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21/12/2022 | FRANCE | N°21/04159

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 21 décembre 2022, 21/04159


MINUTE N° 613/22

























Copie exécutoire à



- Me Nadine HEICHELBECH



- Me Guillaume HARTER



Copie à M. le PG



Arrêt notifié aux parties



Le 21.12.2022



Le Greffier



REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 21 Décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire gén

éral : 1 A N° RG 21/04159 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HVVI



Décision déférée à la Cour : 01 Septembre 2021 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANTES - INTIMEES INCIDEMMENT :



S.A.R.L. RAVHOTEL prise en la personne de son gérant

[A...

MINUTE N° 613/22

Copie exécutoire à

- Me Nadine HEICHELBECH

- Me Guillaume HARTER

Copie à M. le PG

Arrêt notifié aux parties

Le 21.12.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 21 Décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/04159 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HVVI

Décision déférée à la Cour : 01 Septembre 2021 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTES - INTIMEES INCIDEMMENT :

S.A.R.L. RAVHOTEL prise en la personne de son gérant

[Adresse 2]

S.C.I. ARA prise en la personne de son gérant

[Adresse 2]

Représentées par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour

INTIMEES - APPELANTES INCIDEMMENT :

S.A.S. SIDDHI VINAYAK SOUS LE NOM COMMERCIAL 'RELAIS HOTE L'ARC EN CIEL' prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES prise en la personne de Me Céline MASCHI, administrateur judiciaire de la SAS SIDDHI VINAYAK

38 rue Jean Mieg 68100 MULHOUSE

S.E.L.A.R.L. MJM FROEHLICH ET ASSOCIES prise en la personne de Me Philippe FROEHLICH, mandataire judiciaire de la SAS SIDDHI VINAYAK

[Adresse 3]

Représentées par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

Ministère Public :

représenté lors des débats par Mme VUILLET, substitut général, qui a fait connaître son avis et dont les réquisitions écrites ont été communiquées aux parties.

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Vu le jugement du 1er septembre 2021 du tribunal judiciaire de Mulhouse qui a déclaré recevable la tierce-opposition formée par la SARL RAVHOTEL et la SCI ARA au jugement prononcé le 27 janvier 2021 par ce tribunal, qui a ouvert une procédure de sauvegarde judiciaire à l'égard de la SAS SIDDHI VINAYAK, rejeté la demande de rétractation, rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire et dit que les dépens seront liquidés en frais privilégiés de redressement judiciaire,

Vu la déclaration d'appel effectuée le 17 septembre 2021 par la SARL RAVHOTEL et la SCI ARA par voie électronique,

Vu la constitution d'intimées effectuée le 22 octobre 2021 par les sociétés SIDDHI VINAYAK, MJM Froehlich et Associés, prise en la personne de Maître Froehlich en sa qualité de mandataire judiciaire de cette société et AJAssociés, prise en la personne de Me Maschi en sa qualité d'administrateur judiciaire de cette société,

Vu l'ordonnance du 2 décembre 2021 disant que l'affaire sera appelée à l'audience du 21 mars 2021 et l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du greffier du 2 décembre 2021,

Vu les conclusions du ministère public transmises par voie électronique le 4 mars 2022 concluant à la confirmation du jugement,

Vu les conclusions de 18 mars 2022 de la société SIDDHI VINAYAK, de la société MJM Froehlich et Associés, prise en la personne de Maître Froehlich en sa qualité de mandataire judiciaire de cette société et de la société AJAssociés, prise en la personne de Me Maschi en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette société, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu les conclusions du 28 mars 2022 de la SARL RAVHOTEL et de la SCI ARA, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu les audiences des 21 mars et 4 avril 2022 où l'affaire a été successivement renvoyée aux audiences des 4 avril et 20 juin 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, il convient de constater que la demande des intimées, contenues dans le corps de leurs conclusions, visant au retrait de certains passages des conclusions des appelantes, n'est pas mentionnée dans le dispositif de leurs dernières conclusions, de sorte qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'en est pas saisie.

Par jugement du 27 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la société Siddhi Vinayak, la Selarl AJAssociés, prise en la personne de Maître Maschi étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance, et la SELARL MJM Froehlich & Associés, prise en la personne de Maître Philippe Froehlich étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Le 17 février 2021, les sociétés ARA et RAVHOTEL, respectivement bailleur et vendeur du fonds de commerce, ont formé tierce opposition à ce jugement.

Par jugement, dont appel, du 1er septembre 2021, la tierce opposition a été déclarée recevable, mais la demande de rétractation a été déclarée mal fondée.

1. Sur la recevabilité de la tierce opposition :

La société Siddhi Vinayak, la Selarl AJAssociés et la SELARL MJM Froehlich et associés demandent à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de déclarer irrecevable la tierce opposition.

S'agissant du délai pour former tierce opposition :

Les intimées soutiennent que la tierce opposition a été formée plus de 10 jours après le jugement d'ouverture mais aussi après la connaissance par les appelantes dudit jugement d'ouverture, soit le 1er février 2021 à l'occasion de l'envoi des conclusions de la société Siddhi Vinayak, ce courrier officiel étant doublé d'un courrier du 2 février 2021 adressé au tribunal et à la partie adverse faisant état de la mise en sauvegarde, étant observé que les sociétés ARA et RAVHOTEL ont comparu à l'audience du 2 février 2021 prenant acte de cette situation juridique nouvelle, mais n'ont formé tierce opposition que le 17 février 2021.

Cependant, comme l'invoquent les appelantes, l'article R.661-2 du code de commerce prévoit que :

'Sauf dispositions contraires, l'opposition et la tierce opposition sont formées contre les décisions rendues en matière de (...) de sauvegarde, (...) par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision.

Toutefois, pour les décisions soumises aux formalités d'insertion dans un support d'annonces légales et au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, le délai ne court que du jour de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Pour les décisions soumises à la formalité d'insertion dans un support d'annonces légales, le délai ne court que du jour de la publication de l'insertion.'

Selon l'article R.621-8, alinéa 5, dudit code, un avis du jugement (d'ouverture de la procédure de sauvegarde) est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.

En l'espèce, le jugement du 27 janvier 2021 ouvrant la procédure de sauvegarde de la société Siddhi Vinayak a été publié au BODACC le 17 février 2021 (annexe 39 des appelantes). Ainsi, la tierce opposition formée le 17 février 2021 l'a été dans le délai requis par l'article R.661-2 dudit code.

S'agissant de la connaissance préalable qu'auraient eue les conseils des sociétés RAVHOTEL et ARA de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, celle-ci est inopérante au regard des dispositions textuelles précitées, outre qu'il n'est pas démontré que lesdits conseils en aient eu connaissance (la pièce 39 invoquée constituant un mail de l'avocat de la société Siddhi Vinayak qui ne porte pas la mention d'un courrier officiel et ne pouvant donc être produit en justice, la pièce 40 constituant un courriel adressé au tribunal judiciaire de Mulhouse, avec en copie des avocats, sans qu'il soit cependant démontré que l'avocat des appelantes ait reçu ce courrier et aucune pièce n'étant invoquée au soutien de l'affirmation selon laquelle les sociétés RAVHOTEL et ARA ont comparu à l'audience du 2 février 2021 et pris acte de l'ouverture de la procédure de sauvegarde).

Sur le prononcé d'un plan de sauvegarde :

Les intimées soutiennent que la tierce opposition est d'autant plus irrecevable que la société Siddhi Vinayak fait maintenant l'objet d'un plan de sauvegarde adopté par jugement du 17 novembre 2021, qui n'a jamais été contesté par les appelantes et a donc autorité de la chose jugée.

Les appelantes répliquent que l'intervention du jugement du 17 novembre 2021 n'est pas de nature à affecter la recevabilité et le caractère bien fondé de leur tierce opposition, car l'annulation et la rétractation du jugement du 27 janvier 2021 aura pour conséquence la nullité du jugement du 17 novembre 2021 adoptant le plan de sauvegarde.

Elles invoquent une jurisprudence selon laquelle l'anéantissement du jugement d'ouverture entraîne par voie de conséquence la nullité du jugement arrêtant le plan de cession, si ce jugement est postérieur à la décision de réformation du jugement d'ouverture.

Or, cette jurisprudence ne peut trouver à s'appliquer en l'espèce, puisque le jugement arrêtant le plan n'est pas postérieur à la décision de réformation du jugement d'ouverture. En effet, le plan de sauvegarde a été arrêté par un jugement du 17 novembre 2021, tandis que le jugement, dont appel, daté du 1er septembre 2021 n'a pas remis en cause l'ouverture de la procédure de sauvegarde.

Elles invoquent en outre une autre jurisprudence quant à l'effet de l'annulation du plan de sauvegarde sur une mesure de saisie, mais l'application de la rétroactivité de l'annulation à une mesure d'exécution ne peut s'appliquer par analogie à une décision de justice, qui n'a, au demeurant, pas été frappée de recours.

Sans qu'il y ait lieu de statuer à ce stade sur les conséquences de la rétractation sollicitée sur la décision arrêtant le plan de sauvegarde, il peut être relevé que la décision arrêtant le plan de sauvegarde fait suite à la décision ouvrant la procédure de sauvegarde, mais ces deux décisions n'ont pas le même objet, la chose demandée n'étant pas la même. Dès lors, l'autorité de la chose jugée attachée à la décision arrêtant le plan de sauvegarde ne peut avoir pour effet de rendre irrecevable un recours contre la décision prononçant l'ouverture de la procédure de sauvegarde.

En outre, et à titre surabondant, la recevabilité de la tierce opposition s'apprécie au jour où elle est formée, de sorte que l'adoption ultérieure d'un plan de sauvegarde est inopérante.

S'agissant d'un jugement rendu en fraude des droits des auteurs de la tierce opposition ou de l'existence d'un intérêt qui leur est propre et distinct :

Les intimées soutiennent que les sociétés ARA et RAVHOTEL ne justifient d'aucun intérêt propre et distinct des autres créanciers pour agir.

Invoquant les dispositions de l'article L.620-1 du code de commerce, elles font valoir que le créancier n'a pas le droit, de façon individuelle, de contester le jugement d'ouverture. Elles considèrent que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le fait pour la société Siddhi Vinayak de s'opposer au paiement du loyer ne constitue pas un intérêt propre et distinct des autres créanciers pour agir, que la libération des lieux et la vente du fonds de commerce, invoqués par le tribunal, ne sont pas directement rattachés au non-paiement du prix.

Invoquant les dispositions des articles L.661-2 et R.661-2 du code, au regard de l'article 583 du code de procédure civile, les appelantes répliquent que les créanciers peuvent former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leur droit ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres, et qu'en l'espèce, ces deux conditions, alternatives, sont réunies.

Sur ce, selon les alinéas 1 et 2 de l'article 583 du code de procédure civile, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque.

Les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres.

Selon l'article L.661-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, les décisions mentionnées aux 1° à 5° du I de l'article L. 661-1, à l'exception du 4°, sont susceptibles de tierce opposition. Le jugement statuant sur la tierce opposition est susceptible d'appel et de pourvoi en cassation de la part du tiers opposant.

L'article L.661-1, 1° vise la décision statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde.

Il résulte des dispositions des articles 583, alinéas 1er et 2, du code de procédure civile et L. 661-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 qu'est recevable à former tierce opposition au jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur un créancier ou un ayant cause de celui-ci, s'il invoque des moyens qui lui sont propres, peu important qu'il ait été partie ou représenté au jugement qu'il attaque en une autre qualité (Com., 7 février 2012, pourvoi n° 10-26.626, Bull. 2012, IV, n° 30).

Il résulte de ce qui précède que le créancier est également recevable à former tierce opposition au jugement rendu en fraude de ses droits.

En l'espèce, les appelantes soutiennent d'abord que le jugement de sauvegarde a été rendu en fraude de leurs droits.

A ce titre, elles font valoir que la société Siddhi Vinayak a soutenu, à l'appui de sa demande de sauvegarde, qu'il existait de 'très importants incidents avec le bailleur..', 'un désaccord sur l'affectation des dépenses de travaux au paiement des loyers..', c'est-à-dire que le bailleur ne faisait pas face à ses obligations en matière d'état des lieux, alors que la société, ne payant pas les loyers, s'opposait à la visite du bailleur, interdisait l'exécution de travaux et se livrait à un chantage relatif aux conditions futures de la cession des murs. Elles en déduisent que la demande de mise sous sauvegarde procède d'allégations fallacieuses et mensongères ce qui établit la fraude aux droits de la SCI ARA et de la SARL RAVHOTEL.

Sur ce, il est constant que la SCI ARA a donné à bail commercial à la société Siddhi Vinayak des locaux à usage d'hôtel-restaurant sis à Wittenheim, et que la société RAVHOTEL lui a cédé le fonds de commerce d'hôtel-restaurant qui y était exploité.

En outre, il résulte des pièces produites, que pendant la période de crise sanitaire intervenue à compter de début 2020, la SCI ARA a accordé à la société Siddhi Vinayak un délai de paiement des loyers d'avril à juillet 2020 en lui permettant de s'en acquitter en douze mois en sus du loyer courant d'août 2020 à juillet 2021, mais que la société Siddhi Vinayak n'a pas payé cette mensualité supplémentaire, ni les loyers dus en août et septembre 2020.

La SCI ARA lui a, alors, délivré, le 26 septembre 2020, un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail commercial portant sur les sommes échues à cette date.

En réponse, par courrier du 2 octobre 2020 adressé à l'huissier de justice (pièce 38 des appelantes), le conseil de la société Siddhi Vinayak contestait les sommes réclamées en rappelant avoir déjà indiqué aux deux sociétés qu'elle dénonçait la tromperie dont elle estimait être victime, réitérant sa volonté de trouver un accord amiable et proposant de séquestrer une somme, concluant en lui demandant de s'abstenir de toute mesure d'exécution forcée sauf à engager sa responsabilité et celle de sa cliente, ce qui, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, n'est pas de nature à caractériser une menace.

Par lettre du 26 septembre 2020 (pièce 37 des appelantes), l'avocat de M. [D] à titre personnel et en qualité de dirigeant de la société Siddhi Vinayak écrivait aux sociétés ARA et RAVHOTEL pour leur faire part des défauts constatés et de leurs manquements contractuels, exigeant une réfaction du prix de vente des murs et les mettant en demeure de confirmer leur accord pour une baisse de prix de 200 000 euros sur le prix des murs et une exonération des loyers à compter d'avril 2020.

Par lettre du 29 octobre 2020 (pièce 25 des appelantes), cet avocat écrivait aux deux sociétés pour se plaindre de leur intervention 'impromptue' sur le toit de l'hôtel avec couvreur 'dans le but de tenter de fausser les résultats de l'expertise à venir', affirmant qu'ils avaient ainsi constaté des infiltrations provenant du toit, 'ce que dénonce mon client depuis des mois sans réaction de votre part', et les mettant en demeure de ne plus intervenir, surtout de manière non contradictoire, tant que l'expertise n'a pas eu lieu.

Les sociétés appelantes déduisent de ce courrier que la société Siddhi Vinayak leur a interdit la réalisation de travaux. Elles ajoutent qu'il était impossible de vérifier s'il y avait lieu ou non à l'exécution de travaux urgents compte tenu de cette interdiction de pénétrer dans les lieux, et qu'ultérieurement, l'expert a démontré que les doléances du preneur n'étaient pas fondées, la cour observant à cet égard que le rapport de cette expertise diligentée à la demande de la SCI ARA (pièce 14 des appelantes) décrit, en mars 2021, des désordres mais en considérant qu'ils relèvent du preneur selon les stipulations contractuelles du bail.

Les 16 et 17 décembre 2010, la société Siddhi Vinayak a fait délivrer une assignation à ces deux sociétés afin que la société RAVHOTEL soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts en raison de désordre affectant le fonds de commerce, et, à l'égard de la SCI ARA, que soit ordonnée l'absence d'effet de la clause résolutoire du bail, mise en oeuvre, selon elle, de mauvaise foi par la société ARA.

Fin décembre 2020, le notaire de M. [D] (pièce 8 des appelantes), rappelle avoir proposé en août 2020 une solution transactionnelle portant sur l'état de l'immeuble, les difficultés de la société Siddhi Vinayak d'exploiter le fonds de commerce d'hôtellerie, la procédure contentieuse, les difficultés de communication et la réalisation d'une promesse de vente immobilière et indiquait que la société Siddhi Vinayak devait 87 536 euros de loyers impayés, décembre 2020 inclus, et 19 000 euros au titre du paiement à terme du fonds de commerce. Il faisait part de l'intention d'acquérir les murs appartenant à la SCI ARA et émettait une proposition transactionnelle pour solder le contentieux, qui consistait à baisser le prix de l'immobilier et en l'abandon des deux dettes dues par la société Siddhi Vinayak précitées.

Il peut aussi être relevé que les parties produisent des pièces contradictoires sur l'état de la toiture (attestation produite en pièce 5 par les appelantes ; courrier produit en pièce 8 par les intimés).

La société ARA a fait assigner la société Siddhi Vinayak le 5 janvier 2021 devant le juge des référés en constat de la résiliation de plein droit du bail commercial, puis le 19 janvier 2021 a fait procéder à une saisie-attribution sur comptes bancaires, dénoncée le 21 janvier 2021, pour obtenir paiement d'une somme en principal de 69 410,52 euros outre des

frais, au titre de loyers et provisions sur charges dus au titre d'un bail commercial et d'un accord sur l'apurement de certains arriérés. Selon le procès-verbal de saisie-attribution, les comptes présentaient des soldes créditeurs de 24 844 euros et 45 287,60 euros.

Entre-temps, le 11 janvier 2021, la société Siddhi Vinayak refusait qu'un constat d'huissier soit effectué à la demande de la société ARA, au motif qu'un procès était en cours et qu'elle demandera une expertise judiciaire.

Ainsi, lors de la demande d'ouverture de la sauvegarde judiciaire datée du 22 janvier 2021, il existait déjà un litige avec le vendeur du fonds de commerce, que la société Siddhi Vinayak avait assigné en invoquant de nombreux désordres affectant le fonds de commerce, et avec le bailleur, qui avait mis en oeuvre la clause résolutoire du bail et dont elle invoquait la mauvaise foi, et ce en ayant saisi le juge du fond avant que le bailleur ne l'assigne devant le juge des référés. En outre, celui-ci venait de pratiquer une saisie-attribution pour un montant correspondant quasiment à celui figurant sur les comptes concernés.

Même s'il était considéré que la société Siddhi Vinayak ait eu une responsabilité dans l'origine du litige et mis des pressions en vue de racheter les murs à un prix moindre, et ce alors que M. [D] bénéficiait, avec faculté de substitution, d'une promesse de vente des murs, il n'est pas démontré que le litige avec le bailleur et le vendeur du fonds de commerce ait été artificiellement créé par elle.

Il n'est pas plus démontré que la demande de mise sous sauvegarde procédait d'allégations frauduleuses ou mensongères de nature à conclure que le jugement a été rendu en fraude de leurs droits.

Au surplus, le jugement du 27 janvier 2021 n'était pas uniquement fondé sur l'existence du litige avec le bailleur, mais a également retenu que, si le dossier ne comporte aucun élément relatif à un passif échu et exigé et que l'examen du bilan produit indique des gains, des dettes importantes sont toutefois constituées notamment bancaire en ce compris un PGE et que les difficultés sont caractérisées.

Ainsi, il ne peut être considéré que le jugement a été rendu en fraude des droits des appelantes.

Les appelantes soutiennent, ensuite, invoquer des moyens qui leur sont propres.

A ce titre, elles considèrent avoir des intérêts distincts des autres créanciers et consistant dans des créances privilégiées que, frauduleusement, le débiteur tente de paralyser ou anéantir, puisque le débiteur est parvenu à paralyser la procédure de référé en résiliation de bail. Elles soutiennent que le jugement de sauvegarde affecte les droits tant du bailleur, créancier privilégié de façon gravissime, sans pouvoir faire l'objet de la moindre sanction, que ceux de la SARL RAVHOTEL, venderesse du fonds de commerce ayant consenti un crédit-vendeur à la société Siddhi Vinayak qui n'est plus payé.

Les intimées répliquent qu'elles n'invoquent aucun droit propre et personnel distinct des autres créanciers.

En ce que les sociétés appelantes invoquent le fait de devoir se soumettre aux règles de la procédure collective, tirées de l'interdiction des poursuites et des paiements suite à l'ouverture de la procédure, elles ne présentent que des moyens communs à tous les créanciers, qu'ils soient d'ailleurs privilégiés ou non.

Cependant, la société RAVHOTEL invoque aussi le fait que la sauvegarde a été utilisée dans le but de faire pression sur elle, le vendeur, pour obtenir une réduction du prix de la vente projetée des murs. Et la société ARA soutient que la société débitrice est ainsi parvenue à paralyser la procédure de référé en résiliation de bail qu'elle avait introduite, ajoutant que la société Siddhi Vinayak utilise des moyens de pression, tenant au non-paiement du loyer, sans pouvoir faire l'objet de la moindre sanction du fait de la suspension individuelle des poursuites. In fine dans leurs conclusions (p.9), les intimées soutiennent que le placement en sauvegarde de la société Siddhi Vinayak a eu pour unique objectif de paralyser le recouvrement des sommes dues et la demande de constatation de plein droit de la résiliation du bail commercial. Elles font aussi valoir (p.7) que le but poursuivi et avoué de cette société est de faire baisser le prix des murs de l'hôtel qu'elle s'est engagée à acquérir et (p.8) que la société Siddhi Vinayak est l'auteur d'un stratagème ayant consisté, sans motif, à ne plus payer les loyers commerciaux pour mettre le bailleur en difficulté et le contraindre à vendre à vil prix les murs.

Il sera rappelé qu'est recevable à former tierce opposition le créancier qui allègue que la procédure de sauvegarde avait pour but exclusif de permettre au débiteur d'échapper, au moins temporairement, à l'exécution de ses obligations contractuelles à son égard ou de le contraindre à négocier leur aménagement (Com., 8 mars 2011, pourvoi n° 10-13.988, 10-13.989, 10-13.990, Bull. 2011, IV, n° 33).

Ainsi, les intimées invoquent des moyens qui leur sont propres.

Il convient dès lors de confirmer le jugement ayant déclaré la tierce opposition recevable.

Cependant, les sociétés appelantes ne contestent pas qu'aucun recours n'a été formé contre la décision arrêtant le plan de sauvegarde, intervenue après qu'elles aient formé tierce opposition au jugement d'ouverture et interjeté appel de la décision rejetant cette tierce opposition.

Même si, en principe, la rétractation d'un jugement prive rétroactivement celui-ci de tous ses effets, il reste, comme le soutiennent les intimées, que le jugement arrêtant le plan ne peut pas être remis en cause par le biais d'une tierce opposition des appelantes sur le jugement d'ouverture. En effet, la cour d'appel, saisie uniquement de l'appel contre le jugement rejetant la demande de rétractation du jugement d'ouverture, n'a pas le pouvoir de statuer sur le sort du jugement arrêtant le plan.

Dès lors, la tierce opposition n'a plus d'objet. Il convient en conséquence de confirmer le jugement.

2. Sur la demande de dommages-intérêts pour appel abusif :

Les sociétés intimées ne caractérisent pas en quoi le droit des appelantes d'interjeter appel aurait dégénéré en abus, étant relevé que les appelantes ont également invoqué l'absence de difficultés financières de la société Siddhi Vinayak en s'appuyant sur des pièces, tout en discutant les éléments de preuve produits aux débats par cette dernière. Leur demande de dommages-intérêts sera ainsi rejetée.

3. Sur la demande d'amende civile :

Les intimées ne sont pas recevables à demander le prononcé d'une amende civile en application de l'article 32-1 du code de procédure civile, faute d'intérêt.

4. Sur les frais et dépens :

La solution résultant de l'intervention d'une décision postérieure, il convient de confirmer le jugement ayant dit que les dépens seront liquidés en frais privilégiés de redressement judiciaire, tout en mettant à la charge des sociétés appelantes, qui succombent en leur appel, les dépens d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que les demandes seront rejetées.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 1er septembre 2021,

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages-intérêts formée par les sociétés intimées,

Déclare irrecevable la demande de prononcé d'une amende civile formée par les sociétés intimées,

Condamne la SARL RAVHOTEL et la SCI ARA aux dépens d'appel,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/04159
Date de la décision : 21/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-21;21.04159 ?
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