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09/11/2022 | FRANCE | N°20/02582

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 09 novembre 2022, 20/02582


MINUTE N° 533/22

























Copie exécutoire à



- Me Loïc RENAUD



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY





Le 09.11.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 09 Novembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/02582 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HMPY



D

écision déférée à la Cour : 04 Août 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de SAVERNE



APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :



Madame [M] [I] épouse [D]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Loïc RENAUD, avocat à la Cour



INTIM...

MINUTE N° 533/22

Copie exécutoire à

- Me Loïc RENAUD

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

Le 09.11.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 09 Novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/02582 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HMPY

Décision déférée à la Cour : 04 Août 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de SAVERNE

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

Madame [M] [I] épouse [D]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Loïc RENAUD, avocat à la Cour

INTIME - APPELANT INCIDEMMENT :

Maître [S] [X] liquidateur judiciaire de la SARL PRIMO GUSTO

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :

 

La société PRIMO GUSTO exploitait un restaurant situé dans des locaux appartenant à Mme [M] [I] épouse [D] (ci-après 'Mme [D]'), les parties étaient liées par un bail commercial du 25 avril 2016 résilié suivant ordonnance du 18 décembre 2017 ayant condamné PRIMO GUSTO à régler un arriéré de loyer de 9 489,97 €.

La société PRIMO GUSTO a été placée en liquidation judiciaire le 13 mars 2018, la date de cessation des paiements a été fixée au 1er octobre 2017, et Me [S] [X] en qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO a été désigné en qualité de liquidateur de la société PRIMO GUSTO.  

 

Me [X] en qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO expose que le matériel occupant le restaurant n'a jamais été restitué par Mme [D] en dépit des mises en demeure en ce sens ou d'en payer le prix (40.000,00 €) dans un délai de 15 jours.

Me [X] en qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO conteste la validité de la transaction intervenue le 21 décembre 2017 apportée aux débats par Mme [D] concernant ce matériel, transaction analysée comme une dation en paiement par Mme [D] pour se rembourser des loyers impayés.

 

Me [X] en qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO évalue la valeur nette comptable des immobilisations à 32.825,63 € au 31 décembre 2016 tandis que Mme [D] a cédé le matériel à 15.322,80 € soit deux fois moins que sa valeur qui dépasse la dette locative de 9.489,97 € de la SARL PRIMO GUSTO, s'y ajoutent les frais d'aménagement du local d'une valeur nette comptable de 23.692,48 € ce qui porte la valeur du matériel à 56.518,11 €.

Maître [X] en qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO conteste les frais de réhabilitation du local de 23.220,98 € mis en compte par Mme [D] et la perte brute de ses frais qu'elle évalue à 42.566,10 €.

 

            Par acte d'huissier du 11 avril 2019, Me [S] [X] agissant en qualité de liquidateur de la société PRIMO GUSTO a fait citer Mme [D] devant la chambre commerciale du Tribunal judiciaire de Saverne.

Par une décision du 4 août 2020, le Tribunal Judiciaire de SAVERNE a prononcé la nullité de la transaction du 21 décembre 2017, condamné Mme [I] à restituer à Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO l'ensemble du matériel tel que listé à l'inventaire des immobilisations comptables de la société au 31 décembre 2016 ou sa contrepartie en valeur limitée à la somme de 34.015,28 €, condamné Mme [I] au paiement d'une indemnité de 1.200,00 € au titre de l'article 700 CPC, condamné Mme [I] aux dépens et ordonné l'exécution provisoire du jugement.

  

            Par déclaration faite au greffe le 9 septembre 2020, Mme [I] épouse [D] a interjeté appel de la décision rendue par le Tribunal judiciaire de SAVERNE.

 

Par déclaration faite au greffe le 18 septembre 2020, Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO s'est constitué intimé et a formé par ses conclusions du 4 mars 2021 un appel incident.

 

Par ses dernières conclusions en date du 4 juin 2021, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, Mme [D] demande que la Cour déclare son appel recevable et bien fondé. En conséquence, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la transaction conclue le 21 décembre 2017 et condamné Mme [D] à la restitution du matériel à PRIMO GUSTO ou sa valeur limitée à la somme de 34.015,28 € et 1.200 € au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux dépens. Et statuant à nouveau, de débouter Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO de l'ensemble de ses demandes. Subsidiairement, donner acte à Mme [D] du remboursement à Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO de la somme de 15.322,80 € correspondant à la valeur de revente du matériel, de rejeter le surplus de prétentions de Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO, de dire n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du CPC, de condamner Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO aux dépens de toute la procédure et de rejeter l'appel incident de Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO.

 

Au soutien de ses prétentions, en ce qui concerne la nullité de la transaction, Mme [D] évoque diverses jurisprudences pour affirmer que la dation en paiement portant sur du matériel en paiement du loyer constitue bien un mode de règlement communément admis dans les relations d'affaires. La bailleresse évoque à ce titre l'article 1752 du code civil et l'obligation pour le locataire de garnir suffisamment le local commercial à titre de garantie de paiement des loyers comme l'indique l'article 3 du contrat de bail.

Sur l'existence d'un estoppel, Mme [D] soutient que la théorie de l'estoppel ne trouve pas à s'appliquer à son encontre, elle n'évoque pas des moyens nouveaux mais des prétentions nouvelles, ce qui est autorisé en appel.

Sur la prétendue confusion entre garantie et mode de paiement du loyer, selon Mme [D] la garantie de garniture du local en meubles suffisants en garantie du paiement des loyers a vocation à devenir un mode de règlement du loyer si effectivement les loyers ne sont pas payés, comme cela est le cas en l'espèce.

Sur l'existence de la signature du document transactionnel par le gérant de PRIMO GUSTO, la partie appelante affirme qu'il ressort du dossier pénal existant à ce sujet devant la chambre pénale du Tribunal judiciaire de SAVERNE que le gérant a bel et bien signé le document du 21 décembre 2017, qu'en sa qualité de gérant il a bien engagé la société PRIMO GUSTO.

Sur la connaissance de l'état de cessation des paiements de PRIMO GUSTO par Mme [D], la bailleresse estime que le juge de première instance a fait une erreur en ne recherchant pas si elle avait eu connaissance de l'état de cessation des paiements de PRIMO GUSTO au moment des faits. Elle prétend que cette preuve de la connaissance doit ainsi être rapportée par Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO selon la jurisprudence de la Cour de cassation, que ce n'est d'ailleurs que le 13 mars 2018 que la SARL PRIMO GUSTO a été placée en liquidation judiciaire, soit après la transaction du 21 décembre 2017. Mme [D] estime qu'elle pensait valablement que la SARL PRIMO GUSTO était in bonis au moment de la transaction.

En ce qui concerne la condamnation prononcée à l'égard de Mme [D] de devoir restituer le matériel ou sa valeur, Mme [D] démontre que le matériel récupéré était dans un état dégradé, ce qui a causé la chute de sa valeur de revente à 15.322,80 €, que la valeur des travaux d'aménagement réalisés par la SARL PRIMO GUSTO déduction faite des travaux de remise en état de 5.000,00 € est mal chiffrée, qu'en effet, Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO ne démontre pas que des travaux d'aménagement aient été effectués dans les locaux en question par la SARL PRIMO GUSTO alors que des agencements pour un montant de 35.309,28 € sont avancés sans facture.

Mme [D] affirme que ces agencements et aménagements sont antérieurs à la date de signature du bail. Aussi, Madame [D] fait valoir que selon l'article 1134 du code civil, rien ne saurait justifier qu'elle prenne en charge le remboursement de travaux d'agencement ou d'aménagement réalisés par la SARL PRIMO GUSTO.

Sur l'appel incident, Mme [D] indique qu'elle ne s'est pas opposée à la réalisation de l'inventaire permettant de chiffrer le montant du litige contrairement à ce qu'avance Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO, que l'inventaire n'avait pas lieu d'être car les biens avaient été vendus avant la demande d'huissier. Madame [D] soutient que la valeur nette comptable avancée par Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO ne prouve pas que le matériel correspondant était effectivement présent dans les locaux lorsqu'elle en a repris possession. Quant à l'absence de preuve de nécessité d'effectuer des travaux dans les locaux en l'absence d'état des lieux, Madame [D] soutient que ces travaux étaient nécessaires étant donné l'état dans lequel le local avait été laissé par la SARL PRIMO GUSTO, que le montant des immobilisations parait surévalué, d'autant qu'il n'est pas prouvé par Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO, qu'en plus, le gérant de la SARL PRIMO GUSTO disposait d'un second établissement, que bon nombre de matériel et d'outillage, d'agencements et d'aménagements évoqués semblent soit avoir été acquis ou réalisés avant la signature du bail litigieux, soit avoir été acquis ou réalisés pour le second établissement du gérant de la SARL PRIMO GUSTO.

 

Par ses dernières conclusions en date du 4 mars 2021, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO demande à la Cour de déclarer l'appel de Mme [D] mal fondé, de le rejeter, de la débouter de l'ensemble de ses fins et conclusions. Sur l'appel incident, Maître [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO demande à la Cour de condamner Mme [D] à restituer à Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO la contrepartie en valeur, à savoir 56.518,11 €, du matériel et des agencements qui se trouvaient dans le local tels que listés à l'inventaire des immobilisations comptables de la société au 31 décembre 2016 et de condamner Mme [D] aux entiers frais et dépens de la première instance ainsi qu'à un montant de 3.000,00 € au titre de l'article 700 CPC.

 

Au soutien de ses prétentions, sur la nullité de l'acte du 21 décembre 2017, Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO indique que Mme [D] viole le principe de l'estoppel en invoquant de nouveaux moyens soutenus en appel, qu'en effet, en première instance Mme [D] soutenait l'absence d'existence d'une dation en paiement, alors que dans ses conclusions d'appel cette dernière soutient que la dation en paiement opérée était parfaitement régulière et communément admise dans le secteur commercial, que de plus, une garantie de paiement n'est pas un moyen de paiement contrairement à ce qu'affirme Mme [D], expliquant que la dation en paiement est un mode de règlement communément admis dans le domaine du bail commercial pour que le locataire tenu de garnir les locaux puisse garantir le règlement du loyer.

Me [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO affirme que cette argumentation relève d'une confusion entre mode de garantie de paiement d'une dette et le mode de règlement, que la partie adverse ne peut pas invoquer l'article 1752 du code civil dès lors que cet article n'invoque pas une garantie légale, que l'acte du 21 décembre 2017 ne constitue pas une transaction mais bien une dation en paiement, que l'article L 632-1 du code de commerce prohibe lorsqu'elle intervient après la date de cessation des paiements, en l'occurrence le 1er octobre 2017.

Maître [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO prétend que contrairement à ce qu'affirme Mme [D], il n'a pas à démontrer la connaissance de l'état de cessation des paiements par la partie adverse au moment des faits, car en effet l'article L 632-1 du code de commerce prévoit une nullité de droit et que la dation en paiement est donc illégale et que le paiement en nature n'est possible que s'il a été prévu à l'origine, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la clause de garantie n'étant pas une clause de paiement.

Maître [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO fait valoir que l'acte du 21 décembre 2017 constitue, sous réserves de sa validité, un déséquilibre des obligations et vise le règlement de dettes non échues comme les travaux de réfection du local, qui n'ont pas été constatés contradictoirement mais uniquement sur les dires de la bailleresse, que de plus l'abandon du matériel équipant le local provoque le paiement d'une dette non échue, que les obligations de la SARL PRIMO GUSTO excèdent notablement celles de la partie adverse, que cet acte ne constitue pas non plus une transaction au titre de l'article 2044 et suivants du code civil car le document ne comprend qu'un engagement unilatéral du gérant de la SARL PRIMO GUSTO, que lui seul a signé, alors qu'une transaction doit comporter des concessions réciproques pour régler un litige né ou à naître.

Quant à la valeur nette comptable du matériel et des travaux d'aménagement, Maître [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO affirme que la valeur avancée par Mme [D] dépasse largement le montant de la dette locative, que le gérant de la SARL PRIMO GUSTO estimait la valeur du mobilier entre 40.000,00 € et 50.000,00 €, que la valeur nette comptable des immobilisations de la société au 31 décembre 2016 s'élève à 32.825,63 €.

Maître [X] es qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO soutient que si la bailleresse prétend que l'ensemble du matériel n'a été cédé que pour une somme de 15.322,80 € soit deux fois moins que la valeur comptable, aucune preuve n'est rapportée et réputée contradictoire quant au montant avancé par Mme [D], que de plus, il n'existe aucun justificatif de la date de vente du matériel, qu'aussi, Mme [D] prétend devoir engager 23.000,00 € de travaux de réhabilitation sans état des lieux au moment de sortie du locataire, l'état de restitution ne pouvant pas être fondé uniquement sur les déclarations unilatérales de la bailleresse, la fixation du prix de vente du matériel étant elle aussi unilatérale.

La Cour se référera aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 Septembre 2021.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 06 Avril 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Le Tribunal judiciaire a débouté Madame [D] de ses demandes aux motifs principaux que selon un document du 21 décembre 2017 que le gérant de la SARL PRIMO GUSTO nie avoir signé, ce dernier déclare laisser à disposition du bailleur tout le matériel se trouvant dans le local mettant ainsi un terme au litige en cours, mais que la SARL PRIMO GUSTO est en situation de cessation des paiements depuis le 1er octobre 2017, que l'article L 632-1 du code de commerce dispose qu'est nul tout paiement pour dettes échues intervenu

après date de cessation des paiements, si ce paiement est fait autrement qu'en espèces, effets

de commerce, virements ou tout autre paiement communément admis dans les relations d'affaires, ce qui n'est pas le cas d'une dation en paiement comme en l'espèce et que la dation en paiement est nulle de plein droit.

Le Tribunal judiciaire estime que la 'transaction' contestée par le gérant de la SARL PRIMO GUSTO est rendue nulle de plein droit.

Sur la valeur nette comptable du matériel et des aménagements, le Tribunal retient que celle-ci s'élève à 32.825,63 €, mais que Mme [D] démontre l'état particulièrement dégradé du matériel par rapport à son état neuf attesté dans le procès-verbal de constat d'entrée dans les lieux du 20 Avril 2016, et qu'il convient de retenir pour exacte valeur de revente la somme de 15.322,80 € comme l'indique Mme [D].

En ce qui concerne les aménagements, le Tribunal a retenu qu'ils s'élèvent à 23.692,48 € selon leur valeur nette comptable, que l'état d'insalubrité des locaux a entraîné des travaux pour une somme de 10.875,00 € selon les devis produits aux débats. Le Tribunal a estimé que ces sommes ne sont pas justifiées, qu'il apparaît satisfactoire de les évaluer forfaitairement à 5.000,00 € en déduction de la valeur des aménagements, et qu'ainsi la valeur des matériels et aménagements doit être fixée à 34.015,28 €.

 

Sur la nature et la validité de l'acte du 21 Décembre 2017 :

Lorsqu'un débiteur fait l'objet d'une procédure collective, l'article L. 632-1, I, 4° du code de commerce prévoit que 'sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : ['] tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi no 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires'.

En conséquence, la dation en paiement d'une dette de somme d'argent intervenant après la date de cessation des paiements de son auteur est frappée d'une nullité de droit, dès lors qu'elle consiste dans la remise d'un bien autre qu'une somme d'argent.

En l'espèce, il est constant qu'un acte est intervenu entre Madame [D] et la SARL PRIMO GUSTO, le 21 Décembre 2017, produit en annexe 12 par la partie intimée, qui prévoit la remise des clés du local loué à Madame [D] et qui 'laisse à la disposition du bailleur tout le matériel qui se trouve dans le local mettant ainsi un terme à la procédure en cours'.

Par un courrier recommandé du 12 Mai 2018, Madame [D] a estimé qu'elle était légitime à négocier avec le locataire qui ne faisait pas encore l'objet d'une procédure collective pour faire appliquer le jugement et trouver un accord de paiement de la dette.

Maître [X] en qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO rejette la validité de cet acte intervenu le 21 décembre 2017, en indiquant que le gérant en contestait la signature et au motif qu'il doit être analysé en une dation en paiement encourant la nullité pour avoir été conclu pendant la période suspecte au regard de l'article L632-1 du code de commerce.

Sur la contestation portant sur la signature du gérant de la SARL PRIMO GUSTO :

Madame [D] qui se prévaut de la signature du gérant de PRIMO GUSTO apposée sur l'acte du 21 décembre 2017, doit rapporter la preuve que cette signature est bien celle du gérant de la société intimée.

Il résulte de la lecture des dispositions de l'article 1367 nouveau du Code civil que 'la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte'.

Monsieur [J] étant le gérant de la SARL PRIMO GUSTO, la validité de sa signature ne dépend pas de la présence sur l'acte du tampon humide de la société.

S'agissant de la validité de la signature du gérant de la SARL PRIMO GUSTO, il convient de relever qu'une enquête pénale a été menée par le parquet de Saverne et que lors de son audition Monsieur [J] a déclaré : 'j'ai commencé à dater ce document puis je me suis rétracté, prenant conscience que ce n'était pas un document officiel. Je ne me souviens plus si j'ai commencé ma signature, dans tous les cas j'aurais dû faire apparaître le tampon de mon entreprise ainsi que la mention manuscrite 'je soussigné Monsieur [J] [O], agissant en qualité de gérant pour la société PRIMO GUSTO''.

Maître [X] en qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO n'a versé aux débats aucun document de nature à démontrer que le gérant de la SARL PRIMO GUSTO souhaitait se rétracter au moment de la signature de l'acte.

S'agissant de la signature figurant sur l'acte du 21 décembre 2017, la cour dispose d'éléments suffisants pour procéder à la vérification d'écriture nécessaire pour établir si Monsieur [J] en est bien le signataire.

La bailleresse verse aux débats des accusés de réception de lettres recommandées signés par Monsieur [J], le 8 février 2017, le 07 Juin 2017, le 24 Mars 2017, un avenant au contrat de bail signé le 09 Juin 2017 et l'original de l'acte du 21 Décembre 2017.

La signature qui figure sur les accusés de réception et l'avenant au contrat de bail est en tout point semblable à celle qui figure sur l'acte du 21 décembre 2017.

Au cours de la procédure pénale, ouverte sur sa plainte et classée sans suite, Monsieur [J] n'a pas affirmé que la signature qui figurait sur cet acte n'était pas la sienne, il a seulement porté une appréciation sur le caractère non officiel du document et sur les caractéristiques que devrait avoir cet acte pour être un document officiel.

Dans ces conditions, il convient de juger que l'acte du 21 Décembre 2017, a été régulièrement signé par le gérant de la SARL PRIMO GUSTO qui avait qualité pour le faire.

Sur la nature de l'acte intervenu le 21 Décembre 2017 :

S'agissant de la nature de cet acte, la Cour relèvera que cet acte ne peut pas être qualifié de transaction, s'agissant d'un acte unilatéral ne faisant apparaître aucune concession réciproque.

La Cour de cassation annule toute compensation dissimulant une dation en paiement opérée en vue d'une transaction effectuée en période suspecte.

A la date du 21 Décembre 2017, la SARL PRIMO GUSTO ne bénéficiait pas d'une procédure collective.

En effet, cette société a été placée en liquidation judiciaire le 13 mars 2018, la date de cessation des paiements a alors été fixée au 1 octobre 2017, et Me [S] [X] en qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO a été désigné en qualité de liquidateur de la société PRIMO GUSTO.  

Pour l'application des dispositions précitées du code de commerce, il n'est pas nécessaire de démontrer que Mme [D] avait connaissance de l'ouverture d'une procédure collective et de démontrer la connaissance par Madame [D] de l'état de cessation des paiements fixé par jugement de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 13 mars 2018, au 1er octobre 2017 par la partie adverse au moment des faits, car l'article L 632-1 du code de commerce prévoit une nullité de droit ;

Il résulte de ces dispositions que la dation en paiement est illégale et que le paiement en nature n'est possible que s'il a été prévu dès l'origine des relations contractuelles entre les parties.

Madame [D] soutient à hauteur de Cour, après avoir contesté la dation en paiement, qu'il s'agirait d'un mode de règlement communément admis, alors que dans ce type de baux le locataire est tenu de garantir les locaux de meubles suffisants au titre des garanties prévues à l'article 1752 du code civil, ce point ayant été rappelé dans le bail en son article 3.

Maître [X] en qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO soutient qu'il convient de faire application du principe de l'Estopel et que Madame [D] est irrecevable à soutenir que l'accord consisterait en une dation en paiement après l'avoir contesté en première instance.

Or, l'estopel suppose une contradiction entre les prétentions et non entre les moyens.

Les prétentions de Madame [D] ont tendu aux mêmes fins, en première instance et à hauteur de Cour, à savoir obtenir la validation de l'accord intervenu entre les parties le 21 Décembre 2017.

En conséquence, les moyens nouveaux qu'elle invoque doivent être déclarés recevables.

Madame [D] soutient que l'article 3 figurant au contrat de bail prévoit le recours à la dation en paiement.

La lecture du contrat de bail intervenu par acte authentique du 25 Avril 2016 entre les parties démontre que l'article 3 intitulé 'GARANTIE' du paragraphe concernant les charges et conditions du bail, prévoit : 'Il devra garnir et tenir constamment garni les locaux loués de matériel, marchandises, objets et effets mobiliers en quantité et de valeurs suffisantes pour répondre en tout temps du paiement du loyer et des accessoires et de l'exécution de toutes les conditions du bail.'

Cette clause doit être analysée comme une clause de garantie et non comme une clause de paiement prévoyant expressément le recours à la dation en paiement.

Ainsi, la bailleresse ne démontre pas que la dation en paiement était initialement prévue par les dispositions contractuelles du bail liant les parties.

Dans ces conditions, l'acte du 21 Décembre 2017 est entaché d'une nullité de droit, prévue aux dispositions de l'article L. 632-1, I, 4° précitées du code de commerce.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a prononcé la nullité de l'acte du 21 Décembre 2017, improprement qualifié de transaction dans son dispositif

Sur la valeur nette comptable du matériel et des aménagements :

La valeur nette comptable des immobilisations de la société PRIMO GUSTO au 31 Décembre 2016, s'élevait à la somme de 32 825,63 €, selon l'inventaire établi par la SCP FRITZ VOLPILLIERE & Associés le 04 Juin 2018.

Cet inventaire est établi par plan comptable et distingue les différents établissements exploités par PRIMO GUSTO.

La lecture de la procédure pénale démontre que le gérant de la société PRIMO GUSTO n'a pas été en mesure de justifier précisément le montant de son préjudice qu'il évaluait entre 40 000 et 50 000 € et que s'il a donné aux services enquêteurs des captures d'écran d'un site de revente utilisé par la bailleresse pour ventre du matériel, aucune des parties ne peut justifier de la réalité de la revente des matériels, du prix de la revente des biens par la bailleresse, ni même simplement de la valeur du matériel au jour de la restitution des clés par le gérant de la société PRIMO GUSTO, étant précisé qu'aucune pièce ne justifie que les biens et immobilisations figurant dans les documents comptables arrêtés au 31 Décembre 2016, se trouvaient encore dans les lieux lors de la restitution des clés par le gérant de la société PRIMO GUSTO, le 21 Décembre 2017.

C'est par des motifs pertinents adoptés, que le premier juge a retenu comme valeur estimée de revente du matériel, la somme de 15 322,80 €, qui tient compte notamment de l'état dégradé des matériels.

S'agissant des aménagements dont Maître [X] en qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO sollicite le remboursement, la Cour relèvera que c'est à juste titre que Madame [D] indique que le contrat de bail met à la charge de la bailleresse les seules grosses réparations et pas les travaux d'aménagement et d'embellissement qui restent à la charge du preneur.

Maître [X] en qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO sera débouté de ce chef de demande.

Dans le dispositif de ses dernières écritures Madame [D] n'a pas réclamé le montant des travaux de réaménagement des locaux et dans ces conditions la Cour n'est saisie d'aucune demande à ce titre.

En conséquence, la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné Mme [D] à la valeur limitée à la somme de 34.015,28 €, et statuant à nouveau, la Cour condamnera Madame [D] à la valeur limitée de 15 322,80 €, tout en confirmant sa condamnation à la restitution alternative du matériel à Maître [X] en qualité de liquidateur de la SARL PRIMO GUSTO.

Sur les autres demandes :

Chaque partie ayant partiellement succombé dans ses prétentions, il sera fait masse des dépens qui seront partagés et supportés par moitié par chaque partie.

L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au profit des parties appelante et intimée.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 04 Août 2020, par le Tribunal Judiciaire de Saverne, sauf en ce qu'il a condamné Mme [D] à la valeur limitée à la somme de 34.015,28 €,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé, et Y Ajoutant,

Condamne Madame [D] à la valeur limitée de 15 322,80 €,

Dit qu'il sera fait masse des dépens qui seront partagés et supportés par moitié par chaque partie,

Rejette les demandes présentées par les parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/02582
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-09;20.02582 ?
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