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21/12/2022 | FRANCE | N°21/03936

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 21 décembre 2022, 21/03936


MINUTE N° 617/22

























Copie exécutoire à



- Me Karima MIMOUNI



- Me Joëlle LITOU-WOLFF





Le 21.12.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 21 Décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/03936 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HVJJ



Déci

sion déférée à la Cour : 06 Août 2021 par le Juge des référés civils du Tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANT :



Monsieur [V] [X]

[Adresse 4]



Représenté par Me Karima MIMOUNI, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale nu...

MINUTE N° 617/22

Copie exécutoire à

- Me Karima MIMOUNI

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

Le 21.12.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 21 Décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/03936 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HVJJ

Décision déférée à la Cour : 06 Août 2021 par le Juge des référés civils du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [V] [X]

[Adresse 4]

Représenté par Me Karima MIMOUNI, avocat à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004327 du 28/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

INTIMES :

Monsieur [L] [O]

[Adresse 1]

Madame [P] [O] épouse [I]

[Adresse 2]

Madame [R] [O] épouse [F]

[Adresse 6]

Représentés par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me ZAIGER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [X] exploite à titre individuel un fonds de garage automobile au [Adresse 3] à [Localité 8].

Après avoir bénéficié d'un bail sur les lieux exploités en date du 30 juillet 1999, il a souscrit, le 1er avril 2010, avec Mme [Z] [O], un nouveau bail, lequel supprimait des lieux loués la cour et le passage entre l'atelier principal et la maison.

M. [X] a cependant continué à utiliser notamment la cour.

M. [L] [O] et Mmes [R] et [P] [O] (les consorts [O]), venant aux droits de Mme [Z] [O] qui est décédée, lui ont demandé de cesser toute occupation privative de la cour de la copropriété.

M. [X] a saisi le juge des référés afin d'obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un expert pour notamment déterminer l'existence et la cause des désordres dont est atteint le local professionnel de garage qu'il exploite à l'adresse précitée.

A titre reconventionnel, les consorts [O] ont demandé sa condamnation sous astreinte à retirer ses véhicules de la cour, partie commune, qu'il lui soit fait interdiction de stationner tout véhicule sous astreinte, qu'il soit condamné à verser la somme provisionnelle de 520 euros par mois pour le 1er de chaque mois et au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 6 août 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- rejeté la demande d'expertise formulée par M. [X],

- condamné M. [X] à retirer les véhicules stationnant dans la cour de la copropriété, [Adresse 5] à [Localité 8] et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et ce à compter du 8ème jour suivant la signification de la présente décision,

- fait interdiction à M. [X] de stationner plus de un véhicule à la fois dans la cour de ladite copropriété, et ce sous astreinte de 100 euros par véhicule et par jour d'infraction constatée,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision faite par les consorts [O],

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [X] aux dépens,

- rappelé que la décision est exécutoire de droit par provision.

Le 24 août 2021, M. [X] en a interjeté appel par voie électronique.

Le 21 septembre 2021, les consorts [O] se sont constitués intimés.

Par ses dernières conclusions du 11 décembre 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièce qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, M. [X] demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et le dire bien fondé,

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions à l'exception de celles refusant la demande de provision faite par les consorts [O],

Et statuant à nouveau,

A. Sur la demande reconventionnelle :

- la déclarer irrecevable.

Subsidiairement :

- dire et juger que le contrat de bail du 1er avril 2010 est inopposable au preneur puisque conclu en violation de l'article 815-3 4° du code civil,

- dire et juger qu'à défaut d'inopposabilité au preneur du contrat de bail du 1er avril 2010, toutes ses clauses sont réputées non écrites pour violation de l'art. L.145-9 du code de commerce entrant dans le champ d'application de l'article L.145-15 du code de commerce,

Très subsidiairement :

- dire et juger que seule la clause intitulée 'DESIGNATION' du bail du 1er avril 2010 portant exclusion de 'l'intégralité de la cour' et du 'passage entre l'atelier principal et la maison' est réputée non écrite avec toutes conséquences de droit.

B. Sur la désignation de l'expert :

- désigner tel expert qu'il plaira à Mme la Présidente de nommer avec mission de :

- convoquer les parties et se rendre sur les lieux, [Adresse 3] à [Localité 8].

- se faire remettre tous documents utiles, recueillir et consigner les explications du preneur et des bailleurs et après avoir pris connaissance des documents de la cause notamment des écrits entre les parties, du procès verbal de constat dressé le 3 juin 2021 et des photographies,

- examiner la toiture, les gouttières, les murs et les plafonds de l'ouvrage litigieux.

- décrire les désordres les affectant, indiquer leur nature, leur importance et la date de leur apparition,

- en rechercher les causes,

- dire si certains des matériaux et notamment les plaques fibrociment contiennent de l'amiante et en évaluer leur dangerosité,

- exposer et chiffrer les travaux propres à remédier aux désordres constatés,

- rédiger un pré rapport,

Sur le tableau et les installations électriques :

- examiner le tableau et les installations électriques.

- dire s'ils sont conformes à la réglementation en vigueur.

- le cas échéant, exposer et chiffrer les travaux à entreprendre pour remédier aux désordres constatés.

- fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d'évaluer les préjudices de toute nature résultant des désordres et notamment le préjudice de jouissance subi ou résultant des travaux de remise en état.

Dans tous les cas,

- débouter les défendeurs et intimés de toutes leurs fins et conclusions, en ce y compris, celles tendant à la condamnation de l'appelant à 500 euros de dommages-intérêts,

- condamner in solidum les défendeurs à payer au demandeur la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 CPC.

- condamner solidairement les défendeurs aux entiers frais et dépens des deux instances,

- constater, voire rappeler le caractère exécutoire de plein droit de la décision à intervenir.

En substance, il invoque l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles en application de l'article 70 du code de procédure civile, soutenant qu'il n'existe pas de lien entre la demande d'expertise et la demande reconventionnelle tendant au retrait des véhicules et à l'interdiction de stationner.

Il soutient que le premier juge a méconnu le principe de la contradiction posé par l'article 16 du code de procédure civile, dès lors que l'ordonnance a fait droit à la demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile, alors que ladite demande était fondée sur l'article 835 dudit code.

Il critique la décision au regard des critères de l'article 834 du code de procédure civile, soutenant que ni la condition d'urgence n'est remplie, ni celle de l'absence de contestation sérieuse. Il soutient notamment qu'une tolérance qui dure depuis plus de dix ans est incompatible avec une interdiction de stationner, sauf à démontrer l'existence de causes justifiant d'y mettre un terme immédiat. D'une part, alors que les bailleurs évoquaient de potentielles nuisances liées à l'exploitation du garage, il soutient que cette expression ne permet pas de connaître leur nature, ni leur lien avec le stationnement dans la cour. D'autre part, il ajoute que le fait que la cour soit une partie commune de la copropriété n'est pas de nature à autoriser les copropriétaires à utiliser la cour comme aire de stationnement et qu'un tel stationnement rendra plus difficile sinon empêchera l'accès normal aux locaux qu'il loue, outre le caractère indispensable de la cour pour ses activités. Enfin, il soutient que la validité du bail du 1er avril 2010 est contestée.

S'agissant du contrat de bail du 1er avril 2010, il soutient qu'il a été conclu en méconnaissance de l'article L.145-9 du code de commerce, de sorte que ses stipulations doivent être réputées non écrites.

Il ajoute qu'il lui est inopposable dès lors que sa signature supposait l'unanimité des coïndivisaires, les bailleurs étant alors Mme [Z] [O] et ses trois enfants.

Il fait encore valoir que le renouvellement du bail doit être accordé pour le tout, y compris les locaux accessoires, si ceux-ci ont été loués par le même bail que le local principal, et qu'il doit en être ainsi de la cour qui figure dans le bail initial. Il ajoute que les biens loués dans le bail initial étaient indivisibles, mais aussi que la cour est indispensable à son activité professionnelle. Il en déduit qu'en tant qu'elle supprime la cour des locaux loués, la clause du bail du 1er avril 2010 doit être réputée non écrite en application de l'article L.145-15 du code de commerce.

Sur sa demande d'expertise, il soutient que dès lors qu'il détient un motif légitime pour solliciter une expertise destinée à être produite dans une procédure au fond, le juge des référés est tenu d'ordonner la mesure d'instruction demandée. Il soutient que les dispositions du bail sur les obligations du bailleur sont indicatives et qu'il est sans intérêt de s'interroger sur ce qu'on entend par grosse réparation, ce d'autant que cette obligation d'effectuer les grosses réparations doit se combiner avec celle tirée de 'tenir clos et couverts' les locaux mis à disposition du preneur. Il ajoute notamment que le constat d'huissier du 3 juin 2021 n'est pas suffisant pour engager la responsabilité contractuelle des bailleurs.

Par leurs dernières conclusions du 12 novembre 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièce qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, les consorts [O] demandent à la cour de :

- dire mal fondé l'appel de M. [X],

- dire irrecevables, à tout le moins mal fondées, les fins de non-recevoir,

- rejeter l'appel,

- débouter M. [X] de toutes conclusions contraires et de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions,

- confirmer en conséquence l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

vu l'article 123 du CPC,

- condamner M. [X] à leur payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en raison du caractère dilatoire des fins de non-recevoir soulevées à hauteur de cour,

- condamner M. [X] à leur payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

En substance, ils soutiennent, s'agissant de la demande d'expertise, que les désordres dénoncés ne relèvent pas des grosses réparations prévues à l'article 606 du code civil, et donc constituent des travaux d'entretien à la charge du locataire. Ils évoquent aussi l'évolution de la réglementation des installations électriques et soutiennent que le constat d'huissier, qui établit la matérialité des faits, est suffisant pour permettre à M. [X] d'agir au fond, que la seule question est de savoir à qui incombe la charge des travaux, qui dépend de la qualification juridique des travaux et des dispositions du bail, de sorte qu'une expertise serait inutile et coûteuse, l'expert n'ayant pas le pouvoir de qualifier la nature juridique du désordre ni de dire si tel ou tel désordre relève du bailleur ou de l'obligation d'entretien du locataire.

S'agissant de leur demande reconventionnelle, ils soutiennent qu'elle est légitime au regard de l'objet du litige et que le lien suffisant est caractérisé. Ils ajoutent qu'il est de bonne justice de faire instruire en même temps deux contestations relevant de la compétence du juge des référés. Ils ajoutent que la cour rejettera la fin de non-recevoir et sanctionnera M. [X] pour s'être abstenu de le faire dès la première instance dans un but dilatoire.

Ils ajoutent qu'il n'appartient pas au juge des référés ni à la cour de se prononcer sur la validité du bail et qu'il doit s'appliquer tant qu'il n'est pas annulé ou invalidé. Ils font encore valoir que seuls les nus-propriétaires peuvent solliciter l'inopposabilité du bail signé entre un indivisaire et un locataire. Enfin, ils soutiennent qu'il appartient au juge de dire le droit et qu'il peut substituer un fondement à celui revendiqué par une partie.

Par ordonnance du 25 novembre 2021, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 28 mars 2022. Le même jour, le greffier a adressé l'avis de fixation à bref délai.

L'affaire a été appelée à l'audience du 28 mars 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur la demande d'expertise :

Selon l'article 5 des conditions générales du contrat de bail du 30 juillet 1999, le bailleur a notamment l'obligation de tenir les locaux clos et couverts et d'effectuer les grosses réparations telles que définies par l'article 606 du code civil.

Une même clause est contenue dans le contrat de bail du 1er avril 2010.

A la requête de M. [X], un huissier de justice a dressé, le 3 juin 2021, un procès-verbal de constat évoquant notamment des désordres affectant la gouttière de la toiture du garage, que la toiture du garage est constituée de plaques fibrociment ondulées et de plaques translucides ondulées, sur une structure métallique, qu'un trou, dont il précise la dimension, est apparent sur la toiture, mais également qu'un interstice est apparent entre deux plaques d'éternit ondulées, laissant un jour apparent, qu'une autre plaque d'éternit ondulée est écornée, laissant apparaître le jour. Dans l'atelier secondaire, il a constaté que le plafond s'effrite de manière importante, des gravats jonchant le sol. Enfin, il décrit un ancien tableau électrique comprenant notamment une série de fusibles en porcelaine et un transformateur DERI, outre des disjoncteurs avec fils électriques apparents.

M. [X] produit en outre deux courriers officiels, des 23 avril et 13 mai 2021, de son avocat adressé à l'avocat des intimés les mettant en demeure de remédier aux désordres affectant la toiture et à la non-conformité des installations électriques.

La demande d'expertise de M. [X] porte, outre sur la description des désordres et l'évaluation des travaux propres à y remédier, sur le fait de savoir si certains matériaux et notamment les plaques fibrociment contiennent de l'amiante et d'évaluer leur dangerosité, et sur le fait de savoir si le tableau et les installations électriques sont conformes à la réglementation en vigueur.

Cependant, comme l'a retenu le premier juge, le procès-verbal de constat permet de définir l'objet du litige existant entre les parties. En outre, le différend existant porte sur la question de la qualification juridique des travaux à réaliser en vue de déterminer qui, du bailleur ou du preneur, doit les prendre en charge. Dans ces conditions, la réalisation de l'expertise sollicitée n'est pas utile.

M. [X] ne justifie dès lors pas d'un motif légitime pour qu'une mesure d'expertise soit ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. L'ordonnance ayant rejeté sa demande sera dès lors confirmée.

2. Sur la demande reconventionnelle :

A titre liminaire, il convient de constater qu'il n'est pas interjeté appel du chef du dispositif de l'ordonnance ayant dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision des consorts [O].

Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle :

Selon l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Assigné en référé-expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, les défendeurs ont présenté, à titre reconventionnel, des demandes tendant notamment à condamner M. [X] à retirer ses véhicules de la cour, partie commune, et à lui interdire d'y stationner tout véhicule sous astreinte.

A hauteur de cour, M. [X] invoque l'irrecevabilité de ces demandes reconventionnelles comme étant dépourvues d'un lien suffisant avec les prétentions originaires.

Mais, celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par le fait qu'elles sont fondées sur l'exécution du même contrat de bail. En cela, elles s'y rattachent par un lien suffisant et sont donc recevables.

En outre, la cour relève que M. [X] n'invoque pas une autre fin de non-recevoir, le fait d'énoncer dans ses conclusions (p.16) que 'l'on peut s'interroger sur l'intérêt à agir des défendeurs et intimés : M. [O] dispose d'un garage dont l'accès n'a jamais posé la moindre difficulté, Mme [R] [O] ne demeure pas dans le même immeuble et Mme [P] [O] demeure à [Localité 7]' puis que la demande a pour seul et unique objet de le contraindre à quitter les lieux, ce qui permettrait aux intimés de vendre les locaux loués, ne peut s'analyser en une fin de non-recevoir, aucune conséquence juridique n'étant tirée de ces considérations, émises de manière interrogative ou au conditionnel.

Sur les demandes subsidiaires contenues dans le dispositif des conclusions de M. [X] :

Il n'y a pas lieu de statuer sur la 'demande' de dire et juger le contrat de bail de 2010 inopposable au preneur, une telle demande ne constituant pas une prétention mais un moyen.

Il n'y pas lieu à référé sur les demandes de dire et juger certaines clauses du contrat de bail réputées non écrites, dès lors qu'elles n'entrent pas dans les pouvoirs du juge des référés.

Sur les chefs du dispositif ayant condamné M. [X] à retirer les véhicules stationnant dans la cour de la copropriété sous astreinte et lui faisant interdiction d'y stationner plus de un véhicule à la fois, sous astreinte :

A titre liminaire, la cour observe que M. [X] invoque, dans le corps de ses conclusions (p.5 et 6) la méconnaissance par le premier juge du principe de la contradiction, concluant que l'ordonnance attaquée ne pourra qu'être annulée. Cependant, dans le dispositif de ses conclusions, M. [X] ne demande pas à la cour d'annuler ladite décision, mais seulement de l'infirmer, et ce partiellement. La cour n'est donc pas saisie d'une demande d'annulation de l'ordonnance.

Si M. [X] critique l'ordonnance ayant statué sur la demande des époux [O] fondée sur l'article 835 du code de procédure civile en se fondant sur les dispositions de l'article 834 de ce code, et ce sans respecter le principe du contradictoire, il ne s'agit pas d'un motif d'infirmation de l'ordonnance, dès lors que ce débat a maintenant lieu de manière contradictoire devant la cour et qu'il s'agit de vérifier les conditions d'application de ce dernier texte.

Selon l'article 834 dudit code, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

En l'espèce, le premier juge a rendu sa décision sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile et les consorts [O] ne présentent pas de demande à la cour de se fonder sur l'article 835 dudit code comme ils l'avaient fait en première instance.

S'agissant de la condition d'urgence prévue par l'article 834 dudit code, les consorts [O] ne caractérisent pas, dans leurs conclusions devant la cour, l'existence d'un cas d'urgence, de sorte qu'il convient de se référer aux motifs de l'ordonnance qu'ils sont réputés s'approprier.

Le premier juge a retenu que les conditions prévues par l'article 834 du code précité sont remplies, 'en ce sens que l'occupation sans titre de la cour par les véhicules de M. [X] n'est pas contestable, l'urgence d'une mesure étant aussi démontrée', et ce après avoir notamment relevé qu'il n'est pas contesté que ladite cour est aujourd'hui une partie commune de la copropriété, qui a écrit à plusieurs reprises aux consorts [O] en leur qualité de propriétaire, pour faire le nécessaire pour que leur locataire, M. [X], cesse d'occuper la cour pour ses activités professionnelles de garagiste, ce d'autant que certains véhicules occupent ladite cour depuis plusieurs années.

Devant la cour, M. [X] indique également que cette situation dure depuis plusieurs années, évoquant une durée de plus de plus de dix-huit ans, précisant que les véhicules qui lui sont confiés stationnent dans la cour depuis le 21 août 2003, l'intégralité de la cour lui ayant été initialement louée, puis que, nonobstant les termes du bail du 1er avril 2010, il occupe toujours la cour pour les besoins de son activité professionnelle.

Il ne conteste pas que la copropriété a écrit à plusieurs reprises aux consorts [O] dans le sens précité.

Les pièces produites par les consorts [O] montrent que le syndic, par courrier du 12 octobre 2020, leur a demandé d'une part, si les activités professionnelles menées dans la cour sont couvertes par un contrat d'assurance adapté de M. [X] et si celui-ci peut leur en justifier, et, d'autre part, s'ils peuvent aborder avec leur locataire le fait que l'assemblée des copropriétaires souhaite récupérer l'usage de places de stationnement dans la cour compte tenu de la réduction prochaine du nombre de places de stationnement dans la rue et les environs ; et qu'ils ont transmis cette demande à M. [X], comme il résulte de leur courrier du 11 mars 2021 par lequel ils font état du courrier du syndic du 12 octobre 2020, lui rappelant qu'une copie de ce courrier lui a été remise en main propre courant octobre, et que ces points ont été abordés avec lui à plusieurs reprises, précisant les dates et moyens de communication utilisés. Les consorts [O] ont également mis M. [X] en demeure, par courrier de leur avocat en date du 21 avril 2021 adressé au conseil de M. [X] qui avait écrit à Mme [I] le 24 mars 2021, notamment de cesser d'utiliser la cour de la copropriété de façon privative. En outre, dans un document du 12 juillet 2021, le syndic confirme avoir, à plusieurs reprises, depuis février 2021 demandé oralement à M. [X] d'enlever une partie ou la totalité des voitures stationnées dans la cour arrière de la copropriété, précisant qu'à l'heure actuelle, toutes les places disponibles dans la cour sont occupées

Une telle situation suffit à caractériser, pour les motifs précités retenus par le premier juge que la cour adopte, qu'il existe une urgence à faire cesser l'occupation de la cour par les véhicules entreposés par M. [X].

Cette situation d'urgence est caractérisée, peu important que la cour soit dépourvue d'emplacement de stationnement matérialisé ou que le règlement de copropriété ne soit pas produit, voire que les copropriétaires ne disposent pas du droit d'y stationner.

En outre, les mesures ordonnées par le premier juge ne se heurtent à aucune contestation sérieuse.

En effet, d'une part, M. [X] invoque vainement le fait que le stationnement des véhicules des copropriétaires dans la cour rendra plus difficile ou impossible l'accès normal aux locaux loués, dès lors qu'aucun élément ne permet de conforter une telle affirmation, et ce notamment au regard de la situation actuelle où de nombreux véhicules sont déjà stationnés dans la cour.

D'autre part, M. [X] invoque le fait que le bail lui serait inopposable comme n'ayant pas été signé par l'unanimité des coïndivisaires. Cependant, il ne s'agit pas d'une contestation sérieuse, dès lors que cette absence d'unanimité rend seulement le bail inopposable à l'indivisaire ne l'ayant pas souscrit, le preneur ne pouvant contester la validité du contrat (Cass. 3e civ., 25 janv. 2006, n° 04-20.163).

Par ailleurs, il invoque l'existence d'une contestation sérieuse, tenant dans l'absence de congé en méconnaissance de l'article L.145-9 du code de commerce, et dans le fait que le bail renouvelé le 1er avril 2010 supprime la cour alors qu'elle est indispensable pour ses activités et ajoute que l'article L.145-15 du code de commerce répute non-écrit les clauses faisant échec au droit de renouvellement et par leur nullité.

Il précise que le nouveau bail n'a été précédé ni d'un congé, ni d'une demande de renouvellement, de sorte qu'il n'a pu prendre la mesure de ses conséquences quant à la réduction drastique des locaux loués et qu'il s'agit d'une manoeuvre destinée à faire échec au droit de renouvellement au sens de l'article L.145-15 du code de commerce. Il ajoute que les biens loués tels que figurant dans le bail initial sont indivisibles et qu'il disposait d'un droit de renouvellement sur le tout.

Il ajoute que compte tenu du caractère indispensable de la cour pour ses activités, aucun des locaux loués ne lui permettant un stationnement temporaire des véhicules qui lui sont confiés, la clause du contrat de bail du 1er avril 2010 intitulée désignation doit être réputée non écrite conformément à l'article L.145-15 du code de commerce.

Les consorts [O] répliquent qu'il n'appartient pas au juge des référés, ni à la cour statuant à sa suite, de se prononcer sur la validité du bail, qui a été signé selon la volonté des parties et qui doit s'appliquer tant qu'il n'a pas été annulé ou invalidé.

Sur ce, la cour relève que, comme le soutient M. [X], les parties étaient liées par un contrat de bail, initialement souscrit à compter du 1er août 1999, qui a été reconduit tacitement le 1er août 2008 pour se terminer le 31 mars 2009. Il n'est pas soutenu, ni démontré qu'un congé ou une demande de renouvellement ou un refus de renouvellement aurait été émis pour cette date. M. [X] étant resté dans les lieux, le bail s'est tacitement reconduit.

Cependant, M. [X] a signé un nouveau contrat de bail le 1er avril 2010, qui ne porte pas sur la cour et qui est invoqué par les consorts [O] au soutien de leur demande reconventionnelle.

Dès lors que les parties ont, d'un commun accord, décidé de conclure un nouveau bail à des conditions différentes du précédant, le nouveau contrat fait la loi des parties, et il importe peu qu'un congé n'ait pas été préalablement délivré, aucune disposition légale n'imposant de respecter une quelconque procédure (Cass. 3e civ., 25 juin 2003, n° 01-15.364).

Outre qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de dire non écrites des clauses contractuelles, il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la signature de ce nouveau contrat de bail par M. [X], qui n'invoque d'ailleurs aucun vice du consentement, les contestations émises par M. [X] ne sont pas sérieuses.

3. Sur la demande de dommages-intérêts :

Les consorts [O] ne justifient d'aucun préjudice résultant du fait que M. [X] ait soulevé des fins de non-recevoir à hauteur de cour. Leur demande de dommages-intérêts sera rejetée.

4. Sur les frais et dépens :

Succombant, M. [X] sera condamné à supporter les dépens de première instance, l'ordonnance étant confirmée de ce chef, et d'appel.

Il sera condamné à payer aux consorts [O] la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande étant rejetée.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Déclare recevables les demandes reconventionnelles tendant à condamner M. [X] à retirer ses véhicules de la cour de la copropriété [Adresse 3] à [Localité 8] et à lui interdire d'y stationner tout véhicule sous astreinte,

Confirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg du 6 août 2021,

Y ajoutant :

Rejette la demande de dommages-intérêts formée par M. [L] [O] et Mmes [R] et [P] [O],

Condamne M. [V] [X] à supporter les dépens d'appel,

Condamne M. [V] [X] à payer à M. [L] [O] et Mmes [R] et [P] [O] la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande de ce chef.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/03936
Date de la décision : 21/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-21;21.03936 ?
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