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23/11/2022 | FRANCE | N°19/04148

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 23 novembre 2022, 19/04148


MINUTE N° 559/22





























Copie exécutoire à



- Me Nadine HEICHELBECH



- Me Thierry CAHN





Le 23.11.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 23 Novembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/04148 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HF6K



Décision déférée à la Cour : 13 Juin 2019 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de COLMAR





APPELANT :



Monsieur [C] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour



INTIMEE :



SA BANQUE...

MINUTE N° 559/22

Copie exécutoire à

- Me Nadine HEICHELBECH

- Me Thierry CAHN

Le 23.11.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 23 Novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/04148 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HF6K

Décision déférée à la Cour : 13 Juin 2019 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de COLMAR

APPELANT :

Monsieur [C] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour

INTIMEE :

SA BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Le 18 mars 2015, la société Transports [R] a souscrit l'ouverture d'un compte courant professionnel n°71 21 801 114 6 dans les livres de la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque), sans autorisation de découvert, garanti par le cautionnement solidaire de M. [C] [R] (la caution) qui s'engageait par acte sous seing privé en date du 28 septembre 2016, dans la limite de 52 000 euros couvrant le principal, les intérêts et frais accessoires sur une durée de dix ans.

Le 25 septembre 2018, la société Transports [R] a été mise en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 20 novembre 2018.

Le solde du compte étant débiteur, la banque, après avoir mis la caution en demeure de régulariser la situation, l'a assignée en paiement.

Par jugement réputé contradictoire du 13 juin 2019, le tribunal de grande instance de Colmar a :

- condamné M. [R], en sa qualité de caution de la SAS Transports [R], à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne un montant de 43 676,43 euros, augmenté des intérêts au taux de 13,85 % à compter du 11 décembre 2018, dans la limite de 52 000 euros,

- condamné M. [R] aux dépens, ainsi qu'à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne une indemnité de procédure de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le 13 septembre 2019, M. [C] [R] a, par voie électronique, interjeté appel de cette décision.

La SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne s'est constituée intimée le 27 septembre 2019.

Après conclusions des parties, la cour de céans, a, par arrêt du 28 juin 2021 :

- rejeté la demande de M. [R] tendant à déclarer nul le jugement,

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et renvoyé les parties devant le conseiller de la mise en état,

- réservé les demandes des parties et les dépens.

Par conclusions du 23 février 2022, auxquelles était joint un bordereau de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, M. [R] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement du 13 juin 2019,

- constater le caractère disproportionné du cautionnement,

- débouter la banque de sa demande,

- condamner la banque à payer 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens.

En substance, il invoque l'article L.332-1 du code de la consommation et soutient s'être engagé en qualité de caution le 28 septembre 2016 dans la limite d'un montant de 52 000 euros, qu'il s'agit du double de ses revenus annuels de l'époque et qu'actuellement, il est au chômage et perçoit 1 600 euros par mois de Pôle emploi, de sorte que le cautionnement est disproportionné.

Par conclusions du 11 mars 2022, auxquelles était joint un bordereau de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne demande à la cour de :

- rejeter l'appel de M. [R],

- déclarer régulière la signification de l'assignation du 21 janvier 2019,

- en conséquence, confirmer le jugement,

- ordonner en tant que de besoin et subsidiairement l'évocation conformément à l'article 568 du code de procédure civile avec renvoi du dossier à la mise en état,

- rejeter les demandes de M. [R],

- condamner M. [R] aux entiers frais et dépens et au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En substance, elle se réfère à la fiche de renseignement souscrite le 30 juillet 2016 mentionnant un revenu annuel fixe de l'ordre de 36 000 euros, et soutient que la société débitrice principale était composée d'un capital social à hauteur de 30 000 euros et fait état d'une jurisprudence selon laquelle les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement. Elle soutient qu'à la date de l'engagement de M. [R], son patrimoine représentait une valeur totale de 66 000 euros, soit 14 000 euros de plus que l'acte litigieux.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 mars 2022.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 25 avril 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION :

Selon l'article L.332-1 du code de la consommation, alors applicable, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution, qui l'invoque, de démontrer l'existence de la disproportion manifeste de son engagement, au moment de la conclusion de celui-ci.

Lorsqu'à l'occasion de la souscription de son engagement, la caution a déclaré au créancier des éléments sur sa situation personnelle, le créancier peut, en l'absence d'anomalie apparente, s'y fier et n'a pas à vérifier l'exactitude de ces déclarations.

Dans ce cas, la caution ne sera alors pas admise à établir, devant le juge, que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque.

En revanche, en présence d'anomalie apparente, ou lorsque la caution n'a déclaré aucun élément sur sa situation patrimoniale à la banque lors de son engagement, notamment parce que cette dernière ne lui a rien demandé, la caution est libre de démontrer, devant le juge, quelle était sa situation financière réelle lors de son engagement. Elle peut aussi opposer à la banque les éléments non déclarés dont celle-ci avait connaissance.

De son côté, la banque peut invoquer des éléments de la situation de la caution qu'elle n'aurait pas déclarés.

En l'espèce, M. [R] soutient avoir souscrit un engagement de caution pour un montant correspondant au double de ses revenus annuels de l'époque.

Lors de son engagement de caution souscrit le 28 septembre 2016, M. [R] a rempli une fiche de renseignements.

Celle-ci indique qu'il percevait des revenus mensuels de 3 000 euros et supportait un loyer de 850 euros.

En l'absence d'anomalie apparente affectant cette fiche, il n'y a donc pas lieu de tenir compte du montant annuel réellement perçu par M. [R] en 2016, soit 28 825 euros selon son avis d'imposition et qui était moindre que les 36 000 euros annuels ainsi déclarés.

La banque soutient que M. [R] n'est pas fondé à soutenir que son engagement de caution représente le double de ses revenus annuels de l'époque, dès lors que son patrimoine représentait une valeur totale de 66 000 euros, après avoir évoqué le montant de ses revenus annuels fixes de 36 000 euros et le capital social de la société de 30 000 euros.

Si la banque fait état dans ses conclusions (p.5) que M. [R] était le gérant de la société SAS Transports [R], elle ne fait nullement valoir que M. [R] était associé de cette société.

En tous les cas, à supposer qu'elle l'invoque en évoquant la jurisprudence précitée, elle ne produit pas d'élément permettant de démontrer que M. [R], qui était le représentant légal de la société selon cette fiche et d'autres éléments produits par la banque, en ait été l'associé et ait détenu des parts sociales ou un compte courant d'associé, dont M. [R] aurait alors dû démontrer la valeur.

Il peut être observé que la fiche de renseignement mentionne dans la case 'activité professionnelle' : 'non salarié (chef d'entreprise, dirigeant, commerçant, profession libérale, artisan...' : activité exercée : PDG depuis 2015 Forme Juridique : SA Capital 30 000 euros, outre le montant du dernier exercice de chiffre d'affaire.

Ainsi, il n'en résulte pas que M. [R] ait été l'associé de cette société, mais seulement qu'il en est le PDG.

En outre, la fiche ne mentionne pas sa qualité d'associé, ou qu'il posséderait des parts sociales ou un compte courant d'associé, étant d'ailleurs relevé que les cases relatives au 'patrimoine de la caution' destinées à recueillir des informations sur les biens immobiliers et sur les 'autres biens' sont vierges et barrées.

La pièce 13 produite par la banque indique que M. [R] est dirigeant mandataire, président de la SASU Transports [R], que son effectif est compris entre 6 et 9 salariés et que cette société a un actionnaire, sans cependant en préciser le nom. Elle est ainsi également insuffisante à démontrer qu'il en est l'associé.

La banque ne produisant pas d'élément démontrant que M. [R] ait été associé de ladite société, elle n'est pas fondée à prétendre qu'il convient de prendre en compte le capital social de la société ou une éventuelle valeur des parts sociales de la société débitrice principale pour apprécier le patrimoine de M. [R]. En outre, elle ne produit aucun élément quant à l'existence d'un compte d'associé ouvert au nom de M. [R].

Il en résulte que M. [R] démontre que ses revenus et biens à prendre en considération pour apprécier la disproportion consistent dans son salaire, tel que déclaré sur la fiche précitée, perçu lors de son engagement de caution, de 36 000 euros annuels, tandis que la banque ne démontre pas qu'il possédait d'autres biens ou revenus à prendre en compte.

Dans ces circonstances, M. [R] établit que son engagement de caution pour un montant de 52 000 euros était manifestement disproportionné, lors de sa souscription, à ses biens et revenus.

La banque ne soutient pas, ni ne démontre, qu'au moment où il a été appelé, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation.

Dès lors, elle ne peut se prévaloir de son engagement de caution.

Sa demande en paiement sera dès lors rejetée, le jugement étant infirmé.

La banque succombant, elle sera condamnée à supporter les dépens de première instance, le jugement étant infirmé de ce chef, et d'appel.

Elle sera condamnée à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa demande sera rejetée, le jugement étant infirmé en ce qu'il a prononcé une condamnation à son bénéfice.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de céans du 28 juin 2021,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Colmar du 13 juin 2019,

Statuant à nouveau :

Rejette la demande en paiement de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne dirigée contre M. [R] au titre de son engagement de caution de 52 000 euros,

Condamne la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à payer à M. [R] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 19/04148
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;19.04148 ?
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