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21/12/2022 | FRANCE | N°21/01835

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 21 décembre 2022, 21/01835


MINUTE N° 618/22

























Copie exécutoire à



- Me Laurence FRICK



- Me Dominique HARNIST



Le 21.12.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 21 Décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01835 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRVU



Décision défÃ

©rée à la Cour : 09 Mars 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 3ème chambre civile



APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]



Repr...

MINUTE N° 618/22

Copie exécutoire à

- Me Laurence FRICK

- Me Dominique HARNIST

Le 21.12.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 21 Décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01835 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRVU

Décision déférée à la Cour : 09 Mars 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 3ème chambre civile

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

INTIMES - APPELANTS INCIDEMMENT :

Monsieur [R] [J]

[Adresse 3]

Madame [C] [T] épouse [J]

[Adresse 3]

Monsieur [K] [U]

[Adresse 2]

Madame [F] [D] épouse [U]

[Adresse 2]

Représentés par Me Dominique HARNIST, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. LAETHIER, Vice-Président placé.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 3 septembre 2003, M. [R] [J] et Mme [C] [T] épouse [J] ont constitué avec leur fille, Mme [B] [U]-[H] une société civile immobilière (SCI) dénommée Riko.

Le 10 décembre 2003, Mme [B] [U]-[H] a cédé ses parts à ses grands-parents, M. [K] [U] et Mme [F] [D] épouse [U].

Par acte notarié du 10 mars 2004, la caisse régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges (ci-après le Crédit Agricole) a consenti à la SCI deux prêts de 145 000 euros garantis par une hypothèque sur un bien immobilier acquis par la SCI et par un cautionnement de M. et Mme [U] à hauteur de 290 000 euros.

Le Crédit Agricole a engagé une procédure d'exécution forcée immobilière en raison d'échéances de prêts impayées.

M. et Mme [J] ont agi en responsabilité à l'encontre du Crédit Agricole. Par arrêt définitif du 8 décembre 2011, la cour d'appel de Colmar a condamné in solidum le notaire et le Crédit Agricole à verser à M. et Mme [J] 20 000 euros de dommages et intérêts.

M. et Mme [U] ont engagé une action contre le Crédit Agricole afin d'obtenir, notamment, l'annulation du cautionnement consenti, à défaut son opposabilité.

Par arrêt définitif du 28 avril 2010, la cour d'appel de Colmar a déchargé les époux [U] de leur obligation de caution à hauteur de 290 000 euros en raison de la disproportion de leur engagement.

Le bien immobilier a été vendu en 2013 et le Crédit Agricole a perçu 288 626,16 euros.

Par actes d'huissiers des 24 et 26 octobre 2016, le Crédit Agricole a fait assigner M. et Mme [J], M. et Mme [U], en leur qualité d'associés de la SCI afin d'obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 145 057,31 euros correspondant au solde restant dû par la SCI.

Par jugement contradictoire du 9 mars 2021, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- déclaré la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges irrecevable en ses demandes,

- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges à payer les sommes de 3 000 euros à M. et Mme [J] et 2.500 euros à M. et Mme [U], au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges aux dépens de la procédure,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le tribunal a retenu que la demande en paiement du Crédit Agricole était prescrite, la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil s'appliquant à compter du 19 juin 2008, jour d'entrée en vigueur de la loi et le Crédit Agricole ne justifiant d'aucune cause interruptive de prescription avant le 19 juin 2013, date à laquelle la prescription était acquise.

Le Crédit Agricole a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration du 31 mars 2021.

Dans ses dernières conclusions du 19 mai 2022 auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, le Crédit Agricole demande à la cour de :

SUR APPEL PRINCIPAL,

DECLARER l'appel recevable,

LE DECLARER bien fondé,

INFIRMER le jugement du 9 mars 2021 en toutes ses dispositions,

STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNER Monsieur [R] [J] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges la somme de 37 714.90 euros augmentée des intérêts au taux de 4,50 % l'an sur la somme de 49.381,11 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 1er août 2013,

CONDAMNER Madame [C] [T] épouse [J] à payer la même somme,

CONDAMNER Monsieur [K] [U] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges la somme de 34.813.75 euros augmentée des intérêts au taux de 4,50 % l'an sur la somme de 49.381,11 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 1er août 2013,

CONDAMNER Madame [F] [D] épouse [U] à payer la même somme,

ORDONNER la capitalisation des intérêts

DEBOUTER Monsieur [R] [J], Madame [C] [T] épouse [J], Monsieur [K] [U] et Madame [F] [D] épouse [U] de l'intégralité de leurs fins et conclusions,

SUR APPEL INCIDENT,

DECLARER irrecevable car prescrite la demande de dissolution anticipée de la SCI RIKO,

DECLARER irrecevable la demande d'annulation de la SCI RIKO,

DECLARER irrecevable les demandes de dommages et intérêts formées par Monsieur et Madame [J], Monsieur et Madame [U]

REJETER l'appel incident,

DEBOUTER Monsieur et Madame [J], Monsieur et Madame [U] de l'intégralité de leurs fins et conclusions,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONDAMNER in solidum Monsieur et Madame [J], Monsieur et Madame [U] aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel et à une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Sur la prescription, le Crédit Agricole fait valoir qu'il justifie de plusieurs causes interruptives de prescription avant le 19 juin 2013 :

- un commandement de payer aux fins de vente forcée immobilière en date du 10 décembre 2007.

- une ordonnance de vente forcée en date du 24 novembre 2010, publiée au livre foncier le 9 décembre 2010. Le Crédit Agricole précise que la prescription a été interrompue par la procédure de vente forcée jusqu'à l'abandon des poursuites intervenu par ordonnance du 17 juin 2013 compte tenu de la vente amiable du bien immobilier.

- le paiement volontaire par le débiteur en date du 4 juin 2013.

Le Crédit Agricole indique également que le jugement a retenu que les intimés n'étaient pas partie à la procédure de vente forcée immobilière, qui était dirigée contre la SCI, sous-entendant que les actes d'exécution n'avaient pas eu d'effet à leur égard, alors que l'action n'était possible à l'encontre des associés de la SCI qu'après le constat de la carence de la débitrice principale, soit le 29 mars 2016.

Sur le moyen d'irrecevabilité soulevé par les époux [J], relatif à l'absence de tentative d'exécution infructueuse à l'encontre de la SCI, le Crédit Agricole soutient que le seul bien de la SCI a été vendu en 2013 et qu'un procès-verbal de saisie-vente, transformé en procès-verbal de carence a été établi le 29 mars 2016 et qu'il est donc justifié de la carence de la SCI.

Sur le moyen soulevé par les intimés, relatif à la nullité du contrat constitutif de la SCI pour défaut d'affectio societatis, le Crédit Agricole rappelle que la SCI n'est pas partie à la procédure et que l'action en nullité de la société se prescrit par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue selon l'article 1844-14 du code civil, soit en l'espèce à compter de la constitution de la société en date du 3 septembre 2003. Par ailleurs, le Crédit Agricole expose que l'association avait pour objet de préserver le domicile familial au sein de la famille par le biais d'une SCI et que la société a bien été constituée dans l'intérêt commun des associés.

S'agissant des demandes de dommages et intérêts de M. et Mme [J] et de M. et Mme [U], fondées sur la responsabilité délictuelle du Crédit Agricole, l'appelant expose que la demande des époux [J] est irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 8 décembre 2011 et que la demande des époux [U] est prescrite et en tout état de cause non fondée en l'absence de faute imputable au Crédit Agricole.

En ce qui concerne les demandes de condamnation présentées par le Crédit Agricole, l'appelant explique qu'elles sont fondées sur la qualité d'associés des intimés et qu'il ne saurait y avoir autorité de chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 28 avril 2010 qui concerne la validité d'un acte de cautionnement.

M. et Mme [U] se sont constitués intimés devant la cour le 12 mai 2021 et dans leurs dernières conclusions du 27 septembre 2021, demandent à la cour de :

A titre principal :

CONFIRMER le jugement de première instance.

A titre subsidiaire, sur appel incident :

DECLARER la demande prescrite, à tout le moins au titre des intérêts de retard totalisant 102.979,98 €, irrecevable, en toute occasion mal fondée.

EN CONSEQUENCE :

DEBOUTER le CREDIT AGRICOLE de l'intégralité des demandes formulées à l'encontre des époux [U].

ANNULER en toute occasion pour défaut d'affectio societatis la SCI RIKO.

CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE à payer aux époux [U] :

'A chacun, 24 % de la somme de 145 057,31 euros augmentée des intérêts de 4,50 % sur 49 381,11 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 1er août 2013,

'Une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral subi,

'Une somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC.

CONDAMNER le CREDIT AGRICOLE aux entiers frais et dépens.

Sur la prescription, M. et Mme [U] font valoir que le Crédit Agricole ne justifie d'aucune cause interruptive de prescription et qu'en tout état de cause, il n'est pas fondé à se prévaloir de la procédure de vente forcée immobilière puisqu'il s'est désisté de cette procédure, la faisant disparaître rétroactivement.

Subsidiairement sur l'appel incident, M. et Mme [U] soutiennent que l'acte de société doit être annulé pour défaut d'affectio societatis puisque leur intervention a été requise en dernière minute suite à une mesure d'interdiction bancaire de Madame [B] [H] et que la constitution de la SCI n'avait que pour objet de procéder au refinancement des époux [J] suite à leurs difficultés financières. Ils précisent que l'action en nullité n'est pas prescrite puisqu'ils ont été induits en erreur par la banque et que cette erreur n'a été découverte qu'au jour de l'introduction de l'instance par le Crédit Agricole.

M. et Mme [U] rappellent qu'ils ont été totalement déchargés de leur engagement de caution à hauteur de 290 000 euros par arrêt de la cour d'appel de Colmar et que la demande du Crédit Agricole se heurte à l'autorité de la chose jugée.

Ils exposent également que le Crédit Agricole a commis une faute, reconnue dans le cadre des procédures antérieures, génératrice d'un préjudice qu'il convient d'évaluer à hauteur des sommes réclamées par le Crédit Agricole.

M. et Mme [J] se sont constitués intimés devant la cour le 25 juin 2021 et dans leurs dernières conclusions du 27 septembre 2021, demandent à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

- CONFIRMER le jugement du 9 mars 2021 du Tribunal Judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a déclaré la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges irrecevable en ses demandes du fait de la prescription acquise le 19 juin 2013 et l'a condamnée à payer aux époux [J] au titre de l'article 700 du CPC, la somme de 3000,00 €

A TITRE SUBSIDIAIRE SUR APPEL INCIDENT :

DECLARER la demande de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges prescrite à tout le moins des intérêts de retard totalisant 102.979,98 €.

TRES SUBSIDIAIREMENT :

DECLARER la demande de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges irrecevable sur le fondement de l'article 1858 du Code Civil,

En conséquence,

DEBOUTER la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges de l'intégralité des demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre des Epoux [J].

SUR LE FOND :

PRONONCER la dissolution anticipée de la SCI RIKO pour défaut d'affectio societatis et/ou fictivité.

En conséquence

CONDAMNER la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges à verser aux Epoux [J], chacun, 26 % de la somme de 145 057,31 euros augmentée des intérêts de 4,50 % sur 149 381,11 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 1er août 2013,

CONDAMNER la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges à verser aux Epoux [J] 10 000,00 € -à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral subi,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

DIRE ET JUGER que l'indemnité au taux de 7 % sur les sommes réclamées par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges n'a pas lieu à s'appliquer, faute pour les EPOUX [J] d'y avoir consenti,

REDUIRE les montants réclamés par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges au titre de l'indemnité forfaitaire et des majorations conventionnelles des taux relatives aux prêts du 10 mars 2004 en de plus justes proportions en vertu de l'article 1152 du Code civil.

ACCORDER un délai de paiement de 24 mois aux Epoux [J] au regard de leur bonne foi sur le fondement de l'article 1244-1 du Code civil.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges à verser à Madame et Monsieur [J], la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges aux entiers frais et dépens des deux instances.

Sur la prescription, M. et Mme [J] font valoir que le Crédit Agricole ne peut pas se prévaloir de l'interruption de la prescription par la publication au livre foncier de la procédure d'adjudication forcée immobilière en date du 9 décembre 2010 puisqu'il s'est désisté de cette procédure, que l'interruption est non avenue en application des dispositions de l'article 2243 du code civil.

Subsidiairement, les époux [J] soutiennent que l'action du Crédit Agricole est irrecevable sur le fondement de l'article 1858 du code civil puisqu'il ne justifie pas de l'existence de tentatives d'exécution infructueuses à l'encontre de la société SCI RIKO pouvant établir l'insuffisance de son patrimoine social pour apurer sa dette, l'insuffisance du prix d'adjudication et le procès-verbal de carence du 29 mars 2016 ne caractérisant pas l'existence de vaines poursuites à l'encontre de la SCI.

Très subsidiairement, ils exposent que le contrat constitutif de la SCI doit être annulé pour défaut d'affectio societatis, les associés n'ayant pas libéré les apports prévus par les statuts, Monsieur [J] remboursant seul les échéances du prêt et aucun loyer n'ayant jamais été encaissé par la SCI.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 7 septembre 2022.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 12 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'appel principal :

Celle-ci n'étant pas contestée, il sera déclaré recevable.

Sur la fin de non-recevoir :

L'article 122 du Code de procédure civile indique que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.

L'article 2262 du code civil, dans sa version en vigueur jusqu'au 19 juin 2008, dispose que toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.

Depuis l'entrée en vigueur le 19 juin 2008 de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, le délai de prescription extinctive de droit commun est de cinq ans en application de l'article 2224 du code civil qui dispose que 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

Les premiers juges ont retenu, par application de l'article 26 de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 régissant les dispositions transitoires, que la prescription quinquennale s'applique à compter du 19 juin 2008, jour d'entrée en vigueur de la loi, et que le délai de prescription de l'action du Crédit Agricole pouvait être atteint le 19 juin 2013, sauf interruption du délai par l'une des causes prévues par la loi.

Le tribunal a déclaré la demande du Crédit Agricole irrecevable au motif qu'il ne justifiait d'aucune cause interruptive de prescription avant le 19 juin 2013.

A l'appui de son appel, le Crédit Agricole soutient que le point de départ du délai de prescription de son action à l'encontre des associés de la SCI est la date de constat de la carence de la SCI RIKO, soit le 29 mars 2016, et fait valoir trois causes interruptives de prescription.

Sur le point de départ de la prescription quinquennale :

L'article 1857 dispose : 'Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale'.

En l'espèce, le Crédit Agricole affirme que le caractère infructueux des mesures d'exécution forcée à l'encontre de la SCI a conduit à l'établissement d'un procès-verbal de carence le 29 mars 2016, date qui constitue le point de départ du délai de prescription du délai d'action du créancier à l'encontre des associés.

Cependant, l'associé, débiteur subsidiaire du passif social, est en droit d'opposer au créancier la prescription de la créance détenue contre la société et la poursuite préalable et vaine de la société ne constitue pas le point de départ de la prescription de l'action du créancier contre l'associé, qui est le même que celui de la prescription de l'action contre la société. (Cour de cassation, chambre civile 3, 19 janvier 2022, 20-22.205, publié au bulletin).

Le point de départ du délai de prescription quinquennale à l'encontre des associés de la SCI ne peut donc être fixé au jour où le créancier a épuisé les poursuites à l'encontre de la personne morale, contrairement à ce que soutient le Crédit Agricole.

Les premiers juges ont considéré à bon droit que l'action du Crédit Agricole à l'encontre des associés de la SCI était soumise à la prescription trentenaire laquelle a été réduite à cinq ans en application de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 et qu'en application de l'article 26-II de ladite loi, ce délai plus court que le précédent a couru à compter du 19 juin 2008 et jusqu'au 19 juin 2013.

Sur les causes interruptives de prescription invoquées par le Crédit Agricole :

Le Crédit Agricole soutient que le délai de prescription a été interrompu par un commandement de payer aux fins de vente forcée immobilière en date du 10 décembre 2007 ainsi que par une ordonnance de vente forcée en date du 24 novembre 2010, publiée au livre foncier le 9 décembre 2010, et que l'effet interruptif s'est poursuivi jusqu'au 17 juin 2013, date à laquelle le tribunal d'instance d'Haguenau a constaté le désistement du Crédit Agricole en raison de la vente du bien immobilier.

L'appelant invoque également le paiement volontaire par le débiteur en date du 4 juin 2013.

Selon l'article 2244 du code civil, le délai de prescription est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.

En l'espèce, les premiers juges ont retenu que les commandements de payer signifiés aux intimés le 10 décembre 2007 n'ont pas pu interrompre le délai de prescription au motif que ces commandements n'étaient pas un préalable indispensable à la procédure de saisie immobilière de droit local, pas plus que l'ordonnance de vente forcée du 24 novembre 2010 dans la mesure où le Crédit Agricole ne justifiait pas de sa publication.

En ce qui concerne les commandements de payer, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 9 juillet 1991, la procédure d'exécution forcée immobilière doit être précédée d'un commandement de payer signifié par ministère d'huissier de justice conformément à l'article 2217 du code civil, qui est toujours en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

S'agissant de l'ordonnance de vente forcée du 24 novembre 2010, le Crédit Agricole justifie à hauteur de cour de sa publication au livre foncier le 9 décembre 2010.

Par conséquent, les commandements de payer du 10 décembre 2007 et l'ordonnance de vente forcée du 24 novembre 2010 constituent des causes interruptives de prescription.

Cependant, l'article 2243 du Code civil énonce que 'l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée'.

Il est admis que le désistement ne permet de regarder l'interruption de la prescription comme non avenue que lorsqu'il s'agit d'un désistement d'instance pur et simple et non quand il énonce que l'instance sera reprise ultérieurement.

En l'espèce, il résulte d'une ordonnance rendue le 17 juin 2013 par le tribunal d'instance de Haguenau que le Crédit Agricole s'est désisté de la procédure d'adjudication forcée immobilière engagée contre la SCI RIKO.

Il s'agissait d'un désistement pur et simple sans précision que l'instance sera reprise ultérieurement.

Par conséquent, l'interruption de la prescription résultant des commandements de payer du 10 décembre 2007 et de l'ordonnance de vente forcée du 24 novembre 2010 doit être regardée comme non avenue.

Par ailleurs, par application de l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, interrompt le délai de prescription.

En l'espèce, la procédure de vente forcée immobilière a opposé le Crédit Agricole à la SCI RIKO, ni M. et Mme [J], ni M. et Mme [U] n'étant partie à ladite procédure.

Dès lors, le Crédit Agricole n'est pas fondé à soutenir que le règlement effectué par la SCI, personne morale, vaut reconnaissance par les intimés de la créance de la banque.

En outre, s'il est constant qu'à la suite de la vente du bien immobilier, le Crédit Agricole a perçu la somme de 288 626,16 euros le 4 juin 2013, il convient d'observer que la banque bénéficiait d'une sûreté réelle sur le bien, à savoir un privilège de prêteur de deniers, et que la vente du bien immobilier a été consentie au cours de la procédure de saisie immobilière et postérieurement à l'ordonnance d'adjudication forcée immobilière rendue le 24 novembre 2010 par le tribunal d'exécution de Haguenau.

Ainsi, le débiteur n'a accepté de vendre son bien et de désintéresser le Crédit Agricole que pour éviter la vente forcée ordonnée par le tribunal.

Dès lors, le règlement effectué par le notaire au profit du prêteur bénéficiaire d'une sûreté réelle ne saurait caractériser une reconnaissance non équivoque de la créance de ce dernier.

Au vu de ce qui précède, le Crédit Agricole ne justifie d'aucun acte interruptif ni d'aucune cause interruptive de prescription entre le 19 juin 2008 et le 19 juin 2013.

Les premiers juges doivent donc être approuvés en ce qu'ils ont déclaré l'appelant irrecevable en son action en paiement, la prescription quinquennale étant acquise lors de la délivrance de l'assignation du 24 octobre 2016.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement du 9 mars 2021 en toutes ses dispositions.

Au regard de l'irrecevabilité de l'action du Crédit Agricole, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes présentées sur le fond.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

Succombant, le Crédit Agricole sera condamné aux dépens de l'instance d'appel et sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 000 euros au profit de M. et Mme [J].

La cour précise qu'elle n'est pas saisie d'une demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la part de M. et Mme [U], la demande de condamnation à ce titre figurant dans le dispositif de leurs conclusions ayant été formulée à titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Déclare recevable l'appel formé par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges aux dépens de la procédure d'appel,

Rejette la demande présentée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges à payer à M. [R] [J] et Mme [C] [T] épouse [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/01835
Date de la décision : 21/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-21;21.01835 ?
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