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04/01/2023 | FRANCE | N°21/04684

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 04 janvier 2023, 21/04684


MINUTE N° 8/23

























Copie exécutoire à



- Me Anne CROVISIER



- Me Thierry CAHN





Le 04.01.2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 04 Janvier 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/04684 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HWRT



Décision défé

rée à la Cour : 23 Septembre 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 1ère chambre civile



APPELANTE :



S.A.S. ETHRA

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cou...

MINUTE N° 8/23

Copie exécutoire à

- Me Anne CROVISIER

- Me Thierry CAHN

Le 04.01.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 04 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/04684 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HWRT

Décision déférée à la Cour : 23 Septembre 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 1ère chambre civile

APPELANTE :

S.A.S. ETHRA

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me HAHN, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. LAETHIER, Vice-Président placé.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte notarié du 6 septembre 2012, la Sa Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (ci-après 'la banque populaire') a consenti à la société civile immobilière (SCI) rue de la montée une ouverture de crédit d'un montant de 600 000 euros.

Par jugement rendu le 12 mars 2018 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, la SCI [Adresse 6] a été placée en liquidation judiciaire.

Par courrier du 20 mars 2018, la banque populaire a déclaré sa créance, d'un montant de 352 104,65 euros, à la procédure collective.

Par acte d'huissier délivré le 20 avril 2021, la banque populaire a fait assigner la Sas Ethra, associée de la SCI [Adresse 6] à hauteur de 15 % du capital social, devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, aux fins de la voir condamner au paiement de la somme de 57 771,29 euros sur le fondement de l'article 1857 du code civil, outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 23 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- condamné la Sarl Ethra à payer à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 57 771,29 euros, avec intérêts au taux de 3,26 % à compter du 23/03/2021 au titre de l'ouverture de crédit qui avait été concédée à la SCI [Adresse 6],

- condamné la Sarl Ethra à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl Ethra aux dépens,

- dit que la présente décision est exécutoire par provision.

La Sas Ethra a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 9 novembre 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 8 février 2022 auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la Sas Ethra demande à la cour de :

- DECLARER la société ETHRA recevable en son appel,

- L'y DIRE bien fondé,

- DIRE ET JUGER que la SARL ETHRA n'a pas été appelée devant la Chambre civile du Tribunal Judiciaire de Strasbourg,

- DIRE ET JUGER que la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE en procédant à l'enrôlement tout à la fois auprès de la chambre civile et de la chambre commerciale de l'assignation délivrée d'avoir à comparaître devant la chambre commerciale a violé le principe du contradictoire et le principe de loyauté,

- DIRE ET JUGER que la chambre civile n'a pas été régulièrement saisie,

En conséquence,

- ANNULER purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de STRASBOURG en date du 23.09.2021 en tant que ce jugement a condamné la SARL ETHRA à payer à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE la somme de 57.771,9 € avec intérêts au taux de 3,26 % à compter du 23.03.2021 au titre de l'ouverture de crédit qui avait été concédée à la SCI [Adresse 5] et a condamné la SARL ETHRA aux entiers frais et dépens et à payer à la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE la somme de 1200 € par application de l'article 700 CPC,

- CONDAMNER la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE à payer à la société ETHRA la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 CPC

- LA CONDAMNER aux entiers frais et dépens.

La société Ethra soutient qu'elle a été assignée à comparaître devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg et qu'elle a immédiatement constitué avocat, la procédure étant enrôlée sous le RG 21/00654 et toujours en cours.

L'appelante fait valoir que parallèlement, elle s'est vue signifier la décision rendue le 23 septembre 2021 par la chambre civile du tribunal judiciaire de Strasbourg qui a été saisie de la même assignation par la banque populaire.

La société Ethra indique qu'aucune assignation à comparaître devant la chambre civile du tribunal ne lui a été signifiée puisque la compétence de la chambre commerciale était mentionnée sur l'assignation.

Elle expose qu'elle n'a pas pu faire valoir ses droits et qu'il s'agit d'une violation du contradictoire justifiant l'annulation du jugement, la banque populaire ayant violé son obligation de loyauté en procédant à un double enrôlement de la même assignation sans en informer le conseil de la société Ethra qui s'était pourtant constitué devant la chambre commerciale.

L'appelante expose que la juridiction civile n'a jamais été valablement saisie, aucune assignation à comparaître devant cette juridiction n'ayant été signifiée.

Elle précise qu'il n'y a pas lieu à évocation puisque l'appel tend à l'annulation du jugement, en l'absence d'assignation contre le défendeur qui n'a pas comparu, la chambre commerciale du tribunal judiciaire restant saisie du litige.

La banque populaire s'est constituée intimée devant la cour le 21 décembre 2021 et dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 8 avril 2022 auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, demande à la cour de :

- REJETER l'appel et le dire mal fondé ;

- REJETER l'intégralité des demandes, fins et conclusions de la société ETHRA ;

- CONFIRMER l'entier jugement ;

- CONDAMNER la société ETHRA aux entiers frais et dépens ainsi que d'avoir à payer la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La banque populaire fait valoir que l'appelante a été informée de la procédure intentée à son encontre puisque l'assignation lui a été signifiée à personne et qu'elle a contribué à sa propre perte en ne comparaissant pas devant le tribunal.

L'intimée soutient que la société Ethra avait régulièrement constitué avocat le 22 avril 2021 et qu'aucune violation du contradictoire n'est à déplorer, seule sa négligence l'a empêchée de développer utilement sa défense.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 13 mai 2022.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 23 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'appel principal :

Celle-ci n'étant pas contestée, il sera déclaré recevable.

Sur la nullité du jugement déféré :

L'article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

Par ailleurs, selon l'article 14 du code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

Aux termes des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En l'espèce, le jugement déféré a été rendu par la première chambre civile du tribunal judiciaire de Strasbourg sous le numéro de rôle RG 21/03096. Il mentionne que la Sarl Ethra a été destinataire de l'assignation qui lui a été délivrée le 20 avril 2021 à la requête de la société banque populaire Alsace Lorraine Champagne mais qu'elle n'a pas constitué avocat dans cette procédure et n'a donc pas présenté de défense. L'acte introductif d'instance ayant été signifié par remise à personne morale, le jugement a ainsi été qualifié de réputé contradictoire.

Il ressort cependant des pièces produites par les parties, que Maître Nicolas Deleau, avocat au barreau de Strasbourg, s'est constitué dans l'intérêt de la société Ethra devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg le 22 avril 2021 et que son confrère, Maître Jérôme Caen, avocat de la banque populaire, a été informé de cette constitution en défense qu'il produit aux débats. La procédure a été enregistrée devant la chambre commerciale sous le numéro de rôle RG 21/00654 et il est justifié de la tenue d'une audience de mise en état à la date du 15 février 2022 pour conclusions du défendeur.

Il apparaît donc que l'assignation délivrée le 20 avril 2021 a été enrôlée à deux reprises auprès de la chambre civile et de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg sous deux numéros différents et a donné lieu à deux procédures distinctes.

La procédure poursuivie devant la première chambre civile du tribunal judiciaire de Strasbourg en l'absence de la société Ethra porte atteinte aux principes du contradictoire et du procès équitable, dès lors qu'il est établi que l'appelante avait constitué avocat le 22 avril 2021 devant le tribunal judiciaire de Strasbourg et que cette affaire a été distribuée à la chambre commerciale, conformément à l'acte introductif d'instance du 20 avril 2021 qui vise expressément la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg.

Cet état de fait justifie, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de quiconque, de prononcer la nullité du jugement déféré.

Il résulte de l'article 562 du code de procédure civile que 'la dévolution s'opère pour le tout » lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement. En conséquence, la cour d'appel doit, après avoir annulé la décision de première instance, statuer sur le fond sans renvoyer l'examen de l'affaire aux premiers juges.

La dévolution pour le tout est toutefois exclue faute de saisine régulière des premiers juges.

En l'espèce, la saisine de la chambre civile du tribunal judiciaire de Strasbourg est manifestement irrégulière, rendant, par voie de conséquence, inopérant tout effet dévolutif.

Partant, aucune évocation du fond devant la cour ne peut être recherchée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Succombant, la banque populaire sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire droit à la demande formée par la société Ethra sur le même fondement à hauteur de la somme de 1 500 euros.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Déclare recevable l'appel formé par la Sas Ethra,

Prononce la nullité du jugement rendu par la première chambre civile du tribunal judiciaire de Strasbourg le 23 septembre 2021 sous le numéro de rôle RG 21/03096,

Déclare irrégulière la saisine de la première chambre civile du tribunal judiciaire de Strasbourg rendant inopérant tout effet dévolutif,

Condamne la Sa Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens de l'instance d'appel,

Déboute la Sa Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sa Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à payer à la Sas Ethra la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/04684
Date de la décision : 04/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-04;21.04684 ?
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