MINUTE N° 22/817
NOTIFICATION :
Copie aux parties
- DRASS
Clause exécutoire aux :
- avocats
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB
ARRET DU 27 Octobre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 20/01803 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HLFT
Décision déférée à la Cour : 12 Mai 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparante en la personne de Mme [Z] [T], munie d'un pouvoir
INTIME :
Monsieur [W] [U]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Yasmine HANK, avocat au barreau de MULHOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme HERY, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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- 2 -
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
M. [W] [U] a sollicité le versement d'une pension d'invalidité le 13 mars 2019.
Par courrier du 8 avril 2019, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin lui a notifié un refus de pension d'invalidité au motif que l'assuré ne présentait pas une invalidité réduisant des deux tiers au moins sa capacité de travail ou de gain à la date du 13 mars 2019.
Contestant cette décision, M. [U] a saisi la commission médicale de recours amiable (CMRA) de la CPAM du Haut-Rhin.
Par demande introductive du 8 octobre 2019, M. [U] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Mulhouse aux fins de contester la décision de la CMRA du 7 août 2019 lui refusant la pension d'invalidité pour les mêmes motifs que ceux qui lui avaient été notifiés par la CPAM.
Par jugement du 12 mai 2020, le tribunal, devenu tribunal judiciaire de Mulhouse-Pôle social, a déclaré le recours de M. [U] recevable, dit que l'assuré remplit les conditions pour bénéficier de la pension d'invalidité de première catégorie à compter du 7 août 2019, infirmé la décision de la CMRA de la CPAM du Haut-Rhin du 7 août 2019, fait droit au recours de M. [U], condamné la CPAM du Haut-Rhin aux dépens ainsi qu'à payer à M. [U] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par lettre recommandée du 27 mai 2020, la CPAM du Haut-Rhin a interjeté appel de ce jugement.
Vu les conclusions datées du 29 Janvier 2021 visées le 2 février 2021, reprises oralement à l'audience, par lesquelles la CPAM du Haut-Rhin demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de confirmer la décision de la commission médicale de recours amiable du 7 août 2019 et de rejeter l'ensemble des demandes de M. [U] ;
Vu les conclusions visées le 7 juin 2022, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles M. [U] demande à la cour de confirmer intégralement les termes du jugement du 12 mai 2020 et de condamner la CPAM du Haut-Rhin aux entiers frais et dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- 3 -
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;
MOTIFS
Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.
Selon l'article L341-3 du code de la sécurité sociale, l'état d'invalidité est apprécié en tenant compte de la capacité de travail restante, de l'état général, de l'âge et des facultés physiques et mentales de l'assuré, ainsi que de ses aptitudes et de sa formation professionnelle :
1°) soit après consolidation de la blessure en cas d'accident non régi par la législation sur les accidents du travail ;
2°) soit à l'expiration de la période pendant laquelle l'assuré a bénéficié des prestations en espèces prévues à l'article L321-1 ;
3°) soit après stabilisation de son état intervenue avant l'expiration du délai susmentionné ;
4°) soit au moment de la constatation médicale de l'invalidité, lorsque cette invalidité résulte de l'usure prématurée de l'organisme.
L'article L341-4 du code précité précise qu'en vue de la détermination du montant de la pension, les invalides sont classés comme suit :
1°) invalides capables d'exercer une activité rémunérée ;
2°) invalides absolument incapables d'exercer une profession quelconque ;
3°) invalides qui, étant absolument incapables d'exercer une profession, sont, en outre, dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.
En l'espèce, il n'est pas débattu que M. [W] [U], né le 18 mai 1976, titulaire d'un CAP de frigoriste, a été licencié pour inaptitude médicale le 24 avril 2019.
Les premiers juges ont tiré les conséquences juridiques du rapport oral du docteur [J], médecin commis pour consultation, qui a procédé à l'examen du demandeur le jour de l'audience et qui a estimé que, vu l'état général de l'assuré, celui-ci pourrait bénéficier d'une pension d'invalidité de première catégorie.
La CPAM du Haut-Rhin conteste cependant que M. [U] présente une invalidité réduisant des deux tiers au moins sa capacité de travail ou de gain au 13 mars 2019, date à laquelle l'état de l'assuré doit s'apprécier, et se prévaut de l'avis de son médecin conseil rédigé le 26 mai 2020, postérieurement au jugement entrepris.
Elle indique que si M. [U] a fait état de complications au dos liées à son opération (cf sa lettre de saisine du tribunal du 8 octobre 2019), ses problèmes lombaires relèvent d'un accident du travail du 8 octobre 2015, consolidé le 27 mars 2017 avec attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle nul, notifié le 3 mai 2017.
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La caisse considère qu'une éventuelle rechute de cet accident ne relève pas de l'invalidité, les séquelles ne pouvant être indemnisées deux fois.
Elle ajoute qu'elle a envoyé à l'assuré une notification d'aptitude au travail par courrier du 18 février 2019 avec une date d'effet au 4 mars 2019.
Elle estime par ailleurs que l'état d'invalidité doit être apprécié en tenant compte de l'ensemble des critères visés à l'article L341-3 du code de la sécurité sociale.
Elle conteste l'attribution d'une pension au 7 août 2019 alors que l'assuré a formulé une demande le 13 mars 2019.
Elle soutient que les difficultés rencontrées par M. [U] pour réaliser plusieurs actes de la vie courante ne suffisent pas à le faire bénéficier d'une pension d'invalidité.
Elle indique enfin que l'assuré n'a pas contesté une décision postérieure de refus de pension d'invalidité du 27 novembre 2019 suite à une demande du 23 octobre 2019.
En réplique, l'intimé indique que le tribunal a suivi les conclusions du médecin expert et que rien ne permet aujourd'hui de les contester.
Il fait valoir que la survenance de l'accident du travail en 2015 n'est pas à l'origine de l'ensemble des pathologies dont il est atteint.
Il rappelle que le docteur [I], médecin expert, avait déjà constaté que son état de santé était incompatible avec une reprise d'activité quelconque.
Il fait état d'une dégradation progressive de son genou droit opéré le 11 décembre 2019 et des pathologies dont il souffre énumérées par le docteur [J] pour en conclure que la reprise d'un emploi est dès lors impossible, ayant du reste été licencié pour inaptitude médicale définitive au poste de travail le 24 avril 2019, et que sa demande de pension est fondée.
En premier lieu, la cour observe que M. [U], nonobstant sa demande initiale d'octroi d'une pension d'invalidité au 13 mars 2019, conclut à la confirmation du jugement qui a estimé qu'il remplissait les conditions pour bénéficier d'une pension d'invalidité de catégorie 1 à compter du 7 août 2019.
En deuxième lieu, la cour observe que M. [U] conteste le refus de sa demande de pension d'invalidité du 13 mars 2019, mais qu'ayant réitéré sa demande de pension d'invalidité le 23 octobre 2019, il n'a pas contesté le refus notifié par la caisse le 27 novembre 2019 pour motif médical, la caisse sur avis du médecin conseil ayant considéré qu'il ne présentait pas non plus à la date du 23 octobre 2019, une invalidité réduisant des deux tiers sa capacité de travail ou de gain.
En troisième lieu, le droit à pension d'invalidité est subordonné à la seule constatation médicale d'une invalidité réduisant au moins des deux tiers la capacité de travail ou de gain de l'assuré.
La notion d'invalidité ne doit pas être confondue avec celle d'inaptitude, qui est évaluée par la médecine du travail, un salarié inapte n'ayant pas systématiquement droit au versement d'une pension d'invalidité, de même qu'un assuré invalide n'est pas systématiquement inapte au travail.
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Il est donc sans emport que M. [U] ait été déclaré définitivement inapte à son poste de travail par le médecin du travail lors d'une visite médicale le 4 mars 2019 et été licencié le 24 avril 2019 pour impossibilité de reclassement.
En quatrième lieu, s'agissant de la constatation médicale de l'invalidité, la CMRA, à la suite du médecin conseil, a considéré -dans un avis cependant pour le moins lapidaire- que la réduction de la capacité de travail ou de gain était inférieure aux deux tiers.
Le docteur [J], médecin commis pour une consultation a examiné M. [U] dans le cadre de l'audience de première instance et rapporte que M. [U] était porteur d'un collier cervical, d'une écharpe pour reposer son avant-bras droit, et marchait difficilement avec une canne anglaise, que manifestement l'assuré n'était pas dans le même état clinique que lors de la décision contestée, et qu'il convenait de se rapporter à l'examen réalisé par le médecin conseil à la date contestée.
Pour autant le docteur [J] ne détaille pas le constat du médecin conseil ; il indique toutefois avoir pris connaissance du rapport établi par le médecin conseil « du 12/04/19 », qu'« Il est fait mention dans le compte rendu du médecin conseil que Mr [U] le 14/02/2019 marche dans le couloir normalement et sans problèmes ».
Après avoir noté les différents troubles dont est atteint M. [U], il estime au terme de l'examen qualifié d'« examen difficile », que M. [U] pourrait bénéficier d'une invalidité de première catégorie.
Or le médecin conseil près la caisse, analysant le rapport du docteur [J], relève dans un avis du 26 mai 2020 que M. [U] a été vu au service médical les 11 août 2016, 14 mars 2017, 19 juillet 2018, 14 février 2019 et encore le 18 novembre 2019 suite à sa nouvelle demande d'invalidité, et souligne que « le motif du bras droit en écharpe n'est nullement mentionné, les discopathies cervicales sont présentes dès 2016, les gonalgies gauches et la tendinopathie de la coiffe des rotateurs gauche depuis juin 2018 et ne donnent lieu qu'à un traitement d'entretien depuis », que « l'IRM du genou gauche du 4/10/2019 montre une fissure étendue du ménisque externe et celle du côté droit du 15/02/2019 une discrète petite fissure du ménisque externe. Aucun geste chirurgical ne semble avoir été réalisé entre novembre et la consultation chez le Docteur [J] alors qu'une douleur importante et une dégradation de l'état fonctionnel l'auraient certainement rendu nécessaire ».
Par ailleurs il ressort du rapport de suivi établi par le docteur [D], produit en pièce annexe n°1 par M. [U], qu'à la date du 22 mars 2019 M. [U], patient de 43 ans, en arrêt de travail depuis 3 ans pour des douleurs cervicales se plaint de douleurs de son genou droit depuis quelque temps et que celui-ci a bénéficié d'une arthroscopie du genou droit le 4 décembre 2019 sous anesthésie générale.
Etant observé que M. [U] a motivé sa contestation du refus de sa demande de pension d'invalidité du 13 mars 2019 par l'intensification de ses douleurs « au niveau des cervicales, du dos, de la cage thoracique et des tendons de l'épaule » et de la dégradation de ses genoux, la cour retient de ce qui précède que l'état de santé de M. [U] s'est dégradé après le 13 mars 2019.
La cour note encore qu'aucun certificat/document médical produit par M. [U] ne permet de conclure à l'existence d'une invalidité réduisant d'au moins deux tiers sa capacité de travail ou de gain au 13 mars 2019, ni même ne fait état d'invalidité ou d'une aggravation de son état au 13 mars 2019 par rapport à celui connu, lié notamment à des lombalgies, les documents produits faisant état de résultats d'examen sans conclusion quant à l'invalidité.
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Du tout il se déduit que M. [U] ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'une pension d'invalidité ce qui commande d'infirmer le jugement dans les termes du dispositif ci-après.
Les dispositions du jugement déféré sur les dépens et les frais irrépétibles sont infirmées.
Partie perdante, M. [U] est condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
DECLARE l'appel recevable ;
CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 12 mai 2020 en ce qu'il déclare le recours de M. [W] [U] recevable ;
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 12 mai 2020 en ses autres dispositions ;
statuant à nouveau sur les points infirmés et ajoutant au jugement,
CONFIRME la décision de la commission médicale de recours amiable de la CPAM du Haut-Rhin du 7 août 2019 ;
REJETTE la demande de M. [W] [U] du 13 mars 2019 tendant à l'octroi d'une pension d'invalidité ;
CONDAMNE M. [W] [U] aux dépens de première instance et d'appel ;
DEBOUTE M. [W] [U] de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président,