MINUTE N° 482/22
Copie exécutoire à
- Me Laurence FRICK
- Me Guillaume HARTER
Le 12.10.2022
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 12 Octobre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/02925 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNBY
Décision déférée à la Cour : 15 Septembre 2020 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE - 1ère chambre civile
APPELANTE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU [Localité 6]
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour
INTIMES :
Monsieur [K] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Madame [I] [D] épouse [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me ANCEL, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Janvier 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
M. FREY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- Contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'assignation délivrée le 12 juillet 2018 par laquelle M. [K] [S] et Mme [I] [D], épouse [S], ci-après également dénommés 'les époux [S]' ou 'les consorts [S]', ont fait citer la Caisse de Crédit Mutuel (CCM) du [Localité 6], ci-après également 'le Crédit Mutuel' ou 'la banque', devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Mulhouse,
Vu le jugement rendu le 15 septembre 2020, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Mulhouse a :
- requalifié le contrat de prêt personnel consenti aux époux [S], en date du 10 décembre 2014, en contrat immobilier,
- prononcé la déchéance des intérêts au taux conventionnel,
- prononcé la substitution du taux d'intérêt légal à compter du 9 décembre 2014,
- dit que cet intérêt au taux légal variera tous les semestres, à chaque modification légale,
- dit que le Crédit Mutuel devra restituer les sommes versées au titre des intérêts conventionnels du 10 décembre 2014 au 8 novembre 2018, date du remboursement intégral du prêt, soit 11 908,06 euros, déduction faite des intérêts dus, au taux légal et en tant que de besoin, l'a condamné au paiement,
- rejeté la demande de dommages et intérêts des époux [S],
- rejeté la demande au titre de l'indemnité d'exigibilité,
- déclaré sans objet la demande de constat relativement a la police d'assurance crédit immobilière, et, en conséquence, l'a rejetée
- rejeté la demande d'imputation des règlements en priorité sur le capital,
- condamné le Crédit Mutuel du [Localité 6] à verser aux époux [S] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné le Crédit Mutuel du [Localité 6] aux dépens ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Vu la déclaration d'appel formée par la CCM du [Localité 6] contre ce jugement, et déposée le 12 octobre 2020,
Vu la constitution d'intimée de M. [K] [S] et Mme [I] [D], épouse [S] en date du 23 décembre 2020,
Vu les dernières conclusions en date du 30 novembre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la CCM du [Localité 6] demande à la cour de :
'DECLARER l'appel recevable,
Le DECLARER bien fondé,
INFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE en date du 15 septembre 2020 en ce qu'il a :
- Requalifié le contrat de prêt personnel consenti aux époux [S] en date du 10 octobre 2014 en contrat immobilier ;
- Prononcé la déchéance des intérêts au taux conventionnel ;
- Prononcé la substitution du taux d'intérêt légal à compter du 9 décembre 2014 ;
- Dit que cet intérêt au taux légal variera tous les semestres à chaque modification
légale ;
- Dit que le CREDIT MUTUEL devra restituer les sommes versées au titre des intérêts conventionnels du 10 décembre 2014 au 8 novembre 2018 date du remboursement intégral du prêt soit 11.908,06 euros déduction faite des intérêts dus au taux légal et en tant que de besoin, le condamne au paiement ;
- Rejeté la demande de dommages et intérêts des époux [S] ;
- Rejeté la demande au titre de l'indemnité d'exigibilité ;
- Déclaré sans objet la demande de constat relative à la police d'assurance crédit immobilier et en conséquence la rejette ;
- Rejeté la demande d'imputation des règlements en priorité sur le capital ;
- Condamné la CAISSE DE CREDIT MUTUEL à verser aux époux [S] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 ;
- Condamné la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU [Localité 6] aux dépens ;
Statuant à nouveau dans cette limite
DIRE n'y avoir lieu à requalification du contrat de prêt personnel consenti à Monsieur et Madame [S] en contrat de prêt immobilier,
DEBOUTER Monsieur et Madame [S] de l'intégralité de leurs fins et conclusions,
CONDAMNER in solidum Monsieur [K] [S] et Madame [I] [S] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU [Localité 6] une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du CPC pour la procédure de première instance,
CONDAMNER in solidum Monsieur [K] [S] et Madame [I] [S] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU [Localité 6] une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du CPC pour la procédure d'appel,
CONDAMNER in solidum Monsieur [K] [S] et Madame [I] [S] aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance,
CONDAMNER in solidum Monsieur [K] [S] et Madame [I] [S] aux
frais et dépens de la procédure d'appel,
CONFIRMER le jugement pour le surplus.'
et ce, en invoquant, notamment :
- l'absence de qualification de crédit immobilier du prêt litigieux, l'offre de prêt mentionnant d'ailleurs un prêt personnel, et s'agissant d'un crédit de trésorerie destiné à attendre la perception de fonds par les emprunteurs en vue de l'acquisition d'un bien immobilier, et ce alors que la concluante leur avait refusé l'octroi d'un prêt immobilier à cette fin, peu important, par ailleurs, que la banque ait eu connaissance de l'opération envisagée, que le remboursement anticipé ait eu lieu selon d'autres modalités que celles prévues, et que la CCM ait proposé un contrat d'assurance multirisques pour l'immeuble acquis,
- l'exclusion, en tout état de cause, de l'application des dispositions du code de la consommation, s'agissant de l'acquisition d'un bien destiné à la location, contrairement aux affirmations des parties adverses dont l'immeuble n'aurait pas été l'habitation principale, en tout cas dans les années suivant son acquisition,
- l'absence de nullité de la stipulation d'intérêts, en présence d'un TEG clairement indiqué, et accepté en connaissance de cause par les emprunteurs, qui avaient parfaitement conscience que le prêt souscrit était un prêt personnel et qu'ils ne pouvaient pas bénéficier d'un prêt immobilier de la part de la CCM, un TEG plus élevé en raison du type de crédit accordé n'étant pas une cause de nullité de la stipulation d'intérêts, outre, à titre superfétatoire, qu'une éventuelle erreur sur le TEG est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, modulable par le juge en application de l'ordonnance du 17 juillet 2019, étant rappelé que la Cour de cassation a jugé que cette sanction est applicable quelle que soit la date de souscription du contrat de prêt ;
Vu les dernières conclusions en date du 30 septembre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [K] [S] et Mme [I] [D], épouse [S] demandent à la cour de :
'Sur l'appel principal
REJETER l'appel formé par le Crédit Mutuel - CCM DU [Localité 6],
En conséquence,
CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
CONDAMNER le Crédit Mutuel - CCM DU [Localité 6] aux entiers frais et dépens de 1ère instance,
CONDAMNER le Crédit Mutuel - CCM DU [Localité 6] à verser aux Consorts [S] la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les procédures de 1ère instance et d'appel,
CONDAMNER le Crédit Mutuel - CCM DU [Localité 6] aux entiers dépens de la
procédure d'appel.'
et ce, en invoquant, notamment :
- la finalité immobilière de l'opération financée, et ce en toute connaissance de la banque, à laquelle il est reproché d'avoir délibérément 'déguisé' cette finalité, notamment pour exiger un taux d'intérêt financièrement plus intéressant pour elle, tout en accordant une assurance habitation sur l'immeuble financé, en garantissant le prêt par l'inscription d'une hypothèque conventionnelle sur l'immeuble, et en l'absence de l'attente de tout apport complémentaire susceptible de justifier le prêt à ce titre, le tout impliquant la soumission du prêt litigieux au régime des crédits immobiliers,
- l'application, dès lors que la banque a proposé aux concluants un prêt personnel, dont le taux effectif global du prêt était largement plus important, d'un TEG erroné, sanctionnée par la nullité de la stipulation d'intérêts, outre un préjudice résultant de l'octroi d'un prêt à des conditions financières désavantageuses,
- l'acquisition par les concluants de l'immeuble à des fins d'habitation, pour lesquelles la banque leur a d'ailleurs consenti une police d'assurance.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 décembre 2021,
Vu les débats à l'audience du 19 janvier 2022,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la qualification du prêt litigieux et l'application du code de la consommation :
Selon l'article L. 312-2 du code de la consommation, dans sa version applicable en la cause, les dispositions du chapitre de ce code relatif aux crédits immobiliers s'appliquent aux prêts qui, quelle que soit leur qualification ou leur technique, sont consentis de manière habituelle par toute personne physique ou morale en vue de financer les opérations suivantes :
1° Pour les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel d'habitation :
a) Leur acquisition en propriété ou en jouissance ;
b) La souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété ou en jouissance ;
c) Les dépenses relatives à leur construction, leur réparation, leur amélioration ou leur entretien lorsque le montant de ces dépenses est supérieur à celui fixé en exécution du dernier alinéa de l'article L. 311-3 ;
2° L'achat de terrains destinés à la construction des immeubles mentionnés au 1° ci-dessus.
L'article L. 312-3 du même code, pris dans sa même version, précise que sont exclus du champ d'application de ce chapitre :
1° Les prêts consentis à des personnes morales de droit public ;
2° Ceux destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance ;
3° Les opérations de crédit différé régies par la loi n° 52-332 du 24 mars 1952 relative aux entreprises de crédit différé lorsqu'elles ne sont pas associées à un crédit d'anticipation.
En l'espèce, les époux [S] ont souscrit auprès de la banque, selon offre en date du 19 décembre 2014, un contrat de crédit 'personnel', selon son intitulé, d'un montant de 70 000 euros, remboursable en 180 échéances de 577,36 euros, garanti par une hypothèque immobilière conventionnelle prise sur l'immeuble sis [Localité 7], s'agissant d'une maison d'habitation acquise par les emprunteurs à l'issue d'une vente à la bougie, selon procès-verbal d'adjudication en date du 23 octobre 2014, pour la somme de 145 000 euros, les époux [S] s'étant vus refuser, par un courrier daté du 31 octobre 2014, le concours du Crédit Mutuel pour l'obtention d'un prêt immobilier d'un montant de 100 000 euros remboursable sur 180 mois, en vue de financer cette acquisition.
Le prêt octroyé selon l'offre précitée est, par ailleurs, assorti d'une adhésion des emprunteurs à l'assurance facultative couvrant les garanties 'décès' et 'perte totale et irréversible d'autonomie'.
Il est indiqué dans la fiche de renseignements établie par la banque et jointe au contrat de crédit que : 'l'emprunteur a fait part de son intention de bénéficier d'un crédit destiné à financer un projet', sans autre précision.
Il sera encore précisé que la maison d'habitation précitée a été assurée en date du 19 décembre 2014, et à compter du 1er janvier 2015, auprès de la CCM du [Localité 6], en tant que résidence principale des époux [S].
La banque invoque la souscription d'un crédit de trésorerie destiné à attendre la perception effective de fonds provenant de la mère de Mme [S], ce que réfutent les époux [S], qui entendent faire observer que le prêt n'est soldé que depuis le 8 novembre 2018 - ce que ne conteste, d'ailleurs, pas la banque, qui évoque, pour sa part, un remboursement au moyen d'un autre crédit souscrit par les époux [S] auprès de la Caisse d'Épargne - et aurait donc servi de complément aux fonds reçus de la mère de Mme [S] à la suite de la vente d'une maison au Maroc.
Or, il doit être noté que figure, en annexe du contrat de prêt notarié en date du 8 janvier 2015 produit par la banque et d'ailleurs intitulé 'contrat de prêt immobilier', même s'il reprend, dans les caractéristiques du prêt, l'intitulé 'crédit personnel', une 'offre irrévocable de versement' en date du 16 décembre 2015 autorisant Me [U], notaire à la résidence de [Localité 7], à verser à la banque la somme de 70 000 euros provenant de la vente d'un bien immobilier à [Localité 5], appartenant à la mère de Mme [S], et ce, à condition du paiement de la somme de 130 500 euros correspondant au solde du prix de vente de l'adjudication du bien immobilier sis à [Localité 7] et adjugé aux consorts [S].
S'il n'est pas justifié de la réception des fonds correspondant à cette vente dans la comptabilité du notaire ou de la banque, ou en tout cas de sa date de réalisation, il est, en revanche, établi que deux virements ont été effectués au profit du notaire, l'un de 60 500 euros en date du 23 décembre 2014, l'autre de 70 000 euros en date du 17 janvier 2015, date du déblocage du prêt à hauteur du même montant.
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les époux [S] ont bien versé au notaire la somme de 130 500 euros, résultant, d'une part, du versement de la somme de 60 500 euros, laquelle correspond à peu près au montant de l'épargne qu'indiquent avoir constituée les époux [S], d'autre part du versement de la somme de 70 000 euros issue du déblocage du prêt. Ainsi, le versement de la somme de 70 000 euros a bien eu pour effet de contribuer au financement de l'acquisition immobilière des époux [S], l'offre de versement faite par ces derniers au profit de la banque ne pouvant s'analyser que comme une modalité de désintéresser l'établissement à la suite de son concours, et ce alors que, nonobstant le déblocage du prêt et le versement de la somme correspondante au notaire, il n'est pas établi que l'offre de versement de la somme issue de la vente d'un bien familial au Maroc aurait été suivie d'effet, la banque affirmant, d'ailleurs, comme cela vient d'être rappelé, le contraire. Il sera, du reste observé, que les modalités de remboursement du prêt, sur 180 mensualités, sont les mêmes que celles qui avaient été envisagées pour le crédit immobilier finalement refusé, et n'apparaissent pas relever de celles d'un crédit d'attente.
Dans ces conditions, la banque étant au fait de l'acquisition immobilière des intéressés, puisqu'elle avait refusé de la financer par le truchement d'un prêt immobilier en bonne et due forme, tout en acceptant d'assurer à titre d'habitation principale le bien correspondant, c'est à bon droit que le premier juge a requalifié le crédit litigieux en contrat de crédit immobilier.
C'est également à bon droit qu'il a jugé sans incidence sur l'application des dispositions du code de la consommation l'objet de l'investissement, alors qu'il vient d'être rappelé que le bien a été assuré comme habitation principale, le seul fait qu'ils aient conservé la même adresse lors de l'octroi du prêt et lors de l'introduction de l'instance ne suffisant pas à caractériser l'exercice d'une activité professionnelle impliquant l'exclusion de l'application des dispositions du code précité.
Sur la sanction :
Les époux [S] font valoir que, le taux appliqué au crédit litigieux à hauteur de 5 % étant erroné, il y aurait lieu de prononcer l'annulation de la stipulation conventionnelle, la substitution du taux d'intérêt légal fixé pour l'année 2014, soit 0,04 % au taux d'intérêt conventionnel à compter de la date de signature de l'offre de prêt et la restitution des intérêts déjà versés. Il doit cependant être observé que les intéressés sollicitent la confirmation du jugement entrepris, lequel a prononcé la déchéance des intérêts au taux conventionnel et non la nullité de la stipulation d'intérêts, ce qui implique que les intimés sont réputés approuver les motifs du jugement sur ce point.
La CCM du [Localité 6] s'y oppose en contestant toute erreur sur le taux, précisant, comme il a été indiqué précédemment, qu'un TEG plus élevé en raison du type de crédit accordé ne serait pas une cause de nullité de la stipulation d'intérêts, outre, à titre superfétatoire, qu'une éventuelle erreur sur le TEG serait sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, modulable par le juge en application de l'ordonnance du 17 juillet 2019, et ce quelle que soit la date de souscription du contrat de prêt.
Sur ce, la cour rappelle qu'en application de l'article L. 312-33 du code de la consommation, tel qu'applicable en la cause, combiné à l'article L. 312-8 de ce même code, le prêteur pourra, fût-ce s'agissant d'un contrat de crédit conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 17 juillet 2019, être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, au regard du préjudice subi par l'emprunteur, en cas d'erreur affectant le taux effectif global d'un prêt.
En l'espèce, si la banque conclut à l'exactitude du taux du prêt octroyé, c'est au regard de la nature de crédit personnel qu'elle estime être en cause, alors qu'il a été procédé à la requalification du contrat litigieux, sans contester que le TEG puisse être plus élevé en raison du type de crédit accordé.
Or, au vu des conclusions auxquelles elle est parvenue sous l'angle de la qualification du contrat, la cour estime que la requalification induit une erreur de taux qui suppose de prononcer la déchéance du droit aux intérêts. Au regard des éléments dont elle dispose, la cour estime que le préjudice invoqué par les consorts [S] sera justement réparé par une déchéance des intérêts à hauteur de 50 %, impliquant une restitution à hauteur de la moitié des sommes versées au titre des intérêts pour la période du 10 décembre 2014 au 8 novembre 2018, soit 5 954,03 euros.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance intégrale du droit aux intérêts et la substitution de l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel.
Enfin, les époux [S], s'ils évoquent dans le corps de leurs conclusions le versement d'une somme de 3 000 euros en réparation de leur préjudice sur le fondement de l'article 1240 du code civil, ne contestant pas, dans le dispositif de leurs écritures, les dispositions du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts qu'ils avaient formulée en première instance, pas davantage qu'ils ne formulent de demande distincte, il y a lieu à confirmation de ce chef de la décision dont appel.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La CCM du [Localité 6] succombant, fût-ce partiellement, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.
L'équité commande en outre de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une comme de l'autre des parties, tout en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme le jugement rendu le 15 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Mulhouse, sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance intégrale du droit aux intérêts et la substitution de l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel,
Statuant à nouveau des chefs de la demande infirmés,
Prononce la déchéance des intérêts à hauteur de 50 %,
Dit que le Crédit Mutuel devra restituer, à hauteur de 5 954,03 euros, la part correspondante des sommes versées au titre des intérêts conventionnels du 10 décembre 2014 au 8 novembre 2018, date du remboursement intégral du prêt,
Y ajoutant,
Condamne la CCM du [Localité 6] aux dépens de l'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de la CCM du [Localité 6] que de M. [K] [S] et Mme [I] [D], épouse [S].
La Greffière :la Présidente :