MINUTE N° 507/22
Copie exécutoire à
- Me Dominique HARNIST
Le 26.10.2022
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 26 Octobre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/01443 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HQ6W
Décision déférée à la Cour : 22 Janvier 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - Greffe du contentieux commercial
APPELANTE :
S.A. BIOSYNEX
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Dominique HARNIST, avocat à la Cour
INTIMEE :
Société GAMMA MEDICAL INC
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 4] - YEMEN
non représentée, assignée à Parquet le 01.07.2021 au titre de l'article 683 du CPC
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Février 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- rendu par défaut
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'assignation délivrée le 26 février 2020 par laquelle la société Gamma Médical Inc, ci-après également dénommée 'Gamma', a fait citer la SA Biosynex devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, chambre commerciale,
Vu le jugement réputé contradictoire rendu le 22 janvier 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg a :
- condamné la SA Biosynex à payer à la société Gamma Médical Inc la somme de 45 726 euros avec intérêts légaux à compter de l'assignation,
- rejeté la demande au titre des dommages et intérêts,
- condamné la SA Biosynex à payer à la société Gamma Médical Inc la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA Biosynex aux dépens,
- rappelé que ce jugement était exécutoire par provision.
Vu la déclaration d'appel formée par la société Biosynex contre ce jugement, et déposée le 3 mars 2021,
Vu l'assignation à parquet de la société Gamma Médical Inc, selon procès-verbal de remise en date du 1er juillet 2021,
Vu les dernières conclusions déposées le 3 juin 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SA Biosynex demande à la cour de :
'Vu l'article 6 de la CEDH
Vu les articles 1103 et suivants du code civil
Vu les articles 1344 et suivants du code civil
PRONONCER la nullité du jugement du 22 janvier 2021
Subsidiairement,
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
- CONDAMNE la SA BIOSYNEX à payer à la société GAMMA MÉDICAL INC la somme de 45.726 € avec intérêts légaux à compter de l'assignation
- CONDAMNE la SA BIOSYNEX à payer à la société GAMMA MÉDICAL INC la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- CONDAMNE la SA BIOSYNEX aux dépens
Statuant à nouveau,
PRONONCER la résolution du contrat de vente liant la société BIOSYNEX et la société GAMMA aux torts exclusifs de la société GAMMA
DIRE que la société BIOSYNEX pourra procéder à la restitution de la somme de 45.726 € dans un délai de 3 mois à compter de l'arrêt à intervenir
CONDAMNER la société GAMMA à la somme de 10.000 € pour les frais de stockage de la marchandise qui n'a pu être livrée
CONDAMNER la société à 5.000 € de dommages et intérêt pour procédure abusive
ORDONNER la compensation entre les créances réciproques
CONDAMNER la société GAMMA aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à la société BIOSYNEX la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC.'
et ce, en invoquant, notamment :
- une violation du principe du contradictoire devant le premier juge,
- l'impossibilité d'honorer la commande passée et réglée en raison de la guerre au Yemen, pays de livraison, représentant un cas de force majeure, les parties étant convenues, après un long silence de la société Gamma, d'un stockage dans les locaux de Biosynex et d'une livraison en un autre lieu, sans pour autant que la partie adverse ne confirme le désistement d'instance et d'action de la procédure engagée,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 janvier 2022,
Vu les débats à l'audience du 28 février 2022,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions,
MOTIFS :
Au préalable, l'intimée ne comparaissant pas, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, il est statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 954 du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement
Sur la demande d'annulation du jugement entrepris :
La société Biosynex invoque une violation, par le tribunal, du principe du contradictoire, faisant valoir qu'elle n'aurait pas pu se défendre, faute pour le tribunal d'avoir pris en considération l'acte de constitution qui lui avait été adressé.
Elle entend, à ce titre, préciser que :
- la société Gamma ainsi que ses conseils auraient été informés de l'intervention de Me [G] pour son compte,
- Me [D], avocat postulant de la société Gamma, se serait dispensé de communiquer les pièces visées dans l'assignation malgré la demande exprès de Me [G],
- le tribunal était informé de la constitution de Me [G], mais aucun avis d'audience ne lui aurait été adressé, que ce soit par format électronique ou papier,
- les conseils de la partie adverse se seraient abstenus de faire toute diligence à l'égard de Me [G].
Sur ce, la cour observe, tout d'abord, qu'il ressort des mentions du jugement entrepris que la société Biosynex, mentionnée comme défaillante, aurait été assignée à personne morale le 26 février 2020 et n'aurait pas constitué avocat.
La société Biosynex produit, d'une part, un courrier en date du 4 mars 2020 adressé à Me [Y] [D] avec pour objet 'BIOSYNEX c/ GAMMA' sans qu'il n'apparaisse pour autant que ce courrier aurait été effectivement transmis au conseil de la partie adverse.
L'appelante verse, d'autre part, aux débats, un 'acte de constitution' daté du même jour et visé par le greffe en date du 9 mars 2020 avec la précision 'réponse rapide : retour avocat. Aucun dossier ne correspond à la constitution.'
Il ressort de ce qui précède que, si le conseil mandaté par la société Biosynex a bien déposé son acte de constitution au greffe dans le délai de quinze jours prévu par les dispositions du code de procédure civile, il n'est pas formellement justifié qu'il aurait informé, au préalable, l'avocat du demandeur de sa constitution, ce qui aurait, au demeurant, pu permettre de prévenir, dans le cadre d'un échange entre conseils, les difficultés auxquelles il apparaît s'être heurté au moment de la remise de la copie de son acte de constitution au greffe, et ce alors qu'il résulte d'un courriel adressé le 26 février 2020 par la société Biosynex au conseil de la société Gamma à la suite d'un entretien relatif à l'assignation du même jour, que l'assignation lui aurait été présentée comme inévitable pour éviter l'acquisition de la prescription et qu'elle constituait une 'information', aucun dossier n'ayant alors été 'déposé au tribunal', l'auteur du courriel ajoutant 'nous devons décider si nous prenons un avocat pour nous représenter'.
Il sera, du reste, observé qu'aucune suite n'apparaît avoir été donnée par le conseil de la société Biosynex à la suite de la réponse du greffe.
Dans ces conditions, aucune violation du principe du contradictoire n'apparaît caractérisée. Il n'y a donc pas lieu à annulation de la décision entreprise.
Sur la résolution du contrat et ses conséquences :
La cour observe que, comme l'a justement relevé le premier juge, la société Biosynex ne conteste pas la réalité ni le contenu de la commande qui a été passée à la société All Diag, aux droits de laquelle elle vient, pas davantage que le complet règlement de cette commande par la société Gamma.
Elle entend, en revanche, se fonder sur le contenu des échanges entre les parties, ainsi que sur le contexte sécuritaire au Yémen pour se prévaloir d'une impossibilité de livraison selon les modalités convenues, avant que les parties, après un long silence de la société Gamma, ne conviennent d'un changement du lieu de livraison. Elle reproche à la partie adverse d'avoir, pourtant, maintenu abusivement la procédure engagée, sans lui laisser la possibilité d'honorer l'accord trouvé et sans aucune sommation préalable, alors, par ailleurs, que la concluante aurait proposé la livraison d'une marchandise plus récente et engagé des frais conséquents, notamment de stockage.
Cela étant, la cour observe que la société Biosynex était, en vertu du contrat liant les parties, débitrice d'une obligation de livraison, des frais de port ayant d'ailleurs été facturés à la commande à 882 euros et l'appelante ne contestant pas le principe de cette obligation.
Si la société Biosynex entend, pour s'en affranchir, invoqué un cas de force majeure lié à la guerre au Yémen, il convient, cependant, de relever que la commande est déjà intervenue dans un contexte sécuritaire suffisamment dégradé pour justifier la fermeture de l'ambassade de France peu avant, soit le 13 février 2015, ainsi que cela ressort de la fiche 'pays' du ministère des affaires étrangères que l'appelante verse aux débats. Des difficultés de livraison apparaissaient donc déjà prévisibles à la commande, et ne peuvent, en tout état de cause, à la fois être imputées aux circonstances et à la société Gamma.
Par la suite et au moins jusqu'à la fin de l'année 2018, la société Biosynex ne justifie pas des diligences qu'elle aurait effectuées pour assurer l'effectivité de la livraison.
Au-delà de courriels en langue anglaise dont il ne peut être tenu compte, en vertu de l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, il ressort d'un échange entre le directeur général de la société Biosynex et le conseil de la société Gamma, faisant suite à une mise en demeure de ce dernier en date du 11 septembre 2018 de procéder à la restitution de l'intégralité des sommes versées au titre de la commande litigieuse, que, selon courrier en date du 7 décembre 2018, la société Biosynex a indiqué au conseil de l'autre partie que les produits étaient disponibles dans l'entrepôt de cette société, qu'à la suite de la guerre au Yémen, le représentant de la société Gamma leur avait demandé de conserver la marchandise, que celui-ci s'était adressé à des personnes chez Biosynex qui n'étaient pas en charge du dossier, raison pour laquelle il avait reçu des réponses évasives. Il était ensuite proposé une prise en charge à l'entrepôt, à la date convenue par le client avec indication de la destination finale pour pouvoir préparer les documents de transport, et avec prise en charge des frais de transport. Il était également proposé de fournir à la société Gamma les dernières versions du matériel. En réponse, le 18 novembre 2019, le conseil de la société Gamma indiquait à la société Biosynex l'accord de sa cliente à sa proposition, l'invitant à indiquer les modalités à suivre pour la mise en 'uvre. Enfin, le courriel précité du 26 février 2020 de la société Biosynex au conseil de la société Gamma fait état du souhait de cette dernière d'une livraison et d'une facturation en Egypte, mentionnant les coordonnées de l'adresse de livraison qu'il lui est demandé de confirmer.
Il ressort de ce qui précède que s'il ne conteste pas expressément, dans sa réponse à la société Biosynex, les instructions qui auraient pu être données par sa mandante à la société Biosynex quant au sort des marchandises à livrer, et s'il est vrai qu'aucune mise en demeure n'a été faite à l'appelante aux fins de livraison avant le courrier du 11 septembre 2018, le conseil de la société Gamma n'a pas, pour autant, reconnu, et en tout cas pas sans équivoque, de manquements de cette dernière à ses obligations contractuelles, ce que ne constitue pas son acceptation de la proposition adverse. Bien au contraire, dans sa mise en demeure, il fait état de nombreuses sollicitations, depuis 2015, par téléphone et par écrit, de la société Gamma pour obtenir la livraison des marchandises. À ce titre, le fait que le conseil de la société Gamma n'ait donné suite qu'au bout de onze mois à la proposition de la société Biosynex, dans un contexte d'éloignement, de difficulté de la situation au Yémen, et en l'absence de toute relance de la société Biosynex n'est pas constitutif d'un manquement de sa part.
L'acceptation de la proposition faite par la société Biosynex s'agissant de la livraison est, en outre, assortie d'une sollicitation quant à la marche à suivre, ce qui aurait dû inciter la société Biosynex à se rapprocher à nouveau du conseil de la société Gamma, ou directement de cette dernière, pour permettre la mise en 'uvre d'un commun accord des modalités de livraison.
Il est à noter que la société Biosynex ne conteste pas devoir procéder à la restitution de la somme de 45 726 euros, étant tout de même précisé que le jugement entrepris, mettant cette somme à sa charge, était assorti de l'exécution provisoire. Elle entend voir mettre à la charge de l'intimée, dont elle sollicite la résolution du contrat à ses torts, une somme de 10 000 euros au titre des frais de stockage.
Pour autant, aucun manquement n'apparaît caractérisé à l'encontre de la société Gamma, qui n'était pas débitrice de l'obligation de livraison, et dont l'entrave à la bonne mise en 'uvre de cette dernière n'est pas démontrée.
Dans ces conditions, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société Biosynex à payer à la société Gamma la somme de 45 726 euros, la société Biosynex devant être débouté de ses demandes de résolution du contrat aux torts de la société Gamma et d'indemnisation par cette dernière des frais de stockage.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La société Biosynex succombant pour l'essentiel sera des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.
L'équité commande en outre de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société Gamma, tout en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Déboute la SA Biosynex de sa demande en annulation de la décision entreprise.
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 janvier 2021 par le tribunal judiciaire à compétence commerciale de Strasbourg,
Y ajoutant,
Déboute la SA Biosynex de sa demande de prononcé de la résolution du contrat aux torts de la société Gamma Médical Inc,
Déboute la SA Biosynex de sa demande au titre des frais de stockage de la marchandise,
Condamne la SA Biosynex aux dépens de l'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SA Biosynex.
La Greffière :la Présidente :