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23/11/2022 | FRANCE | N°21/00437

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 23 novembre 2022, 21/00437


MINUTE N° 560/22





























Copie exécutoire à



- Me Laurence FRICK



Le 23.11.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 23 Novembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00437 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPI2



Décision déférée à la Cour : 21 D

écembre 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANTE :



CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Laurence FRICK, avocat ...

MINUTE N° 560/22

Copie exécutoire à

- Me Laurence FRICK

Le 23.11.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 23 Novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00437 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPI2

Décision déférée à la Cour : 21 Décembre 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

INTIMES :

Madame [B] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

non représentée, assignée par voie d'huissier à domicile le 15.04.2021

Monsieur [D] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

non représenté, assigné par voie d'huissier à personne le 15.04.2021

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- rendu par défaut

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 21 décembre 2020, régulièrement frappé d'appel, le 6 janvier 2021, par voie électronique, par la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe,

Vu les conclusions de la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe du 31 mars 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu l'acte d'huissier de justice signifiant, le 15 avril 2021, à la requête de la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe, à M. [W] et Mme [W] la déclaration d'appel, le récapitulatif de la déclaration d'appel, les conclusions d'appel du 31 mars 2021 et le bordereau de communication de pièces du 31 mars 2021,

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 24 septembre 2021,

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 25 avril 2022.

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions de l'appelante et le jugement auxquels il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il convient de rappeler qu'il résulte de l'article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l'intimé ne conclut pas, il est statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 954 dudit code, la partie qui ne conclut pas (...) est réputée s'approprier les motifs du jugement.

Il résulte des pièces, des conclusions de la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe (la Caisse) et du jugement que M. [W] s'est porté caution solidaire d'engagements souscrits par la société MT2S envers la Caisse au titre de différents prêts :

- par acte de cautionnement du 3 août 2012 à hauteur de 59 400 euros en principal et accessoires,

- par acte de cautionnement du 25 février 2014 à hauteur de 12 500 euros en principal et accessoires,

- par acte de cautionnement du 28 octobre 2015 à hauteur de 108 000 euros en principal et accessoires,

Le 5 février 2016, il s'est porté caution solidaire de tous engagements de la société MT2S au profit de la Caisse dans la limite de 6 000 euros, en principal et accessoires, et son épouse a donné son consentement à cet engagement et à celui du 25 février 2014.

Le 15 février 2017, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société MT2S, convertie le 11 juillet 2018 en liquidation judiciaire.

La Caisse a déclaré sa créance pour un montant total de 119 334,97 euros, et a été admise pour diverses sommes.

Après avoir mis en demeure de payer M. [W] par lettre du 20 septembre 2018, la Caisse a agi en paiement à son encontre en sa qualité de caution et a appelé son épouse en déclaration de jugement commun.

Par jugement du 21 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Mulhouse a fait droit aux demandes de la Caisse au titre des engagements de caution de M. [W] pour les prêts souscrits les 3 août 2012 et 25 février 2014, rappelé que les biens de la communauté sont engagés au titre du cautionnement du 25 février 2014 et a déclaré le jugement commun à Mme [W]. Il a également rejeté la demande reconventionnelle de M. [W] et l'a condamné aux dépens.

En outre, il a constaté le caractère disproportionné des engagements de caution souscrits les 28 octobre 2015 et 5 février 2016, dit ces cautionnements inopposables à M. et Mme [W], rejeté les demandes de la Caisse à ce titre, et dit n'y avoir lieu à appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse interjette appel de ces seuls chefs. Elle soutient que le premier juge a, par une appréciation erronée, estimé que ces cautionnements étaient manifestement disproportionnés.

Sur ce,

Selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution, qui l'invoque, de démontrer l'existence de la disproportion manifeste de son engagement, au moment de la conclusion de celui-ci.

Lorsqu'à l'occasion de la souscription de son engagement, la caution a déclaré au créancier des éléments sur sa situation personnelle, le créancier peut, en l'absence d'anomalie apparente, s'y fier et n'a pas à vérifier l'exactitude de ces déclarations.

Dans ce cas, la caution ne sera alors pas admise à établir, devant le juge, que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque. En revanche, en présence d'anomalie apparente, ou lorsque la caution n'a déclaré aucun élément sur sa situation patrimoniale à la banque lors de son engagement, notamment parce que cette dernière ne lui a rien demandé, la caution est libre de démontrer, devant le juge, quelle était sa situation financière réelle lors de son engagement. Elle peut aussi opposer à la banque les éléments non déclarés dont celle-ci avait connaissance.

De son côté, la banque peut invoquer des éléments de la situation de la caution qu'elle n'aurait pas déclarés.

Il a été jugé qu'au sens de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4 du code de la consommation, la disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit suppose que la caution soit à cette date dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus. En conséquence, se détermine par des motifs impropres à caractériser une telle disproportion, la cour d'appel qui se borne à relever que l'engagement de la caution était pratiquement du montant de son patrimoine et que ses revenus mensuels étaient grevés du remboursement de prêts. (Com., 28 février 2018, pourvoi n° 16-24.841, Bull. 2018, IV, n° 24).

En l'espèce, le tribunal a retenu qu'au moment du nouvel engagement du 28 octobre 2015, et en prenant en compte les engagements précédemment souscrits, les éléments du passif de M. [W] s'élevaient à 179 900 euros pour un patrimoine de 206 000 euros et des revenus pour le couple de 4 000 euros et il résulte d'ailleurs des motifs du jugement que ce passif de 179 900 euros a été calculé compte tenu des deux précédents engagements de caution et de l'engagement de caution souscrit le 28 octobre 2015.

La Caisse ajoute qu'il était associé de la société MT2S, société au capital de 50 000 euros, qui réalisait un chiffre d'affaires de 1 181 900 euros sur l'année 2016, ce qui permet d'estimer la valeur des parts sociales dont il est titulaire. Au soutien de cette affirmation, elle produit une pièce 22 dont il résulte que M. [W] est gérant de la société MT2S, sans qu'aucune mention ou autre élément ne permette d'établir qu'il en était l'associé. La Caisse ne démontre ainsi pas que M. [W] était associé au sein de cette société, et par voie de conséquence qu'il était titulaire de parts sociales.

Cependant, il résulte des motifs précités du jugement, que les intimés sont réputés s'approprier, qu'en souscrivant ce nouvel engagement de caution le 28 octobre 2015, celui-ci n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus, puisque sans même prendre en compte les revenus du couple, l'actif de M. [W] évalué à 206 000 euros était bien supérieur au montant cumulé, pour 179 900 euros, des engagements antérieurs et du nouvel engagement.

De même, le jugement retient qu'au 5 février 2016, les éléments du passif de M. [W] s'élevaient à la somme de 185 900 euros pour un patrimoine de 206 000 euros et des revenus pour le couple de 4 000 euros. Il résulte également des motifs du jugement que cette somme de 185 900 euros tient compte du nouvel engagement de caution de 6 000 euros souscrit le 5 février 2016.

Or, il en résulte que cet engagement de caution souscrit le 5 février 2016 n'était pas manifestement disproportionné à ses biens, puisque là aussi, sans même prendre en compte les revenus du couple, l'actif de M. [W] évalué à 206 000 euros était toujours supérieur au montant cumulé, cette fois-ci pour 185 900 euros, des engagements antérieurs et du nouvel engagement.

Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a constaté le caractère disproportionné des engagements de caution de M. [W] souscrits les 28 février 2015 et 5 février 2016, dit que ces contrats de cautionnements sont inopposables à M. et Mme [W] et a débouté la Caisse de ses demandes à ce titre.

1. Statuant à nouveau, sur les demandes en paiement de la Caisse :

S'agissant du cautionnement du 28 octobre 2015 :

Celui-ci garantissait les engagements de la société MT2S au titre du remboursement du prêt de 90 000 euros qui lui avait été consenti par la Caisse par acte sous seing privé daté du même jour et produit en annexe 6.

La Caisse produit l'avis d'admission de sa créance du greffier de la Chambre commerciale en date du 14 novembre 2018 au titre de ce prêt pour une somme de 19,56 euros à titre échu et pour une somme de 62 605,57 euros à échoir, outre intérêts au taux contractuel.

Selon sa déclaration de créance du 4 mai 2017, la somme de 19,56 euros correspond à des intérêts échus et la somme de 62 605,57 euros correspond au capital restant dû à échoir.

Ces sommes sont devenues exigibles par l'effet du prononcé de la liquidation judiciaire en application de l'article L.643-1 du code de commerce, étant relevé que les conditions de l'exception prévue par ce texte ne sont pas démontrées. En outre, par lettre du 20 septembre 2018, la Caisse avait informé M. [W] de l'exigibilité des sommes dues par la société MT2S et garanties par ses engagements de caution, la société MT2S ayant été mise en liquidation judiciaire le 11 juillet 2018 et aucune somme n'ayant été réglée au titre de ses engagements de caution en dépit du courrier adressé le 2 mai 2017, celui-ci produit en pièce 14, lui demandant notamment le paiement des échéances futures des trois prêts, dont celui garanti par le cautionnement du 28 octobre 2015.

S'agissant de l'indemnité conventionnelle de 7 % prévue par le contrat dont la Caisse lui demande paiement à hauteur de 4 382,39 euros selon le décompte produit, la Caisse avait déclaré l'indemnité conventionnelle en cas d'exigibilité, à hauteur de 7 % du capital dû, à échoir. Cependant, aucune mention ne figure dans l'avis d'admission au titre de ladite indemnité, qui n'a donc pas été admise.

Il en est de même de la majoration de trois points du taux contractuel, lequel était de 1,90 %, qui n'a pas été mentionnée dans l'avis d'admission. La Caisse ne justifie ainsi pas être en droit de demander de telles sommes à la caution.

Il convient dès lors de condamner M. [W] à payer à la Caisse la somme de 62 605,57 euros au titre du capital restant dû, outre intérêts au taux de 1,90 % l'an à compter du 15 février 2017, outre la somme de 19,56 euros au titre des intérêts échus, et de rejeter la demande supplémentaire de la Caisse dont elle ne justifie pas.

S'agissant de son engagement de caution du 5 février 2016, M. [W] s'est engagé à garantir tous les engagements de la société MT2S à l'égard de la Caisse dans la limite de 6 000 euros.

L'avis d'admission de la créance précité indique que la Caisse a été admise au titre du compte courant pour la somme de 24 741,11 euros à titre échu.

M. [W] sera ainsi condamné, en exécution de son engagement de caution du 5 février 2016, à payer à la Caisse la somme de 6 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2018, date de la mise en demeure, jusqu'à complet paiement au titre du solde du compte courant professionnel débiteur de la société MT2S.

Mme [W] ayant donné son consentement à cet engagement de caution de M. [W], il convient de dire que les biens de la communauté sont engagés en application de l'article 1415 du code civil au titre de la condamnation de M. [W] à hauteur de 6 000 euros couvrant le compte courant.

2. Sur la déclaration de jugement commun à Mme [W] :

Il convient de déclarer le jugement commun à Mme [W].

3. Sur les frais et dépens :

Succombant, M. [W] sera condamné à supporter les dépens de première instance, le jugement étant confirmé de ce chef, et d'appel.

Il sera également condamné à payer à la Caisse la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 21 décembre 2020, en ce qu'il a constaté le caractère disproportionné des engagements de caution de M. [W] souscrits les 28 février 2015 et 5 février 2016, dit que ces contrats de cautionnements sont inopposables à M. et Mme [W] et a débouté l'association coopérative à responsabilité limitée Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe à ce titre,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Condamne M. [W] à payer à l'association coopérative à responsabilité limitée Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe les sommes de :

- 62 605,57 euros au titre du capital restant dû, outre intérêts au taux de 1,90 % l'an à compter du 15 février 2017, outre la somme de 19,56 euros au titre des intérêts échus, et ce au titre de son engagement de caution limité à 108 000 euros,

- 6 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2018, jusqu'à complet paiement, au titre du solde du compte courant professionnel débiteur de la société MT2S,

Dit que les biens de la communauté existant entre M. et Mme [W] sont engagés en application de l'article 1415 du code civil au titre de la condamnation de M. [W] à hauteur de 6 000 euros couvrant le compte courant,

Déclare l'arrêt commun à Mme [W],

Rejette le surplus des demandes de l'association coopérative à responsabilité limitée Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe,

Condamne M. [W] à supporter les dépens d'appel,

Condamne M. [W] à payer à l'association coopérative à responsabilité limitée Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/00437
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;21.00437 ?
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