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12/10/2022 | FRANCE | N°21/03173

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 12 octobre 2022, 21/03173


MINUTE N° 485/22























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA





Le 12.10.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 12 Octobre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/03173 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HUBO



D

écision déférée à la Cour : 18 Juin 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - Greffe du contentieux commercial



APPELANTE :



S.A. SARP OSIS EST anciennement dénommée SUEZ RV OSIS EST

prise en la personne de son représentant légal

[Adress...

MINUTE N° 485/22

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA

Le 12.10.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 12 Octobre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/03173 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HUBO

Décision déférée à la Cour : 18 Juin 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - Greffe du contentieux commercial

APPELANTE :

S.A. SARP OSIS EST anciennement dénommée SUEZ RV OSIS EST

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me GROBON, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Société SAEM COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS C.T.S .

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me REICH, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

M. FREY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES :

 

La société SANEST a conclu un contrat à effet du 1er janvier 2012 avec la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS (ci-après la C.T.S.), portant sur le nettoyage des gorges de rails du réseau de tramway de l'agglomération strasbourgeoise ainsi que le curage des caniveaux de drainage de la plate-forme du réseau tramway, outre le balayage et le nettoyage du tunnel et la maintenance des véhicules de nettoyage dénommés ASPIRAIL mis à disposition par la C.T.S.

 

Le marché venant à échéance le 31 décembre 2014, la société ISS a pris en charge la responsabilité des prestations à compter du 1er janvier 2015 et notamment la maintenance des ASPIRAILS qui lui étaient mis à disposition.

 

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 12 octobre 2015, la société SANEST a mis en demeure la société CTS de lui payer 9 factures pour un montant hors taxes de 73 407,56 €.

 

Par courrier en date du 23 octobre 2015, la société CTS opposait à la société SANEST des négligences ainsi qu'un non-respect de ses obligations quant aux prestations d'entretien et de maintenance des véhicules ASPIRAILS qui auraient été mal exécutées.

 

La société SANEST, devenue la société SUEZ RV OSIS EST puis la société SARP OSIS EST par suite d'un changement de dénomination sociale, a fait délivrer une assignation à la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS (C.T.S.) devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg par acte en date du 19 juin 2017.

 

Par jugement en date du 18 juin 2021, le tribunal judiciaire de Strasbourg a condamné la société CTS COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS à payer à la société SUEZ RV OSIS EST la somme de 88 089,07 € TTC outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 12 octobre 2015, débouté la société SUEZ RV OSIS EST de sa demande de paiement de dommages et intérêts par application de l'article 1147 ancien du code civil, dit et jugé que la société SUEZ RV OSIS EST, anciennement dénommé SANEST a manqué à ses obligations contractuelles d'entretien des véhicules ASPIRAIL, condamné la société SUEZ RV OSIS EST à payer à la CTS la somme de 187 085,23 € au titre de l'indemnisation du préjudice subi, ordonné la compensation de la créance de la CTS à due concurrence des montants sollicités par la société SUEZ RV OSIS EST, débouté la société SUEZ RV OSIS EST et la société CTS de leurs demandes respectives en paiement de sommes au titre des frais irrépétibles, condamné la société SUEZ RV OSIS EST aux entiers dépens.

 

Le tribunal judiciaire de Strasbourg a jugé qu'il existait des éléments tangibles, objectifs et suffisants justifiant des manquements de la société SANEST à ses obligations contractuelles d'entretien et de réparation des deux véhicules ASPIRAILS, qu'une expertise, même sur pièce, n'apparaissait pas nécessaire dans ces conditions, que la société SUEZ ne saurait soutenir sérieusement que le défaut d'entretien et de maintenance des ASPIRAILS serait indépendant de la réalité des prestations effectuées et objets de ses factures qui ne souffriraient pas de contestations et, qu'ainsi, compte tenu des manquements de la société SANEST à ses obligations, la CTS était bien fondée à solliciter la réparation de son préjudice subi, et la compensation avec le montant des sommes demandées par la société SUEZ RV OSIS EST dont la CTS ne discute pas le montant.

 

Par déclaration faite au greffe le 8 juillet 2021, la société SARP OSIS EST a interjeté appel de cette décision.

Par déclaration faite au greffe le 3 août 2021, la société SAEM COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS C.T.S. s'est constituée intimée.

 

Par ses dernières conclusions du 4 octobre 2021, auxquelles était joint le bordereau de communication des pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société SARP OSIS EST demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

 

- Dit et juge que la société SUEZ RV OSIS EST devenue SARP OSIS EST a manqué à ses obligations contractuelles d'entretien des ASPIRAILS ;

- Condamne la société SUEZ RV OSIS EST devenue SARP OSIS EST au paiement de la somme de 187 085,23€ au titre de l'indemnisation du préjudice subi ;

- Ordonne la compensation de la créance de la société CTS à due concurrence ;

- Déboute la société SUEZ RV OSIS EST devenue SARP OSIS EST de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société SUEZ RV OSIS EST devenue SARP OSIS EST aux entiers dépens.

 

L'appelante demande également à la Cour de confirmer le jugement entrepris pour le surplus et en conséquence, de condamner la société CTS à lui payer la somme de 88 089,07 € TTC outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 12 octobre 2015, ces intérêts étant capitalisés, de condamner également la société CTS à lui verser la somme de 10 000 € à titre de dommages par application des dispositions de l'article 1147 du Code Civil, outre une indemnité de 6000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de rejeter toutes demandes reconventionnelles de la société CTS comme étant non fondées et injustifiées, sans qu'il n'y ait lieu à aucune compensation, d'aucune sorte, en constatant que la société SANEST a parfaitement rempli ses obligations, en déclarant irrecevables et inopposables les éléments produits par la société CTS au soutien de ses allégations et, très subsidiairement, en constatant le caractère injustifié et non fondé de la demande elle-même, de débouter la société CTS de l'ensemble de ses demandes et appels incidents, et de condamner la  société CTS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

 

Au soutien de ses prétentions, la société SARP OSIS EST soutient, sur le caractère inopposable et tardif des documents allégués par la société CTS et le respect par la société SANEST de ses obligations, qu'il est juridiquement et matériellement impossible de lui opposer quelques défaillances que ce soient dès lors qu'il y a eu une réception sans réserve des deux ASPIRAILS, que la reprise et la poursuite d'exploitation et d'entretien se sont fait sans réserve et sous l'unique responsabilité de la société CTS et de son nouvel adjudicataire, qu'il est impossible de déterminer de façon certaine l'imputabilité et le lien de causalité des prétendues défaillances alléguées postérieurement par la société CTS.

L'appelante fait également valoir qu'à la fin du contrat, à savoir le 31 décembre 2014, la société CTS n'avait émis aucune remarque à son encontre alors qu'il ressortait du contrat et du cahier des charges que la société CTS assurait un suivi et une surveillance de la prestation mais également qu'elle avait un droit de regard complet et notamment de contrôle des prestations effectuées pour son compte par la société SANEST.

Elle indique par ailleurs, que dans le cadre du nouvel appel d'offre, la CTS a attribué à la société SANEST la note maximum de 20/20 pour la qualité de la réponse et la technicité des offres proposées par cette dernière.

 

Concernant les documents produits par la CTS qu'elle qualifie d'inopposables et tardifs, la société SARP OSIS EST soutient qu'un constat d'huissier n'est pas un rapport d'expertise technique, que les rapports établis par la société HILTON KOMMUNAL ne font pas l'objet d'une traduction certifiée et assermentée ce qui fait échec à leur production, qu'ils ont été établis de façon non contradictoire, que compte tenu de la tardiveté de ces rapports, il ne peut être fait de distinction entre les prétendus travaux de maintenance qui seraient imputables à la société SANEST et ceux qui relèveraient de l'utilisation par la société ISS pendant plusieurs mois. Elle soutient que les dates auxquelles les devis annexés ont été établis n'apparaissent pas en lien cohérent avec les dates d'examens proposées. Enfin, elle soutient que les factures elles-mêmes sont en langue allemande et non traduites et donc irrecevables.

 

Sur le caractère injustifié et non fondé de la demande, l'appelante prétend que rien ne démontre que la société SANEST n'avait pas rempli ses obligations puisque les éléments apportés par la CTS sont des éléments techniques résultant d'une période d'exploitation qui n'était plus placée sous la responsabilité de la société SANEST mais de la société ISS, que ces éléments ne tiennent pas compte des termes du contrat et du cahier des charges puisque, en termes de maintenance, tout n'était pas à la charge de la société SANEST et que seul ce qui relevait concrètement de ses prestations doit être expressément caractérisé sur le plan technique, or tel n'est pas le cas puisqu'il est impossible d'identifier ce qu'il en est à ce sujet.

 

L'appelante affirme que le procès-verbal de constat d'huissier est, tant sur la forme que sur le fond, inexploitable, que la société SANEST n'était pas au courant qu'un huissier serait présent. Elle fait valoir un certain nombre d'inexactitudes notamment que Monsieur [G] ne s'est pas laissé tomber mais a chuté, que les termes traduits et employés n'ont pas de signification claire notamment sur le plan technique, que l'huissier ne constate pas par lui-même mais précise 'il m'a été indiqué' ce qui signifie qu'il ne fait que rapporter les déclarations voulues par la société CTS et ses représentants. Elle en déduit qu'il ne s'agit pas d'un rapport technique contradictoire et recevable.

 

Elle soutient que seule la constatation de la fuite peut être admise, et que l'ensemble des points évoqués dans le procès-verbal de constat d'huissier font partie d'une usure  normale pour des véhicules de conception et qualité moyenne, que les problèmes constatés ce jour-là ont été rencontrés et résolus à plusieurs reprises tout au long des 7 années d'exploitation par SANEST et qu'il est donc normal qu'ils continuent après le 31 décembre 2014 de faire l'objet du même entretien, à charge du nouvel adjudicataire la société ISS.

 

De façon subsidiaire, l'appelante prétend que la demande reconventionnelle de la société CTS n'est ni fondée ni justifiée, que c'est à la société CTS de faire la démonstration de ses prétentions et qu'il ne lui appartient pas de prendre à sa charge une mesure d'expertise dont elle n'est pas à l'initiative et surtout une expertise au sujet des pièces changées par la société HILTON KOMMUNAL puisqu'il est établi que ces pièces ont été changées après des mois d'exploitation par le nouvel adjudicataire, la société ISS.

 

Par ses dernières conclusions du 3 janvier 2022, auxquelles était joint le bordereau de communication des pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS (CTS) demande à la Cour de déclarer la société SARP OSIS EST mal fondée en son appel, en conséquence, de l'en débouter, ainsi que de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise confiée à tel Expert judiciaire qu'il plaira à la Cour de désigner, avec pour mission de :

 

- Se faire adresser par la société HILTON KOMMUNAL les pièces défectueuses qu'elle a dû retirer des deux ASPIRAILS appartenant à la CTS pour les changer et qu'elle conserve dans ses ateliers ;

- Convoquer les parties ;

- Se faire communiquer tout document utile à l'accomplissement de sa mission, et s'adjoindre si nécessaire tout sachant de son choix ;

- Effectuer toute constatation et analyse utiles sur les vices affectant lesdites pièces ;

- Effectuer toute constatation et analyse utiles sur leurs origines et leurs causes ;

- Donner tous les éléments permettant au Tribunal d'apprécier les responsabilités encourues ;

- Evaluer les préjudices subis par la C.T.S et chiffrer leurs coûts.

 

L'intimée demande également à la Cour de dire que la société SARP OSIS EST fera l'avance des frais d'expertise et en tout état de cause, statuant sur les frais, de débouter la société SARP OSIS EST de sa demande au titre des frais irrépétibles et des dépens, de condamner la société SARP OSIS EST au paiement d'une indemnité de 6 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et de la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

 

Au soutien de ses prétentions, la société CTS fait valoir, à titre principal, sur la confirmation du jugement entrepris, qu'il ne pourra pas être fait droit aux demandes indemnitaires de l'appelante dès lors qu'elle dispose d'une contre-créance nettement supérieure à celle dont elle se prévaut. 

 

Sur les obligations contractuelles de la société SANEST, elle précise qu'il résulte du cahier des charges que la société SANEST devait procéder à l'entretien et à la réparation des machines, des outils et des accessoires nécessaires à la bonne exécution de la prestation, ce qui inclut les deux véhicules ASPIRAILS et, également, de les maintenir en parfait état de fonctionnement et conforme aux normes en vigueur.

 

Sur le manquement de la société SANEST à ses obligations concernant le véhicule ASPIRAIL U4 immatriculé 667 AWL 67, l'intimée soutient qu'il résulte du procès-verbal de constat d'huissier que l'ASPIRAIL U4 n'a pas été correctement entretenu, que la société SANEST représentée lors de ces constatations, ne peut pas ignorer les désordres, qu'il importe peu que la CTS ne lui ait pas communiqué le procès-verbal ou qu'elle n'ait pas émis de réserves écrites suite aux opérations de constat. Elle fait également valoir que d'autres désordres imputables à un défaut d'entretien par la société SANEST, ont été constatés par la société HILTON KOMMUNAL chargée de la révision du matériel.

 

Sur le manquement de la société SANEST à ses obligations concernant le véhicule ASPIRAIL U5 immatriculé 989 BDZ 67, elle soutient que préalablement au transfert des véhicules au nouveau prestataire de service, l'huissier a constaté que l'ASPIRAIL U5 n'a pas été correctement entretenu, que s'agissant de la roue ferroviaire, le procès-verbal de constat indique notamment : 'Monsieur [F] déclare que : 'le rail a 4 entrées et un souci de fuite. Il y a un problème de jeu trop important. De ce fait, il y a un risque de déraillement et les 2 cotés vont s'affaisser. D'un côté comme la roue est rigide, elle risque de se lever et de sortir de la gorge du rail.' et 'le mode secours n'était plus opérationnel'. L'intimée fait également valoir que les parties ont constaté une série de dysfonctionnement lors de l'inspection du 8 janvier 2015 auxquelles se sont ajoutées les constatations de la société HILTON KOMMUNAL, qu'ainsi il est clair que la société SANEST a manqué à ses obligations contractuelles puisqu'elle n'a pas maintenu en parfait état de fonctionnement le véhicule ASPIRAIL U5.

 

Sur les arguments de la société SANEST, à titre liminaire, l'intimée fait valoir que la société SANEST ne communique aucun élément objectif ou chiffré de nature à prouver que la société CTS aurait attendu d'être mise en demeure de payer pour invoquer des défaillances et un préjudice, que l'appelante était présente lors des constatations faites en date du 8 janvier 2015, avant transfert des véhicules au nouveau prestataire, qu'elle l'a informée par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 juin 2015 que d'autres désordres ont été relevés par la société HILTON KOMMUNAL après démontage, qu'elle lui a proposé de participer à une visite conjointe sur site afin de constater de façon contradictoire les défauts relevés sur les véhicules, qu'aucune donnée chiffrée n'a pu être adressée à la société SANEST au mois d'octobre 2015 puisque la société HILTON KOMMUNAL n'a émis ses factures relatives aux travaux effectués sur le véhicule ASPIRAIL U4 qu'au mois de novembre 2015, qu'ainsi il est faux de prétendre que la CTS aurait attendu d'être mise en demeure de régler les factures pour opposer un non-respect de ses obligations à la société SANEST.

 

Sur le prétendu caractère inopposable et tardif des documents allégués par la CTS et le prétendu respect par la société SANEST de ses obligations, l'intimée argue qu'elle n'a pas repris la garde et la responsabilité des ASPIRAILS sans réserve puisqu'une réunion contradictoire en présence d'un huissier a eu lieu le 8 janvier 2015, que le fait qu'elle n'ait émis aucune remarque au cours du marché alors qu'elle avait un droit de regard et de contrôle des prestations est sans emport et ne signifie nullement que la société appelante n'a pas manqué à son obligation de résultat de maintenir les deux ASPIRAILS en parfait état de réparation, que les notes relatives aux offres d'appel sont attribuées sur la base des offres écrites des candidats et ne tiennent pas compte des relations pouvant exister entre l'entité adjudicatrice et le candidat. L'intimée soutient qu'outre le fait que la société SANEST n'a fait aucune demande à ce titre, le fait que le procès-verbal de constat ne lui ait pas été transmis est sans emport, que s'agissant des visites techniques organisées dans les locaux de la société HILTON KOMMUNAL, la société SANEST a régulièrement été invitée à y assister et elle ne peut, sous prétexte qu'elle n'a pas souhaité faire le déplacement, conclure à l'absence de caractère contradictoire et à l'inopposabilité des opérations de constatation des désordres, qu'il est de jurisprudence constante que le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire. Ainsi, elle soutient qu'il existe des éléments tangibles et objectifs justifiant des manquements aux obligations contractuelles d'entretien de l'appelante. 

 

Sur la réparation du préjudice subi par la CTS, l'intimée soutient que les manquements de la société SANEST à ses obligations de maintenance et d'entretien des deux véhicules l'ont contrainte à les envoyer successivement dans les locaux de leur fabriquant pour réparation, ce qui lui a été facturé 94 066,78 € pour la remise en état de l'Aspirail U4 et 93 018,45 € pour celle de l'ASPIRAIL U5, qu'ainsi elle était bien fondée à solliciter le versement d'une somme de 187 085,23 €.

 

La société CTS soutient, à titre infiniment subsidiaire, sur la demande d'expertise, que, si par impossible, la Cour estimait avoir besoin des lumières d'un technicien pour l'éclairer sur lesdits, et ce conformément aux dispositions de l'article 232 du Code de procédure civile, qu'une expertise pourrait être faite sur pièces puisque la société HILTON KOMMUNAL a conservé les pièces endommagées qu'elle a dû démonter sur les véhicules, lors de leur examen plus approfondi après la réunion contradictoire du 8 janvier 2015 qui n'avait consisté qu'en un examen visuel sans démontage des sous-ensembles.

 

Sur les frais, l'intimée soutient qu'une indemnité de 6 000 € devra lui être allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 Février 2022.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 02 Mars 2022.

 

MOTIFS DE LA DECISION :

 

Sur le manquement de la société SARP OSIS EST à ses obligations contractuelles :

La Cour relève qu'il ressort de l'article 3 du contrat conclu entre les parties et signé en date du 3 mars 2011 que la prestation confiée au titulaire, à savoir la société SARP OSIS EST, est définie par le cahier des charges en annexe. 

 

Aux termes de l'article 3.4.1 du cahier des charges, le titulaire aura à sa charge l'entretien et la réparation des machines, des outils et des accessoires nécessaires à la bonne exécution de la prestation.

 

L'article 3.4.2 du cahier des charges concernant les véhicules de nettoyage ASPIRAILS dispose également :

' L 'entretien (maintenance préventive, curative, contrôles réglementaires, etc') des châssis poids lourds et des équipements et accessoires rapportés faisant la spécificité des véhicules est à la charge du titulaire qui devra justifier d'un atelier et de compétences de maintenance poids-lourds sur la région de [Localité 3].

A ce titre :

- Le titulaire maintiendra à jour, conformément aux prescriptions constructeur, le carnet de maintenance et le tiendra à disposition de la C.T.S.

- le titulaire devra fournir semestriellement une attestation de conformité délivrée par un organisme de sécurité des matériels ou d'équipements et le certificat des passages aux mines.

- le titulaire devra présenter à l'occasion des réunions trimestrielles un bilan 'à livre ouvert' des travaux de maintenance préventive ou curative réalisés ou prévus en détaillant les pièces, les fournitures diverses et les heures de main d''uvre.

Si en fin d'exercice, il est constaté une variation supérieure à +/- 5% du montant alloué à l'entretien des véhicules ASPIRAIL U4 et U5 un ajustement financier sera réalisé.'

Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier en date du 8 janvier 2015, produit en annexe 6 par l'intimée, que ce dernier a été dressé en présence d'un directeur d'agence de la société SANEST à savoir Monsieur [L] [S], puis d'un directeur technique, Monsieur [Z], et que la seule remarque formulée par eux, l'a été par Monsieur [S] qui a déclaré ne pas comprendre l'allemand et a constaté l'absence d'un traducteur assermenté. Les dires de Monsieur [F], technicien de la société HILTON KOMMUNAL GMBH, ont été traduits par Madame [V] [T], clerc assermentée attachée à l'étude de l'huissier, ainsi que par le personnel de la CTS. Il est relevé que les représentants de la société SANEST n'ont formulé aucune remarque quant aux constatations émises par les représentants de la société CTS ou la société HILTON KOMMUNAL GMBH.

S'agissant du véhicule ASPIRAIL U4, l'huissier instrumentaire a relevé :

'Véhicule de 7 ans : Traces d'usure normale d'utilisation.

- Jeu dans les fixations de la cuve sur le châssis attribué à un défaut de graissage régulier desdites fixations ;

- une fissure au niveau du pot d'échappement ;

- une fuite sur le vérin hydraulique de la roue ferroviaire ;

- une rupture mécanique sur l'axe avant ;

- le sable présent à l'intérieur des sablières est durci et le système d'ouverture est endommagé ;

- des impacts sont présents à l'arrière du véhicule ;

- l'outillage et les clés de levage permettant de faire descendre la partie cabine sont absents.'

 

L'huissier a également relevé les constations suivantes concernant l'ASPIRAIL U5 :

- problème de jeu trop important sur la roue ferroviaire du véhicule U5, de ce fait risque de déraillement et les 2 côtés vont s'affaisser' comme la roue est rigide d'un côté elle risque de se lever et de sortir de la gorge du rail ;

- l'axe du distributeur est grippé et ne fonctionne plus ;

- la pompe électrique est également défectueuse ;

- le ventilateur n'a pas été régulièrement nettoyé, ce qui provoque l'agglomération des particules et peut provoquer le basculement du véhicule ;

- la société SANEST a cassé des vis de la roue ferroviaire en enlevant des tuyaux pour les reprofiler ;

- il existe un problème de fixation sur le support du flexible d'aspiration arrière.

- la caméra permettant de faciliter l'enraillement à partir du poste de pilotage est cassée.'

 

Ces constatations sur l'état défectueux des deux machines ASPIRAIL ont été complétées par deux rapports en date du 29 octobre 2015 de la société HILTON KOMMUNAL. Il est relevé que, par courrier recommandé avec accusé de réception du 26 juin 2015, la société CTS a proposé 4 dates au mois de juillet 2015 afin d'organiser une visite conjointe dans les locaux de la société HILTON KOMMUNAL pour que cette dernière puisse dresser un rapport contradictoire sur l'état des deux ASPIRAILS, mais que la société SANEST n'était pas disponible aux dates proposées. Ces rapports versés aux débats par l'intimée, ont fait l'objet d'une traduction libre et indiquent :

- Concernant l'état de l'ASPIRAIL U4 :

 

'L'état du véhicule a été classé défectueux. Nous estimons que les travaux de nettoyage et de maintenance ont été exécutés de façon insuffisante. La maintenance annuelle préconisée par le fabricant n'a pas été assurée.'

 

'Les roues motrices étaient endommagées par endroits' Le système de graissage des rails était inutilisable'

 

'Les plaques d'encrage étaient pour partie gravement endommagées' L'un des éléments de support présente d'importants dommages. Des traces d'intervention pénètrent profondément dans le matériel' ce défaut a également généré des dommages au niveau de certaines parties du moteur. La roue à denture et l'arbre de transmission ont été remplacés pour prévenir d'autres défauts'

 

'Tous les guidages d'axe étaient usés. Les glissières du bogie sont pour partie endommagées. Les glissières et les supports du bogie ainsi que tous les axes du bogie ont été remplacés. Deux autres vérins ont été remplacés suite à d'importantes apparitions d'usure et en raison de tiges de piston défectueuses'

- Concernant l'état de l'ASPIRAIL U5 :

'le ventilateur ainsi que le caisson sont très sales et ont été mal entretenus. La turbine ne correspond pas au boîtier. Le boîtier du moteur hydraulique est défectueux. La turbine du ventilateur ainsi que les paliers de l'axe sont remplacés ou remis en état. Le caisson et l'isolation sont remis en état.'

 

Il ressort, d'une part, du procès-verbal de constat d'huissier et, d'autre part, des deux rapports de la société HILTON KOMMUNAL qu'un manquement à l'entretien des véhicules ASPIRAIL a conduit à leur détérioration. Le procès-verbal de constat d'huissier ayant été dressé 8 jours après la fin du marché liant la société SANEST et la société CTS, il ne peut pas être reproché à la société C.T.S. de se prévaloir de documents établis tardivement, ni de n'avoir émis aucune réserve au moment de la restitution des véhicules ASPIRAIL intervenu le 31 décembre 2014.

De surcroît, l'entretien des véhicules ASPIRAIL relevant de la responsabilité de la société SANEST jusqu'au 31 décembre 2014, le tribunal judiciaire de Strasbourg a retenu à bon droit qu'il existe des éléments tangibles, objectifs et suffisants justifiant des manquements de la société SANEST, aujourd'hui la société SARP OSIS EST, à ses obligations contractuelles d'entretien et de réparation des deux véhicules ASPIRAILS et qu'il n'apparaît pas nécessaire d'ordonner une expertise.

 

C'est également à bon droit que le tribunal judiciaire de Strasbourg a retenu que l'issue de la procédure exclut qu'il soit fait droit à la demande de la société SARP OSIS EST en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil.

 

La Cour relève que la société CTS ne conteste pas la réalité des 9 factures dont se prévaut la société SARP OSIS EST pour un montant de 88 089,07 € TTC et que la remise en état des deux véhicules ASPIRAIL a été facturée par la société HILTON KOMMUNAL GMBH à une somme totale de 187 085,23 €.

 

Il convient alors de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CTS à payer à la société SARP OSIS EST la somme de 88 089,07 TTC outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 12 octobre 2015 et en ce qu'il a condamné la société SARP OSIS EST à payer à la CTS la somme de 187 085,23 € au titre de l'indemnisation du préjudice subi.

 

Sur les frais et dépens :

 

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais et dépens et sur la somme octroyée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 

 

La société SARP OSIS EST succombant, il convient de la condamner aux frais et dépens d'appel et de rejeter sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel au profit de la CTS.

 

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 18 juin 2021,

 

Et y ajoutant,

 

CONDAMNE la société SARP OSIS EST aux entiers dépens d'appel,

 

REJETTE la demande présentée par la société SARP OSIS EST sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

 

REJETTE la demande présentée par la société COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS (CTS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

LA GREFFIÈRE :LA PRÉSIDENTE :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 21/03173
Date de la décision : 12/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-12;21.03173 ?
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