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21/12/2022 | FRANCE | N°16/05106

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 21 décembre 2022, 16/05106


MINUTE N° 614/22

























Copie exécutoire à



- Me Loïc RENAUD



- Me Guillaume HARTER





Le 21.12.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 21 Décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 16/05106 - N° Portalis DBVW-V-B7A-GJLF



Décision

déférée à la Cour : 07 Octobre 2016 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG



APPELANTE :



SARL ALFA - ALSACE FONCIER AMENAGEMENT

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 6]

[Localité 3]



Représentée p...

MINUTE N° 614/22

Copie exécutoire à

- Me Loïc RENAUD

- Me Guillaume HARTER

Le 21.12.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 21 Décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 16/05106 - N° Portalis DBVW-V-B7A-GJLF

Décision déférée à la Cour : 07 Octobre 2016 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG

APPELANTE :

SARL ALFA - ALSACE FONCIER AMENAGEMENT

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Loïc RENAUD, avocat à la Cour

INTIMEE :

SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE venant aux droits de la SAS EUROVIA ALSACE FRANCHE COMTE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

M. FREY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'arrêt rendu le 17 octobre 2018, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits et de la procédure antérieure, et par lequel la cour de céans a :

- infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg le 7 octobre 2016, en ce qu'il a constaté la réception tacite des travaux exécutés par la SNC Entreprise Jean Lefebvre Alsace en date du 16 mars 2010,

- sursis à statuer pour le surplus des demandes au fond,

- ordonné une expertise

- commis pour y procéder :

M. [L] [B]

[Adresse 2]

Tél. prof. [XXXXXXXX01] - Fax. [XXXXXXXX01] - E.mail. [Courriel 7]

avec faculté de s'adjoindre, en cas de besoin, tout spécialiste de son choix, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, et avec mission de se faire communiquer, par les parties ou les tiers, tous documents utiles, de recueillir des informations écrites ou orales de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leurs noms, prénoms, demeure et profession ainsi que, s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles, à l'effet de :

I-A - rechercher tous documents et pièces utiles établissant les rapports de droit entre les parties en cause, ainsi que les plans, devis et marchés dont elles entendraient faire état ;

B - rechercher les modifications qui ont pu être apportées aux plans et devis pendant les travaux ; indiquer les causes de ces modifications et préciser qui en est l'auteur ;

C - déterminer la date de prise de possession effective des lieux, et plus généralement donner tout élément de nature à fixer la date de la réception judiciaire ;

II -A - visiter les lieux ;

B - rechercher et évaluer de manière chiffrée les prestations de travaux inachevées, qu'elles aient fait l'objet d'une réalisation partielle ou qu'elles n'aient pas été réalisées ;

C - proposer un apurement des comptes entre les parties ;

III - soumettre aux parties son projet de rapport en leur laissant un délai d'un mois pour former des dires, et répondre à ceux-ci dans son rapport définitif ;

- dit qu'il serait procédé aux opérations d'expertise en présence des parties ou celles-ci convoquées par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception, et leurs conseils avisés par lettres simples,

- dit que l'expert devrait déposer son rapport au greffe, dans le délai de six mois à compter de la date à laquelle il aurait été avisé du versement de la consignation, délai de rigueur, sauf prorogation qui serait accordée sur rapport de l'expert à cet effet,

- dit qu'en cas de refus de sa mission par l'expert, d'empêchement ou de retard injustifié, il serait pourvu d'office à son remplacement,

- dit que la SARL ALFA ' Alsace Foncier Aménagement devrait consigner la somme de 3 000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert, et ce avant le 10 janvier 2019 sous peine de caducité de la désignation de l'expert,

- dit qu'à l'issue de la première réunion d'expertise, l'expert devrait communiquer aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l'expertise un état prévisionnel de ses frais et honoraires, et devrait, en cas d'insuffisance de la provision consignée, demander la consignation d'une provision supplémentaire,

- réservé les dépens et les demandes relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu le rapport déposé par l'expert le 2 juillet 2021,

Vu les dernières conclusions en date du 22 février 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS ALFA ' Alsace Foncier Aménagement, ci-après également dénommée 'ALFA', demande à la cour de :

'1.

DÉBOUTER la partie adverse de ses conclusions.

2.

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS ALFA de sa demande, le Tribunal ayant qualifié le marché à prix forfaitaire et non à prix unitaire.

3. SUR LES MONTANTS :

INFIRMER le jugement entrepris dans ces conditions à ce qu'il a débouté l'appelante de ses conclusions aux fins de condamnation de la SAS EUROVIA ALSACE FRANCHE-COMPTE (AFC) venant aux droits de la SNC ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE ALSACE à un montant de 87.367,51 €uros avec intérêts à dater de la première sommation, subsidiairement à partir de l'assignation initiale

SUBSIDIAIREMENT,

CONDAMNER la Société SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE, venant aux droits de la SAS EUROVIA ALSACE FRANCHE COMTE (anciennement la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE ALSACE SAS) à un montant de 38.974,31 €uros avec intérêts à dater de la première sommation, et subsidiairement à partir de la signification de l'assignation devant le Tribunal Judiciaire de STRASBOURG (TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE à savoir le 10 novembre 2011.

4. SUR LA RÉCEPTION JUDICIAIRE :

- CONSTATER l'impossibilité de prononcer la réception judiciaire à raison de la non-transmission à ce jour du D.I.U.O et en conséquence ORDONNER le sursis à statuer sur ce point jusqu'à reprise d'instance à la volonté des parties après transmission du D.I.U.O.

- SUBSIDIAIREMENT, PRONONCER la réception judiciaire à la date de l'arrêt à intervenir ou à toute autre date que la Cour estimera justifiée.

En tout état de cause et si la réception est prononcée,

ASSORTIR la réception judiciaire des réserves suivantes à savoir :

' Les enrobés autour des fosses à compatible situées dans les angles des parkings privatifs n'ont pas pu être correctement compactés ; à ressortir et à replacer par un béton à 200 kg/m² soigneusement coffré après découpes. A prévoir autour de toutes les fosses.

' prévoir à l'automne une émulsion sur les fissures le long des caniveaux et de reprises d'enrobés.

' bouche à clé à relever devant la propriété [V],

' reprise raccord enrobé devant maison en construction (2 ème tranchée)

' relever regard de branchement du N° 24 en 2 ème tranche (M. [H])

' protéger PI par arceau acier.

' établissement d'un devis pour l'enlèvement de la laitance sur trottoir devant le lot n°1 (partie amont)

' fourniture du dossier DOE Assainissement et eau à fournir pour le Cabinet BEREST pour 1ère et 2ème tranches (plan de récolement, essais de pression, passage caméra, caractéristiques techniques du régulateur de débit, etc').

' prestations non réalisées : ressortant du rapport d'expertise selon tableau suivant permettant de décrire le quantitatif prévu, le quantitatif réalisé ainsi que la différence en ressortant à savoir :

[Renvoi au tableau figurant dans les conclusions, p. 43]

5. SUR LE DÉCOMPTE GÉNÉRAL FINAL (26 février 2010) :

CONDAMNER la SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE venant aux droits de la SAS EUROVIA ALSACE FRANCHE COMPTE (anciennement la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE ALSACE SAS) à présenter un décompte final sous astreinte définitive de 100 €uros par jour de retard à compter du

6. SUR LE D.I.U.O. :

Dans le cas où la Cour d'Appel fait droit aux prétentions de la partie adverse selon lesquelles le décompte général est daté du 26 février 2010,

CONDAMNER la SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE, venant aux droits de la SAS EUROVIA ALSACE FRANCHE COMTE (anciennement la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE ALSACE SAS) à un montant de 1/10000 ème du décompte final du 26 février soit un montant de 113,52 € HT par jour jusqu'à la transmission du D.I.U.O.

Dans l'hypothèse où la Cour admet que ce soit dans les motifs ou dans son dispositif que le décompte général est daté du 26 février 2010 (position de la SAS EUROVIA),

CONDAMNER la SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE à un montant de 1/10000 ème du décompte final par jour de retard soit un montant de 113,52 € HT par jour à dater du décompte du 26 février 2010 jusqu'à transmission du D.I.U.O.

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,

CONDAMNER la SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE, venant aux droits de la SAS EUROVIA ALSACE FRANCHE COMTE (anciennement la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE ALSACE SAS) sous astreinte définitive de 100 €uros par jour de retard à transmettre le Dossier d'Intervention Ultérieur sur l'Ouvrage (DIUO)

7.

CONDAMNER la SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE à un montant de 5.000,00 €uros au titre de l'article 700 du CPC ;

CONDAMNER la SAS EUROVIA ALSACE LORRAINE aux entiers frais et dépens y compris les frais d'expertise et les entiers frais et dépens liés à une éventuelle exécution forcée par voie d'huissier, y compris l'article 10 de l'huissier'

et ce, en invoquant, notamment :

- la circonstance que la question du prix forfaitaire n'a pas été tranchée dans le dispositif de l'arrêt du 17 octobre 2018, nonobstant ses motifs, question qui se trouverait donc toujours dans le débat,

- l'absence d'acquiescement, sur ce point, avec la motivation de l'arrêt antérieur, alors que la qualification de marché unitaire résulterait des documents contractuels, sans nécessité de les interpréter,

- l'absence de réception tacite des travaux dans les conditions retenues par le jugement, infirmé par le précédent arrêt, la réception intervenue le 15 septembre 2011 pouvant, en revanche, être prise en considération,

- le prononcé de la réception judiciaire des travaux, compte tenu de la motivation de l'arrêt du 17 octobre 2018,

- l'impossibilité de procéder, à ce jour, à cette réception, à défaut d'en réunir les conditions contractuelles,

- subsidiairement, le prononcé de la réception judiciaire à la date de l'arrêt à intervenir, avec réserves, préalables à tout décompte général définitif, ces réserves devant prendre en compte celles émises lors de la réunion du 15 septembre 2011,

- l'établissement du DGD en tenant compte de la déduction des travaux non effectués, tel que retenu en principe par le précédent arrêt,

- subsidiairement, la caducité du décompte général du 26 février 2010, compte tenu de la réception judiciaire et du rapport d'expertise,

- l'absence d'établissement d'un DIUO, impliquant la mise en compte de pénalités, soit à compter du décompte général du 26 février 2010, s'il était retenu comme DGD, soit à raison de la carence de la société Eurovia à l'établir, impliquant également le prononcé d'une astreinte,

- les conclusions de l'expert concernant les sommes mises en compte, et en particulier la détermination du trop-payé, la partie adverse se voyant reprocher de remettre en cause ce qui aurait déjà été tranché par la cour préalablement à la désignation de l'expert,

Vu les dernières conclusions en date du 22 février 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS Eurovia Alsace Lorraine, ci-après également dénommée 'Eurovia', demande à la cour de :

'CONFIRMER le jugement du 7 octobre 2016 de la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG, sauf en ce qui l'a constaté une réception tacite des travaux à la date du 16 mars 2010

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a constaté une réception tacite des travaux à la date du 16 mars 2020

EN CONSEQUENCE

ORDONNER la réception judiciaire des travaux exécutés par la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE ALSACE, à la date du 9 novembre 2009

DÉCLARER les demandes de la société ALFA irrecevables, et en tous les cas mal fondées

DEBOUTER la société ALFA de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions

CONDAMNER la société ALFA aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel

CONDAMNER la société ALFA à payer la société EUROVIA AL une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du CPC pour la procédure d'appel'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'existence d'un marché à forfait, tel que déjà retenue par la cour, la concluante rappelant son argumentation sur la primauté de l'acte d'engagement puis du CCAP, et la jurisprudence conforme aux usages contractuels, sans incompatibilité avec la présence d'une clause de révision de prix,

- les conséquences de cette qualification, quant à l'impossibilité de solliciter une diminution du prix en invoquant une surestimation des besoins lors de la conclusion du marché, et ce alors que les ouvrages prévus auraient été intégralement réalisés, sous réserve de travaux parfaitement visibles qui auraient dû être visés à la réception, et avant validation du décompte définitif par Alfa,

- une réception des travaux devant être prononcée non à la date de l'arrêt mais à la date à laquelle les travaux étaient en état d'être réceptionnés, et ce indépendamment des conditions de la réception expresse ou tacite, peu important l'absence de documents contractuels relevée par l'expert,

- les conséquences de cette réception, couvrant les désordres et non-conformité apparents au jour de cette réception,

- l'existence d'un DGD, arrêté contradictoirement, dûment validé, par le maître d'oeuvre et l'assistant du maître de l'ouvrage agissant obligatoirement par mandat, confirmé ensuite par l'appelante, et appliqué par la société Alfa,

- l'absence de valeur probante des tableaux invoqués par la partie adverse à l'appui de ses prétentions, et établis non contradictoirement,

- le caractère définitif et intangible du DGD,

- le mal fondé de la demande adverse en trop-payé, au regard de sa propre demande en restitution, du caractère forfaitaire du marché, de l'impossibilité de prendre en compte les non-conformités apparentes à la réception et non réservé et du caractère intangible du DGD,

- le mal fondé, également, des demandes adverses en production d'un DIUO, (qui n'emporterait aucune conséquence pour le maître de l'ouvrage, outre qu'il ne pourrait plus être établi) et, sous astreinte, d'un décompte définitif, en présence d'un DGD,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 février 2022,

Vu les débats à l'audience du 2 mars 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

La cour rappelle que, par l'arrêt susvisé, elle a validé les motifs retenus par le premier juge pour qualifier le marché litigieux de marché à prix forfaitaire, tout en précisant que le caractère particulièrement détaillé de l'évaluation des prix dans le devis, expressément visé dans l'acte d'engagement, indiquant que les travaux seraient exécutés conformes aux conditions dudit devis, au demeurant étayé par un bordereau de prix lui aussi très précis, permettait d'écarter la définition d'un prix unitaire, laquelle impliquait un règlement du marché par application de ce prix aux quantités réellement exécutées et non aux quantités définies, comme en l'espèce, dans les documents contractuels, dont la précision permet justement de circonscrire le champ et la portée de l'engagement contractuel sur un prix forfaitaire et définitif.

La cour n'aperçoit pas de motif ou de circonstance ou élément nouveau de nature à remettre en cause cette appréciation, sur la base de laquelle a été ordonnée avant dire droit une mesure d'expertise, étant encore rappelé que, comme précisé également dans l'arrêt avant dire droit, et sans qu'il n'y ait lieu de revenir sur ce point, la qualification de marché à forfait ne fait pas obstacle à ce que des travaux non réalisés, dès lors qu'ils sont mentionnés dans le devis estimatif et quantitatif (DQE) visé par l'acte d'engagement, soient déduits du solde du marché, dans la mesure où ils procèdent d'un engagement contractuel. En revanche, il doit être précisé que la qualification de marché à forfait exclut toute diminution du prix au motif d'une surestimation des besoins lors de la conclusion du marché.

En outre, le jugement entrepris ayant, au préalable, été infirmé en ce qu'il avait constaté la réception tacite des travaux en date du 16 mars 2010, à défaut de prise de possession des lieux à cette date par la société Alfa, nonobstant le règlement intégral du montant des travaux par cette dernière après validation du DGD par le maître d'oeuvre, il y aura lieu, le cas échéant, à prononcer la réception judiciaire des travaux, les parties s'accordant sur le principe de ce prononcé, même si elles divergent sur la possibilité d'un prononcé en l'état et sur l'existence de réserves, la date de la réception devant également, si celle-ci était prononcée, être déterminée.

Sur la réception :

En vertu de l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

En application de ce texte, la date de la réception judiciaire doit être prononcée au jour où l'ouvrage était en état d'être reçu.

En ce sens, s'il ressort des termes du CCAP, tels que rappelés par l'expert dans son rapport, que le projet de décompte final devait être obligatoirement accompagné des dossiers de récolement et du DIUO, ce dernier document n'ayant ni été transmis à l'expert, ni même établi, comme le reconnaissent les deux parties, il n'en demeure pas moins que l'établissement de ce document n'est pas, en lui-même requis pour que l'ouvrage soit reçu, le CCAP prévoyant que le projet de décompte final doit être transmis dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la réception. La demande tendant à voir ordonner un sursis à statuer sur la réception dans l'attente de la remise d'un DIUO doit donc être écartée.

Pour le reste, ainsi qu'il a déjà été relevé par la cour dans son arrêt avant dire droit, l'achèvement des deux tranches du lotissement est invoqué par la société Eurovia en date du 9 novembre 2009, cette circonstance résultant, notamment, d'un courrier dans laquelle elle sollicite de la société ALFA l'organisation de la réception des ouvrages. Par ailleurs, ainsi que le note l'expert dans les conclusions de son rapport, le 15 juin 2009, la société BEREST, dont il sera rappelé qu'il s'agit du maître d'oeuvre accrédité par le maître de l'ouvrage aux termes du CCAP, a établi une attestation d'achèvement pour l'ensemble des travaux de voirie provisoire et définitive, assainissement, alimentation en eau potable, éclairage public, génie civile desserte téléphonique, réseau câblé, gaz et électricité.

Au demeurant, par courrier en date du 16 mars 2010, la société ALFA, si elle n'avait pas donné suite à la demande de réception formulée par la société Jean Lefebvre Alsace, devait adresser à cette société un chèque de 41 845 euros 'pour solde de tout compte', en référence au décompte définitif validé par le cabinet BEREST et par l'Atelier d'architecture Vetter, désigné comme son maître d'oeuvre mais que le rapport d'expertise présente comme le 'concepteur' du lotissement.

Compte tenu de ces éléments, la cour considère que si le règlement des travaux ne constitue pas une réception tacite, à défaut de prise de possession, en tout cas totale des lieux, par le maître de l'ouvrage, il n'en demeure pas moins que dès le 9 novembre 2009, l'ouvrage était en état d'être reçu, sans incidence de l'absence de DIUO, seul élément réellement opposé sur ce point par la société ALFA.

Quant à la demande de la société ALFA de voir assortir la réception de plusieurs réserves, qu'elle détaille dans ses écritures susvisées, la cour observe qu'à la date à laquelle l'ouvrage était en état d'être reçu, aucune remarque ni observation n'avait été émise par le maître d'ouvrage, susceptibles d'être qualifiées de réserves, celui-ci ayant même, comme il vient d'être relevé, opéré le paiement du solde quelques mois plus tard sans émettre de contestations ni solliciter une réception assortie de réserves. La société ALFA sera donc déboutée de sa demande de ce chef.

Sur la demande de restitution :

La cour observe, au préalable, que l'infirmation du jugement entrepris est sollicitée sur ce point, mais qu'elle n'est saisie, à ce titre, que d'une demande formée à titre subsidiaire à hauteur de 38 974,31 euros.

Cela étant, même si elle n'a pas entendu donner suite à la demande de réception des travaux, la société ALFA a accepté sans réserve, par son courrier du 16 mars 2010, le décompte général définitif en date du 26 février 2010 qui détermine les droits et obligations des parties et lie définitivement les cocontractants, peu important, dans ces conditions, qu'il n'ait pas été déposé dans les conditions prévues au CCAP dès lors que son acceptation procède d'une volonté commune, expresse et sans réserve des parties, et plus particulièrement de la société ALFA.

Dès lors qu'en application de l'article 1269 du code de procédure civile, aucune demande en révision de compte n'est recevable, sauf si elle est présentée en vue d'un redressement en cas d'erreur, d'omission ou de présentation inexacte, et qu'en l'espèce, la société ALFA ne justifie ni d'une erreur, ni d'une omission ou d'une présentation inexacte du compte mais conteste le principe et le montant de sa créance, au motif de la non-réalisation de certains travaux, sa demande de ce chef doit être rejetée, emportant la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

Sur les demandes de production d'un décompte général final et du DIUO :

Compte tenu des conclusions auxquelles est parvenue la cour sous l'angle de l'examen de la question de la réception et des comptes entre les parties, les demandes formées par la société ALFA au titre de la production d'un décompte général final et du DIUO n'apparaissent pas fondées et elle doit en être déboutée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société ALFA succombant pour l'essentiel sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de la société ALFA une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 3 000 euros au profit de la société Eurovia, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Rappelle qu'elle a infirmé le jugement rendu le 7 octobre 2016 par la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il a constaté la réception tacite des travaux exécutés par la SNC Entreprise Jean Lefebvre Alsace en date du 16 mars 2010,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Déboute la SARL ALFA - Alsace Foncier Aménagement de sa demande de production d'un décompte général final,

Condamne la SARL ALFA - Alsace Foncier Aménagement aux dépens de l'appel,

Condamne la SARL ALFA - Alsace Foncier Aménagement à payer à la SAS Eurovia Alsace Lorraine la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SARL ALFA - Alsace Foncier Aménagement.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 16/05106
Date de la décision : 21/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-21;16.05106 ?
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