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05/10/2022 | FRANCE | N°20/02533

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 05 octobre 2022, 20/02533


MINUTE N° 475/22

























Copie exécutoire à



- Me Christine BOUDET



- Me Stéphanie ROTH



Le 05.10.2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 05 Octobre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/02533 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HMNB



Décisions défé

rées à la Cour :

05 Octobre 2018 par le Tribunal de grande instance de STRASBOURG - chambre commerciale

10 Juillet 2020 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - chambre commerciale



APPELANTE :



S.A.S. GRENKE LOCATION

prise en la personne de...

MINUTE N° 475/22

Copie exécutoire à

- Me Christine BOUDET

- Me Stéphanie ROTH

Le 05.10.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 05 Octobre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 20/02533 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HMNB

Décisions déférées à la Cour :

05 Octobre 2018 par le Tribunal de grande instance de STRASBOURG - chambre commerciale

10 Juillet 2020 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - chambre commerciale

APPELANTE :

S.A.S. GRENKE LOCATION

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la Cour

INTIMEE :

Madame [B] [T] épouse [F]

exploitant sous l'enseigne 'HOTEL MONASTIR'

[Adresse 2]

Représentée par Me Stéphanie ROTH, avocat à la Cour

INTIMEE :

(intimée dans le dossier RG N° 1A 20/02534 joint)

Société VISUALKOM

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

non représentée, assignée en l'étude d'huissier le 04.12.2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

M. FREY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- rendu par défaut

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'assignation délivrée le 15 novembre 2016 par laquelle la SAS Grenke Location, ci-après également dénommée 'Grenke', a fait citer Mme [B] [T], épouse [F] devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Strasbourg,

Vu le jugement rendu le 5 octobre 2018, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal de grande instance de Strasbourg a :

- constaté l'extinction par voie de novation du contrat de location financière en date du 20 août 2012,

- condamné la société Grenke Location au paiement de la somme de 1 080 euros en restitution de loyers indus,

Avant dire droit pour le surplus :

- invité Mme [T] à mettre en cause le liquidateur de la société Visualkom.

Vu la déclaration d'appel formée par la SAS Grenke Location contre ce jugement, et déposée le 2 septembre 2020 (procédure n° RG 20/2533),

Vu la constitution d'intimée de Mme [B] [T], épouse [F] en date du 25 novembre 2020,

Vu le jugement rendu le 10 juillet 2020, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- dit et jugé que le contrat de location financière en date du 12 mai 2014 était interdépendant avec le contrat de maintenance signé entre la société Visualkom et Mme [T] exploitant sous l'enseigne 'Hôtel Monastir', en date du 22 avril 2014,

- constaté la résiliation du contrat de maintenance et dit que cette résiliation entraînait la caducité du contrat de location financière conclu avec la société Grenke Location le 13 mai 2014,

- débouté la société Grenke Location de ses demandes en paiement,

- l'a condamnée à payer à Mme [T] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel formée par la SAS Grenke Location contre ce jugement et déposée le 2 septembre 2020 (procédure n° RG 20/2534),

Vu la constitution d'intimée de Mme [B] [T], épouse [F] en date du 1er décembre 2020,

Vu l'assignation délivrée le 4 décembre 2020 par la SAS Grenke Location à la société Visualkom, prise en la personne de son représentant légal, par dépôt en l'étude de l'huissier de justice,

Vu l'ordonnance en date du 8 mars 2021 par laquelle le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction des instances n° RG 20/2533 et 20/2534,

Vu les dernières conclusions en date du 17 juin 2021 (n° RG 20/2533), auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS Grenke Location demande à la cour de :

'1/ SUR L'APPEL PRINCIPAL

DECLARER l'appel bien fondé,

En conséquence,

INFIRMER la décision entreprise

Statuant à nouveau,

DIRE et JUGER que le contrat de location du 20/08/2012 a perduré après la signature du contrat de location du 12/05/2014,

CONSTATER que le contrat du 20/08/2012 ne s'est pas éteint par voie de novation,

CONSTATER que Madame [T] est tenue à l'égard de la société GRENKE LOCATION

tant au titre du contrat du 20/12/2012 que celui du 13/08/2014.

DIRE et JUGER qu'il n'y a pas interdépendance des contrats,

En conséquence,

DIRE n'y avoir lieu à prononcer la caducité des contrats de location financière conclus avec la société GRENKE LOCATION en date du 12/05/2014 et du 20/08/2012,

En conséquence,

CONDAMNER Madame [T] au paiement d'une somme de 15.469,20 € avec les intérêts au taux légal à compter du 02/11/2015, au titre des contrats de location du 2/08/2012 et 13/08/2014,

CONDAMNER Madame [B] [T] à payer à la société GRENKE LOCATION la somme de 1.200 € à titre de dommages et intérêts avec les intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir,

LA DEBOUTER de l'ensemble de ses fins moyens et conclusions

CONDAMNER Madame [T] à payer à la société GRENKE LOCATION la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du CPC,

La CONDAMNER aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.'

et ce, en invoquant, notamment :

- l'absence de novation du contrat de location financière, laquelle ne peut se présumer et ne résulte pas des termes du second contrat, et en particulier du seul changement d'obligation à défaut d'intention des parties d'éteindre l'obligation ancienne, d'autant plus que Mme [T] aurait rajouté du matériel à celui qui était préalablement loué, l'étude du montant des loyers démontrant, par ailleurs, à elle seule qu'il n'y aurait pas eu de novation,

- l'absence de caducité du contrat de location, dont la concluante aurait, à bon droit, opéré la résiliation anticipée en application des stipulations contractuelles, après avoir elle-même respecté ses obligations contractuelles, lui donnant droit au bénéfice d'indemnités de résiliation, en l'absence d'interdépendance des contrats, la concluante n'étant pas partie aux contrats de maintenance, n'en ayant pas pris connaissance, n'intervenant pas dans l'exécution

des prestations ni n'en garantissant l'exécution, d'autant que, Mme [T] n'ayant pas mis en cause le fournisseur avant d'y être invitée par le premier juge, cette mise en cause, postérieure à la résiliation du contrat par la concluante, ne saurait produire un quelconque effet dans le cadre des relations entre la concluante et Mme [T], laquelle n'établirait, en outre, pas l'antériorité de la résiliation du contrat de maintenance par rapport à celle du contrat de location, pas davantage qu'elle n'apporterait la preuve du contenu de ce contrat permettant d'établir une interdépendance, ni la preuve des manquements de la société Visualkom, les deux contrats reposant, en tout état de cause, sur deux obligations de nature différente s'appuyant sur deux causes dissemblables, rien n'empêchant également Mme [T] de faire appel à un autre prestataire de service afin d'assurer la maintenance.

Vu les dernières conclusions en date du 26 février 2021 (n° RG 20/2533), auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles Mme [J] [T], épouse [F], demande à la cour de :

'- DECLARER l'appel de la SAS GRENKE LOCATION mal fondé ;

- LE REJETER ;

- DEBOUTER la SAS GRENKE LOCATION de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Madame [B] [T] épouse [F] ;

- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du 5 octobre 2018,

- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du 10 juillet 2020,

- CONDAMNER la Société GRENKE LOCATION au paiement d'une somme complémentaire de 4.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER la SAS GRENKE LOCATION aux dépens de première instance et d'appel.'

et ce, en invoquant, notamment :

- la novation du contrat de location, à défaut, comme retenu par le premier juge, de conciliation possible entre les deux contrats successivement souscrits, le matériel objet du premier contrat étant repris dans le second, la volonté commune des parties de nover étant également corroborée par le montant des loyers,

- l'interdépendance des contrats de location et de maintenance, telle que retenue par le tribunal en application d'une jurisprudence bien connue du professionnel de la location financière qu'est la société Grenke Location, qui ne pouvait se réfugier derrière les conditions générales de son contrat pour se désintéresser du dysfonctionnement du matériel, toutes clauses contraires avec l'interdépendance étant non écrites, et après mise en cause de la société Visualkom qui n'a pas comparu, l'exception d'inexécution étant opposable au bailleur et le contrat de maintenance étant donc valablement résilié au 18 novembre 2015, cette résiliation entraînant la caducité par voie de conséquence du contrat de location financière.

Vu les dernières conclusions en date du 27 novembre 2020 (n° RG 20/2534), auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS Grenke Location demande à la cour de :

'1/ SUR L'APPEL PRINCIPAL

DECLARER l'appel bien fondé,

En conséquence,

INFIRMER la décision entreprise

Statuant à nouveau,

DIRE et JUGER que le contrat de location du 20/08/2012 a perduré après la signature du contrat de location du 12/05/2014,

CONSTATER que le contrat du 20/08/2012 ne s'est pas éteint par voie de novation,

CONSTATER que Madame [T] est tenue à l'égard de la société GRENKE LOCATION tant au titre du contrat du 20/12/2012 que celui du 13/08/2014.

DIRE et JUGER qu'il n'y a pas interdépendance des contrats,

En conséquence,

DIRE n'y avoir lieu à prononcer la caducité des contrats de location financière conclus avec la société GRENKE LOCATION en date du 12/05/2014 et du 20/08/2012,

En conséquence,

CONDAMNER Madame [T] au paiement d'une somme de 15.469,20 € avec les intérêts au taux légal à compter du 02/11/2015, au titre des contrats de location du 2/08/2012 et 13/08/2014,

CONDAMNER Madame [B] [T] à payer à la société GRENKE LOCATION la somme de 1.200 € à titre de dommages et intérêts avec les intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir,

CONDAMNER Madame [T] à payer à la société GRENKE LOCATION la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du CPC,

La CONDAMNER aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.'

et ce, en invoquant des motifs substantiellement identiques à ceux développés dans ses conclusions précitées, sous réserve de précisions apportées dans ces dernières, notamment quant à la différence de nature des obligations en cause et à la dissemblance des causes des contrats de location et de maintenance.

Vu les dernières conclusions en date du 26 février 2021 (n° RG 20/2534), auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles Mme [J] [T], épouse [F], demande à la cour de :

'- DECLARER l'appel de la SAS GRENKE LOCATION mal fondé ;

- LE REJETER ;

- DEBOUTER la SAS GRENKE LOCATION de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Madame [B] [T] épouse [F] ;

- ORDONNER la jonction des procédures 20/02534 et 20/02533,

- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du 5 octobre 2018,

- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du 10 juillet 2020,

- CONDAMNER la Société GRENKE LOCATION au paiement d'une somme complémentaire de 4.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER la SAS GRENKE LOCATION aux dépens de première instance et d'appel.'

et ce, en invoquant des motifs substantiellement identiques à ceux développés dans ses conclusions précitées.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 8 décembre 2021,

Vu les débats à l'audience du 12 janvier 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Au préalable, la cour rappelle que :

- aux termes de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion,

- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à 'dire et juger' ou 'constater', en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.

Sur la novation du contrat et la demande de Mme [F] en restitution de loyers :

Il ressort des écritures des parties et des éléments versés aux débats que les parties ont conclu un contrat de location financière signé le 1er août 2012 par le preneur et accepté le 20 août 2012 par la bailleresse portant sur la location de matériel désigné comme suit : 4 dômes 'IR 700 TVL', 1 'DVR 4CH' et 1 écran 'TFT', moyennant le règlement de 60 loyers mensuels d'un montant de 193,75 euros toutes taxes comprises (TTC), outre une redevance au titre du contrat de maintenance du fournisseur, la société Visualkom, pour un montant de 21,53 euros TTC. Une confirmation de livraison a été signée le 11 août 2012 et le matériel a été facturé à Grenke le 20 août 2012, à hauteur de 4 134,12 euros pour les 4 dômes, 3 034,14 euros pour le DVR et 1 100 euros pour l'écran, soit un total de 8 268,26 euros HT correspondant à 9 888,64 euros TTC.

Un autre contrat de location financière a été conclu entre les mêmes parties, en date du 12 mai 2014 portant sur 10 caméras 'dôme 700 TVL', 1 'DVR enregistreur' 16 CH, et un écran LED 22 pouces, moyennant le règlement de 63 loyers de 280,80 euros TTC, outre une redevance de maintenance d'un montant de 149 euros due au fournisseur, également la société Visualkom. Une confirmation de livraison a été signée le même jour portant sur le même matériel que mentionné dans le contrat, et le matériel, à tout le moins 6 caméras et

1 DVR, a été facturé à Grenke le 9 mai 2014, pour un montant TTC de 13 327,01 euros ou 11 105,84 euros HT se décomposant en 9 000 euros pour les 6 caméras et 2 105,84 euros pour le DVR.

Mme [T], épouse [F], qui expose avoir signé sans difficulté, en 2014, un nouveau procès-verbal de réception conforme puisque '6 caméras' déjà en place étaient bien mentionnées comme déjà installées, affirme que les sociétés Grenke Location et Visualkom se seraient abstenues de procéder aux formalités de résiliation du premier contrat, le second contrat incluant le matériel déjà in situ et se substituant ainsi au contrat initial, caractérisant ainsi, selon elle, une volonté commune de novation des parties, qui ressortirait également du montant des loyers, lequel non seulement serait plus important pour l'ensemble du système, mais il courrait également sur une nouvelle durée de 63 mois ce qui correspondrait à l'économie du contrat, sauf à louer deux fois les caméras maintenues, ce que Grenke, qui ne pourrait prétendre s'être mépris et n'avoir pas examiné les deux contrats, n'expliquerait pas.

La société Grenke Location entend objecter que la partie adverse ne démontrerait pas la novation, qui ne se présume pas, et qui ne résulterait clairement d'aucune des clauses du second contrat, pas davantage que du procès-verbal de réception, la contestation adverse sur le matériel réceptionné constituant, d'ailleurs, selon elle, une faute sanctionnée par les conditions générales du contrat.

Elle ajoute quel'étude du montant des loyers démontrerait à lui seul que le nouveau contrat de location ne pouvait être la novation du contrat ancien.

Sur ce, la cour rappelle qu'aux termes de l'article 1271 du code civil, dans sa version applicable à la cause, la novation s'opère, notamment, lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte.

En application de l'article 1273 du même code, la novation ne se présume pas et la volonté de l'opérer doit résulter clairement, c'est-à-dire sans équivoque, des faits et actes intervenus entre les parties, fût-ce de manière non formelle, et dans les faits de la cause si elle n'est pas exprimée dans l'acte, dès lors qu'elle est certaine.

En l'espèce, si tant le contrat de location financière que le procès-verbal de confirmation de livraison, tous deux en date du 12 mai 2014, désignent bien, comme rappelé ci-dessus, 10 caméras, 1 enregistreur et 1 écran, ce sont 6 caméras et 1 enregistreur qui ont été facturés à Grenke le 9 mai 2014 par Visualkom.

Il en résulte qu'il n'a pas pu être procédé, en mai 2014, à l'installation de l'intégralité du matériel visé au second contrat, que Grenke ne détenait pas, ce qui implique que ce contrat ne concernait, en réalité, que les 6 caméras et l'enregistreur facturés à Grenke par Visualkom, et se référait, pour le surplus, aux matériels ayant fait l'objet du premier contrat, à savoir 4 et non, comme l'affirme l'intimée, 6 caméras, outre l'écran, à l'exception toutefois du DVR 4 CH, sans, toutefois, qu'il n'apparaisse avec une certitude suffisante que le DVR 16 CH objet du nouveau contrat avait pour vocation de se substituer au DVR 4 CH du premier contrat.

Pour autant, il ressort de l'analyse des obligations respectives des parties, et en particulier du montant des loyers dus par Mme [F] au regard du montant facturé à Grenke par Visualkom, que le rapport entre les loyers mentionnés dans le contrat de location financière du 12 mai 2014 et le montant facturé à Grenke le 9 mai 2014, est du même ordre que celui entre les loyers mentionnés dans le contrat du 20 août 2012 et le montant facturé le même jour à Grenke.

Dans ces conditions, aucune volonté non équivoque de novation des parties n'apparaît caractérisée, de sorte qu'il convient, en infirmation du jugement entrepris de ce chef, de débouter Mme [T], épouse [F], de sa demande de restitution de loyers au titre des mois de juin à octobre 2015.

Sur la demande en paiement de la société Grenke Location :

La société Grenke Location, qui estime avoir respecté les obligations contractuelles qui lui étaient imparties, au contraire de Mme [F], qui a cessé de procéder au règlement des loyers, conteste toute interdépendance des contrats en cause, en l'absence d'intervention du bailleur dans le choix du matériel et au regard des dispositions contractuelles excluant toute responsabilité de sa part en cas de défaillance du fournisseur, avec lequel Mme [F] avait conclu un contrat distinct.

Elle ajoute que, Mme [F] n'ayant pas mis en cause le fournisseur avant d'y être invitée par le premier juge dans sa décision du 5 octobre 2018,elle ne saurait se prévaloir d'une résiliation du contrat de maintenance à l'égard de la concluante, afin d'obtenir la résiliation du contrat de location, outre que le courrier dont elle se prévaut ne ferait pas état de sa volonté de résiliation, qui n'aurait été exprimée que lors de l'instance devant le premier juge, soit postérieurement à la résiliation du contrat par la concluante, les dysfonctionnements allégués n'étant, en outre, pas caractérisés, et Mme [F] ayant eu la possibilité de faire appel à une autre société pour assurer la maintenance du matériel.

Pour sa part, Mme [T], épouse [F] invoque le bénéfice d'une évolution de la jurisprudence concernant l'interdépendance des contrats, dont la partie adverse serait 'parfaitement informée'. Elle entend expliquer avoir été confrontée à un matériel inutilisable et, faute d'avoir obtenu du fournisseur ou du loueur un matériel conforme, avoir procédé, après dénonciation d'un procès-verbal de constat, à la résiliation des contrats en cause, avant de donner instruction à la banque de suspendre les prélèvements.

Elle approuve, en conséquence, le raisonnement adopté par le premier juge.

Ceci rappelé, la cour observe que le premier comme le second contrat de location financière en cause en l'espèce s'est inscrit dans un ensemble de contrats, conclus de manière concomitante, ou à tout le moins dans une très grande proximité dans le temps, constitué par la fourniture d'un matériel par la société Visualkom, et par le financement de ce matériel, selon contrat conclu avec Grenke, acquéreur à cette fin du matériel auprès de Visualkom, qui le lui a facturé, le contrat de location financière incluant également une redevance pour entretien au profit de Visualkom, de sorte que l'exécution de ces contrats était nécessaire à la réalisation d'une opération unique, sans incidence des stipulations contractuelles contraires invoquées par la société Grenke Location qui doivent être regardées comme étant réputées non écrites.

Or, ainsi que le constate la cour, à l'instar du premier juge, Mme [F] a, par courrier adressé à la société Visualkom avec accusé de réception le 18 novembre 2015, procédé à la résiliation du contrat de fourniture et d'entretien passé avec cette société, en invoquant, en substance, la défaillance de la société précitée dans l'exécution de son obligation d'entretien et en indiquant qu'elle rejetait les prélèvements sur ce matériel de location, ce qui constitue sans équivoque une application du principe selon lequel la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle, la résiliation étant, en ce cas, acquise à la date de sa notification et s'imposant au juge, lequel peut seulement sanctionner a posteriori la rupture injustifiée par l'allocation de dommages-intérêts au titre de la responsabilité contractuelle du cocontractant qui en a pris l'initiative.

Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que ce contrat était interdépendant avec le contrat de prestation de services, le constat de la résiliation de ce dernier emportant, par conséquent, la caducité du contrat de location financière, sans qu'il ne puisse, à cet égard, être fait grief à Mme [F] de ne pas avoir mis en cause d'initiative le fournisseur, ce qui n'était, au demeurant, pas indispensable au regard des conditions dans lesquelles elle a procédé à la rupture du contrat de maintenance sans que sa responsabilité ne soit, par ailleurs, recherchée par le fournisseur, du reste désormais appelé en la cause, l'examen du bien-fondé de l'argumentation de l'intimée quant au dysfonctionnement du matériel étant, par conséquent, sans utilité.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris, en date du 10 juillet 2020, en ce qu'il a :

- dit et jugé que le contrat de location financière en date du 12 mai 2014 était interdépendant avec le contrat de maintenance signé entre la société Visualkom et Mme [T] exploitant sous l'enseigne 'Hôtel Monastir', en date du 22 avril 2014,

- constaté la résiliation du contrat de maintenance et dit que cette résiliation entraînait la caducité du contrat de location financière conclu avec la société Grenke Location le 13 mai 2014,

- débouté la société Grenke Location de ses demandes en paiement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société Grenke Location succombant pour l'essentiel sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de la société Grenke Location une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 1 500 euros au profit de Mme [F], épouse [T], tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 5 octobre 2018 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre commerciale en ce qu'il a :

- constaté l'extinction par voie de novation du contrat de location financière en date du 20 août 2012,

- condamné la société Grenke Location au paiement de la somme de 1 080 euros en restitution de loyers indus,

Statuant à nouveau des chefs de la décision infirmés,

Déboute Mme [B] [T], épouse [F] de sa demande en constat de l'extinction par voie de novation du contrat de location financière en date du 20 août 2012, et, par voie de conséquence, de sa demande de restitution de loyers à l'encontre de la SAS Grenke Location,

Confirme le jugement entrepris en date du 5 octobre 2018 pour le surplus,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Strasbourg, chambre commerciale,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Grenke Location aux dépens de l'appel,

Condamne la SAS Grenke Location à payer à Mme [B] [T], épouse [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SAS Grenke Location.

La Greffière :la Présidente :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 1 a
Numéro d'arrêt : 20/02533
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;20.02533 ?
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