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02/11/2022 | FRANCE | N°21/04764

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 02 novembre 2022, 21/04764


MINUTE N° 518/22

























Copie exécutoire à



- Me Julie HOHMATTER



- Me Laurence FRICK



Arrêt notifié aux parties



Le 02.11.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 02 Novembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/04764 - N° Portalis DBVW-V

-B7F-HWWE



Décision déférée à la Cour : 04 Novembre 2021 par le Juge Commissaire du Tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTES :



S.E.L.A.S. MJE, prise en la personne de Maître [V] [X] mandataire liquidateur de la S.À.R.L. WALKERI SPORTS

[A...

MINUTE N° 518/22

Copie exécutoire à

- Me Julie HOHMATTER

- Me Laurence FRICK

Arrêt notifié aux parties

Le 02.11.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 02 Novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/04764 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HWWE

Décision déférée à la Cour : 04 Novembre 2021 par le Juge Commissaire du Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTES :

S.E.L.A.S. MJE, prise en la personne de Maître [V] [X] mandataire liquidateur de la S.À.R.L. WALKERI SPORTS

[Adresse 2]

S.À.R.L. WALKERI SPORTS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

Représentées par Me Julie HOHMATTER, avocat à la Cour

INTIMEE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE L'ILL

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me GOSCINIAK, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Vu l'ordonnance du juge commissaire du tribunal judiciaire de Strasbourg du 4 novembre 2021, régulièrement frappée d'appel, le 18 novembre 2021, par voie électronique, par la Selas MJE, en qualité de mandataire liquidateur de la SARLWalkeri Sports et par la SARL Walkeri Sports,

Vu la constitution d'intimée de l'Association Caisse de Crédit Mutuel de l'Ill du 30 novembre 2021,

Vu l'ordonnance du 23 février 2022 disant que l'affaire sera appelée à l'audience de plaidoirie du 4 avril 2022,

Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du greffier du 23 février 2022,

Vu les conclusions de l'Association Caisse de Crédit Mutuel de l'Ill du 31 mars 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu les conclusions de la Selas MJE représentée par Me [V] [X] en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Walkeri Sports, et de la SARL Walkeri Sports du 4 avril 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu l'audience du 4 avril 2022 à laquelle l'affaire a été renvoyée, puis l'audience du 2 mai 2022 à laquelle elle a été appelée et retenue,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il résulte des pièces et des conclusions des parties que, suivant jugement du 7 septembre 2020, la SARL Walkeri Sports (la société) a été mise en liquidation judiciaire simplifiée, la Selas MJE prise en la personne de Maître [X] étant désignée en qualité de liquidateur.

Par lettre du 1er octobre 2020, reçue le 2 octobre 2020 par la Selas MJE, la Caisse de Crédit mutuel de l'Ill a déclaré une créance d'un montant de 71 535,54 euros à titre privilégié, outre intérêts, au titre d'un prêt retracé en compte n°0125120303502, garanti par un 'nantissement sur fonds de commerce de [Localité 5]' et un 'droit de rétention et nantissement du solde créditeur du compte courant professionnel n° [XXXXXXXXXX01] pour un montant de 10 338,61 euros conformément aux conditions générales des crédits amortissables et des articles 2355 et suivants du code civil'.

Le liquidateur a contesté le caractère privilégié de la créance au titre du droit de rétention et nantissement du solde créditeur du solde créditeur du compte courant.

La banque a maintenu sa demande et le liquidateur, sa contestation.

Par ordonnance du 4 novembre 2021, le juge-commissaire a admis la créance de la CCM de l'ILL dans sa totalité, soit 71 535,54 euros à titre privilégié, dit que la décision sera portée en marge de l'état des créances et constaté la compensation du solde créditeur du compte courant (10 338,61 euros) avec le solde devenu exigible du prêt, fait de la connexité entre le prêt et le compte courant.

Sur ce,

La cour constate que la société et son liquidateur ne présentent aucun moyen pour critiquer le montant de la créance admise, et ce à hauteur de 71 535,54 euros, ni son admission à titre privilégié, et ce au titre du nantissement du fonds de commerce.

Ils admettent que la banque bénéficie d'un privilège au titre du nantissement du compte, et ce à hauteur de 11 828,83 euros, la banque précisant dans ses conclusions que celui-ci s'élève à hauteur de 10 338,61 euros.

Selon l'article 2360 du code civil, sous réserve de la régularisation des opérations en cours, au cas d'ouverture d'une procédure (...) de liquidation judiciaire (...), les droits du créancier nanti portent sur le solde du compte à la date du jugement d'ouverture.

En l'espèce, selon les extraits de compte produits, le solde du compte s'élevait le 4 septembre 2020 à la somme de 11 828,83 euros. Cette somme sera prise en compte comme étant celle existant au jour de l'ouverture de la procédure collective, le 7 septembre 2020 à 0 heure, dès lors que l'inscription suivante n'a eu lieu que le 7 septembre 2020 et qu'il n'est pas démontré que cette inscription et les suivantes constituent des opérations en cours dont il devait être tenu compte.

Au demeurant, il sera observé que seule la société et son liquidateur demandent à la cour d'ordonner l'admission de la créance à titre privilégié au titre du nantissement du compte à hauteur de la somme précitée qu'ils invoquent au titre du solde créditeur du compte, et qui est d'ailleurs supérieure à celle invoquée par la banque.

La banque bénéficie dès lors d'un nantissement sur le compte courant à hauteur de 11 828,83 euros.

Sur la 'compensation du solde créditeur du compte courant avec le solde devenu exigible du prêt' :

La société et son liquidateur soutiennent que le juge s'est prononcé sur la compensation, alors qu'elle est hors du champ de sa compétence.

La banque réplique que la problématique de la compensation découle de la nature de la sûreté invoquée et relève dès lors du pouvoir juridictionnel du juge commissaire.

Or, selon l'article L.624-2 du code de commerce, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

Ainsi, comme le soutiennent la société et son liquidateur, le rôle du juge-commissaire se borne à admettre ou rejeter les créances. Il doit également préciser les sûretés dont la créance est assortie.

Il peut être observé que la compensation n'est pas invoquée, en l'espèce, par le créancier en vue de voir admettre sa créance déduction faite de la contre-créance qu'il invoque au titre de la compensation. Il demande l'admission de l'intégralité de sa créance, puis que soit 'constatée' la compensation entre cette créance et une créance réciproque du débiteur.

Le débiteur et son liquidateur n'opposent pas non plus une exception de compensation afin de voir réduire le montant de créance à admettre de la banque.

Autrement dit, aucune des parties n'a invoqué la compensation pour voir réduire le montant de la créance à admettre de la banque de 71 535,54 euros.

Ainsi, il convient d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a, après avoir admis la créance, 'constaté la compensation du solde créditeur du compte courant (10 338,61 euros) avec le solde devenu exigible du prêt, fait de la connexité entre le prêt et le compte courant'.

Contrairement à ce que soutiennent la société et son liquidateur, il n'y a pas de contestation sérieuse quant à la créance.

Statuant à nouveau, cette demande de compensation, formée de manière distincte de la demande d'admission de la créance, sera rejetée, dès lors qu'aucune des parties n'a contesté le montant à admettre de la créance de la banque.

Sur le droit de rétention :

La société et le liquidateur demandent de rejeter le droit de rétention de la banque et de lui ordonner la restitution du solde créditeur du compte courant professionnel n° [XXXXXXXXXX01] ouvert au nom de la société entre les mains du liquidateur, soit la somme de 11 828,83 euros.

Ils contestent que la banque bénéficie d'un droit de rétention, et soutiennent que le solde du compte courant doit être versé entre les mains du liquidateur, aucune connexité ne pouvant être retenue.

Contrairement à ce que soutient la banque, l'article 2360 du code civil n'instaure pas un droit de rétention au bénéfice du créancier nanti, mais prévoit l'assiette de la créance nantie que pourra faire valoir le créancier dans le cadre de sa déclaration de créance.

En outre, le seul fait de bénéficier d'un nantissement sur un compte ne confère pas à la banque un droit de rétention sur les fonds qui y figurent.

La banque invoque, en outre, les conditions générales du contrat de prêt.

Il résulte des termes même de la clause invoquée par la banque qu'avant l'ouverture d'une procédure collective, la banque ne dispose d'aucun droit de rétention sur les sommes figurant sur les comptes nantis (la clause excluant un blocage des comptes de l'emprunteur et précisant que celui-ci pourra librement disposer des sommes retracées sur ces comptes sans avoir à solliciter l'accord préalable du prêteur).

En outre, en l'espèce, avant l'ouverture de la procédure collective, aucune somme au titre du prêt n'était exigible, la banque indiquant que l'ouverture de la liquidation judiciaire a emporté déchéance du terme du prêt et ne contestant pas l'absence de mensualité impayée dont se prévalent la société et son liquidateur.

La banque ne disposait donc, avant l'ouverture de la procédure collective, d'aucun droit de rétention sur le compte courant professionnel.

En cas d'ouverture d'une procédure collective, les conditions générales prévoient que 'le prêteur pourra se prévaloir du nantissement en cas d'ouverture d'une procédure de (...) liquidation judiciaire (...) et sera en droit d'isoler sur un compte spécial bloqué à son profit les soldes créditeurs des comptes nantis existants à la date du jugement déclaratif d'ouverture de la procédure collective', ainsi qu'en cas de liquidation judiciaire, 'le prêteur aura la faculté (...) d'exercer un droit de rétention sur l'ensemble des sommes ou valeurs déposées par l'emprunteur auprès du prêteur (...)'.

La société et son liquidateur soutiennent que cette clause est contraire aux dispositions d'ordre public des procédures collectives. Ils invoquent les arrêts suivants de la Cour de cassation (Com. 7 novembre 2018, pourvoi n°16-25.860 ; Com., 22 janvier 2020, pourvoi n° 18-21.647) en soutenant qu'ils énoncent une solution également applicable en liquidation judiciaire, ce que conteste la banque.

Les règles relatives aux procédures collectives sont d'ordre public, et selon l'article 2287 du code civil, les dispositions relatives aux sûretés ne font pas obstacle à l'application des règles prévues en matière d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

Alors qu'aucune somme au titre du prêt n'était exigible avant l'ouverture de la procédure collective et que la banque ne détenait d'aucun droit de rétention sur le compte courant nanti, la clause litigieuse autorise, à raison de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, la banque à 'isoler sur un compte spécial bloqué à son profit les soldes créditeurs des comptes nantis existants à la date du jugement déclaratif d'ouverture de la procédure collective' et à exercer un droit de rétention sur l'ensemble des sommes ou valeurs déposées par l'emprunteur auprès d'elle.

Comme le soutiennent la société et son liquidateur, une telle clause se heurte aux dispositions d'ordre public des procédures collectives.

Au demeurant, l'arrêt de la Cour de cassation du 22 janvier 2020 discuté par les parties est fondé sur l'article L.622-13 du code de commerce, qui énonce un principe applicable en cas de procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, lequel est repris par l'article L.641-11-1 du code de commerce en cas de liquidation judiciaire, en prévoyant que nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une telle procédure.

Au surplus, et de manière surabondante, la clause précitée conduit à résilier le droit du titulaire du compte courant de disposer librement des fonds qui s'y trouvent et à créer un droit de rétention dont la banque ne bénéficiait pas jusqu'alors et se heurte à l'interdiction prévue par l'article L.611-16 du code de commerce.

Dès lors, la banque ne dispose pas d'un droit de rétention.

Il convient d'ordonner la restitution au liquidateur, qui le demande, des fonds se trouvant sur le compte courant professionnel. Ce droit à restitution ne porte pas sur les fonds existants à la date de l'ouverture de la procédure collective, mais sur ceux qu'admet devoir restituer la banque à titre subsidiaire, à savoir la somme de 11 246,13 euros, qui correspond, selon sa pièce n°4, au solde existant au 22 février 2021, aucun extrait plus récent n'étant produit.

Sur l'admission de la créance :

Il résulte de ce qui précède que compte tenu du privilège de nantissement de compte non mentionné par le juge-commissaire, mais admis par les parties, il convient de faire droit à la demande d'infirmation de l'ordonnance en ce que la créance de la banque a été admise dans sa totalité, soit 71 535,54 euros, à titre privilégié.

Il n'existe aucune contestation sérieuse sur la créance ou la compensation invoquée.

Il convient dès lors de faire droit à la demande subsidiaire de la société et de son liquidateur et d'admettre la créance de la banque à hauteur de 71 535,54 euros échus privilégiés au titre du nantissement du fonds de commerce, dont 11 828,83 euros privilégiés au titre du nantissement de solde créditeur du compte courant n°01251 000 20303501.

Sur les frais et dépens :

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que les demandes seront rejetées.

Succombant, la banque supportera les dépens.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme l'ordonnance du juge commissaire du tribunal judiciaire de Strasbourg du 4 novembre 2021,

Statuant à nouveau :

Constate l'absence de contestation sérieuse,

Admet la créance de la Caisse de Crédit Mutuel de l'Ill à hauteur de 71 535,54 euros échus privilégiés au titre du nantissement du fonds de commerce, dont 11 828,83 euros privilégiés au titre du nantissement du solde créditeur du compte courant n°01251 000 20303501,

Rejette la demande tendant au constat de la compensation entre le solde créditeur du compte courant et le solde devenu exigible du prêt,

Ordonne à la Caisse de Crédit Mutuel de l'Ill de restituer au liquidateur de la société Walkeri Sports la somme de 11 246,13 euros, au titre du solde créditeur du compte courant n°01251 000 20303501,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de l'Ill à supporter les dépens.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/04764
Date de la décision : 02/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-02;21.04764 ?
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