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09/11/2022 | FRANCE | N°21/01656

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 09 novembre 2022, 21/01656


MINUTE N° 532/22

























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Thierry CAHN





Le 09.11.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 09 Novembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01656 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRK5



Décision d

éférée à la Cour : 02 Mars 2021 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE - 1ère chambre civile



APPELANTS :



Monsieur [K] [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Madame [R] [U] épouse [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentés par Me Guillaume HARTER, avoc...

MINUTE N° 532/22

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Thierry CAHN

Le 09.11.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 09 Novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01656 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRK5

Décision déférée à la Cour : 02 Mars 2021 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE - 1ère chambre civile

APPELANTS :

Monsieur [K] [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Madame [R] [U] épouse [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

M. FREY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [K] [J] et Mme [R] [U], épouse [J], ci-après également dénommés 'les époux [J]', ont contracté, en date des 16 février et 17 août 2010, trois prêts auprès de la Banque Populaire d'Alsace, aux droits de laquelle vient la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, ci-après également 'la Banque Populaire' ou 'la banque', afin de financer l'achat du terrain et la construction d'une maison d'habitation en ossature bois classe B sise [Adresse 2], ayant fait l'objet d'un contrat de construction avec une société Maison Bogalis, moyennant le versement d'un prix, hors avenant, de 139 540 euros TTC. Ces prêts ont ensuite fait l'objet d'avenants réintégrant des échéances impayées et rallongeant, pour deux d'entre eux, la durée des prêts concernés. Les époux [J] disposaient également d'un compte chèque ouvert dans les livres de la banque.

Sur ce,

Vu l'assignation délivrée le 21 février 2016 par laquelle la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne a fait citer M. [K] [J] et Mme [R] [U], épouse [J] devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Mulhouse, aux fins, notamment, de paiement du solde des prêts n° 08618821, 08618822, 09034078, ainsi que du compte chèque [XXXXXXXXXX01],

Vu le jugement rendu le 2 mars 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- condamné solidairement les époux [J] à payer à la banque les sommes suivantes :

* au titre du compte chèques n°[XXXXXXXXXX01] la somme de 5 130,72 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 14.37 % sur la somme de 4 680,64 euros à compter du 1er janvier 2016,

* au titre du prêt immobilier classique n°08618821 la somme de 320,43 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision entreprise,

* au titre du prêt immobilier PREVair n°08618822 la somme de 117,26 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision entreprise,

* au titre du prêt n°09034078 de 306 000 CHF la somme de 295 665,19 euros augmentée des intérêts de retard calculés au taux contractuel de 0,714 % l'an sur la somme de 295 525,90 euros à compter du 1er janvier 2016,

- rejeté la demande en paiement de la banque pour le surplus,

- rejeté les demandes indemnitaires des époux [J] au titre d'un préjudice financier pour manquement à l'obligation de conseil et pour préjudice moral, ainsi que leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de la banque sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement les époux [J] aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Vu la déclaration d'appel formée par M. [K] [J] et Mme [R] [U], épouse [J] contre ce jugement, et déposée le 19 mars 2021,

Vu la constitution d'intimée de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne en date du 12 mai 2021,

Vu les dernières conclusions en date du 14 mai 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [K] [J] et Mme [R] [U], épouse [J] demandent à la cour de :

'Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné solidairement les époux [J] à payer à la SA BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE les sommes suivantes :

Au titre du compte chèques n°[XXXXXXXXXX01] la somme de 5130.72 € augmentée des intérêts au taux contractuel de 14.37 % sur la somme de 4 680.64 € à compter du 01/01/2016,

Au titre du prêt immobilier classique n°08618821 la somme de 320.43 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision entreprise,

Au titre du prêt immobilier PREVair n°08618822 la somme de 117.26 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision entreprise,

Au titre du prêt n°09034078 de 306 000 CHF la somme de 295 665.19 € augmentée des intérêts de retard calculés au taux contractuel de 0.714 € l'an sur la somme de 295 525.90 € à compter du 01/01/2016,

Aux dépens de la procédure de 1ère instance ;

- rejeté les prétentions des époux [J],

Et statuant à nouveau :

Déclarer irrecevable et mal fondée la banque intimée en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions et l'en débouter,

Reconventionnellement,

Condamner la Banque intimée à verser aux époux [J] la somme de 514 784.58 € augmentée des intérêts au taux légal au titre du préjudice subi en raison du défaut de conseil de la BPALC,

Condamner la demanderesse à verser à chacun des époux la somme de 5000 € au titre de leur préjudice moral,

Condamner la demanderesse à payer aux défendeurs la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens des deux instances'

et ce, en invoquant, notamment :

- des manquements de la banque à ses obligations d'information et de conseil, d'une façon générale et s'agissant plus particulièrement de son obligation de vérification en application des dispositions du code de la construction et de l'habitation (CCH) et des stipulations du contrat s'agissant d'un contrat de construction de maison individuelle (CCMI),

- un préjudice, tant financier que moral, subi par les concluants en conséquence de ces manquements,

Vu les dernières conclusions en date du 16 août 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne demande à la cour de :

'REJETER l'appel principal.

REFORMER en partie la motivation du jugement sous cette réserve confirmer le jugement entrepris.

DIRE que le contrat ayant lié les époux [J] à la société Maisons BOGALIS n'est pas un contrat de construction de maison individuelle.

REJETER toutes prétentions de Monsieur et Madame [J] à l'encontre de la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE.

DECLARER toute conclusions augmentatives par rapport aux écritures de première instance irrecevable et bien entendu subsidiairement mal fondés.

TRES SUBSIDIAIREMENT réduire dans une très large mesure les montants sollicités.

CONDAMNER Monsieur et Madame [J] aux entiers dépens ainsi qu'au versement d'un montant de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'identité de préjudice, si ce n'est de cause, par rapport au préjudice mis en compte par la juridiction correctionnelle,

- l'absence de CCMI, contrairement à la qualification retenue par les premiers juges, le contrat litigieux étant un contrat d'entreprise, non soumis au CCH et qu'il ne lui appartenait pas de requalifier,

- la délivrance d'une mise en garde claire aux époux [J] quant à la nécessité de souscrire une assurance au regard de la qualification du contrat, qui était, en outre, accompagné d'une attestation relative aux assurances obligatoires,

- l'absence, en conséquence, de commission d'une faute par la concluante,

- à titre subsidiaire, l'absence de préjudice en lien de cause à effet avec les reproches qui auraient pu lui être faits,

- par ailleurs, la délivrance de l'assignation plus d'un an après l'expiration du délai de prescription,

- plus subsidiairement, l'absence de justification d'un préjudice qui ne pourrait consister qu'en une perte de chance de souscrire 'au nom du contrat',

Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 septembre 2021,

Vu les débats à l'audience du 9 février 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS :

Il convient, au préalable, de rappeler que selon l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

La cour observe, à ce sujet, que si la banque invoque, aux termes de ses écritures, le dépôt de l'assignation adverse plus d'un an après l'expiration du délai de prescription, aucune fin de non-recevoir n'est formulée, à ce titre, au dispositif de ses conclusions.

Sur la demande principale en paiement :

La cour observe, tout d'abord, sur ce point que les époux [J] ne contestent pas la créance de la banque, dans sa matérialité, mais entendent opposer à l'établissement une indemnisation au titre du préjudice qu'ils estiment avoir subi au titre d'un manquement de la banque à ses obligations de conseil et d'information.

En ce sens, la cour relève que si les époux [J] entendent voir 'déclarer irrecevable et mal fondée la banque intimée en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions et l'en débouter', ils ne formulent, à l'appui de cette demande, aucun moyen distinct de ceux développés à l'appui de leur demande reconventionnelle.

Dans ces conditions, et au vu des éléments soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge a, par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en faisant droit, s'agissant des sommes mises en compte au titre :

- du compte-chèque n° [XXXXXXXXXX01], au titre duquel il a justement retenu à hauteur de la somme réclamée et non contestée de 5 130,72 euros le montant de la créance de la banque, en relevant que cette somme incluait déjà des intérêts de retard à hauteur de 450,08 euros, ce dernier montant devant être déduit du principal pour l'application des intérêts moratoires afin d'éviter tout anatocisme,

- du prêt immobilier classique n° 08618821, pour lequel il a justement retenu que la créance de la banque n'apparaît justifiée qu'à hauteur de 320,43 euros, montant non contesté par les parties, et en particulier la Banque Populaire à hauteur de cour,

- du prêt immobilier PREVair n° 08618822, pour lequel il a justement retenu que la créance de la banque n'apparaît justifiée qu'à hauteur de 117,26 euros, montant non contesté par les parties, et en particulier la Banque Populaire à hauteur de cour,

- du prêt n° 09034078 de 306 000 CHF, pour lequel il a retenu une créance à hauteur de 295 665,19 euros, en relevant que cette somme incluait déjà des intérêts de retard à hauteur de 139,29 euros, ce dernier montant devant être déduit du principal pour l'application des intérêts moratoires afin d'éviter tout anatocisme.

Sur les demandes reconventionnelles des époux [J] :

Comme indiqué ci-dessus, les époux [J] entendent opposer à l'établissement une indemnisation au titre du préjudice qu'ils estiment avoir subi au titre d'un manquement de la banque à ses obligations de conseil et d'information. Ils lui font, en particulier, grief de ne pas avoir attiré leur attention sur la qualification réelle du contrat de maîtrise d'oeuvre s'analysant en un CCMI, soumis à une réglementation spécifique, impliquant la vérification, par la banque, que le contrat comportait les éléments requis par l'article L. 231-2 du CCH, et supposant la souscription d'une assurance dommage ouvrage, qui aurait pu être mise en 'uvre en raison de la liquidation judiciaire du constructeur, nonobstant l'inachèvement de l'ouvrage, outre que la garantie de livraison leur aurait permis, si elle avait été souscrite, de solliciter des pénalités de retard. Ils réfutent toute identité de préjudice avec celui indemnisé par le tribunal correctionnel.

Ils contestent également avoir été avertis par la banque des risques particuliers assortis à la souscription d'un prêt en francs suisses, invoquant, à ce titre, un manquement de la banque à son obligation 'd'information et de mise en garde', dont il lui appartiendrait de prouver le respect, alors qu'elle aurait dû les avertir des risques inhérents à la variation des taux de change et d'intérêt du prêt, nonobstant la présence de clauses de change et la possibilité de convertir le prêt en devises.

Pour sa part, la Banque Populaire entend rappeler, et ce alors que M. [J] est artisan en bâtiment, qu'elle n'avait pas à requalifier le contrat soumis et à s'assurer de la souscription d'une assurance dommage ouvrage, outre que les actes de prêts comportaient des recommandations en matière d'assurance obligatoire et que le constructeur avait lui-même souscrit une assurance responsabilité décennale pour les chantiers ouverts entre le 1er janvier et le 31 mars 2010, dont les appelants auraient pu bénéficier. Elle entend rappeler que le tribunal a retenu que les époux [J] ne démontraient pas avoir obtenu indemnisation de leur préjudice devant la juridiction correctionnelle et que, s'ils pouvaient invoquer un manquement de la banque au titre de l'absence de vérification de la souscription d'une assurance dommage ouvrage, ils n'avaient subi aucun préjudice faute d'avoir pu la mettre en 'uvre, outre que, par ailleurs, la banque justifiait avoir fourni l'information propre au problème de la devise à l'emprunteur, et ce alors que M. [J], travaillant en Suisse, ne pouvait passer pour profane en ce domaine.

Concernant le préjudice invoqué devant le tribunal correctionnel, elle soutient que si sa cause est différente, le préjudice est le même.

Elle conteste, par ailleurs, la qualification de CCMI, invoquant, au regard du devis, l'existence d'un contrat d'entreprise, qui n'aurait pas posé question dans le cadre des multiples contrats conclus pour les différents éléments de la construction, outre qu'un devis et des plans de construction auraient été joints au contrat, les deux avenants postérieurs venant confirmer cette qualification, en l'absence de clause d'origine prévoyant la révision du contrat. Elle ajoute n'avoir aucune obligation de requalifier, sauf à s'immiscer dans les relations contractuelles entre le maître de l'ouvrage et son locataire.

Elle fait encore valoir avoir mis en garde les époux [J] quant à la nécessité de souscrire une assurance au regard de la qualification du contrat, renvoyant plus subsidiairement à l'argumentation du premier juge sur ce point.

Elle soutient également que l'action engagée à ce titre serait prescrite comme postérieure de plus de cinq ans à la prise de possession des lieux.

Sur la qualification du contrat et la responsabilité du banquier à ce titre :

Si la Banque Populaire conteste, à hauteur de cour, la qualification du contrat de construction souscrit par les époux [J] avec la société Maisons Bogalis, il convient d'observer, d'une part que le contrat litigieux est accompagné de plans, d'ailleurs versés aux débats par la banque, d'autre part que, bien que plusieurs contrats distincts aient été conclus, comme le précise la banque, pour les sanitaires, le carrelage, un récupérateur d'eau ou le poêle à bois, c'est bien la société Maison Bogalis qui était en charge du gros 'uvre et de la mise hors d'eau et hors d'air, ce dont il résulte que le contrat en cause est bien régi par les dispositions des articles L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH), sans incidence du fait que la qualification du contrat n'ait pas été débattue par les autres contractants.

Pour le surplus, comme l'a rappelé le premier juge, les stipulations de l'offre de prêt et plus particulièrement de l'article 2C font référence aux dispositions spécifiques aux prêts accordés dans le cadre de la loi n° 90-1129 du 19 décembre 1990 relative au CCMI.

Dans ces conditions, l'article L. 231-10 du CCH prévoit qu'aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l'article L. 231-2 qui doivent y figurer au moment où l'acte lui est transmis et ne peut débloquer les fonds s'il n'a pas communication de l'attestation de garantie de livraison, l'article L. 231-2 prévoyant, pour sa part, notamment que le contrat doit comporter, parmi ses énonciations :

j) La référence de l'assurance de dommages souscrite par le maître de l'ouvrage, en application de l'article L. 242-1 du code des assurances ;

k) Les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, les attestations de ces garanties étant établies par le garant et annexées au contrat.

À ce titre, ainsi que l'a également rappelé le juge de première instance, même si le banquier n'était pas tenu de requalifier, à l'occasion de la demande de crédit, le contrat qui lui était soumis, il lui revenait cependant, au titre du devoir d'information et de conseil dont il était redevable, de renseigner les emprunteurs sur les conséquences de l'application des dispositions susvisées du CCH régissant le CCMI, la qualité d'artisan du bâtiment de M. [J] étant, à cet égard, indifférente.

Or, s'agissant, tout d'abord de la garantie de livraison, au titre de l'absence de laquelle les époux [J] affirment avoir été privés de la possibilité de solliciter des pénalités de retard, la cour constate, à l'instar du premier juge, qu'une telle indemnisation a été sollicitée devant la juridiction correctionnelle, laquelle, statuant sur intérêts civils antérieurement au jugement dont appel, à savoir en date du 14 janvier 2021, mais sans que cette décision n'ait été portée à la connaissance de la juridiction de première instance, a rejeté la demande des époux [J] à ce titre, pour défaut de lien suffisant avec l'infraction de construction d'une maison individuelle sans garantie de livraison, pour laquelle Mme [M] avait été condamnée.

Le premier juge ayant justement relevé que le CCMI litigieux ne comportait pas les justifications exigées, ce que la banque aurait dû relever, le manquement de la banque à ce titre apparaît donc caractérisé.

Concernant, ensuite, l'assurance dommage-ouvrage, le premier juge a fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel en retenant que la Banque Populaire avait manqué à ses obligations contractuelles. Cela étant, comme l'a relevé le premier juge, à supposer que la garantie dommage ouvrage ait été souscrite, ses conditions, telles que prévues par l'article L. 241-2 du code des assurances n'ont pas été mises en 'uvre. Les époux [J] font valoir que la liquidation judiciaire de la société Maisons Bogalis les aurait dispensé d'avoir à mettre en 'uvre ces formalités. À cet égard, il convient de relever qu'il ressort du jugement civil en date du 17 mai 2016 dans le litige ayant opposé les époux [J], notamment au liquidateur de la société Maison Bogalis et à l'assureur de celle-ci, que cette société ou en tout cas Mme [M] exerçant sous cette enseigne, a été placée en liquidation judiciaire selon jugement en date du 6 juillet 2011, ce qui mettait en mesure les époux [J], sans mise en demeure préalable ni nécessité de résilier le contrat, d'invoquer le jeu de l'assurance dommage ouvrage.

Les époux [J] entendent mettre en compte, au titre de leur préjudice matériel, un montant de 340 000 euros correspondant à la valeur de la maison finie et aux montants sollicités par la banque, outre celle de 174 784,58 euros au titre des pénalités de retard de 1/3000ème du prix de vente à compter du 30 novembre 2010, soit 46,51 euros par jour.

Il convient de relever que la banque entend voir déclarer 'toute conclusions augmentatives par rapport aux écritures de première instance irrecevable' [sic], sans toutefois articuler de moyen précis ou formuler de chef de demande visant particulièrement une prétention adverse en la désignant comme nouvelle, ce qui ne met donc pas la cour en mesure de statuer sur ce point. Elle relève, sur ce point, que les demandes des époux [J] auraient augmenté de 435 %.

Cela étant, les demandes en cause constituant le complément des demandes formulées en première instance, elles seront déclarées recevables.

Pour autant, sur le fond, c'est à juste titre que la banque fait valoir que le montant du contrat était de 139 540 euros TTC et que le montant des travaux à réaliser pour rendre le bien habitable s'élève à hauteur de 118 178 euros.

Dans ces conditions, dans la mesure où les préjudices subis par les emprunteurs trouvent, en majeure partie, leur origine dans les manquements de la banque tels qu'ils ont été caractérisés ci-avant, et compte tenu des éléments dont dispose la cour, il convient d'allouer aux époux [J] une somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur le manquement du banquier à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde au titre du prêt en devises :

Il sera rappelé que les époux [J] ont conclu, selon offre acceptée en date du 16 février 2010, un contrat de prêt immobilier numéroté 09034078, destiné à l'acquisition d'un terrain et à la construction de leur résidence principale, d'un montant de 399 874,61 francs suisses (CHF) remboursable en 252 mensualités, assorti d'un taux d'intérêt de 1,03 % l'an et d'une part variable TCHF1 égale à la moyenne des taux quotidiens de LIBOR 1 an CHF, le remboursement de ce prêt étant garanti par le cautionnement de la SOCAMI, ainsi que par une promesse d'hypothèque. Ce prêt a fait l'objet d'une offre-avenant acceptée le 28 septembre 2014 réintégrant deux échéances impayées et stipulant un différé d'amortissement de 10 mois tout en maintenant la durée du prêt.

La cour observe, tout d'abord, que s'agissant de l'obligation de conseil, dans la mesure où la banque, dispensatrice de crédit, n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client pour apprécier l'opportunité des opérations auxquelles il procède, elle n'était pas tenue, en cette seule qualité, à une obligation de conseil envers l'emprunteur, alors qu'il n'est pas démontré qu'elle en aurait pris l'engagement.

S'agissant de l'obligation d'information, il doit être rappelé qu'il appartient à la banque dispensatrice de crédit de démontrer avoir informé l'emprunteur sur les caractéristiques du prêt qu'elle lui propose de souscrire afin de lui permettre de s'engager en toute connaissance de cause.

Par ailleurs, la banque est tenue à un devoir de mise en garde à I'égard d'un emprunteur non averti lorsqu'au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté à ses capacités financières, créant de ce fait un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt contre lequel il doit être mis en garde.

En l'espèce, il ressort des éléments versés aux débats, et en particulier de la fiche de renseignements en date du 3 février 2010 que les emprunteurs déclarent la perception de revenus en francs suisses, à hauteur de 49 418 CHF annuels pour M. [J] et de 14 200 CHF pour son épouse, ce qui est étayé par les fiches de revenus de M. [J] pour les mois d'octobre à décembre 2009, certes établies en langue allemande, mais dont il ressort suffisamment qu'il était salarié en Suisse.

Au vu de ces éléments, il apparaît que les emprunteurs percevaient, à tout le moins majoritairement, leurs revenus en francs suisses, tout en résidant en France, et se trouvaient en capacité de comprendre l'incidence des stipulations relatives au risque de change, telles qu'elles étaient détaillées dans le contrat de prêt, sans qu'il n'y ait lieu pour la banque, à les informer plus avant quant à l'existence d'un risque de change et aux conséquences économiques susceptibles d'en résulter en leur faveur ou en leur défaveur, ni à les mettre en garde en leur qualité d'emprunteurs avertis sur ce point.

C'est donc à bon droit que le premier juge a débouté les époux [J] de leurs demandes en dommages-intérêts à ce titre, le jugement entrepris devant donc être confirmé sur ce point.

Sur le préjudice moral :

Sur ce point, le premier juge a, par des motifs pertinents que la cour adopte, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, en l'absence d'élément de nature à permettre à la cour de revenir sur cette appréciation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne succombant à tout le moins partiellement sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre, cependant, confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de l'une ou l'autre des parties, tout en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 2 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires des époux [J] au titre d'un préjudice financier pour manquement à l'obligation de conseil, s'agissant des seuls manquements invoqués au titre de l'article L. 231-10 du code de la construction et de l'habitation,

Et statuant à nouveau de ces chefs de demande,

Déclare M. [K] [J] et Mme [R] [U], épouse [J] recevables en leurs demandes de dommages-intérêts,

Condamne la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à payer à M. [K] [J] et Mme [R] [U], épouse [J] la somme de 150 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens de l'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne que de M. [K] [J] et Mme [R] [U], épouse [J].

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/01656
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-09;21.01656 ?
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