [K] [J]

l'avocat de la préfecture

Comparant

EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,

- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,

- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,

- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,

- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,

- ledit pourvoi n'est pas suspensif.

La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :

- au CRA de [Localité 2] pour notification à M. X se disant [B] [E]

- à Maître Charline LHOTE

- à M. LE PREFET DE LA MEUSE

- à la SELARL CENTAURE AVOCATS

- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.

Le Greffier

M. X se disant [B] [E] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance

le À heures

Signature de l'intéressé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 6 (etrangers)
Numéro d'arrêt : 23/00090
Date de la décision : 10/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-10;23.00090 ?
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