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05/10/2022 | FRANCE | N°20/03161

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 05 octobre 2022, 20/03161


MINUTE N° 476/22

























Copie exécutoire à



- Me Thierry CAHN



Le 05.10.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 05 Octobre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/03161 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNO2



Décision déférée à la Cour : 05 Octobre 2020 par le

Tribunal judiciaire de MULHOUSE - Chambre commerciale



APPELANTE :



S.A. CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE GRAND EST EUROPE, venant aux droits de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'ALSACE

prise en la personne de son représentant lé...

MINUTE N° 476/22

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

Le 05.10.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 05 Octobre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/03161 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNO2

Décision déférée à la Cour : 05 Octobre 2020 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE - Chambre commerciale

APPELANTE :

S.A. CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE GRAND EST EUROPE, venant aux droits de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'ALSACE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

INTIMES :

Monsieur [G] [M]

[Adresse 6]

non représenté, assigné en l'étude d'huissier le 28.01.2021

S.E.L.À.R.L. [I] & [N] prise en la personne de Maître [X] [N], mandataire judiciaire de Monsieur [G] [M]

[Adresse 7]

non représentée, assignée par voie d'huissier à personne habilitée le 28.01.2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

M. FREY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- rendu par défaut

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'acte introductif d'instance, déposé le 30 août 2018 et délivré le 19 septembre 2018, par lequel la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe, venant aux droits de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance d'Alsace, ci-après également dénommée 'la Caisse d'Épargne' ou 'la banque' a fait citer M. [G] [M] devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Mulhouse (procédure n° RG 18/775),

Vu l'acte introductif d'instance déposé le 24 septembre 2019 et délivré le 10 octobre 2019 par lequel la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe, venant aux droits de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance d'Alsace, a fait citer en intervention forcée la SELARL [I] & [N], ès qualités de mandataire judiciaire de M. [M], en redressement judiciaire, devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Mulhouse (procédure n° RG 19/984),

Vu le jugement rendu le 5 octobre 2020, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- ordonné la jonction de la procédure enrôlée sous le numéro RG 18/775 et de la procédure enrôlée sous le numéro RG 19/984, sous le numéro RG unique 19/984,

- constaté le caractère disproportionné des engagements de caution de M. [G] [M] souscrits les 27 février et 11 août 2017, à l'égard de la SA Caisse d'Épargne de Prévoyance d'Alsace aux droits de laquelle vient la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe,

- dit les contrats de cautionnement inopposables à M. [G] [M],

- débouté la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe de ses demandes,

- débouté la SELARL [I] & [N] ès qualités de mandataire judiciaire de M. [G] [M] de sa demande reconventionnelle,

- dit n'y avoir lieu à appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse d'Épargne aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.

Vu la déclaration d'appel formée par la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe contre ce jugement, et déposée le 28 octobre 2020,

Vu l'assignation délivrée à M. [G] [M] par dépôt en l'étude de l'huissier, en date du 28 janvier 2021, et l'assignation délivrée le même jour à la SELARL [I] & [N], ès qualités, par remise à personne habilitée,

Vu les dernières conclusions en date du 26 janvier 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, et par lesquelles la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe demande à la cour de :

'RECEVOIR l'appel et le dire bien-fondé ;

REJETER toutes les demandes, fins et conclusions de Monsieur [M] ;

Y faisant droit :

INFIRMER le jugement en ce qu'il a considéré que les deux engagements de caution souscrits par Monsieur [M] sont manifestement disproportionnés à ses biens et revenus, et a dit [ce] que ceux-ci lui sont inopposables ;

INFIRMER le jugement en ce qu'il n'a pas fixé les créances de la CAISSE D'EPARGNE au passif du redressement judiciaire de Monsieur [M] aux sommes suivantes :

- 49.692,25 € à titre chirographaire

- 13.596,50 € à titre privilégié à raison de l'hypothèque judiciaire provisoire garantissant cette créance inscrite sur les immeubles de Monsieur [M]

- 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les frais et dépens

CONFIRMER le jugement pour le surplus ;

En tout état de cause :

CONDAMNER Monsieur [M] d'avoir à payer la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour la présente procédure, outre les entiers frais et dépens.'

et ce, en invoquant, notamment :

- la satisfaction de la concluante à son obligation d'information et à son devoir de mise en garde, qui ne concerne que M. [M] en tant que caution, en confirmation du jugement entrepris, dès lors que M. [M] aurait contribué à sa propre perte en s'abstenant de lire ce qu'il signait, et en l'absence de risque manifeste,

- l'absence de disproportion manifeste des engagements de M. [M] au regard de sa situation financière et patrimoniale, telle qu'elle résulte de la fiche patrimoniale renseignée par la caution en date du 23 novembre 2016, même en tenant compte de l'endettement global de la caution, M. [M] se voyant reprocher soit de tenter de minorer volontairement ses revenus pour se défausser de ses responsabilités, soit d'avoir sciemment rempli de manière inexacte la fiche patrimoniale,

- l'absence de violation du devoir d'information annuel de la caution, auquel il aurait été satisfait par les écritures de la concluante durant l'année 2019,

- le bénéfice, de fait, d'un délai de paiement supérieur au délai légal, par M. [M].

Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 septembre 2021,

Vu les débats à l'audience du 5 janvier 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Les intimées ne comparaissant pas, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, il est statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 954 du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement, ce qui vaut, en l'espèce, en particulier s'agissant du moyen tiré de la nullité de l'acte de cautionnement en raison du défaut d'information de la banque, qui a été écarté par le premier juge, ainsi que pour le moyen tiré de l'absence de mise en garde de M. [M] lors de son engagement, et au titre duquel la SELARL [I] & [N] sollicitait à titre reconventionnel une indemnisation, demande dont elle a été déboutée, M. [M] et la SELARL [I] & [N] ès qualités étant, en revanche, réputés approuver les motifs du jugement entrepris en ce qu'il a retenu le moyen tiré de la disproportion manifeste des engagements de caution souscrits par M. [M].

À ce titre, la cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Pour l'application de ces dispositions, il appartient à la caution de justifier qu'au jour de sa conclusion, son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Si tel est le cas, c'est en revanche à la banque d'apporter la démonstration qu'au jour où elle a appelé la caution, son patrimoine lui permettait de faire face à son obligation, à défaut de quoi elle ne pourra se prévaloir de l'engagement de caution.

En l'espèce, il convient de rappeler que M. [M] a souscrit, tout d'abord, un engagement de caution de 72 000 euros en garantie d'un prêt professionnel consenti, en date du 27 février 2017, à la SARL Aux Caves du Vieux Couvent, d'un montant initial de 108 000 euros, avant de s'engager à nouveau dans la limité de 19 500 euros en qualité de caution d'un second prêt d'un montant initial de 15 000 euros, consenti à la même société, en date du 11 août 2017.

Le premier juge a retenu que M. [M] justifiait de la disproportion manifeste de ses engagements au jour de leur conclusion, en relevant que 'la Caisse d'Epargne verse aux débats une fiche patrimoniale en date du 23 novembre 2016 et monsieur [M], représenté par la SELARL [I] & [N] justifie de ses ressources au moment de la souscription de ses engagements, soit en février et août 2017 en produisant son avis d'imposition sur les revenus 2017. Il ressort de l'analyse de ces documents que Monsieur [M] percevait en 2017, soit au moment de son engagement, un revenu mensuel de 1 308 euros ; qu'il avait souscrit des emprunts dont les échéances mensuelles étaient de l'ordre de 1 191 euros. Ainsi, au moment de son engagement, les éléments du passif de Monsieur [M] s'élevaient à la somme totale de 70 200 euros et le montant cumulé des échéances des prêts dont celui pour lequel il s'était engagé en qualité de caution était égal a la somme de 2 602,93 euros, soit presque le double de ses revenus.

De plus, au moment du second engagement et avec celui-ci, les éléments du passif de Monsieur [M] s'élevaient à la somme totale de 89 700 euros et le montant cumulé des échéances des prêts dont ceux pour lesquels il s'était engagé en qualité de caution était égal à la somme de 2 870,44 euros, soit plus du double de ses revenus.'

La banque entend contester cette appréciation, en objectant, sur la foi d'une fiche patrimoniale remplie par M. [M] et certifiée sincère et exacte en date du 23 novembre 2016, que le patrimoine net de la caution s'élèverait à 92 072 euros, montant supérieur à celui de ses engagements.

Sur ce, la cour observe qu'au vu des éléments dont elle dispose, à savoir la fiche précitée en date du 23 novembre 2016, il apparaît que M. [M], divorcé (mention 'D') et sans charge de famille mentionnée, déclare percevoir, en qualité de chef de cuisine avec une ancienneté de 13 ans chez Migros, un revenu de 47 304 euros, dont il n'est pas contesté qu'il s'agit d'un montant annuel, correspondant donc à 3 942 euros mensuels, et qu'il assume la charge d'échéances annuelles de deux prêts, pour un montant de 10 200 euros finançant l'acquisition de sa résidence principale, s'agissant d'un prêt d'un montant initial de 185 000 euros dont le capital restant dû était de 180 740 euros, et pour un montant de 4 092 euros s'agissant d'un autre prêt souscrit, comme le premier, auprès du Crédit Mutuel, le montant de ses 'autres charges fixes' étant évalué à 4 200 euros, à comprendre également comme un montant annuel.

Au titre de son patrimoine immobilier, M. [M] déclare un bien acquis en 2009 pour 193 000 euros et d'une valeur vénale de 230 000 euros, soit une valeur nette de 49 260 euros après déduction des charges du prêt, lequel est garanti par une caution. S'y ajoutent 20 000 euros disponibles en comptes et titres, soit un patrimoine net total de 69 260 euros.

Au vu de ces éléments, M. [M] ou son mandataire judiciaire, sur lequel pèse la charge de la preuve, ne comparaissant pas à hauteur de cour et n'apportant donc aucune pièce complémentaire ou contradictoire, étant encore précisé qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte, pour l'appréciation de la disproportion manifeste du cautionnement, le montant des échéances des prêts au titre desquels la caution s'était engagée, il convient, en infirmation du jugement entrepris, de retenir que la caution ne peut pas être déchargée tant de son premier que de son second engagement en application du texte précité.

En conséquence, au vu des éléments versés aux débats par la banque pour justifier de sa créance, en l'espèce les contrats de prêt accompagnés des tableaux d'amortissement, les engagements de caution, et les déclarations de créance au passif de M. [M] en date des 17 juillet 2018 et 10 septembre 2019, outre le certificat d'inscription d'hypothèque provisoire, et en l'absence de contestation tant du principe que du montant de la créance à hauteur de cour, il convient de fixer au passif du redressement judiciaire de M. [M] les sommes de 49.692,25 euros à titre chirographaire et 13.596,50 euros à titre privilégié à raison de l'hypothèque judiciaire provisoire garantissant cette créance inscrite sur les immeubles de M. [M].

M. [M] succombant pour l'essentiel, son mandataire ès qualités sera tenu des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, sans cependant qu'il n'y ait lieu à remettre en cause le jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre des intimés, le jugement entrepris devant également être confirmé sur ce point.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 5 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Mulhouse, chambre commerciale en ce qu'il a :

- constaté le caractère disproportionné des engagements de caution de M. [G] [M] souscrits les 27 février et 11 août 2017, à l'égard de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Alsace aux droits de laquelle vient la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe,

- dit les contrats de cautionnement inopposables à M. [G] [M],

- débouté la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe de ses demandes,

Et statuant à nouveau de ces chefs de demande,

Déclare les engagements de caution de M. [G] [M] souscrits les 27 février et 11 août 2017 à l'égard de la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Alsace aux droits de laquelle vient la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe non atteints par la disproportion.

Fixe la créance la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe au passif du redressement judiciaire de M. [G] [M] aux sommes de :

- 49 692,25 euros à titre chirographaire,

- 13 596,50 euros à titre privilégié, en vertu de l'hypothèque provisoire sur les droits et biens immobiliers appartenant à M. [G] [M], sis à [Localité 9] cadastrés section [Cadastre 8] n° [Cadastre 3]/[Cadastre 1] et n° [Cadastre 4]/[Cadastre 2],

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la SELARL [I] & [N], ès qualités de mandataire judiciaire de M. [G] [M], aux dépens de l'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/03161
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;20.03161 ?
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