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21/12/2022 | FRANCE | N°22/02098

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 21 décembre 2022, 22/02098


MINUTE N° 612/22

























Copie exécutoire à



- Me Karima MIMOUNI



- Me Thierry CAHN



Copie à M. le PG



Arrêt notifié aux parties



Le 21.12.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 21 Décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° R

G 22/02098 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H3CW



Décision déférée à la Cour : 05 Mai 2022 par le Juge commissaire du Tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTE :



Madame [W] [G] [U] [D] veuve [T]

[Adresse 8]

[Localité 6]



Représentée par Me Karima MIMOUNI, ...

MINUTE N° 612/22

Copie exécutoire à

- Me Karima MIMOUNI

- Me Thierry CAHN

Copie à M. le PG

Arrêt notifié aux parties

Le 21.12.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 21 Décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/02098 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H3CW

Décision déférée à la Cour : 05 Mai 2022 par le Juge commissaire du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

Madame [W] [G] [U] [D] veuve [T]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me Karima MIMOUNI, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022002190 du 28/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

INTIMEES :

S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

Maître [B] [K], liquidateur judiciaire

[Adresse 4] [Localité 7]

non représentée, assignée par voie d'huissier à personne habilitée le 07.07.2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

Ministère Public :

représenté lors des débats par Mme VUILLET, substitut général, qui a fait connaître son avis et dont les réquisitions écrites ont été communiquées aux parties.

ARRET :

- réputé contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Par jugement du 26 mars 2012, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de Mme [W] [D] épouse [T], Me [K] étant désignée liquidateur judiciaire.

Par ordonnance du 5 mai 2022 rendue à la requête de la Banque Populaire d'Alsace Lorraine Champagne, le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- autorisé la vente aux enchères publiques de l'immeuble propriété du bien appartenant à Mme [W] [T]-[D], inscrit au Livre foncier de Strasbourg cadastré section [Cadastre 1], n°[Cadastre 3], lot n°1 (usufruit),

- commis Me [L], notaire à [Localité 9] pour y procéder,

- fixé la mise à prix à 33 300 euros,

- dit qu'à défaut d'acceptation de cette mise à prix, le notaire pourra fixer immédiatement une nouvelle mise à prix de 30 000 euros,

- chargé le notaire de dresser le cahier des charges déterminant les conditions de la vente qui sera soumis au juge-commissaire pour homologation.

Le 24 mai 2022, Mme [D] épouse [T] en a interjeté appel par déclaration effectuée par voie électronique.

Le 6 juillet 2022, l'affaire a été fixée à l'audience du 7 novembre 2022, et le greffier a adressé l'avis de fixation de l'affaire à bref délai à l'avocat constitué.

Par acte d'huissier de justice délivré le 7 juillet 2022 à Me [K] et le 12 juillet 2022 à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, Mme [D] leur a fait signifier le récapitulatif de la déclaration d'appel, l'avis de convocation, l'avis de fixation et l'ordonnance de fixation.

Le 21 juillet 2022, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne s'est constituée intimée par déclaration effectuée par voie électronique.

Par acte d'huissier de justice délivré le 23 août 2022 à Me [K] en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme [D], cette dernière lui a fait signifier ses conclusions d'appel.

Par conclusions portant la date du 20 septembre 2022, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le 19 septembre 2022, Mme [D] veuve [T] demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé son appel et le recevoir,

- infirmer en tous points l'ordonnance entreprise,

- statuant à nouveau : débouter les intimés de leurs fins et conclusions,

- les condamner solidairement aux dépens des deux instances et au paiement de la somme de 2 000 en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En substance, elle conclut à la recevabilité de son appel, soutenant que l'argument selon lequel seul le liquidateur serait recevable confère à ce dernier une position de partie en première instance et de juge en appel, que l'ordonnance lui refuse toute remise en cause de la mise à prix, que le droit d'interjeter appel d'une décision faisant grief constitue un droit fondamental personnel.

Sur le fond, elle expose être usufruitière de l'appartement sur lequel sa fille bénéficie de la nue-propriété, que le droit de l'indivision heurte le dispositif de l'ordonnance, et notamment les dispositions de l'article 812-17 du code civil, qu'il appartient à la banque d'établir détenir un droit réel immobilier à l'encontre de la nue-propriétaire et que le créancier personnel d'un indivisaire ne peut saisir la part de son débiteur dans le bien indivis.

Elle ajoute avoir pour domicile ledit appartement et jouir d'un droit au logement, qui est un droit personnel, qui rend compte de la situation précaire dans laquelle elle se trouve et que la vente ne pouvait être ordonnée sans garantir son maintien dans les lieux et respecter son droit personnel au logement.

Enfin, elle critique les motifs de l'ordonnance.

Par conclusions du 17 août 2022 auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne demande à la cour de :

- déclarer l'appel irrecevable,

- en tout état de cause, le déclarer non fondé,

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

- condamner Mme [T]-[D] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant d'une créance postérieure à la liquidation judiciaire.

En substance, elle soutient l'irrecevabilité de l'appel interjeté seul par la débitrice, en invoquant l'article L.641-9 du code de commerce et la nature patrimoniale de l'action et en déduisant que seule Maître [K] a pouvoir et qualité pour représenter la débitrice et que celle-ci n'a pas interjeté appel.

Sur le fond, elle soutient être créancière des deux indivisaires et avoir inscrit une hypothèque judiciaire tant sur la nue-propriété que sur l'usufruit, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de provoquer le partage. Elle précise avoir diligenté une procédure de vente forcée contre la nue-propriétaire, laquelle a ensuite fait l'objet d'une liquidation judiciaire, et avoir déclaré sa créance entre les mains de Me [R] qui va également solliciter la vente forcée.

Elle ajoute que Mme [D] invoque un droit au logement sans indiquer sur quel fondement juridique un tel droit serait susceptible d'empêcher la vente forcée du bien dont elle est propriétaire.

Par conclusions transmises le 21 octobre 2022 par voie électronique, le ministère public a conclu à la recevabilité de l'appel et à la confirmation de la décision.

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur la recevabilité du recours de Mme [D] veuve [T] :

La liquidation judiciaire de Mme [D] a été prononcée le 26 mars 2012.

Selon l'article R.642-37-1 du code de commerce, le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L. 642-18 est formé devant la cour d'appel.

Si par principe, le débiteur en liquidation judiciaire se trouve dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens à compter du jugement d'ouverture en vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce, de sorte que ce dessaisissement lui interdit classiquement d'exercer les actions en justice relatives à son patrimoine, celui-ci est cependant recevable à exercer, au titre de son droit propre, un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente d'un immeuble lui appartenant (Com., 28 janvier 2004, pourvoi n°01-13.422 ; Com., 5 octobre 2010, pourvoi n°09-16.602, B. 2010, IV, n°149 ; voir aussi in fine Com. 11 octobre 2016, pourvoi n°14-22.796, B.2016, IV, n°129).

Le recours exercé par Mme [D] est dès lors recevable.

2. Sur le bien fondé de la vente :

Aux termes de l'article L.643-2 du code de commerce, les créanciers titulaires (...) d'une hypothèque (...) peuvent, dès lors qu'ils ont déclaré leurs créances même s'ils ne sont pas encore admis, exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire.

En l'espèce, la banque produit le jugement du tribunal d'instance de Strasbourg du 27 novembre 2009 condamnant :

- Mme [W] [T]-[D] à payer à la Banque Populaire d'Alsace la somme de 264,81 euros, outre intérêts au taux de 18,66 % à compter du 13 mars 2007,

- Mme [W] [T]-[D] et Mme [I] [T]-[D] à payer à la Banque Populaire d'Alsace la somme de 20 569,28 euros, et pour mémoire des intérêts.

- Mme [I] [D] au paiement d'autres sommes, pour certaines solidairement avec une autre personne.

Par arrêt de la cour d'appel de Colmar du 20 juin 2011, le jugement a été infirmé en ce qui concerne le compte dépôt, Mme [W] [T]-[D] étant condamnée à payer la somme de 105,35 euros outre intérêts, et le jugement a été rectifié en ce qui concerne le montant de la condamnation de Mme [I] [T]-[D] au titre du prêt, le jugement étant confirmé pour le surplus.

La banque produit également sa déclaration de créance dans la procédure de liquidation judiciaire de Mme [W] [D] en date du 14 mai 2012 pour un montant de 25 316,66 euros au titre des sommes dues au titre dudit jugement.

Comme l'indique Mme [D]-[T], elle est usufruitière, et sa fille, Mme [I] [T] est nue-propriétaire de la parcelle sise à [Localité 6] section [Cadastre 1], n°[Cadastre 3], lot n°1.

Selon les copies du Livre Foncier produites aux débats, la Banque Populaire a inscrit deux hypothèques judiciaires pour deux montants de 40 000 euros sur les droits immobiliers appartenant sur cette parcelle à Mme [I] [T], et deux hypothèques judiciaires pour des montants de 22 000 euros et 20 000 euros sur ceux appartenant à Mme [W] [D].

Par requête du 23 décembre 2021, elle a demandé au juge-commissaire d'ordonner la vente forcée du bien appartenant à Mme [W] [T]-[D], fondée sur l'article L.643-2 du code de commerce, faisant valoir que le liquidateur n'avait pas entrepris la vente de l'usufruit du bien cadastré à [Localité 6] section [Cadastre 1], n°[Cadastre 3], lot n°1.

Il résulte de ce qui précède que le bien immobilier précité ne fait pas l'objet d'une indivision, mais d'un démembrement de droits réels, Mme [W] [D] et Mme [I] [T] étant titulaires de droits réels distincts.

Les moyens invoqués par l'appelante fondés sur l'existence d'une indivision sont dès lors inopérants.

D'ailleurs, suite à la requête précitée, qui ne portait que sur la vente de l'usufruit, le juge-commissaire a ordonné la seule vente des droits immobiliers appartenant à Mme [W] [D], à savoir l'usufruit du bien cadastré comme il a été dit.

D'autre part, Mme [D] soutient que le premier juge ne pouvait ordonner la vente sans garantir son maintien dans les lieux et ainsi respecter son droit personnel au logement, qui rend compte de la situation financière précaire dans laquelle elle se trouve.

Cependant, outre que Mme [D] n'indique quel est le fondement juridique du droit personnel au logement qu'elle invoque, elle n'explique ni ne justifie en quoi il serait porté atteinte à son droit de se loger. Elle fait uniquement état de la précarité de sa situation financière et produit le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de 2012. Bien qu'une situation de précarité ne soit pas contestée par la banque, cette dernière relève, de manière pertinente, que Mme [D] ne fait pas valoir avoir demandé à bénéficier d'un logement social. A titre surabondant, il convient de constater qu'elle ne produit aucun élément sur sa situation financière et personnelle actuelle, le jugement de 2012 précité étant ancien, mais aussi qu'elle n'apporte aucune autre explication concrète quant à l'impossibilité de se reloger. Ainsi, elle n'explique, ni ne produit aucun élément permettant de caractériser en quoi l'atteinte, à la supposer existante, à son droit au logement serait excessive et disproportionnée par rapport au droit du créancier d'obtenir la saisie du droit d'usufruit lui appartenant afin d'être payé de sa créance, étant relevé que sa créance résulte d'un jugement de 2009 et que la procédure collective a été ouverte en 2012.

Enfin, Mme [D] critique le motif du jugement ayant retenu que 'le liquidateur ne peut pas entreprendre la liquidation de l'immeuble, compte tenu du démembrement de propriété', alors qu'il admet pourtant, en autorisant la vente aux enchères, que le créancier poursuivant parviendrait, nonobstant le démembrement de propriété, à procéder à la liquidation dudit bien.

Cependant, le premier juge n'a pas autorisé la vente de l'immeuble, mais du seul droit d'usufruit appartenant à Mme [D]. Les motifs critiqués, sont ainsi surabondants, de sorte que leur critique est inopérante.

Pour le surplus, les conditions requises par l'article L.641-3 du code précité sont remplies.

La mise à prix est justifiée par l'avis de valeur produit aux débats, qui conclut à une valeur vénale de l'immeuble à 110 000 euros, soit à une valeur de l'usufruit de 44 000 euros compte tenu de l'âge de l'usufruitier, et à une valeur de la nue-propriété de 66 000 euros, tout en précisant qu'une valeur judiciaire de l'immeuble peut être estimée entre 77 000 et 82 500 euros. Cet avis de valeur n'est pas contesté, pas plus que la mise à prix de l'usufruit de Mme [D] telle que décidée par le premier juge, étant, à titre surabondant, rappelé que la mise à prix ne correspond pas à la valeur vénale, afin de rester attractive en vue d'attirer des candidats potentiels et ainsi de favoriser les enchères au meilleur prix.

Il convient ainsi de confirmer l'ordonnance.

3. Sur les frais et dépens :

Succombant, Mme [D] veuve [T] sera condamnée à supporter les dépens d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que les demandes seront rejetées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Déclare recevable le recours de Mme [W] [D] veuve [T],

Confirme l'ordonnance du juge commissaire du tribunal judiciaire de Strasbourg du 5 mai 2022,

Y ajoutant :

Condamne Mme [W] [D] veuve [T] aux dépens,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 22/02098
Date de la décision : 21/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-21;22.02098 ?
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