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16/11/2022 | FRANCE | N°20/01496

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 16 novembre 2022, 20/01496


MINUTE N° 537/22





























Copie exécutoire à



- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA



- Me Laurence FRICK





Le 16.11.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 16 Novembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/01496 - N° Portalis DBVW-V-B7

E-HKVG



Décision déférée à la Cour : 28 Mai 2020 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 1ère chambre civile



APPELANTE :



Madame [P] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la Cour



INTIME...

MINUTE N° 537/22

Copie exécutoire à

- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA

- Me Laurence FRICK

Le 16.11.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 16 Novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/01496 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKVG

Décision déférée à la Cour : 28 Mai 2020 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 1ère chambre civile

APPELANTE :

Madame [P] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la Cour

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

/

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte authentique reçu le 4 septembre 1998 par Maître [F] [J], notaire à [Localité 6], la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace Vosges (ci-après 'le crédit agricole') a consenti à la société civile immobilière (SCI) [Adresse 5] un prêt hypothécaire de 850 000 francs, soit 129 581,66 euros, remboursable sur une durée de 180 mois au taux variable de 3,6076 %.

Ce prêt était garanti par une hypothèque portant sur un bien immobilier situé à [Localité 4], acquis le même jour par la SCI [Adresse 5], et par les cautions solidaires de M. [X] [R], Mme [O] [H], M. [G] [A] et Mme [P] [R].

Suite à des incidents de paiement, le crédit agricole a mis en demeure la SCI [Adresse 5] de lui payer la somme de 19 453,47 euros par courrier du 26 juin 2013 puis lui a fait délivrer un commandement de payer préalable à une procédure d'exécution forcée immobilière le 5 septembre 2013.

Par ordonnance du 26 février 2014, le tribunal d'instance de Molsheim a ordonné la vente forcée des biens immobiliers appartenant à la SCI [Adresse 5] et désigné maître [T] [S], notaire à [Localité 6], aux fins de procéder aux opérations de vente.

Par procès-verbal du 2 décembre 2014, le notaire a constaté que la SCI [Adresse 5] avait confié la vente des biens immobiliers à une agence immobilière. Une vente amiable étant envisagée, il n'a pas procédé à la vente forcée avec l'accord des parties.

Le 5 juin 2017, le conseil de Mme [P] [R] a formulé une proposition de règlement amiable des dettes de la SCI [Adresse 5] qui a été rejetée par les représentants des créanciers lors d'une réunion organisée par maître [S], notaire, le 6 juin 2017.

Par procès-verbal du 2 décembre 2014, le notaire a fixé la date de l'adjudication pour le 5 juillet 2019 au plus tard.

Par jugement du 5 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Saverne a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SCI [Adresse 5].

Par acte du 20 juin 2018, Mme [P] [R] a fait assigner le crédit agricole devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins, notamment, de voir juger que la banque ne dispose d'aucun titre exécutoire au titre du prêt du 4 septembre 1998 et de voir déclarer prescrite la créance du crédit agricole.

Par jugement contradictoire du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- déclaré irrecevable la demande formulée par Mme [P] [R] contre le groupement Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace Vosges, pour cause d'absence de qualité pour agir,

- condamné Mme [P] [R] à payer au groupement Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace Vosges la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [P] [R] aux dépens,

- prononcé l'exécution provisoire du jugement.

Mme [R] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 8 juin 2020.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour par voie électronique le 14 juin 2022, Mme [R] demande à la cour de :

- déclarer Mme [R] recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement entrepris RG 18/03794 du tribunal judiciaire de Strasbourg en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau,

- dire et juger que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges ne dispose d'aucun titre exécutoire au titre du prêt 507637750.806 du 4 septembre 1998,

- annuler la stipulation d'intérêts de l'acte de prêt du 4 septembre 1998,

- subsidiairement, prononcer la déchéance du droit aux intérêts,

- déclarer prescrite la créance de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace Vosges au titre du prêt 507637750.806,

- débouter la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace Vosges de ses fins, moyens et conclusions,

- condamner la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace Vosges aux dépens,

- condamner la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace Vosges à payer à Mme [P] [R] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [R] fait valoir qu'elle agit en qualité de caution et d'associée de la SCI [Adresse 5] et qu'à ce titre, elle est recevable à contester la validité du titre exécutoire dont se prévaut le créancier.

Elle soutient que le crédit agricole ne peut se prévaloir d'un titre exécutoire dans la mesure où la créance n'est ni déterminée ni déterminable à partir de l'acte authentique du 4 septembre 1998.

Mme [R] précise que le principe de l'estoppel, invoqué par l'intimé, n'est pas applicable puisqu'elle n'a jamais renoncé au moyen tiré de l'absence de titre exécutoire valable.

Elle expose également que l'autorité de la chose jugée qui serait attachée à l'ordonnance du 26 février 2014, ordonnant la vente forcée des biens immobiliers appartenant à la SCI, ne lui est pas opposable au motif qu'elle n'était pas partie à la procédure de vente forcée immobilière.

Mme [R] fait valoir que la créance du crédit agricole est prescrite au motif que la déchéance du terme a été prononcée le 31 mars 2012 et que la prescription quinquennale est intervenue le 31 mars 2017.

L'appelante indique que sa demande relative à la nullité ou la déchéance du droit aux intérêts, formulée à hauteur de cour, n'est pas nouvelle dès lors qu'elle se rattache à l'irrégularité de l'acte notarié du 4 septembre 1998 en ce qui concerne la stipulation du taux d'intérêt et la mention d'un taux effectif global. Elle soutient à l'appui de sa demande que l'acte notarié ne précise pas les modalités permettant de déterminer le taux d'intérêt applicable.

Le Crédit Agricole s'est constitué intimé devant la cour le 18 juin 2020 et dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 8 août 2022 auxquelles était joint un bordereau de communication des pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les demandes de Mme [P] [R],

- rejeter l'appel,

- débouter Mme [P] [R] de l'intégralité de ses fins et conclusions,

- confirmer en tous points le jugement du tribunal judiciaire du 28 mai 2020 en tant que de besoin par substitution de motifs,

- condamner Mme [P] [R] aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel,

- condamner Mme [P] [R] à payer à la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace Vosges une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le crédit agricole fait valoir que la demande de Mme [R] quant à la validité et à l'existence d'un titre exécutoire est irrecevable au regard de l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du 26 février 2014, ordonnant la vente forcée des biens appartenant à la SCI, et de la théorie de l'estoppel, Mme [R] ayant renoncé au moyen tiré de l'absence du titre exécutoire devant le premier juge.

L'intimé soutient, en tout état de cause, que sa créance est déterminée et déterminable dans l'acte notarié du 4 septembre 2018.

Il expose que la prescription de sa créance n'est pas acquise puisque le délai de prescription n'a commencé à courir qu'à la date d'échéance du prêt, soit le 5 mars 2013, qu'un commandement de payer a été délivré le 5 septembre 2013 et que Mme [R] a reconnu la dette en formulant une proposition de règlement amiable le 5 juin 2017, ce qui a interrompu la prescription.

S'agissant des intérêts, le crédit agricole indique que la demande est irrecevable car nouvelle, la nullité ou la déchéance du droit aux intérêts du prêteur n'ayant pas été formulée devant le tribunal.

L'intimé expose également que la caution aurait dû agir dans les 5 ans courant à compter du 18 juin 2018, par application des dispositions de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et que l'action en déchéance des intérêts est prescrite depuis le 19 juin 2013.

Subsidiairement sur les intérêts, le crédit agricole soutient que l'acte notarié prévoit que le taux d'intérêt du prêt sera de 5,15% pour un taux effectif global, hors frais de notaire, de 5,33% et que les modalités de révision du taux d'intérêt variable applicable au prêt sont clairement précisées.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 7 septembre 2022.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 5 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Au préalable, la cour rappelle que :

- aux termes de l'article 954 du code de procédure civile alinéa 3, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion,

- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à 'dire et juger' ou 'constater', en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.

Sur la recevabilité à agir de Mme [R] :

L'article 122 du code de procédure civile indique que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.

L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

En outre, l'article 32 du même code prévoit qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

En application des dispositions précitées, le premier juge a déclaré irrecevable la demande formulée par Mme [R] contre le crédit agricole pour cause d'absence de qualité pour agir.

Mme [R] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, faisant valoir qu'elle agit en qualité de caution et d'associée de la SCI [Adresse 5] et qu'à ce titre, elle est recevable à contester la validité du titre exécutoire dont se prévaut le crédit agricole à l'encontre de la SCI [Adresse 5].

Cependant, il est constant que Mme [P] [R] n'a jamais eu la qualité de gérante de la SCI et aucun élément du dossier ne permet de lui reconnaître la qualité d'associée qu'elle revendique, l'extrait Kbis du 8 mars 2019 produit aux débats par le crédit agricole ne mentionnant pas le nom de Mme [P] [R] en tant qu'associée.

Elle ne dispose donc d'aucun pouvoir ou capacité de représenter la SCI.

En outre, il est établi que la SCI [Adresse 5] a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement rendu le 5 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Saverne.

La créance que détient le crédit agricole à l'encontre de la SCI est donc soumise à la procédure collective, l'intimé justifiant avoir déclaré sa créance, et il appartenait à Mme [R] de présenter une réclamation devant le juge-commissaire selon les modalités fixées par l'article R 624-8 du code de commerce.

Enfin, il n'est fait état d'aucune action en paiement entreprise par le crédit agricole contre Mme [R], en sa qualité de caution solidaire.

Il résulte de ce qui précède que Mme [R] n'a pas d'intérêt actuel, ni qualité à agir pour contester la créance du crédit agricole, que ce soit à titre personnel en qualité de caution ou pour le compte de la SCI [Adresse 5].

Il convient par conséquent de la déclarer irrecevable en son action et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Au regard de l'irrecevabilité de l'action de Mme [R], il n'y a pas lieu d'examiner les demandes présentées sur le fond.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Mme [R] succombant, sera condamnée aux entiers dépens et sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit du crédit agricole à hauteur de la somme de 2 000 euros.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Condamne Mme [P] [R] aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne Mme [P] [R] à payer à la Caisse Régionale du Crédit Agricole Alsace Vosges la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de Madame [R] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/01496
Date de la décision : 16/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-16;20.01496 ?
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