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19/10/2022 | FRANCE | N°21/00310

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 19 octobre 2022, 21/00310


MINUTE N° 493/22





























Copie exécutoire à



- Me Nadine HEICHELBECH



- Me Christine LAISSUE- STRAVOPODIS



Le 19.10.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 19 Octobre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00310 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPB6





Décision déférée à la Cour : 03 Décembre 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de COLMAR



APPELANTE :



S.E.L.À.R.L. ORL DU DOCTEUR [R]

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représent...

MINUTE N° 493/22

Copie exécutoire à

- Me Nadine HEICHELBECH

- Me Christine LAISSUE- STRAVOPODIS

Le 19.10.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 19 Octobre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/00310 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPB6

Décision déférée à la Cour : 03 Décembre 2020 par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de COLMAR

APPELANTE :

S.E.L.À.R.L. ORL DU DOCTEUR [R]

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me BINDER, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMEE :

S.A.R.L. CABINET COLOM DAVID

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me TACK, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, un rapport ayant été présenté, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :

 

           

La SELARL ORL DU DOCTEUR [R] a confié à la SARL CABINET COLOM DAVID une mission de présentation des comptes annuels ainsi que d'assistance sociale.

 

            Depuis le 2 novembre 2006, M. [R] gérant de la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] reconnaissait un statut de conjoint collaborateur à son épouse Mme [L].

A compter du 1er décembre 2008 Mme [L] est devenue conjointe-salariée de la SELARL ORL DU DOCTEUR [R], et une déclaration d'embauche a été régularisée à ce titre avec effet au 19 décembre 2008.

Au cours de l'année 2012, la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] a souhaité faire signer un contrat écrit à Mme [L], les relations entre les époux s'étant tendues. Un projet de CDI à temps partiel a été soumis par la SARL CABINET COLOM DAVID à la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] le 17 avril 2012. Selon la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] ce contrat n'aurait jamais été signé par Mme [L].

 

Le 1er avril 2014, Mme [L] a saisi le Conseil de Prud'hommes de MULHOUSE aux fins de voir son contrat résilié judiciairement et d'obtenir le rappel de ses salaires.

 

            Par un jugement en date du 3 mai 2016, le conseil de prud'hommes de MULHOUSE, retenant qu'en l'absence de contrat écrit la relation de travail était à temps complet à compter du 1er mai 2012 et que les manquements de l'employeur justifiait la résiliation du contrat de travail à ses torts, a condamné la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] à payer à Mme [L] un rappel de salaire avec effet au 1er mai 2012, ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Par acte introductif d'instance enregistré au greffe le 29 janvier 2019, la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] a formé contre la SARL CABINET COLOM DAVID une demande aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 54.348,17 € à titre de dommages et intérêts, la somme de 3.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

            Par un jugement du 3 décembre 2020, le Tribunal judiciaire de COLMAR a débouté la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] de l'intégralité de sa demande, a condamné la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] à supporter les entiers dépens, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 CPC au profit de la SELARL ORL DU DOCTEUR [R], a condamné la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] à payer à la SARL CABINET COLOM DAVID la somme de 2.500,00 € en application de l'article 700 CPC et a rejeté la demande d'octroi du bénéfice de l'exécution provisoire.

Par déclaration faite au greffe en date du 22 décembre 2020, la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] a interjeté appel de la décision rendue par le Tribunal Judiciaire de COLMAR le 3 décembre 2020.

 

Par déclaration faite au greffe en date du 2 février 2021, la SARL CABINET COLOM DAVID s'est constituée intimée dans la présente affaire.

 

Par ses dernières conclusions en date du 28 février 2022, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] demande à la Cour de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a  déboutée de l'intégralité de sa demande, l'a condamnée à supporter les entiers dépens, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 CPC au profit de la SELARL ORL DU DOCTEUR [R], condamné la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] à payer à la SARL CABINET COLOM DAVID la somme de 2.500,00 € en application de l'article 700 CPC. Statuant à nouveau, la partie appelante demande à la Cour de déclarer que la SARL CABINET COLOM DAVID a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] et en conséquence, de condamner la SARL CABINET COLOM DAVID à payer à la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] la somme de 54.348,17 € à titre de dommages et intérêts, de condamner la SARL CABINET COLOM DAVID à payer à la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du CPC et de condamner la SARL CABINET COLOM DAVID aux entiers frais et dépens.

 

Au soutien de ses prétentions, sur la procédure prud'homale intentée par Mme [L], la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] affirme que Mme [L] était secrétaire à partir du 2 novembre 2006 sous le statut de conjoint collaborateur, qu'à partir du 1er décembre 2008, elle est devenue salariée de la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] à temps partiel, soit 17,5 h par semaine, mais, qu'aucun contrat de travail écrit n'a été signé, a contrario, que la déclaration d'embauche a été réalisée et des fiches de salaire ont été établies mensuellement.

La partie appelante soutient que jamais la SARL CABINET COLOM DAVID n'a attiré son attention sur le fait qu'il était obligatoire de mettre en place un contrat écrit en présence d'un temps partiel et un planning d'horaires et qu'en l'absence de ces deux éléments, un contrat pouvait être requalifié de contrat de travail à temps complet par le Juge.

La SELARL ORL DU DOCTEUR [R] fait valoir que le 17 avril 2012, elle a transmis un contrat de travail écrit, à temps partiel, antidaté au 1er décembre 2008 pour formaliser cette relation de travail, que par la suite, Mme [L] et M. [R] ont divorcé, que c'est dans ce contexte que Mme [L] a saisi en 2014 le Conseil de Prud'hommes de MULHOUSE pour obtenir la résiliation de son contrat et la condamnation de la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] à lui verser 69.185,64 € à titre de rappel de salaires, que cette procédure a abouti à la reconnaissance d'un contrat à temps plein à compter du 17 avril 2012, avec rappel de salaires à compter de cette date et la qualification d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'elle n'a pas fait appel de cette décision, estimant que l'appel pourrait aggraver cette condamnation.

            Sur la faute commise par la SARL CABINET COLOM DAVID, la partie appelante soutient que l'expert-comptable est soumis au devoir de conseil et de mise en garde, que ce devoir est prévu par le code de déontologie des experts-comptables, qu'en l'espèce, la SARL CABINET COLOM DAVID ne l'a pas informée de l'impérieuse nécessité d'établir un contrat écrit et d'organiser de façon stable les horaires de travail de Mme [L], que cette omission est une faute constitutive d'un manquement au devoir de conseil.

La partie appelante fait observer que même après l'embauche en 2008, la SARL CABINET COLOM DAVID, tout en émettant les fiches de salaire, ne l'a toujours pas informée qu'il était dangereux de perdurer dans une telle relation de travail avec Mme [L] et que de plus, la SARL CABINET COLOM DAVID a aggravé la situation en présentant en 2012 un contrat écrit à Mme [L], mais antidaté au 1er décembre 2008, ce qu'elle a logiquement refusé.

La partie appelante affirme que la SARL CABINET COLOM DAVID aurait pu mettre en place un contrat écrit non antidaté et informer la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] de la possibilité pour l'employeur de mettre en demeure le salarié de signer le contrat écrit, ce qu'il n'a pas fait et prétend que de ces comportements de la SARL CABINET COLOM DAVID il résulte un préjudice, à savoir la condamnation par les Prud'hommes de MULHOUSE et que le lien de causalité est démontré entre la faute commise par l'expert-comptable et le préjudice qu'elle subit car si la SARL CABINET COLOM DAVID l'avait correctement conseillée, un contrat de travail aurait été rédigé dès l'embauche et elle n'aurait pas eu à faire face à une condamnation en requalification du contrat de travail et de rappel de salaires ni de dommages et intérêts à ce titre.

Elle évalue son préjudice à 54.348,17 €, somme à laquelle elle a été condamnée par le Conseil des Prud'hommes de MULHOUSE.

            Sur l'argumentation de la SARL CABINET COLOM DAVID, l'intimée explique qu'il n'a jamais été question d'un contrat de travail avant 2012, alors que l'intimée a elle-même effectué la déclaration d'embauche ainsi que les fiches de salaire à compter de 2008. L'intimée explique ensuite n'avoir jamais eu pour mission d'établir un contrat de travail pour Mme [L], ce à quoi la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] répond que la SARL CABINET COLOM DAVID n'a jamais prévu de lettre de mission, ce qui démontre son manque de professionnalisme, que dans les faits, l'intimée était bien chargée d'une mission sociale, elle aurait dû donc user de son devoir de conseil pour mettre en garde la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] du risque de ne pas établir de contrat écrit pour le compte de Mme [L], que la SARL CABINET COLOM DAVID ne peut contester qu'elle était chargée d'une mission sociale, et qu'il résulte des notes d'honoraires et de la nature des actes effectués qu'il s'agissait bien d'une telle mission.

Quant au fait avancé par l'intimée selon lequel Mme [L] n'aurait jamais voulu formaliser sa relation de travail, ce fait est erroné selon la SELARL ORL DU DOCTEUR [R].

La société appelante soutient que la déclaration d'embauche et l'élaboration des fiches de paye à compter de 2008 sont intervenues justement pour formaliser une relation de travail, que de plus, Mme [L] avait bien accepté le lien de subordination en prenant le rôle d'une salariée, avec des fiches de salaire et déclarée comme telle.

Quant à l'existence même d'une mission cantonnée uniquement à l'édition de fiches de salaire, la partie appelante indique qu'il résulte du code de déontologie que l'expert-comptable est tenu d'un devoir de conseil, et qu'en l'espèce, informer son client des risques juridiques de l'absence d'un contrat écrit entre bien dans le cadre de ce devoir de conseil.

Quant au statut de conjoint salarié, la SARL CABINET COLOM DAVID énonce que Mme [L] est soumise à ce statut et n'est donc pas une salariée lambda, alors que la partie appelante soutient que pour autant, la loi du 10 juillet 1982 affirme que le conjoint salarié est soumis aux mêmes règles prévues pour les salariés par le code du travail. Il faut donc bien un contrat écrit pour un conjoint salarié.

 

Par ses dernières conclusions en date du 23 février 2022, auxquelles a été joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la SARL CABINET COLOM DAVID demande à la Cour, à titre principal, de confirmer le jugement rendu en première instance par le TJ de Colmar en ce qu'il a débouté la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] de l'intégralité de ses demandes, en ce qu'elle ne rapporte pas la preuve que la SARL CABINET COLOM DAVID aurait manqué à son obligation de conseil. A titre subsidiaire, la partie intimée demande à la Cour de confirmer le jugement de 1ère instance en ce qu'il a débouté la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 54.348,17€, en ce qu'elle ne justifie ni du principe, ni du quantum du préjudice qu'elle allègue avoir subi et en tout état de cause, de condamner la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] à payer à la SARL CABINET COLOM DAVID une somme de 8.000,00€ au titre de l'article 700 CPC et de condamner la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

 

Au soutien de ses prétentions, sur l'absence de preuve rapportée par la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] quant au manquement au devoir de conseil dont elle accuse la SARL CABINET COLOM DAVID, à l'égard de son client, l'expert-comptable explique qu'il n'a qu'une obligation de moyens, qu'il faut donc caractériser une faute à son encontre, ce que ne fait pas la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] et ce qui a été retenu par le premier juge.

La SARL CABINET COLOM DAVID affirme qu'il n'y avait pas de lettre de mission entre la SARL CABINET COLOM DAVID et la SELARL ORL DU DOCTEUR [R], que dès lors, c'est au juge du fond qu'il revient d'encadrer l'étendue de la mission de l'expert-comptable, qu'ill ressort également des faits que rien ne prouve qu'avant le 17 avril 2012, la SARL CABINET COLOM DAVID avait pour mission d'établir un contrat de travail avec Mme [L] et que la mission d'établissement des fiches de salaire ne saurait préjuger d'une mission plus globale de conseil sur l'établissement d'un contrat de travail écrit, la gestion de ses salariés par un employeur ne relevant pas des missions de l'expert-comptable.

La SARL CABINET COLOM DAVID fait valoir que la nécessité d'établir un contrat écrit pour la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] est apparue en même temps que les difficultés conjugales de Mme [L] et de M. [R], car auparavant, il n'existait aucun lien de subordination entre ces deux personnes, que Mme [L] agissait en toute indépendance au sein du cabinet de son époux, de telle sorte que les époux n'ont jamais émis le besoin de formaliser la relation de travail via un contrat écrit, les époux se trouvant en réalité dans une situation d'associés de fait et rien ne prouve que Mme [L] aurait accepté avant 2012 de signer un contrat de travail écrit.

La SARL CABINET COLOM DAVID précise que la déclaration d'embauche a toutefois été effectuée le 1er décembre 2008 mais sous le statut de conjoint-salarié, ce qui ne nécessite pas d'établir un lien de subordination, que le lien de subordination et l'existence d'un contrat de travail ne sont intervenus que le 1er mai 2012 et soutient que si le Conseil des Prud'hommes a requalifié le contrat de Mme [L] en temps complet, ce n'est pas dû à l'absence de contrat écrit mais bel et bien au fait que la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] se trouvait dans l'incapacité de prouver qu'il s'agissait bien d'un contrat à temps partiel.

La SARL CABINET COLOM DAVID affirme que dès lors les prétentions de la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] ne peuvent être accueillies, qu'il n'est pas responsable d'un manquement au devoir de conseil, que la présomption selon laquelle le salarié est réputé avoir un temps complet en l'absence de contrat écrit n'est qu'une présomption simple, qu'il suffisait à la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] de prouver que Mme [L] travaillait à temps partiel et qu'il n'y aurait pas eu de requalification, et qu'en conséquence, seule la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] est responsable de la requalification du contrat de travail de Madame [L].

Sur la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] ne justifiait ni du principe, ni du quantum du préjudice qu'elle allègue, la SARL CABINET COLOM DAVID prétend que la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] ne démontre pas le lien de causalité entre la faute qu'elle allègue à l'encontre de la SARL CABINET COLOM DAVID et le préjudice qu'elle estime avoir subi, que, le manquement au devoir de conseil n'est pas prouvé et qu'il ne peut pas être établi de lien entre un manquement qui n'existe pas et la condamnation de la SELARL ORL DU DOCTEUR [R], qu'en effet, le fait que Mme [L] n'ait pas voulu signer le projet de contrat présenté en avril 2012 ne relève pas de sa faute, sa mission s'est arrêtée à la présentation du projet de contrat écrit, que la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] ne prouve pas le caractère actuel, direct et certain du préjudice qu'elle allègue et de son lien de causalité avec le manquement au devoir de conseil qu'elle lui incombe concernant l'obligation de rédaction d'un contrat écrit.

Sur le quantum du préjudice fixé par la SELARL ORL DU DOCTEUR [R], la SARL CABINET COLOM DAVID soutient que la partie appelante s'est contentée d'ajouter au rappel des salaires aux dommages et intérêts et à l'article 700 CPC de la condamnation du Conseil des Prud'hommes de Mulhouse, une somme équivalente aux charges sociales afférentes à ces salaires, que pour autant, il apparaît que cette somme ajoutée représente une trop grande partie du salaire brut de Mme [L] et le document attestant du montant n'est pas une preuve valable.

La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties. 

Par une requête du 28 février 2022, la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] demande au magistrat de la mise en état de modifier le calendrier de procédure issu de l'ordonnance de fixation du 24 septembre 2021 et de décaler la clôture de la procédure initialement prévue le 1er mars 2022 en raison d'ultimes conclusions déposées par la défenderesse le 23 février invoquant un moyen nouveau et de nouvelles pièces.

 

Par une ordonnance en date du 2 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et a renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 14 mars 2022.

             

MOTIFS DE LA DECISION :

Le jugement entrepris a retenu que la SARL CABINET COLOM DAVID était débiteur d'une obligation de conseil à l'égard de la partie appelante mais a débouté la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] aux motifs que la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] a produit le bulletin de salaire de Mme [L], épouse du Dr [R], du mois d'octobre 2016 mentionnant une ancienneté de 7 ans et 11 mois depuis le 1er décembre 2008, que cependant, par une déclaration du 2 novembre 2006, la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] a déclaré que Mme [L] avait opté pour le statut de conjoint collaborateur, que le conseil des prud'hommes par jugement du 3 mai 2016 n'a retenu l'existence d'un contrat de travail liant Mme [L] à la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] qu'à compter du 1er mai 2012, faute de preuve d'un lien de subordination antérieur à cette date, mais qu'il résulte des conclusions de la SELARL ORL DU DOCTEUR [R], que le 17 avril 2012 la SARL CABINET COLOM DAVID lui a transmis sur sa demande, un projet de contrat de travail, que si ce projet comportait une date erronée de signature ainsi que de prise d'effet au 1er décembre 2008, ce manquement de la SARL CABINET COLOM DAVID se trouve sans aucun lien de causalité avec la condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes, que ladite juridiction retient l'existence d'un contrat de travail qu'à compter du 1er mai 2012, tirant les conséquences de l'absence de signature de ce contrat stipulé à temps partiel, requalifié la relation entre les parties de CDI à temps plein et que la condamnation à l'encontre de la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] ne constitue que la conséquence du défaut de signature du projet de contrat, assortie au besoin de la rectification qui s'imposait, qui lui avait été adressée par la SARL CABINET COLOM DAVID et que dès lors, la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] ne rapporte aucunement la preuve d'un manquement de la part de la SARL CABINET COLOM DAVID ni d'un lien de causalité entre un manquement et le préjudice qu'elle allègue.

Il convient par ailleurs de rappeler qu'à l'égard de son client, l'expert-comptable ne contracte qu'une obligation de moyens, de sorte que la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle ne peut intervenir que si une faute est caractérisée à son encontre et que celle-ci est à l'origine du préjudice subi par le demandeur et il ne peut être imputé à un expert-comptable qu'un manquement à son obligation de conseil dans le cadre précis de la mission qui lui a été confiée.

La cour de cassation a retenu dans un arrêt rendu le 17 Mars 2009, que l'expert-comptable qui a reçu mission de rédiger les bulletins de paie et les déclarations sociales pour le compte de son client a, compte tenu des informations qu'il doit recueillir sur le contrat de travail pour établir ces documents, une obligation de conseil afférente à la conformité de ce contrat aux dispositions légales et réglementaires.

Il est constant qu'en l'espèce aucune lettre de mission n'est intervenue entre les parties et que la SARL CABINET COLOM DAVID avait pour mission d'établir les fiches de paie de Madame [R] née [L], fiches de paie qui ont été versées aux débats et de procéder aux déclarations fiscales.

Dans ces conditions, la SARL CABINET COLOM DAVID était bien débiteur d'une obligation de conseil à l'égard de la SELARL ORL DU DOCTEUR [R].

Il résulte de la lecture des pièces versées aux débats, que par mail du 17 Avril 2012, la SARL CABINET COLOM DAVID a adressé à la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] un projet de contrat de travail pour l'épouse de Monsieur [R], en lui demandant 'plus de détails possible sur les attributions de Madame [R]' et en sollicitant un chèque de 45,65 € pour le Tribunal d'Instance.

Or, ce contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel élaboré pour Madame [R], engagée sur le poste d'assistante médicale n'a jamais été retourné signé par la SELARL ORL DU DOCTEUR [R].

La lecture de la décision rendue par le Conseil de prud'hommes de Mulhouse le 03 Mai 2006 dans le litige opposant Madame [L] épouse [R] et la SELARL ORL DU DOCTEUR [R], démontre qu'en l'absence de signature, 'ce contrat de travail était réputé être conclu pour une durée indéterminée et à temps plein', faute pour la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] de justifier des règles relatives au temps partiel et que le Conseil de Prud'hommes a constaté 'les modifications du planning de Madame [R] de nature à empêcher cette dernière de compléter son temps de travail avec un éventuel autre emploi ainsi que des sanctions notamment pour absence un jour ne devant pas être travaillé'.

Dans ces conditions, la Cour relèvera que la SARL CABINET COLOM DAVID a respecté son obligation de conseil, qui est une obligation de moyen et que la requalification du contrat de travail de Madame [R] ne résulte pas d'une faute du cabinet d'expertise-comptable et ne lui est pas imputable.

En conséquence, la décision entreprise sera confirmée.

Succombant, la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] sera condamnée aux entiers dépens et sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL CABINET COLOM DAVID.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 03 Décembre 2020, par le Tribunal judiciaire de Colmar,

Y A joutant,

Condamne la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] aux entiers dépens,

Rejette la demande de la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] présentée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SELARL ORL DU DOCTEUR [R] à verser à la SARL CABINET COLOM DAVID la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/00310
Date de la décision : 19/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-19;21.00310 ?
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