MINUTE N° 502/22
Copie exécutoire à
- Me Patricia CHEVALLIER -GASCHY
- Me Mathilde SEILLE
Le 26.10.2022
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 26 Octobre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/03229 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNS2
Décision déférée à la Cour : 05 Octobre 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de MULHOUSE
APPELANT :
Monsieur [R] [S]
exploitant à titre individuel sous l'enseigne E.G.B
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour
INTIMEE :
S.A.R.L. SOCIETE HOTELIERE [Localité 3] CENTRE
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Mathilde SEILLE, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Janvier 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
M. FREY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- Contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'assignation délivrée le 4 décembre 2018, par laquelle M. [R] [S], exerçant sous l'enseigne EGB a fait citer la SARL Société Hôtelière [Localité 3] Centre, exploitant sous l'enseigne Hôtel Kyriad, ci-après également 'la société hôtelière', devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Mulhouse,
Vu le jugement rendu le 5 octobre 2020, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Mulhouse a débouté M. [S] de ses demandes, le condamnant aux dépens, sans faire application de l'article 700 du code de procédure civile, et sans ordonner l'exécution provisoire,
Vu la déclaration d'appel formée par M. [R] [S] contre ce jugement, et déposée le 3 novembre 2020,
Vu la constitution d'intimée de la SARL Société Hôtelière [Localité 3] Centre en date du 24 novembre 2020,
Vu les dernières conclusions en date du 26 août 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [R] [S] demande à la cour de :
'CONDAMNER la SARL SOCIETE HOTELIERE [Localité 3] CENTRE exploitant sous l'enseigne 'HOTEL KYRIAD' à payer à Monsieur [R] [S], exploitant sous l'enseigne 'EGB' un montant de 19.772,40 € TTC, augmenté des intérêts de droit à compter du 6 août 2018, date de la mise en demeure.
CONDAMNER la SARL SOCIETE HOTELIERE [Localité 3] CENTRE exploitant sous l'enseigne 'HOTEL KYRIAD' à payer à Monsieur [R] [S], exploitant sous l'enseigne 'EGB' un montant de 2.000 € augmenté des intérêts de droit à compter du jour de l'assignation, à titre de dommages et intérêts.
CONDAMNER la SARL SOCIETE HOTELIERE [Localité 3] CENTRE exploitant sous l'enseigne 'HOTEL KYRIAD' à payer à Monsieur [R] [S], exploitant sous l'enseigne 'EGB' un montant de 3.000 € avec les intérêts de droit à compter de ce jour, en application de l'Article 700 du CPC.
DIRE ET JUGER que les intérêts dus pour une année entière seront eux-mêmes productifs d'intérêts au taux légal par application des dispositions l'Article 1343-2 du Code Civil.
CONDAMNER la SARL SOCIETE HOTELIERE [Localité 3] CENTRE exploitant sous l'enseigne 'HOTEL KYRIAD' en tous les frais et dépens d'instance et d'appe1.
DEBOUTER la SARL SOCIETE HOTELIERE [Localité 3] CENTRE exploitant sous l'enseigne 'HOTEL KYRIAD' de l'intégralité de ses fins et prétentions.'
et ce, en invoquant, notamment :
- la liberté de preuve des travaux effectués, nonobstant l'absence de contrat, de devis, ou même de bons d'intervention contresignés, la preuve étant apportée d'une sollicitation par la partie adverse et de factures étayées par la consignation des actes d'intervention, selon des prix d'usage entre les parties, ainsi que des relevés d'incident,
- un mode de facturation qualifié d'aisément compréhensible,
- l'ancienneté des relations entre les parties lors de la survenance des impayés, à la suite desquels le concluant aurait fait preuve de beaucoup de patience dès lors qu'il ne souhaitait pas perdre le client, auprès duquel il justifie d'une facturation depuis 2014, étayée par des attestations de l'ancienne réceptionniste, puis directrice de l'établissement, confirmant le fonctionnement des dépannages dans des termes qu'il détaille, ainsi que son accord, qui se déduit de la délivrance de l'attestation, avec lesdites prestations, le paiement opéré par cette dernière par le passé confirmant également l'accord avec les tarifs, deux autres attestations confirmant l'absence de devis, l'absence de commande écrite et les sollicitations selon les besoins,
- le préjudice subi par une structure comme la sienne au regard de l'importance de l'impayé ;
Vu les dernières conclusions en date du 30 avril 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SARL Société Hôtelière [Localité 3] Centre demande à la cour de :
'DECLARER l'appelant régulier mais particulièrement mal fondé en son appel,
En conséquence,
CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
DEBOUTER l'appelant de l'intégralité de ses fins et prétentions actuelles et à venir,
CONDAMNER l'appelant, outre aux entiers frais et dépens, à payer à la société intimée la somme de 3.500 Euros en application des dispositions visées à l'article 700 du CPC'
et ce, en invoquant, notamment le caractère infondé des demandes adverses, à défaut de preuve de la relation contractuelle invoquée, et en l'absence de trace des interventions évoquées et des factures pour la société concluante, ainsi qu'en tout état de cause, faute pour M. [S] d'établir d'une part, l'accord de son prestataire quant aux conditions tarifaires appliquées, qui ne sont pas indiquées et, d'autre part, la réalité de chacune de ses prestations, dont le calendrier serait incompréhensible, de même que la durée des délais de paiement qui auraient été laissés par M. [S] avant relance, la pertinence des attestations versées aux débats étant également contestée.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 décembre 2021,
Vu les débats à l'audience du 19 janvier 2022,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la demande principale en paiement :
La cour rappelle qu'en vertu de l'application combinée des articles 1353 du code civil, dans sa version applicable à la cause, et L. 110-3 du code de commerce, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver, tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation, cette preuve se faisant, à l'égard des commerçants et s'agissant des actes de commerce, par tous moyens, y compris par témoin, à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi, étant, cependant, rappelé que la seule production de factures est insuffisante à justifier d'une créance envers la partie à laquelle on l'oppose, en l'absence de preuve de l'acceptation non équivoque des prestations facturées, dans leur principe comme dans leur montant.
Sur ce, la cour observe qu'en l'espèce, M. [S], qui sollicite le règlement de factures, selon lui impayées, pour la période de septembre 2017 à juin 2018, produit à hauteur de cour, un dossier de pièces étoffé, rassemblant, au-delà du récapitulatif des factures et d'extraits de son grand-livre comptable, à l'appui de chaque facture, un calendrier des interventions établi par l'intéressé, ainsi que ce qu'il présente comme des 'fiches d'intervention', s'agissant de papiers manuscrits, sans identification du rédacteur, que M. [S] indique être du personnel de l'hôtel, certains rédigés sur des pages de carnet ou au dos de cartes de visite de l'hôtel et récapitulant des demandes de multiples travaux de dépannage ou de menues réparations, comme des changements de spots, des interventions sur des volets, des portes, entre autres, avec mention de numéros pouvant correspondre à des numéros de chambre. Comme l'a relevé le premier juge, ces feuillets comportent des dates identiques à celles visées dans les factures litigieuses et des réparations correspondant pour partie à celles libellées dans les factures litigieuses.
Un document établi sur un carnet de factures mais portant la mention 'travaux', concernant un dépannage en date du 12 juin 2018 consistant notamment en un remplacement de 'joint douchette', la remise en place d'un porte serviette et d'une porte de placard avec l'indication '1 déplacement 1h30 M.O.' est revêtu du tampon de l'hôtel Kyriad [Localité 3] Centre, sans cependant contenir aucune évaluation chiffrée des prestations mentionnées.
Par ailleurs, en réponse à une mise en demeure adressée par M. [S] à la société d'exploitation de l'hôtel à la suite d'un changement de direction, il lui est répondu, en date du 6 juillet 2018, par le nouveau directeur de l'établissement, que celui-ci découvrait toutes les factures que sa prédécesseure n'avait pas inclus dans la comptabilité, s'engageant à faire au mieux pour un règlement le plus rapide possible.
Il est également produit, par M. [S], une attestation de Mme [W], ancienne réceptionniste de l'hôtel, en date du 27 janvier 2019, dont il ressort, ainsi que l'a également relevé le premier juge, que M. [S] s'occupait de la partie technique de l'hôtel, intervenant à toute heure pour des dépannages et venant au minimum une fois par semaine, le personnel de la réception reportant dans une liste des problèmes techniques d'après un cahier. Mme [W] a entendu, dans une attestation du 7 janvier 2021, détailler le mode opératoire des interventions de M. [S], impliquant un rapport au cahier d'entretien des dysfonctionnements par le personnel de l'hôtel, qui contactait M. [S] pour les interventions le concernant, les remarques figurant sur le cahier lui étant transmises par voie d''affichettes' lors de sa venue, outre qu'il était amené, lors de ses venues, à réparer des dysfonctionnements complémentaires qui lui étaient signalés, pouvant même intervenir hors de son champ de compétence, étant rappelé que M. [S] exploite une entreprise d'électricité.
Ce mode opératoire est confirmé par l'attestation de Mme [K], ainsi que par le courriel de Mme [L], dont la société hôtelière conteste, certes, la forme au regard des dispositions des articles 202 et 203 du code de procédure civile, mais qui vaut comme élément de preuve en application de l'article L. 110-3 précité, outre que, contrairement à ce qu'affirme la société hôtelière, l'intéressée a travaillé, pour partie, dans l'hôtel sur des périodes concernées par certaines factures. En tout état de cause, il ressort de ces éléments, émanant de personnes ayant travaillé pour certaines sur la durée à l'hôtel Kyriad [Localité 3] Centre, que les pratiques décrites étaient bien ancrées.
Pour autant, s'il ressort de ce qui précède, ainsi que l'a d'ailleurs relevé le juge de première instance, qu'une relation contractuelle a pu exister entre le demandeur et la société défenderesse sur la période litigieuse, quand bien même celle-ci n'avait fait l'objet d'aucun écrit préalable, dont le premier juge a justement relevé qu'il n'était pas nécessaire, et ce d'autant que cette relation apparaît s'inscrire, au vu des attestations produites, dans une certaine durée, c'est à bon droit que le premier juge a retenu qu'il n'était pas justifié de l'exécution des prestations facturées.
À cet égard, les éléments objectifs produits ne mettent pas la cour, davantage que le premier juge, en mesure d'établir un lien suffisant entre les prestations facturées et la réalité des prestations exécutées, et ce alors que le calendrier établi par M. [S] lui-même, ne permet pas forcément d'établir de corrélation entre les durées, parfois importantes, de présence mentionnées et les tâches par la suite facturées.
À cela s'ajoute que les prestations n'ont fait l'objet d'aucun bon de commande, ce que ne constituent pas les feuillets produits, qui ne font l'objet d'aucun chiffrage, et pour la plupart d'aucune validation ou même d'identification de leur auteur, permettant de les relier à des prestations concernant particulièrement l'hôtel Kyriad [Localité 3] Centre.
Ceci peut, certes, s'expliquer par le mode de fonctionnement décrit par les témoins. Toutefois, au-delà de ce qui vient d'être indiqué, les prestations litigieuses ne donnent lieu à aucun cadre établi de tarification, les factures n'apparaissant, d'ailleurs, pas détaillées au titre du montant de chaque prestation mentionnée, outre encore que peuvent apparaître à la fois la mention de prestations de remplacement, par exemple de spots, et la facturation de la pièce et de la pose pour le même matériel sur la même facture, sans opérer de distinction réelle ou en tout cas claire.
Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de paiement.
Sur la demande de dommages-intérêts :
M. [S] sollicite l'indemnisation, à hauteur de 2 000 euros, au regard de l'importance du préjudice qu'il estime avoir subi au regard du montant conséquent des impayés pour une structure de la taille de la sienne.
Pour autant, M. [S] ne démontre aucun préjudice subi du fait d'impayés dont la cour a retenu qu'ils n'étaient pas suffisamment établis, de sorte qu'il y a lieu, également, à confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
M. [S] succombant pour l'essentiel sera tenu des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.
L'équité commande, par ailleurs, de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de l'une ou l'autre des parties au litige, tout en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 octobre 2020 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de [Localité 3],
Y ajoutant,
Condamne M. [R] [S] aux dépens de l'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de M. [R] [S] que de la SARL Société Hôtelière [Localité 3] Centre.
La Greffière :la Présidente :